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Avranchin monumental et historique, Volume 2 Par Edouard Le Hericher 1845
LA forme générale de cette commune est un cône très-allongé, à la base duquel se trouvent l'église et le village. Cette forme est celle de presque toutes les communes limitrophes d'Avranches, qui rayonnent toutes autour de leur centre, et forment une ceinture de clochers autour de la cathédrale. La Broise, cachée sous ses saules et ses guirlandes de houblon, limite cette commune du côté de l'ouest, et afflue à la Sée au Pont-Corbet, la Sée la limite au sud, la rivière de Chavoy avec sa romantique vallée de Neuville au nord-est, la route de la Haye-Pesnel à l’est, et une ligne en zigzag presque idéale au sud-est. De son pont de bois sur la Sée, que M. de Gerville appelle le Gué-al-Réa, jusqu'à son extrémité, il y a environ huit kilomètres. Son sol s’étend en amphithéâtre sur le flanc du bassin de la Sée.
La dénomination actuelle est une altération de la Haie. On n'est pas complètement d'accord sur la signification de ce mot que l’on trouve très-fréquemment dans nos noms topographiques et qui nous vient des Normands : la Haye-du-Puits {Haya Podii), la Haye-Pesnel (Haya Paganclli), la Haye-Comtesse ( Haya Comitessa), l'Orbe-Haye (OrbaHaya), la Haye en Ectot ( Haya de Esquetot ), etc. M- de Gerville voit dans le mot de Haia la signification de bois, et en effet plusieurs bois s'appellent encore Hayes. D'autres croient que ce mot signifie enceinte de pieux et d'arbres: c'est l'opinion de Robert Cenalis et de Daniel Huet. Les deux hypothèses ne sont peut-être pas inconciliables. Il est cent fois question de Haia dans le Domesday Book ; mais il prouve que le Haia ne peut être un bois. On lit passim : « Ibi est ttna Haia inunâmagnâ silvâ. — Un est una Haia in quâ quod potest capere captât. — Silva in quâ sunt quatuor Haiœ. — Tantwnmodà unam Haiam in silvâ faciebant. » Sir Henry Ellis 1 explique ainsi cette expression : « Beast were caught by driving tbem into a bedged or paled part of wood or forest (partie de bois ou de forêt entourée d'un fossé ou garnie de pieux); ibis is tue Haia. » Blackburn interprète Haia par sepes, sepimentum, parcus. On peut conclure de ces sources et de ces autorités, que Haia signifie un fossé planté de pieux ou d'arbres , ou enceinte boisée , et que sa signification s'est complètement conservée dans le mot actuel Haie. Ces enceintes , faites pour les plaisirs de la chasse , étaient très-communes chez les Normands. Les auteurs des Recherches sur le Domesday Book traduisent Haia par le mot courtil*: c'est la môme signification, c'est-à-dire une enceinte boisée. Ce mot très-ancien se trouve dans l'acte célèbre de la comtesse Adèle, épouse du duc Richard
Au bord de la Sée, en face d'une de ses plus profondes sinuosités qui découpe la presqu'île du Gué-al-Ré , près de la .terre de la Grande-Haize, dont quelques champs sont couverts de débris de briques a , s'élève le clocher de Saint-Jean-de-Ia-Haize. L'église, disposée en croix latine, présente trois constructions d'époques différentes. Deux fenestrelles, un portail à cintre en briques et en pierres posées de champ, quelques plaques de maçonnerie en arête de poisson, mêlée de briques reliée avec un ciment saupoudré de briques pulvérisées, appartiennent à l'époque romane. On peut encore rapporter à cette époque le cintre du portail, et une plaque de maçonnerie du côté du nord, qui semble se rapprocher d'une disposition rare, le reticulatum opus La tour f les transepts t le porche et le pignon oriental semblent être contemporains et se rapporter au XVeme siècle. Enfin une partie de la maçonnerie des murs de la nef avec les fenêtres, ainsi que les murs du chœur, sont des reconstructions du XVIIIeme siècle.
Le porche est une ogive obtuse dont le fronton est couronné d'une croisette : à l'intérieur deux sièges en granit sont attachés dans la paroi. Le portail est un cintre roman dont les jambages ont été refaits ; son tympan a été rempli de maçonnerie soutenue par un second arc surbaissé. Au-dessus est une fenêtre ogivale à demi-bouchée. Les fenêtres de la nef datent, celles du sud de 1724, celles du nord de 1737. La côtière du nord porte l'écusson des de Pierre, seigneurs locaux, qui se retrouve sur une des sépultures de la famille. Ces deux côtières furent édifices par un cure de la paroisse, Adrien Gilles, qui fit aussi bâtir le presbytère. Le transept septentrional est percé, dans son pignon, par une fenêtre à divisions prismatiques, deux lancettes portant un quatre-feuilles. Sur la vitre est cette inscription presque effacée : « Guillaume Le Mus, curé, a donné cette vitre. 1606. » Deux jolies piscines creusent ce mur à l'intérieur. La fenêtre orientale a été bouchée et ses meneaux eux-mêmes ont disparu. Les fenêtres du chœur sont ogivales simples, et il n'a d'antique que quelques statuettes, entre autres une de saint Denis, et une de sainte Barbe. Le transept méridional est semblable à son opposé. La tour, posée au centre de la croix, s'appuie sur des pilastres ronds engagés dans les piliers, et les nervures arrondies de la voûte retombent sur des culs-de-lampe. La tour est à deux étages, marqués par un léger retrait , séparés par un cordon. Elle a deux croisées, et son faite conique est bordé d'une balustrade. Les fonts, qui ont une physionomie antique, doivent s'ajouter aux parties primitives: c'est un bloc de granit octogone, amoindri à la base et reposant sur un dé. La croix du cimetière est élégante : l'arbre est rond, avec un seul module primitif, planté dans une base ronde ou se trouve une échancrure destinée à recevoir le livre de l'officiant. Dans l'intérieur on remarque quelques parties de l'ancien pavé, dont les dalles sont hexagonales, et la chaire à l'impériale, faite par un curé de la paroisse, M. Dubois, qui devint Supérieur des missionnaires diocésains, et dont la vie a été écrite 1 . Sous la balustrade de la communion est une tombe consacrée à noble dame Marthe Aubert, épouse de Jean-Baptiste de Pierre, écuyer, décédée en 1690. Auprès est une autre, gravée en gothique, qui porte le nom de Michel Le Pellée. Dans le cimetière se trouve la pierre tombale de Jean Badin, avocat au parement de Paris, né en 1736 et mort en 1811.
En 1648, l'église de Saint-Jean appartenait au chanoine de ce nom et rendait 300 liv. d'après le Fouillé de cette époque; en 1698, d'après la Statistique de M. Foucault, elle valait 800 liv., elle avait deux prêtres. La paroisse payait 1381 livres de taille et renfermait 182 taillables.
Dans cette commune, un peu au-delà du Tertre-de-Neville, le Simplon de notre pays, où la route court dans les flancs de la montagne, le long d'une vallée profonde et murmurante, assombrie par son épaisse foutelaie, est un village dont le nom révèle un campement romain, le Châtellier. Contigu à la commune de Subligny, ce village a semblé à l'annotateur de Rob. Wace, M. Le Prévost, l'emplacement du château des Subligny, que l'historien des châteaux de la Manche n'a pu trouver dans la commune de ce nom. Mais ni vestiges, ni traditions ne confirment cette hypothèse. U y a cependant une chapelle, ce qui est généralement un signe de célébrité, la chapelle de N.-D.-du-Châlellier. Refaite en 1820 par un prêtre appelé Morilland, elle n'a conservé d'ancien que deux croisettes.
Le chapitre d'Avranches possédait la plupart des fiefs de cette paroisse, et le Livre Vert est rempli de chartes relatives à des fiefs situés en Saint-Jean. D'abord, l'église appartenait à un chanoine : nous citerons encore quelques-uns des principaux bénéfices. Le plus important est Te fief d'Asnièrcs désigné dans une charte du xiv* siècle : « Le fieu d'Asnièrcs assis en la paroisse Seint Jehan de la Hèse. » L'Aveu de Robert Cenalis à François I er le signale comme devant « un quart de chevalier, quand l'ost du prince est mandé. La vavassorerie du Jardin était encore un fief du chapitre. On lit dans le même Aveu : « Jean d'Argcnne , écuyer , y tient la vavassorie du Jardin , » et dans le Livre Vert « pour iceluy les évêques d'Avranches, lorsqu'ils font leur entrée , doivent avoir un bœuf ou 20 s. de rente. Ledit d'Argenne fait le service de prevost, quaut aux nobles et noblement tenansen la baronnie d'Avranches Le fief de Gès est cité dans l'Aveu : « Je possède en Saint-Jean-de-la-Haize le fief de Gès , pour un quart de chevalier , fief que tient Enguerrand de Coui , écuyer. » Le Livre Vert ci le encore « une pièce de terre en St-Joban -de-la-Flese au ficu de la Rabotière. » A la fin du xv e siècle » Monfaut trouva noble à Saint-Jean Michel Martin.
A l'endroit où Ton passe maintenant la Sée en Saint-Jean sur un pont de bois, était un bac , au passage appelé , selon M. de Gerville, le Gué-al-Ré (le Gué-au-Roi). L'évêque d'Avranches jouissait du droit d'avoir des bateaux sur la rivière de Sée depuis les moulins de Ponts jusqu'au Gué-de-l'Épine, d'après l'Aveu présenté à François I er
En 1763 celte paroisse faisait partie de la sergenterie de Ponts et renfermait 120 feux. |
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Église Saint-Jean-Baptiste. Ikmo-ned — Travail personnel |
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Église Saint-Jean-Baptiste. CPA collectionLPM 1900 |
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