PRECEY
  CC 02.10 AVRANCHES - MONT-SAINT-MICHEL
   
  HISTOIRE
         
 

Précey CPA collection lpm 1900

 
         
 

Avranchin monumental et historique, Volume 2

Par Edouard Le Hericher 1845

 

Will. de Hom. constab. r. c. p. de x.

Hoberto de Presscio, quia cep. cotumbtu m. lieentia.

 (Rôles de l'Echiquier, an. 1180.)

Ruello de Hutmo dédit abbatial Montis

Morelli ecclesiam de Preceio.

 (Gallia CUristiana.)

 

Assis sur un plateau d'où l'on commande au loin la campagne et la baie du Mont Saint-Michel, le village de .Précey est situé sur la grande route, à mi-chemin d'Avranches à Pontorson. La commune affecte la forme d'un hexagone dont les limites générales sont: au nord le ruisseau de l'Orvainerie qui afflue à la Guintre, au sud et à l'ouest la Guintre, à l'est une ligne à peu près idéale. Précey renferme plusieurs Mes, le Mès Richeux, le Mès Vignier, une Haia, les Hayes, ta Motte, le Bois-Châtel, la Gazes, la Bataille, les Tom- belles.

 
         
 

Bien que le nom de Précey ne soit pas dans le Domesday, on ne peut douter que le nom de Précey, comme tous ses analogues, ne vienne d'un nom normand. A défaut de Preci, le nom de Perci, si commun et si illustre, explique le nom communal par une simple et naturelle transformation.

 

L'église de Précey, placée sous l'invocation de saint Bertevin, fut donnée, à la fin du XIIeme siècle, à l'abbaye naissante de Montmorel par Rualem du Homme. Elle a subi, depuis cette époque, un grand nombre de modifications ; mais elle a conservé un membre primitif, la tour en grande partie, avec sa maçonnerie mêlée de brique et ses modillons romans: le haut est du xvr siècle. La table d'autel, placée au-devant de la croix du cimetière, est de l'époque primitive, et, auprès de nos autels modernes en bois peinturluré, nous rappelle cette unité complète des églises rurales où tout était de pierre, et où tous les matériaux étaient choisis, non pour un éclat éphémère, mais pour une longue durée. Le calvaire de cette croix et les fonts sont aussi probablement de la période romane.

 

Le XVeme siècle a fait presque tout le reste, le portail, les contreforts du nord, remarquables par leurs multiples retraits, et la belle fenêtre orientale, aujourd'hui vide de toute sa riche tracerie, où le verre blanc remplace une splendide verrière1. Le reste est moderne: la face du midi est percée de trois fenêtres sans caractère, l'une date de 1760, et l'autre de 1820. A l'intérieur, on n'est frappé que par le retable qui masque l'ogive orientale et qui fait surtout regretter la verrière: il porte un tableau où le matérialisme de la forme s'unit à la fadeur de l'expression.

 

Précey était un prieuré-cure, dont le prieur, religieux de Montmorel, était tenu d'assister aux synodes diocésains. Dans l'impôt de 1522, cette église paya 7 liv. 10 s. En 1648, elle rendait 400 liv. En 1698, elle avait un vicaire, et ne valait que 200 liv. La paroisse payait 906 liv. de taille et renfermait 146 taillables. En 1760, Précey, de la sergenterie de Pigace, comptait 80 feux.


 
 
       
   

Précey Église  Saint-Berthevin GO69

 
 
 
 

Il a dû y avoir un château à Précey. Si Précey tire son nom d'un Percy, cette localité avait un représentant à la Coniquête. Les Rôles de l'Echiquier font mention de Robertus de Presseio, à l'année 1180 : G. du Homme, connétable, selon notre épigraphe, rendait compte de 10 liv. pour Robert de Précey, parce qu'il avait pris des colombes sans permis. Nous croyons que le château de Précey est à peu de distance de l'église, au bord du ruisseau de la Barbacane, à la terre de Vaugris. Ce nom de Barbacane indique ordinairement un château ou une tour, surtout une tour de guet'. Il y a encore des restes remarquables: on y voit deux tourelles, très rapprochées, d'une physionomie très féodale. Il est vrai qu'elles ne sont pas anciennes; mais elles sont une reconstruction faite de restes anciens: les baies des anciennes tourelles sont restées. Une découverte de sept monnaies d'or a été faite auprès de la Barbacane. On dit qu'un souterrain partant de ce manoir, se dirigeait vers la campagne, en passant sous la grande route : c'est la tradition des châteaux.

 

La terre de Larient est un ancien fief, qui a été dans la famille de Clinchamp. En 1698, les nobles à Précey étaient la veuve de Clinchamp, sieur de Vaugris, J. de Clinchamp de la Blanchardière. Quelques portes et fenêtres, assez ornées, du xvi" siècle, se voient encore à la terre de Larient.

 

Le fief de la Motte devait 20 s. tournois à l'évêque d'Avranches: « A Precé, dit Cenalis dans son Aveu de 1535, G. de La Motte tient le fief de la Motte, et ledit de La Motte me doit 20 sous tournois. »

 

De la grande route on aperçoit un châtelet à tourelles, ombragé de vieux chênes: c'est la terre de Précey, propriété des Roger-Valhubert, possédée aujourd'hui par le frère du général.

 

Au pied de ces tourelles, sous ces vieux chênes, s'est développée en partie l'enfance de l'homme qui est la plus grande gloire militaire moderne de l'Avranchin, et qui se rattache à Précey par ces souvenirs, et par sa mère, Mn,e de Clinchamp de Précey. Valhubert fut un homme supérieur: nous ne parlons pas seulement du soldat, qui fut tué général, et qui serait devenu maréchal de France: l'homme de cœur et d'intelligence s'élevait aussi haut que l'homme de guerre, et il y a en lui du héros antique. Ce triple caractère se montrera dans sa biographie, que nous esquisserons rapidement: d'ailleurs en écrivant la vie des hommes actifs et énergiques de cette époque, la plume a besoin de courir avec la vitesse de leurs victoires.

 

Le général Roger-Valhubert naquit à Avranches en 1764, de M. Roger, capitaine d'artillerie des côtes, et de Mme de Clinchamp de Précey. Il reçut une parfaite éducation : il se serait fait un nom dans les sciences, sans ses goûts belliqueux et les événemens, et l'on a pu dire que son érudition profonde rendait sa conversation aussi intéressante qu'instructive. Il associait la science à la chevalerie, si nous pouvons citer cette idée d'un vieux poète dans ces pages, destinées cependant à rattacher le présent au passé:

 

Quar science o chevalerie

Cest ferme tour sur roche assise

Gest fine emeraude en or mise.

 

Le châtelet de Préccy nous a rappelé le soldat de la République et le général de l'empire: d'autres particularités locales rappellent le soldat chouan et le général royaliste, deux aspects de la plus grande époque de notre histoire, deux images d'une civilisation nouvelle et d'une civilisation vieillie, qui se distinguent par les idées, mais se confondent quelquefois par le courage; nous voulons parler du comte de Frotté, chef des royalistes de la Normandie, dans lequel nous trouvons le représentant des opinions royalistes dans l'Avranchin et le directeur des mouvemens de la chouannerie. Ses principaux lieutenaus dans l'Avranchin, qu'il dirigeait du département de l'Orne, étaient Druey, Boishy, H... , et les principales rencontres eurent lieu à la Croix, au Bois-Roulant, à la Forge, au Petit-Cellant. Vers l'époque où Valhubert partait pour la frontière, de Frotté passait sur cette route de Précey, et ses soldats faisaient leur halte dans le châtelet des parens du volontaire républicain : il était un des chefs de cette émigration vendéenne, qui allait trouver sa dernière déception et sa plus grande misère sous les murs de Granville. Après la retraite de Granville, de concert avec Georges Cadoudal qui occupait le Morbihan, de Frotté, avec le titre de général de l'armée de Normandie, avait fait, jusqu'à la suspension d'armes, cette guerre de guerillas, semée de combats héroïques et sanglans. Un illustre historien l'appelle « un jeune chef, actif, rusé, ambitieux'. » Quand la trêve fut expirée, le Premier Consul pensa que c'était le moment de finir la pacification de l'Ouest; ses significations aux provinces insurgées, appuyées d'une force de 60,000 hommes, en partie tirés de la Hollande où ils avaient rejeté les Anglais à la mer, y produisirent un grand effet : d'ailleurs le général Bonaparte commençait à paraître faire autre chose que les affaires des Bourbons. Les chefs royalistes paraissaient disposés à signer la paix,deux exceptés, l'indomptable et féroce Georges Cadoudal, dans la Bretagne, et de Frotté en Normandie. Ceux du bord de la Loire se soumirent: mais ces deux derniers continuèrent la guerre.

 

En 1800, le 21 janvier, le grand anniversaire, le général Chabot marcha sur les bandes du centre de Bretagne, et battit Bourmont qui avait 4,000 chouans. Georges fut obligé de déposer les armes. En Normandie, de Frotté fut poursuivi par les généraux Gardanne et Chambarlhac, et battu par le premier à la Motte-Fouqué. Un de ses lieutenans, Boishy, essuya une forte perte près de Fougères. Chambarlhac fit passer par les armes quelques compagnies de chouans, non loin d'Alençon. De Frotté pensa qu'il était temps de se rendre. Il fit des avances à Chambarlhac qui exigea qu'il livrât immédiatement les armes de ses soldats : de Frotté se refusait à cette condition. Cependant on avait écrit au Premier Consul qui, dans son premier mouvement d'irritation, avait ordonné de ne point lui accorder de quartier. Pris lorsqu'il se rendait auprès de Guibal, qui commandait le département de l'Orne, il fut trouvé porteur de lettres qui donnaient à ses gens l'ordre de se rendre en gardant leurs fusils : ces lettres passèrent pour une trahison. Il fut conduit à Verneuil et livré à un conseil de guerre. Une foule de solliciteurs entourèrent le Premier Consul et obtinrent une suspension de procédure; mais le courrier arriva trop tard: le jeune et vaillant chef, selon l'expression de M. Thiers, avait été fusillé. Telle fut la fin de celui, en qui nous avons vu le chef des troupes royalistes de l'Avranchin, dont le souvenir a surgi par contraste devant la figure du général Valhubert, et dont nous plaçons ici l'histoire, à cause de quelques circonstances particulières et du souvenir du passage des Vendéens dans le village de Préccya. Après la mort de Frotté, les chouans restés sans emploi ne se tinrent pas tranquilles : ils ravagèrent les grandes routes, chauffèrent les propriétaires surpris dans leurs demeures, arrêtèrent les voitures, et pillèrent les caisses publiques. L'hiver de 1800, et les routes de Normandie et de Bretagne furent surtout signalés par ces expéditions qui n'avaient plus la forme, militaire encore, des guerillas, mais celle des bandes de brigands. Les colonnes mobiles et les tribunaux spéciaux balayèrent les routes et traquèrent dans leurs refuges les chouans, enfans perdus qui n'avaient plus de drapeau.

 
     
 

C'est dans un de ces châtelets qui ceignent l'église de Précey, que nous aurions aimé à placer l'YseuIt de la légende du Mont Saint-Michel, plutôt pour l'illustration poétique de notre sujet, que pour sa vérité historique. D'ailleurs cette œuvre d'une poétesse, Mme Louise Colet, offre quelques détails qui autorisent notre hypothèse: Yseult, allant vers le Mont Saint-Michel, suivant une étoile à l'occident, errait souvent auprès de la mer et dirigeait son coursier vers la plage que domine le vieux couvent. Puis, comme il est dans notre plan d'encadrer l'archéologie pure dans l'histoire et la poésie, nous aurions été heureux de pouvoir semer sur notre terre du nord ces fleurs écloses au soleil du midi, d'entourer dès maintenant notre Mont Saint-Michel de richesses poétiques, et d'ajouter un poème à ce cycle littéraire dont il est la muse, foyer d'où rayonne la poésie, comme de ce mille doré rayonnaient ces voies montoises qui menaient les peuples au monastère de l'Occident; mais les nécessités de notre sujet nous forcent à rejeter cette poésie et à la réserver peut-être pour notre œuvre spéciale du Mont Saint-Michel '.

 

A la lisière de Précey et de Céaux est le village de Pommerei. Nous ignorons d'où est sorti le guerrier de la Conquête qui portait ce nom: il est probable toutefois que c'était de ce village ou de Saint-Sauveur-la-Pommeraye. Radulfus de Pomerei était un Tenant en chef, cité dans le Domesday et dans le baronnage de Dugdale, qui dit que sa plus grande propriété était dans le Devonshire, où Berie-Pomerai était le cheflieu de sa baronnie.

 

Précey soulève une question topographique: un historien de l'Avranchin a vu dans Précey, le Patricliacus des actes de saint Benoit. Avant d'émettre notre opinion, racontons l'histoire en citant les textes. Un des Regnault, seigneur d'Avranches, donna au monastère de Corbion ou de SaintLaumer le village de Patricliacus, dans le pagus de l'Avranchin, in pagum Abrincadinum. Salomon, roi de Bretagne, avait possédé ce village, et il l'avait donné à un seigneur nommé Gurham, nomine Gurhamius. A l'approche des Normands, le corps de saint Lomer, qui avait été ermite dans le Perche , fut porté à Patricliacus, dans l'Avranchin, ce qui est raconté d'une manière trop intéressante pour que nous ne citions pas le texte :

 

« An. 872. cùmjam peccatorum nostrorum magnitudine justo Dei judicio prominente omnem Neustriam per decem et octo continuos annos longé latèque Nortmannorum gens vastasset civitates, castella et monasteria usque ad solum destruens,

Curbionensis monasterii abbas, Guarno nomine...

transtulit corpus beatissimi Laudomari in pagum Abrincadinum,

in villam quœ dicitur Patricliacus... »

 

D'abord il ne se peut guère que l'abbé Guarno, dérobant le corps de saint Laumer aux profanations des Normands qui ravageaient la Neustrie depuis dix-huit ans, l'eût transporté à Précey, en Neustrie, au bord de la mer. En outre le nom de Précey ne se prêle pas assez aux transformations qu'on peut supposer entre lui et Patricliacus. Nous placerons Patricliacus, non loin de l'ermitage de saint Laumer, à Patrice-leDésert ou la Lande-Patry. En outre le nom du seigneur Gurham nous donne l'étymologie d'une localité voisine, Goron , ville de la Mayenne qui portait encore au xn' siècle son nom saxon de Gorham. Il est vrai que notre hypothèse est con tredite par le Pagum Abrincadinum; mais nous oserons dire que c'est une erreur géographique du narrateur,. erreur légère d'ailleurs, puisque ces localités sont sur les frontières de l'Avranchin. Baillet, sans se prononcer, met en note que Pairicliacus est dit quelquefois en notre langue Persy ou Pairly, et qu'on le place dans le diocèse du Mans. Mais il ne tient pas compte de la topographie du texte.

 

Le presbytère de Précey possède un de ces registres que les curés et les vicaires se plaisaient à tenir autrefois, et qui étaient les Annales paroissiales. Nous retrouvons ce petit chartrier dans plusieurs communes de l'Avranchin, et en ce moment dans quelques diocèses, la rédaction de cette histoire locale est obligatoire pour les curés. Nous nous rappelons le Registre de Huisnes, celui de la Croix-Avranchin, celui de Sacey, histoire des seigneurs locaux, pleine de légendes, de vendettes, qui offre l'intérêt du drame et du roman, celui de Ducey, celui de Villedieu, etc. C'est au curé, dans le calme du presbytère, dans ses sympathies et ses relations générales, dans sa science présumée supérieure, à rédiger ces modestes Annales, qui deviennent l'histoire de la commune, et un document précieux pour tout le monde. L'élaboration de notre œuvre nous a vivement fait sentir l'utilité de ce Registre que nous rattacherions aux archives de la fabrique, et aux richesses du Trésor. L'analyse de celui de Précey atteindra le double but de donner le cadre d'un travail dont nous appelons l'imitation de tous nos vœux, et d'ajouter aux notions que nous donnons sur cette commune.

 

L'introduction naturelle à l'histoire de la paroisse est la vie du patron. Ou cette vie est peu connue, alors il appartient au pasteur de faire des recherches sur le point qui lui importe plus qu'à personne , ou elle existe dans les hagiographes avec étendue et authenticité, il reste encore à enrichir, à illustrer cette gloire dont il est le principal dépositaire: d'ailleurs les vies des saints sont très-précieuses pour l'histoire locale et générale. C'est par la vie du patron saint Berthevin que commence le Registre de Précey ; c'est le récit naïf d'une vie que n'ont pas donnée les hagiographes Surius et Baillet, « qu'il faut aller chercher dans des bréviaires très-rares ou des manuscrits. D'ailleurs traditionnellement saint Berthevin est né dans le diocèse d'Avranches. Toutes ces raisons appellent ici sa biographie. La naïveté est le style convenable de ces récits où s'associent la légende et l'histoire : nous ne pouvons donc mieux faire que d'extraire des passages du panégyrique que nous avons sous les yeux.

 

1° Abrégé véritable de la vie de saint Berthevin, diacre et martyr.

 

« L'histoire de saint Berthevin assure qu'il étoit originaire de Normandie, qu'on appeloit dans ce temps la Neustrie, et la tradition constante porte qu'il avoit pris naissance et reçu l'éducation dans la paroisse de Parigtiy,au diocèse d'Avranches. On ne sait pas les noms de son père et de sa mère. Il se porta tellement à la dévotion qu'on préjugeoit dès ce temps-là de sa sainteté future, et c'est aussi à cause de sa vertu extraordinaire qu'il fut élevé dans l'église jusqu'à la dignité de diacre. Étant encore jeune, il quitta ses parons et tout ce qu'il pouvoit espérer posséder pour se retirer dans le Maine, en un lieu proche d'un château qui se nommoit le Val-Guerdon, et qui s'appelle présentement le Val-Saint-Berthevin , qui étoit une espèce de désert. Dans ce désert son lit étoit la terre dure, sa nourriture des légumes et des racines, y vivant à la manière des Pères du désert; sa compagnie étoient des arbres et les bêtes féroces qui le respectoient; son emploi étoit la prière; sa plus douce occupation étoit de parler à Dieu. Il demeuroit dans ce château un grand seigneur nommé Blaize; c'étoit un petit roi du païs, mais peu adonné à la dévotion. Cependant proche son château, il y avoit une église ou chapelle qui étoit dédiée à saint Nicolas, où saint Berthevin ne manquoit pas d'aller très-souvent adorer son Dieu , et on a remarqué que quand il passait la rivière Medene, pour se rendre à cette chapelle, le batteau qui servoit pour lors à passer les voïageurs, lorsqu'il étoit de l'autre côté du rivage, se détachoit de luimême sans le secours d'aucun batelier et venoit au-devant de saint Berthevin , et , après qu'il avoit satisfait à sa dévotion , le même batteau se présentoit à lui pour le repasser dans son désert. Aujourd'hui en la place de cette chapelle Saint-Nicolas est une église dont saint Berthevin est le patron. Or, comme la vertu n'a point besoin de recommandation pour se faire connaître et qu'elle se fait aimer d'elle-même, quoique saint Berthevin fût un étranger et un homme inconnu, Blaize et sa femme voyant en sa personne une vertu consommée, une prui Le Mss. du Mont St-Michel dit Vailli Guidonis, et an lieu de Blaize Bertariut. —» Meduana, ia Mayenne. —  Commune de StBerthevin. dence extraordinaire , une charité angélique , une innocence sans défauts, une intégrité généreuse et sans reproche, le prièrent de prendre soin de l'administration de leur maison, et d'avoir l'intendance généralement sur toutes les choses qui les regardoient tant pour le spirituel que pour le temporel. Le saint, espérant par ce moïen les gagner et les porter à Dieu avec plus de perfection, l'accepta et s'en acquitta avec tant de soin et de prudence que le seigneur Blaize en étoit très-content et le prit tellement en affection qu'il n'agissoit que selon les conseils de saint Berthevin. Le saint, qui ne demeurait dans ce château que pour sanctifier ce seigneur et toute sa famille, voïant que tout réussissoit selon ses désirs, fit en sorte, par ses salutaires avis, qu'il commença à fréquenter l'église, faire de grandes largesses aux pauvres.... Pendant que le soin et la prudence de Berthevin font aller toutes choses de mieux en mieux dans la maison de Blaize, il s'y trouve des yeux chassieux qui ne peuvent regarder fixement le jour, des oiseaux de nuit qui ne peuvent envisager la lumière , des âmes malfaites qui n'avoient pas le courage de voir de bon œil un homme de rien surveillant les serviteurs de la maison, qui ne pouvoient souffrir que leur maître eût tant de confiance en un étranger, qu'il eût mieux l'oreille du maître qu'eux, voïant que sa piété blâmoit leur libertinage, sa sobriété et une censure très-sévère leur débauche, et que sa vertu condamnoit leur vice, ils conçurent une étrange jalousie contre lui. Quoi ! sera-t-il dit que le nouveau venu soit notre maître ? souffrirons-nous qu'il nous mette le pied sur la gorge?... Ils conspirent donc ensemble et font entendre à Blaize que le nouveau venu , Berthevin, en étoit venu jusqu'à un tel point d'effronterie que de vouloir souiller sa couche, qu'il avoit de l'esprit, mais que c'étoit un esprit malin. Ce crime étoit trop noir pour être cru de Blaize. Cette imposture n'ayant pas réussi, la jalousie fut changée en fureur , et sans autre délibération ils conclurent entre eux d'en délivrer le inonde et de le faire mourir. Ils étudient l'occasion où il sortirait de la maison de Blaize pour se retirer dans le désert. Sous prétexte d'y vouloir rester avec lui pour y apprendre à servir Dieu, ils l'accompagnent par le chemin, et lorsqu'ils furent à couvert de la vue des hommes et comme des loups enragés ils se jettent sur saint Berthevin et lui oient la vie. Ils tentèrent à faire une fosse pour l'y mettre, mais Dieu n'ayant pas permis que son serviteur fût enterré par leurs mains profanes et sacrilèges, ils ne peuvent y réussir. Voyant cela , ils le jettent dans un lac voisin, affin que les eaux couvrissent leur meurtre et fût par ce inoïen privé de la sépulture. Mais comme tout ce qui a servi à l'ignominie et au supplice des martirs est à présent changé en leur gloire , on a eu tant de respect pour la mémoire de saint Berthevin qu'on a desséché l'étang pour y bâtir une église sous son invocation dans le lieu où son corps avoit été jette, après l'homicide de sa personne, laquelle église est à présent celle qui porte son nom dans la province du Mans où l'on voit encore l'autel de la vierge qui étoit l'ancien oratoire bâti du temps de saint Berthevin. Blaize surpris de l'absence si longue de son ami Berlhevin s'enquit si on ne lui avoit pas rendu quelque mauvais service qui l'eût obligé de se retirer dans la Neustrie. Les domestiques tâchent de persuader à leur maître qu'il s'étoit retiré dans la Neustrie, que c'étoit un bigot qui se scandalizoit de la moindre parole équivoque, qu'il n'avoit ni feu ni lieu, et plusieurs autres raisons dont leur maître ne fut point content. Les misérables bourreaux voient que si on retrouvoit le corps, ce seroit leur condamnation, le retirèrent de ce lac et le jettèrent dans une fontaine profonde; mais comme cette fontaine le faisoit connoître par les eaux qui dérivèrent teintes de son sang, ils le retirèrent de rechef tous tremblans pour le précipiter dans la rivière voisine. Ils atta.chèrent ce corps saint h plusieurs grosses pierres.... Cependant ils éloient toujours en inquiétude; cela étoit cause que ces homicides alloient souvent voir s'il n'y avoit point quelques marques sur la rivière ; mais ils furent un jour fort étonnés , lorsqu'ils l'apperçurent jette sur le bord du fleuve, les eaux se trouvant indignées de cacher un corps si saint et redoutant d'être criminelles si elles couvraient le crime de ces parricides. ... ils prirent le dessein de transporter encore le saint corps dans un rocher qui éloit proche et inaccessible , sur lequel à force de bras ils le transportèrent et l'y attachèrent avec plusieurs machines.

 

» Pendant que tout ceci se pâssoit dans le Maine, une vénérable femme qui avoit servi de marraine à saint Berthevin clans son baptême, fut inspirée du ciel de se transporter en ce lieu pour donner la sépulture du corps de son filleul qui avoit été martirizé.... Une seconde révélation l'avertit d'attacher à un chariot deux jeunes génisses qu'elle avoit, qui n'avoient jamais porté le joug , mais qui le subirent librement, qu'elle n'avoil qu'à les suivre. Le chariot fut conduit sans autre guide que la Providence dans le lieu où étoit le corps du marlir, du côté où la montagne étoit accessible. Cette bonne dame prend le corps saint pour le transporter où la providence de Dieu le souhettoit. En même temps le chariot reprit la route de la Normandie et chemina de la même manière qu'il étoit venu. Aussitôt qu'ils furent snr les terres de la Normandie, ils rencontrèrent un seigneur qui prenoit le plaisir de la chasse , et qui poursuivoit une biche que les chiens étoient prêts d'arrêter, telle pauvre biche trouva un azile assuré auprès du corps du martir ; car s'étant réfugiée sous le chariot, les chiens effrayés retournèrent en arrière et n'osèrent approcher. Le chasseur surpris de cet accident, ayant appris ce que cette vertueuse dame conduisoit, se mit à genoux pour adorer Dieu qui est admirable dans ses saints , et après avoir rendu ses respects à saint Berthevin, il fit vœu de faire bâtir une chapelle ou église en l'honneur de saint Berthevin, s'il plaisoit h Dieu que son corps fût inhumé sur ses terres, et Dieu pour rendre le miracle plus considérable lit rejaillir une claire fontaine dans le même lieu où la biche s'étoit réfugiée sous le chariot, qui se voit encore et se nomme la fontaine saint Berthevin. A environ cent marches au-delà le chariot s'arrêta et le corps du saint martir y fut inhumé avec toute la pompe possible, et le seigneur fit bâtir une chapelle sur le tombeau, laquelle ensuite fut brûlée par les ennemis de la religion, et depuis on a fait bâtir en la place la tour de l'église de Parigny sous laquelle il y a une chapelle dédiée à saint Bertheviq.

 

» Or, comme la mort et la sépulture de saint Berthevin arrivèrent peu de siècles avant que les peuples du Dannemarch vinrent en Neuslrie, qui fut l'an 841, qui étoient idolâtres, qui brûloienl toutes les églises et passoient au fil de l'épée tous les chrétiens et qui chassèrent tous les habitans de ce païs, et cela fait qu'on ne sçait point le nom du père et de la mère de saint Berthevin , ni le détail des miracles qui se sont faits à son tombeau ; quelques auteurs ont cru que ce corps saint avoit été transporté à Bourges en Berry pour éviter la fureur des mêmes Danois ou Normands, et mis dans une même châsse avec le corps de saint Ursin , archevêque de Bourges.

 

» II s'est fait plusieurs miracles dans le lieu où saint Berthevin fut martirisé : on a vu souvent une lumière surnaturelle et extraordinaire sur la fontaine où son corps avoit été jette, d'où vint qu'un nommé Renault2, paralilique, y recouvra la santé si particulièrement que le reste de sa vie il ne souffrit aucune incommodité. Se voiant sain et guéri il fit bâtir une cellule proche celle même foniaine où il mena une vie sainle el vertueuse, et donnoit de l'eau aux malades qui y recouvroient soulagement ou guérison , particulièrement pour paralisie, fièvre et dissenterie. On y va encore aujourd'hui en pélerinage, et aux temps de dissenterie les paroisses voisines y vont eu procession de cinq lieues loin , en sorte que les offrandes des fidelles et des malades furent suffisantes pour faire bâtir l'église du même saint en la manière qu'elle est à présent. Ce même saint a particulièrement un très-grand pouvoir à l'endroit des pauvres captifs d'où vient qu'on voit proche l'autel érigé sous son invocation un très-grand nombre de chaînes qu'ils y ont apportées pour monument et mémoire de leur délivrance.

 

» Cette vie a été tirée de l'église et archives de la paroisse de Saint-Berthevin du Mans et brévière de la même église où l'office et la messe y sont propres. L'office contient neuf leçons qui décrivent la vie du saint et la prose la contient en abrégé. Il y a plusieurs églises sous son invocation , sa mémoire est glorieuse à Parigny lieu de sa naissance, et l'église paroissiale de Précey le reconnoit pour son patron, et à une lieue proche de Laval on en célèbre la fête. On dit qu'il y a aussi de ses reliques dans l'église cathédralle de Lyzieux et cela est si vrai que je l'ai appris des prêtres de l'évesché de Lyzieux qui m'ont assuré que dans l'oraison de la fête des reliques il est nommé Bertivini, et Berthwini, et Berthuini en d'autres églises. Signé Hedou , prieur de Précey. J'ai transcrit cette copie de sur un ancien Registre qui servoit à l'église de Précey depuis l'an 1650. L. Dodeman , vicaire de Précey »

 

2° Inventaire des titres et contrats concernant les rentes données à l'église de Saint-Berthevin de Précey , tant pour la part des prêtres' que pour celle du Trésor. Sous ce chef est le détail des rentes avec la date et le nom des donateurs. Ces titres , pour Précey , ne remontent pas au-delà de 1650 : ils n'offrent pas dès-lors de détails bien intéressans. Parmi les donateurs, ou remarque Madeleine de La Motte ;

 

3° Autres rentes dont le trésor jouit seul. Ici les titres sont plus anciens. Le principal relate une rente de 10 liv. due par l'abbé et les religieux de Montmorel et le prieur curé de Précey à cause du trait des dîmes de saint Berthevin, que les paroissiens leur ont cédé en forme de transaction en cour d'eglise7 en 1512;

 

4° Autres contrais dont le trésor n'a rien, mais qui y sont renfermés, et qui regardent la paroisse. Sous ce chef sont quelques détails locaux: on cite la maison appelée autrefois le Luxembourg et alors le Taudis.... Une maison cédée, pour tenir l'école, par l'abbaye de Montmorel.... Pierre du Homme, seigneur de Chassilly, patron de Saint-Sénier... Une fondation pour l'école des filles et celle des garçons;

 

5° Réduction des fondations de l'église de Précey, pétition adressée à M. de Durfort, évêque d'Avranches, en 1766;

 

6" Requête présentée à la chambre syndicale pour avoir la diminution des dîmes en 1767;

 

7° Modèle des charges et de compte aux trésoriers de Précey. Un de ces modèles s'applique à une rente de 1 ,ltU9 liv. et à une de 1,478, sur la Grange au Bruman3;

 

8° Tableau des Fondations, Messes et Obits, pour chaque mois de l'année;

 

9° Choses remarquables. Ce cadre est le plus important, puisqu'il doit recevoir les faits locaux les plus intéressans. L'histoire d'une paroisse, dans les temps ordinaires, est simple comme la vie de ses habitans : c'est l'état des récoltes, les réparations à l'église, les phénomènes atmosphériques, quelques faits administratifs, le dénombrement, etc. Mais dans les époquesagitées, les Annales de la Paroisse sont pleines d'intérêt. Quelles révélations ne nous feraient-elles pas aujourd'hui , si elles avaient conservé les événemens locaux du temps de la Ligue ou de la Révolution ? Voici quelque chose de ce que le pasteur de Précey consigna dans les événemens remarquables. « En 1750 , on a fait bâtir la fenêtre du bout du chœur, aux frais du Trésor et de quelques personnes charitables.... En 1762, quelques personnes charitables par une quête firent faire et raccommoder la statue de la Vierge qui est dehors contre le pignon du chœur qui a coûté près de 10 liv.'.... En 1761, noble dame veuve de Pierre-Louis de Clinchamp, seigneur de Précey, fit elle-même placer contre la balustrade une stalle avec son dossier pour M. le vicaire... En 1762 , la misère excitée par la guerre contre les Anglois a été extrême dans ce païs; toutes les marchandises, comme laine , lin , filasse étoient à donner parce qu'il n'y avoit plus d'argent ; le bled valloit 4 liv. le razeau et il étoit plus cher que s'il avoit vallu 10 liv. dans une autre année. Tout l'été a été très-sec.... mais quand l'eau tomba à la mi-septembre.... c'éloil chose étonnante de voir les pièces de terre nues où l'on ne voïoit que quelques brins de sarrazin ; des charrettes toutes attelées auraient bien passé a travers sans en casser aucun. A la fin de cette année la paix depuis long-temps désirée se fit avec les Anglois , au désir de l'une et l'autre nation , mais honteuse pour la France qui perdit le Canada, le CapBreton, Terre-Neuve. Dieu nous veuille donner de meilleures années que les cinq ou six dernières! Pendant cette année 1762 , on voïoit des troupes de sept ou huit pauvres de tous côtés tous les jours sept ou huit fois. Quand on avoit un morceau de pain, on étoit obligé de se cacher pour le manger, parce que la grande compassion excitoit à le donner.... En 1764, l'intendant de la Généralité de Caen a prié messieurs les curés de lui envoyer le dénombrement des naissances, mariages , etc..... En cette année , on a placé un coq sur la tour— En 1767, il n'y a eu aucunes pommes dans le païs, pas même à plus de trente lieues à la ronde.... L'année 1768 fut la plus malheureuse qu'on ait vu de mémoire d'homme.... à peine a-t-on récolté la dîme.... Depuis le 1er de juin , à l'exception de quatre ou cinq jours en août et douze jours en octobre, il ne s'est pas passé un seul jour sans qu'il soit tombé de l'eau abondamment, et sans que Dieu2, qui est fidèle en ses promesses, nous a promis qu'il n'y auroit point un second déluge, on auroit cru le voir.... les bleds nageoient dans les champs.... on les cngrangeoit mouillés et germes, on les a vu lever très-haut sur les tas dans les granges Les rivières chargées de foin et de paille de sarrazin ont forcé les ponts et chaussées.... Les ponts de la paroisse de Ponts furent percés, celui du Pont-Gilbert rompu; si celui du Pontaubaut n'eût pas été fait de neuf, il n'auroit pu résister; celui de la Houssais près Montmorel, celui de la Crèche proche Pontorson furent emportés.... On n'alloit dans l'église de Ponts qu'en batteau; le curé de cette paroisse fut même obligé de monter ses bestiaux jusque dans son grenier.... Il n'y avoit pas 400 gerbes dans lu grange des dîmes'.... Toute cette relation est véritable: si quelqu'autres ont fait des mémoires, on n'a qu'à les confronter, ils doivent être sembables à ce que je certifie véritable. »


10° Inventaire du Trésor;

 

11° Mémoire des vergées de terre, espèce de Terrier et de Nobiliaire pour 1734. Parmi les propriétaires de manoirs et de colombiers on cite Pierre-Louis de Clinchamp, seigneur de Précey, Gilles Angot, écuyer, Jacques L'Empereur, écuyer, Pierre de Clinchamp, id., Julien du Vau Borel, id., Antyme Leduc, id., René de Clinchamp, id., Gaudin, id. La famille seigneuriale avait eu un des siens parmi les chevaliers défenseurs du Mont Saint-Michel au xv e siècle, Richard de Clinchamp2; ses armes sont au champ d'azur au gonfanon de gueules.

 

12° Liste des Trésoriers de Précey : elle va jusqu'en 93; la Révolution ferme le Registre.

 

A ces titres trop modernes, ajoutons les chartes de Montmorel : « Ex dono Ruetlcmi de Hulmo ecclesiam de Presseio, duas garbas feodi de Presseio, et decimam molendini de Presseio*.... Rector de Presseio cum toto altalagio terdam partent decime bladi cum omni honore et utilitate de cetero habebit'.... Ego Petrus Tyrel dedi abbatic de Monte Morelli duos solidos in mco feodo de la Tyrelicre... Presse.. Ego TV. Albericus promisi quod nos annuatim afferemus tempore messionis omnem decimam omnium tenementorum nostrorum, et tenemur dividere illam de decima que ad ecc. S. Bertivinipertinet3.... Caria Petri Tyrel super campum de Bosco in parochia de Preseio.

 

Tel est le cadre que chaque commune rurale devrait remplir : nous y voudrions encore d'autres titres dont l'utilité se révèle d'elle-même, la succession des curés et des maires, les découvertes archéologiques , les traditions, le passage ou le séjour d'hommes de distinction5, les séries nobiliaires, les notabilités, les chartes , etc. Ceux qui suivent la même carrière que nous comprennent quelle mine féconde ce serait pour l'histoire locale, et combien la tâche serait plus facile et l'œuvre plus complète. A ceux qui n'aimeraient pas à voir l'histoire descendre si bas nous citerons les paroles du rapporteur de l'Institut, concernant un ouvrage de géographie diocésaine : « Les moindres ruisseaux, les hameaux les plus obscurs ont leur histoire de même que les fleuves et les cités

 
     
 

 Précey CPA collection lpm 1960 ecole des fille aujourd'hui mairie

 
         
   
  PRECEY
  CC 02.10 AVRANCHES - MONT-SAINT-MICHEL
   
  A PROPOS DE LA VIE À PRECEY
         
 
 
 

Château des Hautes Cours Précey collection LPM 1900


Texte issu du site

 http://www.heraudiere.com/precey.htm

 

 
 

A PROPOS DE LA VIE À PRECEY

Entre 1720 et 1768

 

La vie était très dure dans la campagne à l’époque, soumise aux intempéries et à la politique. Philippe d’Orléans est Régent depuis la mort de Louis XIV (1715) et la France se rapproche de l’Angleterre. En 1723 Louis XV, majeur, choisit pour gouverner le Cardinal de Fleury et ne prend réellement les affaires en main qu’en 1743 tout en subissant l'influence de Mme de Pompadour (†1764). Plusieurs guerres sont menées dont la Guerre de Sept Ans (1756-1763) contre la Prusse et l’Angleterre qui fait que la France perd ses possessions de l’Inde et du Canada. Le redressement intérieur de la France ne commence qu'après 1770.

 

Le registre paroissial, bien que difficile à déchiffrer, nous donne quelques indications intéressantes sur la rude vie de Precey :

     
   

« Cette année 1720 (année du mariage de Charles Gabriel Hedou et de Marie Ameline) furent inventés par le Regent et le Sieur De laze ou Larûe, les billets de banque qui ruinèrent les riches et enrichirent les pôvres par les ……... qu’on fit. Les églises furent ruinées de fond en comble. Jamais l’Argent n’avait plus servi, les pièces d’un sou allèrent jusqu’à quinze livres, les liards à six deniers.

 

Les marchands haussèrent les prix des trois quarts, le froment à cent souls, ainsi de toutes autres choses. L’argent changea de prix, plus de cinq ou six fois en six mois.

 

La perte de     ........................ et la moitié de la ville de Rennes fut brulée l’Autreville de Noël dont on ne peut estimer la perte. Les fi..............  ....  vides furent ..... .... igne partout le païs dont grand nombre de personnes moururent. La disette fut si grande pendant le mois de may juin et juillet que tous les principaux paroissiens et autres possédant des terres furent cotisés pour nourrir les pôuvres. On retira des billets de banque la fondation de Michel Plaine et une autre partie de ............. de la fondation de Richard Paulin. Il y avait pour quatre cent dix livres de billets de banque au trésor ou dans la fabrique. On fit bien des choses pour en trouver d’autres, mais on put .............  qu’ils ne purent souffrir.

 

 Fait le vingt avril mil sept cent vingt et un.»

     
   

« Cette année mil sept cent vingt quatre (naissance de Jean-Baptiste Hedou) pendant 4 ou 5 mois, avril, may, juin, juillet et aout, il ne pleut que deux fois, par deux simples orages. Les blés sont petits et mauvais, c’est pourquoi l’année suivante le froment se vendait à huit livres le razeau, pareil prix le sorgho et .......... cent souls le razeau de blé noir ainsi du reste, ce qui fut la cause qu’une infinité de personnes souffrirent terriblement.

 

Quarante cinq la somme de froment du cotté de Lysieux et .........; en ladite année 1725 il pleut presque continuellement depuis le commencement de juin jusqu’au mois de septembre, pendant lequel tantot il faisait quatre ou cinq jours de beau temps et ensuite pluye, il n’y eut que la fin du mois qui fut commode pour aouter les blés.

 

 Fait le 1er octobre 1725.»

     

Précey collection LPM 1900

 

 

Avranchin Monumental et Historique

par Edouard le Héricher édité en 1845

 

Le général Roger-Valhubert naquit à Avranches en 1764, de M. Roger, capitaine d'artillerie des côtes, et de Mme de Clinchamp de Précey. Il reçut une parfaite éducation : il se serait fait un nom dans les sciences, sans ses goûts belliqueux et les événemens, et l'on a pu dire que son érudition profonde rendait sa conversation aussi intéressante qu'instructive. Il associait la science à la chevalerie, si nous pouvons citer cette idée d'un vieux poète dans ces pages, destinées cependant à rattacher le présent au passé:

 

Quar science o chevalerie

Cest ferme tour sur roche assise

Gest fine emeraude en or mise'.

 

Il préluda aux fatigues de la guerre par les exercices corporels, dans lesquels il excellait, spécialement par la natation, à laquelle il dut de sauver un grand nombre de personnes. Il montrait dès-lors cette résolution et cette fermeté qui ne se démentirent jamais. La Révolution lui ouvrit la carrière, et il y marcha à pas rapides. A la formation des gardes nationales, il est nommé capitaine des chasseurs. Quand la Patrie menacée demande des bataillons aux départemens, il est inscrit le premier volontaire, et l'élection le proclame commandant du premier bataillon de la Manche. En trois mois le bataillon est organisé, exercé comme de vieilles troupes, il part pour le camp de Lille, et sur sa route, à Caen, reçoit les éloges de Moreau. Quand l'immense supériorité du nombre des ennemis force les Français à rentrer dans Lille, le premier bataillon de la Manche couvre la marche, et posté sur une chaussée, il arrête les Autrichiens. Pendant le bombardement, Valhubert rend les plus grands services, et ensuite contribue puissamment à la levée du siége. Onze jours après, il se signale par un de ces actes d'intrépidité, si communs dans sa vie: il enlève, avec son bataillon, à la baïonnette, le plateau de Pellenberg, occupé par 1500 grenadiers hongrois, appuyés de quatre canons. Le général La Bourdonnaye embrasse Valhubert, en lui disant, dans le langage solennel de cette époque : « Vous avez sauvé une partie de l'armée par votre courage et votre coup-d'œil étonnant : la défaite de l'ennemi est certaine : aujourd'hui la Patrie contracte envers vous une dette immense. » La Convention décrète que six cents volontaires seront immédiatement dirigés sur le bataillon de la Manche. Le siège du Quesnoy fait briller dans Valhubert un autre genre de courage : la patience dans la défense, la discipline sous le feu de l'ennemi, les privations de la faim, les fatigues de la brèche. Mais la garnison est faite prisonnière: Valhubert et ses braves s'acheminent vers la Hongrie : il leur distribue une caisse d'épargne , il montre un grand cœur dans une captivité odieusement cruelle, et resserre entre ses camarades les liens que relâche la misère. Après deux ans Valhubert est échangé, et les débris du bataillon de la Manche sont incorporés dans la 28' brigade, dont Valhubert reçoit le commandement. Cette brigade est organisée à J>aris, et envoyée à l'armée d'Helvétie'. Dans cette guerre , au milieu des glaciers, des torrens, des rochers, la 28e déploie tous les moyens des montagnards eux mêmes. Un trait d'humanité, qui-fut toujours pour lui un souvenir délicieux, signale Valhubert. Au passage de la Gamsa, près de son embouchure dans le Rhône, un de ses soldats est emporté par le courant. Aucun des cinq cents hommes, qui se tiennent pour résister à la violence des eaux, n'ose aller à son secours: Valhubert s'élance et retire de l'eau le soldat. Cette journée doit être magnifique: avec 40 hommes, le colonel fait 800 prisonniers. L'attaque du Simplon lui est confiée: cette affaire, merveille de tactique et d'audace, le couvre de gloire. A Stradella, la 28* est choisie par le Premier Consul pour passer le Pô de vive force : Valhubert passe dans la première barque, forme ses bataillons, sous la canonnade, culbute l'ennemi, et fait de nombreux prisonniers. Quelques jours après, seul, il tombe sur 200 Autrichiens, s'élance sur leur commandant, lui met l'épée sur la poitrine, et tous se rendent. A Montebello, sa brigade mérite ces paroles de Lannes: « Je me suis trouvé dans bien des affaires, mais vous êtes les plus braves gens que j'aie jamais vus. » A Marengo, sa brigade forme un carré inexpugnable, comme le rempart de granit de la Garde consulaire, contre lequel se rue en vain, pendant toute la journée, la cavalerie autrichienne '. Blessé à huit heures du matin , Valhubert ne se laisse panser qu'à minuit. Dans son brevet d'honneur l'Empereur signale son sangfroid à Marengo. Pendant les quelques jours de repos qui suivirent cette grande victoire, Valhubert, à Parme, à Plaisance , à Modène, par la loyauté de son caractère , fit honorer les Français et se fit chérir de ses soldats par sa bonté : les dons que lui fit le Premier Consul retournèrent à sa brigade. Le combat de Pozzolo2, dans lequel il fut renversé par un boulet qui éteignit sa voix pour plusieurs mois, couronna tant d'exploits dont la récompense fut un sabre d'honneur décerné par le Premier Consul avec cette lettre:

 

«.... Je n'oublierai jamais les services que la bonne et brave 28e a rendus à la Patrie.

Je me souviendrai dans toutes les circonstances, de votre conduite à Marengo.

Blessé, vous voulûtes vaincre ou mourir sous mes yeux. »

 

Il reçut 10,000 fr. à titre de gratification: cette somme devint la caisse des veuves et des orphelins de la 28e. Valhubert fut nommé général de brigade en 1803, et fit partie du camp de Boulogne : l'année suivante, l'Empereur le nomma commandeur de la Légion-d'Honneur. La campagne d'Allemagne s'ouvre : le général part avec sa brigade composée des 64° et 88e régimens. Dans cette campagne, il sauve la vie à son aide-de-camp, menacé par on incendie; il enlève le pont de Vienne, et s'empare du grand parc des ennemis fort de cent canons et d'autant de caissons. Sur le terrain Napoléon lui dit : « Ici comme a Marengo. » Dans une marche, traversant un grand bourg brûlé par les Russes, il distribue aux habitans tout ce qu'il possède, à deux pièces d'or près. Le soleil d'Austerlitz brille : il esta l'avant-garde , sur la route de Briinn à Olmutz qu'il doit défendre à tout prix: les masses russes cherchent à déborder sa gauche et l'artillerie tire aux abords de la route : un obus renverse le général et son cheval , et le blesse mortellement. Les officiers et les soldats accourent pour le relever : Souvenez-vous de l'ordre du jour! leur crie-t-il, vous ne me relèverez qu'après la victoire: il était défendu de relever les blessés. Malgré tous ses refus, il est désarmé, placé sur des fusils et porté à l'ambulance: « Allez à l'Empereur, dit-il à son aide-de-camp, dites-lui que dans une heure je serai mort. J'aurais voulu faire davantage... Je lui recommande ma famille'. «Napoléon lui envoya des chirurgiens de sa garde; mais il succomba à Brûnn où il avait été transporté... Mort an fen, il eut, dans l'ivresse de la victoire, de magnifiques funérailles, et on grava cette inscription sur sa tombe de marbre noir:

 

AU BRAVE GÉNÉRAL VALHUBERT

TOMBÉ DANS LA BATAILLE D'AUSTERLITZ,

LE II DÉCEMBRE 1805.

 

Nos ennemis , qui savent apprécier le courage, sauront aussi respecter, après notre éloignement, ce monument élevé à un de nos généraux, dont le grand caractère, les vertus militaires, sont dignes de servir de modèle à toutes les nations.

 

L'empereur donna le nom de Valhubert à la place qui est devant le pont d'Austerlitz; des peintres furent chargés de retracer les principales actions de sa vie, et un célèbre sculpteur, Cartelier, dut reproduire ses traits dans une statue colossale. Cette statue s'élève maintenant sur la place Valhubert à Avranches, où quelques rares camarades peuvent reconnaître l'image fidèle du général. Sur le piédestal où l'a élevé sa ville natale, Valhubert est un souvenir de gloire, un mobile de courage, un type de bravoure et de fidélité à l'honneur et au devoir.

 

Précey collection LPM 1900

 
         
   
  PRECEY
  CC 02.10 AVRANCHES - MONT-SAINT-MICHEL
   
  EGLISE
         
 
 
 

Eglise de Précey 2011 Image de : plonevez

 

Texte issu du site de la mairie

 

 
 

L’église actuelle fut construite vers 1886 par les soins et sous la direction de l’Abbé Legoux, né à Céaux, mais élevé à Précey, où sa famille vint s’établir vers 1840. Très attaché à la commune de Précey, il sut trouver les fonds nécessaires à l’édification de l’église. L’ensemble des verrières de Précey, réalisées par Duhamel-Marette entre 1891 et 1892 reflète donc la pensée et les actes de cet ecclésiastique, semble-t-il très apprécié. Ancien vicaire général de Coutances et protonotaire apostolique, Monseigneur Legoux fut extrêmement actif et, dans ses moments de délassement, il accompagna Monseigneur Germain aux tournées de confirmation dans le diocèse, mais aussi dans d’autres diocèses, ainsi que dans les pèlerinages, dans les cérémonies des paroisses, les consécrations d’autels. C’est ainsi qu’on doit en partie à Monseigneur Legoux le succès de cérémonies grandioses qui jalonnèrent l’épiscopat de Monseigneur Germain, dont un certain nombre sont retracées dans les verrières de Précey.


M. le Bocey, curé de la paroisse en 1820, est né à Marcilly en 1779, il était au début de la Révolution résolu d’étudier en vue du sacerdoce. Mais que faire ? pas de prêtres, pas de maîtres, les églises étaient fermées . Cet état de choses ne lui permis pas de suivre son premier attrait, aussi sur le point d’arriver à la 30ème année de sa vie, se détermina-t-il à un mariage. Il fut marié à sa cousine par un oncle, ancien Bénédictin. Ce fut pour peu de temps. L’année suivante, un enfant vint au monde et mourut et puis ce fut le tour de l’épouse. M. Le Bocey comprit que le premier appel de Dieu était celui qu’il aurait dû entendre. Il se remet à l’étude et en quelques années il était capable d’entrer au grand Séminaire. Il fut ordonné prêtre à Noël 1819.

 

Ce fut la paroisse de Précey qui jouit des avantages de son ministère ; alors qu’il y était vicaire et curé. Très charitable, il employa les revenus de sa terre à Marcilly, en bonnes œuvres. Très préoccupé de la bonne éducation de l’enfance, il laissa, dans ce but, une maison qui à Précey, logerait l’institutrice, ainsi que le revenu d’un pré. Il songea également à sa paroisse natale.

Précey CPA collection lpm 1900

 

 

De concert avec son jeune compatriote l’abbé Jean Morin, curé de St-Loup, il acheta un terrain sur lequel fut bâtie l’école des filles. Sur le linteau de la cheminée, on lit : J.B. Le Bocey curé de Précey, 1839. La maison de Précey et de Marcilly fut donnée aux Curés successifs de Précey et de Marcilly et à perpétuité. De plus sa terre de la Gaudinière, à Marcilly, fut léguée aux fabriques de Précey et de Marcilly à charge de messes pour lui, sa famille et M. L’abbé Lemasle.

 

Recueil de ce qu’on a fait à l’Eglise de Precey depuis 1721

jusqu’à ce premier jour de janvier 1725.

 

On a fait pourfir et blanchir la costiere de la nef du costé de l’Epitre qui n’était qu’un maçonnail. (...) On a acheté le crucifix de l’Arcade de bois au dessous. On y a rétably les deux petits autels dont l’un était interdit et l’autre simplement toléré. On a fait faire la sacristie au dépens d’un homme de bien qui ne veut pas être connu et de plus qui a donné le soleil d’argent armoire de la sacristie. (...) On a fait faire une troisième cloche, on a mis l’horloge dans la tour... On a fait la grande porte de l’église »

 

« En 1750, on a fait bâtir la fenêtre au bout du choeur, aux frais du Trésor et de quelques personnes charitables...

 

En 1760, quelques personnes charitables par une quête firent faire et raccomoder la statue de la Vierge qui est dehors contre le pignon du choeur qui a coûté près de 10 livres (en note : cette madone, placée à l’extérieur comme dans les églises d’Italie, a disparu) ...

 

En 1761, noble dame veuve de Pierre-Louis de Clinchamp, seigneur de Précey, fit elle-même placer contre la balustrade une stalle avec son dossier pour M. le vicaire (note : ce fut une grande affaire qui rappelle le Lutrin )...