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Carolles bourg, CPA collection LPM 1900 | ||||||||||||
Extrait de la Revue de l’Avranchin Organe de la Société Archéologique et Historique d’Avranches 1955 Le Camp Romain
C. DE GERVILLE, qui publia, en, une notice détaillée sur les sept camps romains dont les archéologues ont identifié les traces dans le département de la Manche, en a relevé le plan qu’il accompagne des commentaires suivants : Á peu près au centre de la baie spacieuse comprise entre Granville et la côte de Bretagne, la position est admirable pour un camp destiné à protéger la côte et à empêcher les débarque-ments des Saxons. De ce point on domine une baie immense, on aperçoit une grande étendue de la côte de Bretagne et les îles de Chausey et de Jersey, tandis que, de l’autre côté, l’horizon est à perte de vue sur l’arrondissement d’Avranches.
Le plan montre la force de sa situation entre des coteaux escarpés à l’Est et des falaises inaccessibles à l’Ouest; il indique sa forme et son étendue: une première enceinte (27 verges 35 perches, soit environ 4 hectares) bornée à l’Est et au midi par des remparts et des fossés, et au nord de celle-ci une seconde enceinte (4 verges 32 perches, soit près d’un«hectare), mieux fortifiée que la première.
Vingt ans plus tard, ED. LE HÉRICHER, après avoir remarqué que ce lieu porte le nom significatif de «Les «Chatelliers», nom pluriel qui s’explique par un double camp figurant assez bien un trapèze accolé d’un arc de cercle, un camp principal et un camp de refuge, le décrit en ces termes :
L’enceinte trapézoïde est tracée par le rebord de la falaise abrupte et profonde, rehaussé d’un fossé, et par trois levées de terre couvertes d’ajoncs, empierrées à la base,d’une largeur générale de 4 mètres, d’une hauteur de 2 mètres en dedans et de 3 mètres au dehors, dimensions amoindries telles que les ont faites le temps, la nature et l’homme. Le côté le plus long, celui de l’Est, mesure environ 250 mètres, les deux autres 200; l’angle aigu du trapèze se forme, au Sud, à la pointe où se trouve le corps de garde de Saint-Michel (c’est-à-dire la «Cabane Vauban».
On reconnaît encore l’emplacement «de deux portes ».
Au point de vue militaire, la position est admirable, et il est peu d’observatoires aussi heureusement situés... Mais quel est le peuple qui a élevé ces lignes ? Sans doute les Romains, et le nom des «Chatelliers» atteste leur établissement dans cette position. Ensuite, les mêmes raisons, et en outre l’avantage d’un camp tout fait, amenèrent les Saxons, puis les Normands, dans ce poste retranché qui convenait à tous leurs intérêts.
Dans l’espoir de découvertes qui auraient confirmé les hypothèses des archéologues, la Commission de Topographie des Gaules chargea LE HÉRICHER de faire des fouilles en cet endroit en 1862. Préparées avec le concours précieux et empressé de M. POTTIER, ancien maire de Carolles, et de son fils, les fouilles ont été faites au centre du camp et en divers points intérieurs du pourtour. Une vingtaine de tranchées ont été creusées; elles n’ont donné aucun résultat.
Cette complète improductivité des fouilles conduit à douter de l’exactitude d’une assertion de l’abbé J.-J. DESROCHES, qui prétend que vers 1830, on y trouva une grande quantité de pièces d’argent, trouvaille que LE HÉRICHER n’aurait pas manqué de citer dans son premier ouvrage écrit sept ans après le dit abbé.
La présomption de l’origine romaine de ce camp repose donc essentiellement sur des constatations d’ordre toponymique: le nom des «Chatelliers», d’origine latine qu’on retrouve en maints endroits où furent des camps romains et le fait que, dans le voisinage se trouvent des lieux-dits dénommés: «Le Trait de Néron», «Le Clos de Néron», etc.
La preuve de l’occupation romaine sur la côte de l’Avranchin a été fournie en 1912 lorsqu’à la suite d’une grande marée ayant provoqué un éboulement de la falaise près de Saint-Jean-le-Thomas, on trouva des centaines de pièces ou médailles romaines, en argent ou en bronze, datant du IIIème siècle. En 1953, le brigadier des douanes LEMARCHAND trouva dans le sable sur la plage de Carolles, au pied du «Pignon Butor», une monnaie à l’effigie de Justinien frappée à Constantinople en 539.
LE HÉRICHER précisa en 1967 que des restes de fossés au centre du grand camp, indiquent l’emplacement du «Proeterium de ce Castellum», et Charles LE BRETON situe l’entrée présumée du camp au Sud, non loin de l’endroit où se dresse maintenant la «Cabane Vauban» . | ||||||||||||
Le Vicomte DE POTICHE, dans son grand ouvrage sur la baie du Mont Saint-Michel, qualifie ce camp du nom de «Camp des Césars» et cite l’opinion de SARLIN d’après lequel l’établissement de ces retranchements sur cette hauteur prouverait l’existence de la mer à ses pieds dès l’occupation romaine... en raison de la trouvaille dans le camp de nombreuses coquilles marines qui indiquent une alimentation facile et à la portée du soldat.
À l’époque présente, il est fort malaisé pour les promeneurs non avertis de reconnaître le tracé des levées de terre constituant les limites des camps des «Chatelliers», car la végétation principalement des ajoncs fort touffus a recouvert la plus grande partie de ces «fossés» et des terrains sis à l’intérieur et à l’extérieur d’iceux, tandis que les levées de terre ont continué à se dégrader et à s’amoindrir par l’effet des intempéries et, en certains endroits, par le percement de chemins d’exploitation d’une partie de ces terrains. Cependant, en s’aidant du plan dressé il y s cent vingt cinq ans par C. DE GERVILLE, on peut se rendre compte du tracé des principales limites, notamment au Sud et à l’Est.
Ce camp romain continue à retenir l’attention des archéologues: en 1938, l’érudit E.-M. WHEELER, vice-président de la Société des Antiquaires de Londres, vint le visiter en compagnie d’archéologues locaux |
Carolles camp romain du Chastelier | |||||||||||