AVRANCHES
  CC 03.01 AVRANCHES - MONT-SAINT-MICHEL
   
  PAROISSE DE SAINT-SATURNIN
         
   
     
 

PAROISSE DE SAINT-SATURNIN.

Avranchin monumental et historique

Par Édouard Le Héricher

 

St-Saturnin où cstoit autrefois le corps entier d'un des Innocents martyrisez par Herodes.

(FaADçois Desbues, Descrip. de la France.)

 

L'église de Saint-Saturnin ne fut probablement dans l'origine qu'une chapelle suburbaine.

 

Aujourd'hui c'est une église paroissiale successivement agrandie. Si cette chapelle a existé avant le xiir siècle , l'histoire ni le monument ne l'attestent pas. On dit qu'au xin' siècle « les chevaliers Pinchon revinrent de la croisade de Saint-Louis , et rapportèrent de la Judée un des corps des SS. Innocents, qui fut déposé dans la chapelle des Innocents en Saint-Saturnin '. » Le portail actuel, fort jolie ogive du pur xme siècle, à deux colonnettes basées et chapitées et à deux archivoltes , qui est la seconde richesse d'architecture gothique d'Avranches, ce portail, adroitement encastré, est un témoin de cette époque. Un bas-relief en granit, représentant le massacre des Innocens, d'un style plus récent, vient probablement ensuite dans l'ordre du temps et peut se rapporter au XIV ou xve siècle; c'est de la sculpture dans toute sa naïveté , sans plan et sans dessin. Dans le ifremier panneau est Hérode assis sur un trône, la couronne en tête, eu costume Moyen-Age, et les bourreaux égorgeant des enfans. Dans le second est la fuite en Egypte2. Au xve siècle se rapporte encore le bas-côté du sud , à deux travées divisées en vives arêtes par des arcs prismatiques qui se perdent dans les piliers. Cette partie est bien faite et vraiment intéressante dans une ville qui n'a guère que cela de l'époque flamboyante. Le reste de cette église irrégulière appartient aux deux derniers siècles. Le haut du portail, dans le style dit Jésuite, avec ses pots à feu, est du xvir siècle. On ne peut rien imaginer de plus grossier que l'intérieur du bas-côté du nord. Le chœur fut bâti en 1716. L'église des Champs est défigurée par des bas-côtés accolés au chœur, celle de SaintSaturnin par des bas-côtés accolés à la nef. Saint-Saturnin possédait un objet précieux que l'on voyait encore du temps de Robert Cenalis, c'est-à-dire au milieu du xvr siècle, — qui hodiè etiam visitur apud S. Saturninum, unà cum argenteâ thecâ'. — C'était un calice qui avait été donné à Jean Boucard, évêque d'Avranches, par Louis xi, dont il était le confesseur. Cette église avait pour patron un chanoine de la cathédrale d'après le Pouillé de 16482, et rendait 150 liv. ; en 1698, elle valait 300 liv., et avait huit prêtres avec le curé3. Parmi les pierres tombales, on remarque celle de M. de La Fardinière, lieutenant en la vicomté , et celle de M. Aubin Cudeloup, curé de Saint-Gcrvais, dont M. Cousin parle avec éloge4. D'après François Desrues, qui écrivait vers 1580 sa Description de la France, cette église fut brûlée par les Calvinistes : « St-Saturnin où estoit autrefois le corps entier d'un des Innocents martyrisez par Herodes : mais du temps que les Calvinistes ruinèrent les églises de ce lieu, celle-cy entre autres fut bruslée avec le corps du susdict Innocent, et y fut perdu un calice d'argent doré, le plus grand et le plus beau qu'on eust peu voir. » François Desrues fait allusion à la prise d'Avranches par les Calvinistes en 1562 , lorsque la ville leur fut livrée par le sieur de Fligny, qui avait la garde de la fausseporte. Ce calice, dont parle François Desrues, était sans doute celui qui fut donné par Louis xi, roi de France, à Jean Boucard de Vaucelles, évêque d'Avranches, et dont parle Robert Cenalis.

 

Il y a eu dans cette paroisse une chapelle de St-Symphorien , dont le souvenir est conservé par le nom de la rue où elle se trouvait — capella seu capellania Sti Symphoriani in suburbio Abrincœ in parochiâ Sti Saturnini.

 
         
 

« Nous trouvons dans le Livre Vert, dit M. Motet, une sentence de l'Officialité, rendue en 1456, pour obliger à la résidence le desservant de la chapelle Saint-Symphorien, située — in parochiâ Sti Saturnini.—Il n'y a pas long-temps qu'on voyait encore des restes de cette chapelle. » Elle est citée dans la Statistique de M. Foucault de 1698 : elle était taxée à 50 liv.3

 

Le registre des actes publics du Mont Saint-Michel parle d'un manoir situé dans la paroisse de Saint-Saturnin, qui fut cédé , au xive siècle , par les religieux du Mont auxquels il appartenait, à un descendant des Pinchon, Guillaume Pinchon, archidiacre d'Avranches, pour 6 liv. de rente. Il était situé entre le manoir de l'archidiacre et probablement la rue des Fontaines-Couvertes. — Manerium situm in parochiâ Sancti Saturnini Abrincis, inter metas manerii dicti dom. archid. et iter Putûm per quod itur de viâ de Puteolis ad ecclesiam Sancti Gervasi Abrincensis. — Nous ne savons comment un savant historien a pu traduire ces expressions, pour dire que ce manoir était auprès du chemin qui conduit du village du Pucey à l'église de Saint-Gervais.

 

« Il n'y a pas encore un siècle, écrivait M. de Bréménil au commencement de celui-ci, qu'on voyait les ruines de la maison qui lui avait appartenu et que l'on appelait le manoir des Pinchon. Cette habitation était probablement là où est aujourd'hui l'ancien presbytère de cette église. »

 

Sur la paroisse de Saint-Saturnin était le Séminaire, annexé à l'ancienne église de Saint-Martin', qui s'élevait à l'angle du boulevard et de la rue Saint-Martin, dans le champ de M. de Pirch , où un tertre semblable a un tumulus antique signale sa place. Cet établissement fut fondé en 1669 par l'abbé Gombert et par deux prêtres, curés de paroisses voisines. Le collége y fut aussi annexé. La Révolution en fit une caserne. « Les bâtimens, dit M. Motet qui a esquissé l'histoire de cet établissement, composés de deux ailes formant l'équerre entre elles, quoiqu'ils n'eussent rien d'architectural, étaient beaux, spacieux et bien convenablement distribués.... Ils avaient été construits en grande partie aux frais de M. de Missi, mort évêque d'Avranches en 1763. » Un supérieur du Séminaire, Pierre Costil, en avait écrit l'histoire. M. Jean de BelleÉtoile , avocat du roi au bailliage , auteur de Mémoires contemporains, avait écrit celle de l'abbé Gombert, son fondateur.