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Avranchin monumental et historique, Volume 2 Par Edouard Le Hericher 1845
Située sur le flanc du bassin de la Sélune, cette commune est limitée au sud et à l'est par le Lait-Bouilli, à l'ouest par le ruisseau de la Porte, et au nord en grande partie par la route d'Avranches à Mortain. On remarque sur sa surface les étangs de la Grimaudière.
Saint-Loup . Il y a eu deux saints Loup, l'un évêque de Lyon, et l'autre évêque de Troyes. Il est probable que l'église de cette paroisse est sous le nom du dernier, et parce qu'il est le plus célèbre, et parce qu'il est le plus rapproché par son siége et par sa ville natale, Toul, alors dans la Gaule Belgique.
Une femme qui a un nom parmi les poétesses de son pays, une femme artiste et archéologue, qui a visité et décrit notre localité avec affection et avec goût, miss Costello nous a laissé une élégante description du site et de l'église de Saint-Loup , et le dessin de cet oratoire forme une des plus jolies illustrations de son riche ouvrage. Ce fragment sera pour ce chapitre une heureuse introduction : « Quoique Avranches elle-même soit privée d'antiquités, on peut en trouver un assez grand nombre dans son voisinage pour intéresser l'antiquaire le plus zélé, et les promenades et les sentiers d'alentour sont si variés, que l'on peut chercher chaque jour quelque nouvel objet attrayant, et toutes les peines sont payées par le plaisir de cette recherche. Une des plus jolies promenades est le village retiré de Saint-Loup, village véritablement élégant et propre, et différent de la plupart de ceux qu'on peut trouver en France. Il est très-petit, consistant seulement en quelques maisons qui entourent un cimetière élevé; les jardins sont proprement tenus, les habitans sont polis, sans être curieux ni importuns. Là il n'y a ni bruit, ni confusion ;tout est solitaire, tranquille, et rien ne vient vous y troubler. Un magnifique sapin se développe près des marches de ce qui était autrefois une croix de pierre sculptée; et un antique portail tapissé de lierre, du côté opposé de la route, montre les derniers restes d'une maison religieuse qui sans doute se cachait jadis dans ua lieu si bien approprié à sa destination. L'architecture est du normand primitif : une des portes est légèrement ornée d'un travail à chevrons, l'autre est unie, mais les arcades circulaires de toutes deux sont supportées par des piliers dont les chapiteaux sont des têtes sculptées : le môme ornement est répété le long de la ligne des modillons , sous la corniche extérieure. Les têtes sont toutes assez remarquables, et quelques-unes d'elles sont extrêmement aiguës. Les fenêtres sont de l'ogive primitive ou du style de transition. En somme, cette jolie église est un précieux échantillon , et il est à regretter que M. Gally-Knight, qui visita chaque réduit et chaque coin qu'il put découvrir, durant son délicieux Tour2, ait omis (!e voir Saint-Loup, lorsqu'il passa à Avranches. »
Comme cette analyse architectonique n'est ni complète ni irréprochable, nous la reprendrons en entier.
L'antique église de Saint-Loup, posée sur un cimetière élevé qui ressemble a un tertre artificiel ou motte, se cache dans un pli d'un des coteaux de la Sélune. Un bel if abrite son portail, dont il est sans doute le contemporain. Une croix presque ronde s'élève sur une base où un trou vide atteste l'absence d'une autre croix. Cette double croix, sur une seule base, disposition fort remarquable, se retrouve sur plusieurs autres points de la localité. L'église appartient au roman secondaire, c'est-à-dire au XIeme siècle. Le portail, la porte latérale, l'abside, la tour et les contreforts de la nef, sont les membres restés de cette époque. Le portail se compose de deux archivoltes et de deux colonnettes entaillées de zigzags peu prononcés. Les chapiteaux sont ornés de reliefs indécis, dont le plus caractérisé est une espèce de crosse géminée. Audessus du cintre est une fenestrelle ogivale. La porte latérale, plus basse et plus étroite que le portail, reproduit le même type : mais des têtes humaines sont taillées dans ses chapiteaux. L'abside, gracieusement arrondie, n'offre de remarquable que ses modillons variés, qui représentent généralement la tête humaine et la tête animale, tantôt . simple, tantôt géminée. Un d'eux rappelle une grossière cariatide, c'est une des images affectionnées du Moyen-Age, une forme humaine pliée, avec des mains appuyées sur les genoux: un autre représente une croix'. Des fenêtres trilobées, assez modernes , ont été encastrées dans les murs du chœur, entre les pieds-droits. La plus jolie partie de l'édifice est la tour qui est posée sur le centre. Massive et carrée, ehe est revêtue de pierres de moyen appareil, et tapissée de ce lichen blanc, vêtement des anciens monumens, dur comme la pierre elle-même, et, selon un homme de science et d'imagination2, transition entre le minéral et le végétal, comme le zoophyte est le lien entre la plante et l'animal. Les lichens sont la peinture, nuancée par la lumière, des vieux édifices et des ruines3. Les ouïes géminées de la tour
reproduisent le type des deux portes romanes, et les retraits de leur voussure révèlent à l'œil la profondeur du mur qu'elles pénètrent. Au-dessus et au-dessous des baies du nord et du sud sont des ouïes géminées, postiches, à une archivolte. Sur la face du sud l'appareil a été disposé en losange, en forme réticulée (reticulatum opus), disposition peu commune dans notre pays'. Sous la corniche de la flèche, pyramide hexagonale, imbriquée d'ardoises, se retrouvent des modillons analogues à ceux de la corniche du chœur. Les parties modernes de cette église sont les côtés de la nef, moins les contreforts, la sacristie et la chapelle latérale, avec leurs six contreforts à deux retraits. Cette malencontreuse maisonnette rectangulaire heurte la rotonde du chœur et détruit l'unité et l'harmonie du joli édifice. Du reste, cette sacristie est peut-être la plus ancienne, dans la localité, des constructions de ce genre, constructions d'ailleurs d'origine toute moderne. On lit sur un de ses contreforts: « S. LOV. M. L. R. 16. IHS. 02. ARTV. M. D.» » En s'appliquant sur la rotonde, cette sacristie a masqué les modillons qui en ornent la corniche, et qu'on retrouve cachés dans l'obscurité sous son toit. L'intérieur, avec ses arcs timides et robustes, ses piliers trapus, sa voûte surbaissée, répond au style de l'extérieur. Mais les regards de l'archéologue et de l'artiste ne trouvent à s'arrêter que sur une délicate filigrane de boiserie flamboyante, et sur le monolithe de la fontaine baptismale , formée de deux cuvettes, l'une grande et octogonale, et l'autre petite et taillée à cinq faces étranglées à leur milieu par une moulure en forme de câble. Derrière un tableau , au-dessus du cintre du transept, on lit: « Cette chai Un spécimen indécis à Saint-Jean-de-la-Haize , et on autre bien accusé à Sainl-Jran-le-Thomas, sont avec celui de Saint-Loup, les seuls types de ce dessin dans l'arrondissement d'Avranches. — » C'est sans doute le nom et l'inscription du maçon. Cette église, considéré econmie monument historique, a reçu un secours de l'État. pelle a été faite par M. Bruault pour le seigneur de la paroisse l'an de grace 1602. » C'était la chapelle de la famille du Quesnoy, qui était la patronne de l'église dans les derniers temps '.
En 1535, le seigneur de Saint-Loup était M. de Camprond, sieur de Saint-Loup et de la Transportière, et qui souscrivit en cette qualité à l'Aveu que Robert Cenalis présenta à François i"2. Au xir siècle, comme on le voit par l'épigraphe, le seigneur et patron était Raoul de Mesnil-Rainfray, qui devait à l'Echiquier de Normandie 20 sous pour la reconnaissance de la présentation à l'église de Saint-Loup. En 1648, l'église de cette paroisse rendait 800 liv.4 En 1698 la cure valait 1,500 liv.; la paroisse avait cinq prêtres, payait 1707 liv. de taille et renfermait 174 taillables.
Le presbytère, près duquel était la grange-dîme, a conservé dans ses murailles reconstruites un vieux cintre. C'est de ce presbytère que l'élection fit sortir, pour en faire l'évêque constitutionnel de Coutanccs, le curé François Bécherel,en 1791. L'église possède un encensoir et un calice envoyés par cet évêque de son siége de Valence. Ce sont les ruines de la grange-dîme que miss Costello a prises pour une ancienne maisou religieuse.
Quelques noms de de cette commune rappellent d'anciens fiefs : le Mesnil-Hou , nom formé de deux mots , l'un roman, l'autre saxon , exprimant l'idée d'habitation, les Vavasscurs , Glaligny , Huchepic , la Grimaudière, le BoisGrimaùlt. Ce dernier nom est , dit-on, celui d'un seigneur faux-monnaycur , traduction légendaire d'un fait plus prosaïque , si l'on en croit M. Manet : « L'on présume , dit-il dans son livre érudil sur la baie du Mont Saint-Michel, qu'en la commune de Saint-Loup, au lieu dit le Bois-Grimault, est une mine de cuivre dont on a fait l'essai il y a quelques années. »
En 1763 , la paroisse de Saint-Loup faisait partie de la sergenterie de Pigace et renfermait 93 feux. |
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Vue méridionale de l'église Saint-Loup GO69 — Travail personnel |
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Église Saint-Loup. CPA collectionLPM 1900 |
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