PONTAULBAULT
  CC 03.08 AVRANCHES - MONT-SAINT-MICHEL
   
  Pontaubault au fil des conflits
         
 
 
     
 

Avranchin Monumental & archéologique

Edouard Lehéricher 1865

 

Pontaubault a du être le théâtre de beaucoup d’engagements et d’escarmouches dans les guerres qui désolèrent la France au Moyen-Age et qui étaient, pour ainsi dire, l’état permanent des populations.


Dans la grande lutte nationale du XVe siècle, alors que le roi d’Angleterre possédait la Normandie, qu’il dépeçait et distribuait à sa volonté, comme son ancêtre le Conquérant l’avait fait de l’Angleterre, Pontorson était commandé par un seigneur breton, appelé de Rostrenen, laissé là par le connétable de Richemont. Les Français de la garnison, enhardis par un succès qu’ils venaient d’obtenir sur les Anglais entre Pontorson et le Mont Saint-Michel, essayèrent une chevauchée vers Avranches qui était occupée par les troupes étrangères. Un témoin oculaire, G. Gruel, raconte ainsi cette affaire :


« Assez tost dans l’hyver, monseigneur de Rostrenen entreprint d’aller courir devant Avranches (1426) et mena belle compaignée et passant au dessous de Pont-Aubaud se noya en gentilhomme de sa compaignée et conveint faire un peu de demeure illec. Si saillirent les Anglois sur les coureurs et mondict seigneur de Rostrenen arriva et incontinent l’on chargea sur lesdicts Anglois et furent reboutez jusques bien pres de la porte et il y en eut bien trente que morts que prins. Et comme monseigneur de Rostrenen vouloir descendre à pied, arrivèrent environ quatre cents Anglois, dont estoit chef le sire de Furoastre, et si ne scavolent rien lesdits Anglois de la ville de cette venue, non plus que monseigneur de Rostrenen, et vinrent lesdicts Anglois tellement frapper au dos de nos gens en telle manière qu’il conveint désemparer Et bientost après fut prins mondict seigneur de Rostrenen et bien sept vingt et dix de ses gens, et n’y en eut que deux morts. Et cette prinse fut un très-mauvais coup pour Pontorson. Li y vint pour garder ladicte ville monseigneur de Chasteaubriant, puis après y vint monseigneur le maréchal, son frère, qui feirent fortifier la ville le mieux que faire se pourvoit mais on n’y sceut tant faire qu’elle valut guère ».


Quelques années plus tard, dans les mêmes guerres, sous les murs d’Avranches et au passage d’une rivière qui n’est pas nommée, eurent lieu des engagements importants. Deux historiens, M. Richard Seguin, et après lui M. Desroches, ont placé les faits au bord de la la Sélune, à Pontaubault.

Dom Lobineau les a localisés à Genêts. Nous ignorons quelles raisons ces historiens ont eues pour affirmer ces localités. Ponts-sous-Avranches satisferait peut-être mieux aux inductions tirées du récit ; mais dans le doute nous le rattachons à Pontaubault. Ce récit prouve <iué rers il n'y avait pas de pont en cet endroit.

 

Le Connétable de Richemont, pour occuper, dit Dom Lobincau, les Routiers, en négociant la paix, faisait le siège d'Avranches, occupée par les Anglais. Talbot arrivait de Meaux pour débloquer la place. Richemont alla au-devant de lui avec une partie de ses troupes, jusqu'au bord d'une rivière. « Il y avait entre eux une rivière bien petite, et tous les jours nos gens cuidoient combatre , et y furent faicts plusieurs chevaliers... Et comme nos gens cuidèrent passer cette rivière, il s'y noya deux ou trois gens de bien, et demeurèrent lesdicts Anglois en bataille d'un costé et nos gens d'autre costé. Et quand ce venoit au soir, tout le monde s'en alloit coucher ès villaiges, et loger leurs chevaulx. Et vous certifie qu'il estoit nuict qu'il ne demeuroit pas à mondict seigneur le connétable quatre cents combatans, et Dieu sait qu'il y endura. Et une nuict les Anglois vinrent gaigner un- gué et le trouvèrent en droict la ville d'Avranches, qui jamais n'avoît esté trouvé , et par là vinrent gaigner la ville et prinrent Auffroi Prévost et aucuns de nos gens qui faisoient le guet devant ladicte ville d'Avranches et les autres se retirèrent à la bataille qui estoit loing de là... Tout le monde commença à tirer en Bretagne , sans ordonnance. »

 

A l'approche de l'émigration vendéenne qui marchait sur Granville, plusieurs tentatives furent faites pour couvrir Avranches : des redoutes furent élevées au Quesooy, et on essaya de couper le pont du Pontaubault. Une arche fut à moitié coupée, et on voit encore la trace de la rupture, mais les Vendéens comblèrent le vide avec des fagots , et les interminables files de cette foule confuse passèrent peudant plusieurs jours pour repasser bientôt moins nombreuses et plus désolées. Pendant l'époque républicaine , un corps-de-garde , que Ton voyait encore récemment , fut occupé sur la rive gauche. Au retour des Vendéens du siège de Granville , le général Tribou, qui commandait Pontorson avec 4,000 hommes, en détacha 600 pour couper le pont de Pontaubault ; Lejay et Forestier, deui ofliciersdc la cavalerie vendéenne, qui éclairaient la marche de la colonne vaincue et démoralisée , chargèrent cette troupe et la poussèrent l'épée dans les reins jusqu'à Gaugé où s'engagea un combat important.

 

Pour clore cet article , nous avons des vers du crû , des vers d'un poète né sur ces bords , à quelques pas de ce pont , à Lentilles en Poilley « vers le milieu du xvr siècle.

 

Il existe une étymologie, que racontent les antiquaires de village, car le village a ses antiquaires, comme ses avocats. L'ancienneté de cette étymologie populaire est prouvée par des vers de la fin du XVIeme siècle. On dit que les bourgeois d'Avranches venaient baller sous les treilles de Pontaubault : notre poète a ennobli cette vulgaire interprétation :

 

Puis desrallant plus bas sur ce fleuve escumeux (la Sélune),

Se monstroit un troupeau de nymphes et Je fées

Qui, aux cheveux épars, aux cottes agrafées,

Balloient d'un pied nombreux , sur l'odorant tapis

Des herbes et des fleurs qui couvraient le pastis a

Qu'abbrcuve la Sélune, et fut près ce rivage

Où est mr pilloUs, planté , d'un grand ouvrage ,

Le pont dit de ce Bal , que le peuple rustaut,

Au lien de Pont au Bal, appelle Pont au Baut.

 

Pontaubault, CPA LPM collection 1900

 
     
 

Texte issu du site

www.pontaubault.fr/IMG/pdf/pontaubault


3 février 1944 : à la suite de trois déraillements provoqués, parmi les trains de troupes et de munitions allemands, par la Résistance avranchinaise, à proximité du pont de la Sélune, les autorités d’occupation décident d’exercer des représailles contre la population de Pontaubault, village le plus proche du lieu des sabotages. La population, est-il spécifié, sera — comme à Oradour — rassemblée à l’église, au complet. S’il y a des absents, ceux-là, par leur éloignement même, à quelques heures des attentats terroristes enregistrés, se seront désignés comme suspects. On les arrêtera comme otages dès leur retour. Et le reste de la population, au besoin, répondra pour eux. Or, il y a treize manquants. Treize otages promis à la colère des ogres, si leur absence provisoire n’est pas dissimulée. Parmis ces absents se trouvent une jeune mère sur le point d’accoucher et un vieillard paralysé, qui n’a pu gagner l’église. Le “gefreite” Mutschler, qui fait fonction d’interprète, n’hésite pas : il escamote les noms des absents, bredouille en lisant la liste des habitants village. Il avertit ceux-ci :


  Ne répondez pas si je parles vite. Avancez-vous et présentez vos papiers quand je lirai posément. Les treize noms de réfractaires ou d’absents sont ainsi escamotés. Tout le monde, semble-t’il, a présenté à François sa carte d’identité.

  Manque personne, Herr Oberleutnant !

  C’est heureux ! Si un seuil manquait, je prendrais des otages. Bref ! faites rentrer ces gens chez eux, et qu’ils marchent droit : le maire et le curé m’en répondent !


Les sentinelles qui gardaient les issues, mitraillettes à la hanche, sont levées ; les bonnes gens de Pontaubault, maire et curé en tête, se répandent avec un soupir dans les rues du village et regagnent leurs demeures. Un malheur vient d’être évité.

 

Eté 1944 - Bill est un pilote américain, sauté en parachute de son « Liberator » abattu par la D.C.A. allemande le 12 juin 1944. Vêtu de kaki, brûlé au visage, las et affamé, il cherche à rejoindre les lignes américaines, se guidant de nuit et sur les étoiles. Repéré par une institutrice du côté de la ferme Ravalet, il accepte d’être caché dans une vieille boulangerie. Le fils de la maison le soigne au mieux en attendant qu’on lui cherche une solution de repli. Entre temps, vers la mi-juillet, on sent la nervosité des allemands devant la pression américaine. Des escadrilles visent les lignes de chemin de fer, le pont et l’agglomération de Pontaubault. A cette époque, l’église s’effondre. Les réfugiés affluent de plus en plus. Le 31 juillet arrivent les allemands à la ferme, qui ont traversé à pied la Sée et la Sélune pour échapper à la souricière tendue entre Granville et Avranches.

Le 31 juillet 1944, un détachement de la 4e Division de l’Armée Patton s’installait à Pontaubault : le pont était intact. Tout dépendait de celui-ci ; l’état-major allemand l’avait compris : dès le 30 juillet, le colonel Bacherer rassembla tous les restes de l’armée allemande qu’il put trouver dans la région et repris le pont le 31. Dans la soirée, les parachutistes américains furent largués en grand nombre et redevinrent maîtres de ce passage, ce goulot pour lequel l’armée américaine se proposait d’inonder la Bretagne. Deux attaques allemandes, l’une terrestre, l’autre aérienne, tentèrent de détruire le pont, mais sans succès. Dès le 31 au soir, commencèrent à défiler les troupes américaines : en 72 heures, sept divisions américaines, soit plus de 100 000 hommes et 1 500 véhicules, s’engouffrèrent par cette unique voie. "Le sort de la guerre tenait à un pont"(P. Carrel). Et le pont résista.

Eprouvé par 15 bombardements, le quartier du pont et l’église, sauf la tour demeurée debout, sont entièrement détruits. Le pont visé 56 fois est resté intact. Cinq civils ont trouvé la mort. 90 maisons ont été détruites dont 60 partiellement.

 
     
 

Pontaubault, CPA LPM collection 1900