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L'Abbaye de Montmorel est une ancienne abbaye augustine de la Manche, sise à Poilley. Elle était l'une des quatre abbayes masculines du diocèse d'Avranches.
Fondée en 1160 au confluent du Beuvron et de la Sélune, elle reçoit ses premiers biens de Ruallon du Homme et Jean de Subligny, issus de deux grandes familles de l'Avranchin qui se disputeront au long des siècles le titre de fondateur.
Confirmée en 1162 par Henri II d'Angleterre, elle reçoit la protection de Richard Cœur de Lion en 1195.
Détruite par les guerres de religion, elle est rebâtie en 1602. Par son école de théologie, elle se montre sensible à la doctrine janséniste. Elle rejoint ensuite la Congrégation de France initiée par l'abbaye Sainte-Geneviève de Paris.
Comme la majorité des congrégations masculines de la région, l'abbaye décline progressivement, jusqu'à sa vente comme bien national en 1791. Son nouveau propriétaire rase alors l'église et les principaux bâtiments conventuels.
Les restes font l'objet de plusieurs protections au titre des monuments historiques : par arrêté du 6 février 1980, les vestiges du cloître et son aire sont classés, tandis que sont inscrits les façades et toitures du logis abbatial, le pont et le portail enjambant le Beuvron, la chambre du prieur avec son décor et ses boiseries et la cheminée ancienne à l'extrémité du bâtiment de la léproserie ; par arrêté du 2 juillet 2007, sont inscrits également l'assiette des sols de l'ensemble du site, le système hydraulique comprenant le bief et la moitié attenante de la rivière, l'ensemble du logis, et la borne. |
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Avranchin monumental et historique, Volume 2 Par Edouard Le Hericher 1845
Foiltay où est le fort de mon natal manoir, Terroir que favorist la déesse blêlière, Le bon père vineux, et la nymphe fruitière, Terroir qui est l'honneur du païs A v i anchois. (Charte de Montmorel.)
Intercepté d'un côté par cette muraille à pic couronnée d'un taillis, l'horizon se développe du côté opposé dans de vertes et vastes prairies qu'encadrent les hauteurs tantôt pelées , tantôt boisées des coteaux de Sélune, le Mont Celune, la Roche du Jalours, les bois de Saint-Laurent et d'Ardenne où se cachait l'Hermitage de Saint-Biaise. . Après la peinture topographique, deux choses nous restent à faire, la description monumentale et l'histoire de l'abbaye avec la succession des abbés.
Quelques bâtimens modernes, quelques ruines des anciens, voilà tout ce qui reste de l'abbaye de Montmorel. En présence de ces faibles élémens, l'archéologue est appelé à opérer, pour ainsi dire, une résurrection, et à faire ce que fait le géologue, qui, avec un membre, reconstitue un corps: tâche pénible, il est vrai, mais allégée par le plaisir qui s'attache à l'œuvre par laquelle on fait quelque chose de rien, et à tout ce qui ressemble à une création. Or ressusciter, c'est créer. Avec les débris épars sur le sol, avec les chartes et les livres, avec les renscignemens d'un vieillard qui avait été pâtre du monastère, nous essaierons de nouveau le travail des architectes: nous rebâtirons les édifices du monastère , nous reconstituerons les détails et l'ornementation , nous vivifierons les monumens par leur histoire et le souvenir de leurs auteurs, et nous animerons peut-être de la vie des souvenirs cette vallée religieuse où le présent ne dit presque plus rien du passé.
Bâti vers la moitié du XIIeme siècle (1160) au confluent, le monastère de Montmorel occupa, dit la tradition, cent ouvriers pendant cent ans; son église, à trois nefs, élançait sa flèche jusqu'à la hauteur de la montagne. Son cloître carré s'appuyait aux flancs de l'église et de l'abbatiale; les écuries et les étables s'isolaient au bord de la rivière ; sur la montagne, au village des Granges, étaient les greniers de l'abbaye, et, dans des temps de mœurs relâchées, s'y éleva un pavillon qui n'était pas un oratoire: cinq ou six ponts franchissaient les rivières.
L'église de Notre-Dame-de-Montmorel était divisée en trois nefs par deux rangs de piliers: elle avait des transepts et une abside: c'était une basilique. Elle fut bâtie vers le milieu du XIIeme siècle, avec la munificence de Guillaume de Ducey, qui, entre autres dons, accorda une voiture à quatre chevaux pour porter le sable nécessaire à sa construction : « Quadrigaria ad sabulum prefate ecclesie construende portandum. » D'après l'époque de sa construction , et d'après les arcades mixtes du cloître , elle devait présenter le mélange du cintre et de l'ogive dans ses parties centrales: le style prismatique flamboyait dans ses bas-côtés. Le seul débris caractérisé qui reste encore, est un fragment de baie, dont le chambranle ou colonnette ronde semble avoir appartenu à une ouverture romane. La tour s'élevait sur la croisée à une hauteur de plus de cent cinquante pieds : sur le portail était la tourelle de l'horloge : derrière étaient les orgues construites au commencement du XIVeme siècle par Jean IV le Bailleul, et dont il n'y avait plus que l'extérieur quand le xie volume du Gallia Christiana parut. Les tombes des abbés ornaient cette basilique, au pied des autels: nous en retrouverons la place dans leur histoire. Des bas-reliefs, la Judée, l'Embaumement et la Résurrection, le tableau de la Descente de croix, la statue de saint Augustin, le patron de l'ordre, des vitraux peints, étaient les principaux objets d'ornementation3. Le chœur, autour duquel étaient les armes des du Homme , était pavé de tombeaux et de lames sépulcrales, dont une se voit à Juilley. Ainsi on y voyait le tombeau de Guillaume IV du Homme, tombeau qui devait être splendide s'il égalait la munificence de cette famille envers le monastère; celui de Nicolas Eschart — in sanctuario — dit le Gallia — ante majus altare, dit le Neustria ; celui de Jean Eschart — in choro, antè principem aram; — ceux d'Etienne le Bellay et d'Egidius le Bellay. Celui de Jean m le Louvel était aussi devant le grand-autel, et sa tombe, quoiqu'il ne fût pas noble, portait un écusson avec trois têtes de loup. Robert II, vingt-sixième abbé, qui portait le nom même du monastère, Morel, fut inhumé devant le grand-autel avec cette inscription dont le latin est fort peu correct :
« Robertus Morel, diligentiâ, virtute, obedientiâ, abbas hujusdomus, ilio.adkuc vivente, hic me poni fecit anno D. 1599. Intra vel extra corpus anima ejus requiescat in pace. Amen. »
Jean II le Bailleul, celui qui fit des réparations à l'église et aux lieux réguliers , fut inhumé dans l'aile gauche de l'église , aiâ sinistré non longé à choro, en 1639, ce qui nous fait voir que l'église avait des transepts. Une pierre placée dans le chœur portait cette inscription : Les seigneurs de Houme sont fondateursde cette abbaye, » et une vitre, les armes des Subigny.
Le cloître offre des témoins plus nombreux et plus positifs, dans les arcades , aujourd'hui bouchées, qui le séparent du jardin, et qui annoncent une galerie. Il était carré selonl'usage et le souvenir de l'atrinm romain: une de ses faces était l'église, l'autre l'abbatiale, la troisième était la galerie dont il reste des arcades, la quatrième a totalement disparu. Des mouillons indiquent encore l'élévation de la galerie qui semblerait feasse, si l'on n'observait que ce sol de décombres est sensiblement exhaussé. Cette série d'arcades est précieuse pour l'art et l'archéologie: elles sont pures et élégantes, et présentent l'itinéraire de l'architecture. Les arcs rapprochés de l'église sont du roman pur et avancé; les impostes n'ont pas de sculptures. Au centre sont trois grandes arcades ogivales, sans chapiteaux, à chambranles ronds: c'est le pur XIIIeme siècle. Au-delà est un arc à tête ronde, avec les mêmes moulures, arc de transition qu'on pourrait appeler un cintre gothique, ou plutôt qui atteste la persistance du cintre dans l'époque ogivale'. Pour compléter cette double nature, le chambranle rond est accompagné du cordon en zigzags. Enfin , à l'extrémité est une porte à cintre surbaissé qui représente la fin du gothique. Avec un type flamboyant, on aurait sur une seule ligne, comme sur un atlas, l'itinéraire de l'art du Moyen-Age.
L'abbatiale n'existe plus qu'en partie; un corps de bâtiment où étaient les cuisines et les dortoirs offre encore une façade revêtue de larges dalles de granit : c'est une construction du XVIIeme siècle, due à l'abbé Jean le Bailleul. Le corps des caves et des écuries est au bord de la Sélune: on y voit encore une porte sculptée en rocaille, et, sur une cheminée, un écusson épiscopal et abbatial, avec la date de 1609. Alors était abbé Jean le Bailleul, qui obtint le droit pontifical, privilége que consacre sans doute cette double croix. C'est là sans doute qu'était la léproserie que l'archevêque Odon visita au XIIIeme siècle.
L'abbaye de Montmorel fut vendue au commencement de la Révolution. L'acquéreur fit détruire l'église et tous les bâtimens, à l'exception de l'abbatiale et des étables , qui ont constitué une ferme. Quelques maisons d'Avranches ont été bâties avec les débris.
Les origines de Montmorel sont assez obscures. Les deux hagiographes qui les racontent, le Neustria Pia et le Gallia Christiana, ne s'accordent pas sur l'emplacement primitif. Combinant les deux récits, les complétant par les chartes, les illustrant par nos observations et le détail des lieux, nous essaierons de les concilier ou de les expliquer.
D'après le Neustria Pia, le berceau du monastère fut un lieu où existe encore une antique chapelle—etiam nunc extat capella vetus. — Nous croyons qu'il s'agit de la chapelle de Saint-Biaise, l'ermitage du bois d'Ardenne, qui existait encore lorsque l'hagiographe écrivait, et même du temps de Cassini '. D'ailleurs les ermitages ont été très-souvent le germe des monastères. Ensuite, d'après le même récit, les premiers religieux se transportèrent dans un lieu , une villa appelée Longue-Touche, ou encore, selon les frères St-Marthe, la Tombe. Mais comme il n'y avait pas d'eau, ils se transportèrent au confluent de la Sélune et du Beuvron , dans le lieu appelé Montmorel. Le Gailia Christiana prétend qu'il n'y a pas de lieu du nom de Longue-Touche , dans les environs de Montmorel : ses auteurs ignoraient que dans la commune voisine, Saint-Sénier-de-Beuvron, est le village de Lantouche, ancienne propriété de Montmorel, où la tradition place un monastère, terrain sec et montagneux qui s'accorde bien avec ce qu'en dit le Neustria'. Le même hagiographe reconnaît bien qu'il y a parmi les terres de Montmorel un lieu dit la Tombe et Longue-Touche, mais qu'on ne peut pas en conclure que les moines aient habité dans l'une ou l'autre localité. Que les premiers moines aient fait plusieurs essais, avant de choisir un lieu définitif, c'est ce qui est assez ordinaire dans l'histoire des monastères, et ce que les autorités du Neustria, jointes à la concordance des lieux, rendent très-probable3. Mais cette question n'est pas d'ailleurs d'une haute importance. Après ces origines obscures nous aborderons l'histoire de l'abbaye : malgré l'exemple du Gallia Christiana et du Neustria Pia, nous croyons qu'il est plus rationnel de fondre en un seul récit la série des abbés et l'histoire du monastère.
— 1° Radulphc. Il est appelé fondateur dans une charte de l'évêque Achard; il fut tiré du monastère de Saint-Victor-deFaris ; il donna le fief sur lequel le monastère fut établi, et il en fut le premier prieur. Il n'est donc pas antérieur à l'année 1162, dans laquelle Achard fut nommé évêque, et ne vient pas après 1171, époque où il mourut. Il fut aussi le premier abbé, étant présenté par Jean de Subligny, et il reçut la bénédiction de Richard, successeur d'Achard. On lit dans le Nécrologe de l'abbaye qu'il administra huit ans, et on y lit au 10 octobre: « Mourut Radulphe abbé, fondateur et premier habitant de cette église. » L'époque de cet abbé est celle pour laquelle on a peut-être le plus de renseignemens, quoique quelques-uns doivent se rapporter à ses premiers successeurs. D'après la charte d'Achard, que l'on dit la plus ancienne du monastère, Radulphe donna le fief sur lequel il fut bâti; ses neveux , Galerand et Valérien , confirmèrent la donation , et y ajoutèrent le lieu d'habitation et la colline boisée qui la domine — « locum habitationis et cottem ne~ moris superincumbentis, » — avec plusieurs parties de terre qui entourent le monastère. Le Neustria Pia lui donne pour fondateur Jean Harcourt, seigneur de Subligny dans l'année 1180 , en s'appuyant de l'autorité de Robert Cenalis, et lui donne pour premier bienfaiteur Rualem du Homme , — de Hulmo.—Nous voyons déjà en présence les deux familles qui rivaliseront, jusqu'à la querelle, dans leurs bienfaits et leurs prétentions sur le monastère. Le titre de fondateur d'abbaye était un des plus beaux du Moyen-Age, sous le rapport mondain et religieux. Rualem du Homme céda ses droits sur ce que Radulphe le fondateur avait donné, et donna le lieu où le moulin fut construit; il concéda encore quelques droits sur la rivière, de concert avec Hasculphele-Breton. En outre , il donna l'église de Précey et celle de Poilley; c'est pourquoi il eut le titre de fondateur dans le Nécrologe de l'abbaye où il mourut moine profès:
« 10 mai obiit Rualemmus de Hulmo patronus et fundator hujus domus et canonicus nostcr professus. »
Mais le Nécrologe fut revu au XVeme siècle par un de ses principaux abbés, membre de cette famille, Guillaume du Homme. Sous son successeur, cette famille fit mettre dans le chœur de l'église du monastère une pierre avec cette inscription: « Les seigneurs de Houme sont fondateurs de cette abbaye », et fit peindre sur son pourtour une bande noire avec ses armes. La dame de Saint-Pierre, de la famille de Subligny, dix ans après, fit enlever la pierre, gratter la bande d'armoiries, et mettre les siennes sur la vitre principale du chœur, où on la voyait encore au milieu du siècle dernier. Le principal titre des prétentions de cette famille se fondait sur ce que Montmorel, qui, du temps d'Achard n'était qu'un prieuré, était devenu une abbaye par les efforts de Jean de Subligny. Il présenta le prieur pour l'investiture abbatiale, à Richard, son successeur, en présence de Philippe du Homme, et selon l'attestation des chartes des évêques d'Avranches et des archevêques de Rouen et de Henri n, il donna le fonds même où s'établit l'abbaye: Sedetn hujusce loci, sedem ecclesie et collem nemoris qui cidem loco supereminet. » Jean donna encore quatre églises et d'autres biens à Montmorel. Hasculphe, fils de Jean , y ajouta une église. Philippe de Terregaste, par le conseil du même Jean, en donna une encore, et se montra remarquablement généreux envers le monastère ». Cédant à la même impulsion, Jean Du Bois donna au même lieu le patronage de Saint-Laurent-de-Terregatte, et Guillaume de Oucey fit des concessions qui le placent au troisième rang des bienfaiteurs de Montmorel. Comme ce dernier était contemporain de Radulphe, c'est à son gouvernement que nous rapportons ses dons, en disant que la mort de Jean de Subligny fut marquée sur l'Obituaire à la date du 30 mai: « Obiit Joh. de Sulignei patronus noster et canonicus ad surcttrrenda. » Nous avons plusieurs des chartes de Guillaume de Ducey que nous citerons textuellement, et parce que les chartes relatives a Montmorel sont rares, et parce que les nôtres offrent d'intéressans détails topographiques. Par une d'elles il consacra le don de l'église de Ducey, de la chapelle SaintGermain , des dîmes du moulin de Cerisel et de son domaine de Ducey:
« Sciant omîtes qttod ego W. dominus de Duceyo pro amore Dei et spe retributionis eterne et salutis anime mee et antecessorum mcorum ecclesie B. M. de Montemorelli conccssiet dediscilicet ecclesiam sancti Paterni de Duceyo ac decimas et elemosinas que ad ipsam pertinent et capellam sancti Germani' et decimas molendini mei de Cerisel" et decimas dominimei de Duceyo » Par la charte suivante il donna les mêmes biens et y en ajouta quelques autres , signalés par des détails précis: « G. deDuxeio canonicis Montismorelli dedi et concessi et omninà dimisi in manu domini Ricardi Abr. episcopi posui hermitagium quod est in Ardena a casu rivuli Morterie inserviendum cum stagno superiori ecclesiam sancti Paterni et capellam sancti Germani et omnia que ad servitium ipsius capetle pertinent et octo quartarios frumentipro decima molendinimei de Cerisel.... et... et quadrigaria ad sabulum prefate ecclesie construende portandum et a Vado petroso sicut via ducit usque ad vadum sub piscaria Ligneii proooimum et cum nemore terram integre» L'évêque d'Avranches, successeur d'Achard, Richard , à la prière du roi et à la demande de Jean de Subligny, rendit une charte d'excommunication contre ceux qui contrediraient à ces donations :
« Richardus notum esse volumus quod G. de Duxeio prece domini nostri regis et petitione Johannis de Suligneio concessit ecclesie B. M. de Montemo- relli... Sententiam excommunicationis posui super omnes itlos qui donationi contraire tentabunt.... . »
L'héritier de G. de Ducey, qui avait épousé sa fille Mathilde, G. de Husson, approuva ces concessions par cette charte dont le début est solennel et les détails intéressans: » Justum est et honestum nos testimonium prebere veritati ut penitus exstirpentur machinamenta falsùatis testificamus quod cum W.de Duxeio laboraret in extremis et nos de mandato ejus ad suam antecessissemus presentiam W. de Huecon et Mathildis uxor ejus et Fulco filins suus fidei vinculo in manu nostra interposito firmaverunt se universa beneficia quœ W. de Duxeio abbatie de Montismorelli contulerat. Parmi les témoins de cette charte figure Radulphe Prieur, qui ne prend pas le nom d'abbé , quoique le monastère soit appelé Abbaye. C'est encore à l'administration de Radulphe qu'il faut rapporter une charte ornée des plus grands noms, citée par M. Stapleton :
« Ranulphe, duc de Bretagne, comte de Chester et de Richemond, donna à l'abbaye de Sainte- Marie-dc-Montmirel et aux chanoines là servant Dieu , un lieu situé dans la ville de Saint-Jamesde-Bevron, en présence de Roger de Chester, frère du comte Roger, connétable de Chester , Eude de Chester, et quelques autres. »
— 2° Tualdus, mentionné à l'année 1200 , succéda à Radulphe pour sept ans, d'après le Nécrologe où sa mort est marquée au 27 d'août. Le Neustria dit que son nom était probablement Theobaldus, et qu'il fut témoin dans une affaire de l'abbaye de Ilambie. Sous lui, Gervais de Cresnay, prêtre, donna à l'abbaye un quartier de froment assis sur la terre de la Rabeudière, en Saint-Pierre-de-Cresnay. — 3° Gervais administra pendant dix-sept ans, et son nom se trouve dans une charte de 1214. Sous son administration, en 1210 , Guillaume , évêque d'Avranches, confirma les dons faits à Montmorel dans les chartes précitées. — 4° W Durand gouverna deux ans, d'après le Nécrologe dans lequel il est marqué au 2 décembre. — 5° Alberic mourut le 10 décembre, après treize ans de dignité. — 6° Ranulphe, ou quelquefois Alnulphe, siégea pendant trois ans, et mourut le 12 d'août. De sou temps, Mathilde, fille de G. de Ducey, confirma les dons de son père, et ajouta les dîmes de la paroisse et du moulin de Ducey. En 1231, son époux, W. de Husson, donna à Montmorel:
« Sex quartarios frumenti in Terragasta pro custodia de Duxeio in feodo Juelli de nemore... et dimidium in feodo Pétri de Flachxio a , alios duo in feodo Ranulphide Larsiz. »
— 7° Richard Ier, mentionné dans une charte de 1238, mourut après seize ans d'administration, le 11 mars. — 8° Etienne Ier, après une administration de quatorze ans, mourut le 2 décembre. En 1250, l'archevêque de Rouen, Odon Rigault, visitant les monastères de la Basse-Normandie et venant de Mortain, arriva à Montmorel aux calendes d'août — apud abbatiam Montis Morelli. — Il y trouva quinze chanoines, il y en avait huit à l'extérieur, dans les prieurés. Ils avaient quatre prieurés : un seul demeurait dans un seul prieuré. Mais laissons parler le prélat:
« Nous avons ordonné qu'il soit rappelé au cloître, ou qu'un compagnon lui soit adjoint. Ils ont environ 700 liv. tournois de revenu et ne doivent pas plus qu'il ne leur est dû. Bien que l'état de la maison soit souvent calculé,, il ne l'est pas devant certaines personnes élues par le monastère. Nous avons ordonné que les personnes devant lesquelles ce calcul soit fait soient élues par le monastère. Ils doivent en pensions environ 1,400 liv. : ils ont environ dix patronages d'églises. Les lépreux ne sont point disposés dans l'infirmerie comme ils devraient l'être; nous avons ordonné qu'il soit donné à chacun les choses nécessaires que réclame son infirmité. »
— 9° Robert Pillon unit son monastère à l'abbaye de Lonlay et à celle du Mont Saint-Michel. Après avoir gouverné dix-sept ans, il mourut le 23 février, et on lit dans l'Obituaire de l'abbaye de Mondée:
« vn. cal. Mart. D. Rob. Pillon, quondatn abbas de Montmorello pro cujus anima D. Julianus de Guilleberviîla, dedit nobis centum solidos ad obitum faciendum. »
— 10° Richard II de Ripariâ, de la Rivière, se trouve en l'année 1276. Il gouverna dix ans. — 11° Richard III de Troittemer, fut abbé pendant dix-sept ans. De son temps, en 1285, Foulques de Husson, fils de Guillaume de Husson et de Mathilde, donna la Sablonnière, Arenaria, de la Touche pour bâtir ou pour réparer l'église de Montmorel. — 12° Guillaume Ier de Frecey, ou plus probablement de Précey, mentionné dans les registres de son successeur, siégea dixhuit ans. — 13° Guillaume II, Godard , fut élu par les chanoines, et reçut ses bulles du pape Jean xxu, en 1318. Il administra six ans. — 14° Jean Ier de l'Appentis, lui succéda. Avant lui, en 1329, Fraslin de Husson, seigneur de Ducey, fit un accord avec Montmorel, et stipula que les religieux « aient pour lui la garde d'un cheval, d'un lévrier et d'un chanoine, et qu'après la mort du chanoine les charges finiront. » On trouve le nom de Jean de l'Appentis dans les. années 1345, 46, 48 et 53. Le Nécrologe nous apprend qu'il siégea vingt-et-un ans. — 15° Etienne II, de l'Appentis, gouverna huit ans, selon le Nécrologe, ce qui est certainement une erreur, puisque son prédécesseur gouvernait en 1353, et que son successeur siégeait dès l'an 1358. — 16° Robert de Brecey fut inauguré en 1358. Sous lui, en 1364, les troupes navarraises ou anglaises, envahirent Montmorel et s'y retranchèrent. Duguesclin les en chassa, et, persuadé que les moines ne s'étaient point opposés à cette occupation , il les condamna à payer 40 liv. dont il les exempta cependant, quand il eut reconnu que le monastère avait été occupé par force. — 17° Guillaume II de la Chaise, de Cathedrâ, est trouvé abbé en 1390 , 91, 93 , 95, 1403 et 1405, dans des chartes dont quelques-unes ont peut-être rapport à ses successeurs. — 18° Guillaume III, du Homme, de Hulmo, fut peut-être le principal abbé du monastère. Il appartenait à la famille qui se prétendait fondatrice. Il se trouve dans les actes, depuis 1406 jusqu'en 1441, c'est-à-dire pendant presque toute la durée de l'occupation anglaise. Il fut enterré dans le chœur, d'après le Nécrologe dont on le croit l'auteur, ou du moins qui fut revu par lui, et dans lequel on lit que Ruello du Houme est le fondateur de Montmorel. Il fit sa soumission à Henri v, en même temps que les terres de Jean du Homme, probablement son frère, étaient données à l'Anglais, Pierre de Catherton. M. Desroches cite un manuscrit qu'il attribue à Guillaume du Homme dans lequel on trouve des particularités sur la liturgie de son monastère. On y trouve mention de saints qui sont peu connus, tels que Mettrait, Moi, Lother, Blanchart, Margodon, Affrodose , Matin, Quirian, Tholomée. Un jour était consacré aux onze mille vierges. On y lit encore ce vers simple et austère: « Transitus in mortem cure plenusque laborù. » Vers le soir les religieux chantaient l'hymne suivante:
— 19° Nicolas Eschart, gentilhomme breton de Montaut, prit possession du monastère en 1448, et prêta serment au roi en 1450, après le départ des Anglais. Il céda son poste à son neveu, et fut enterré dans le sanctuaire. — 20° Jean Eschart sépara le premier la mense abbatiale du couvent et les revenus de l'abbé de ceux du monastère, à la charge de nourrir et entretenir les chanoines. C'est, pour ainsi dire, le seul abbé dont on connaisse précisément les travaux architectoniques. Il fit construire la grande maison de l'abbé, le cloître, Vodewn ou le chœur de l'église. Nous croyons que ces travaux ne furent que de grandes réparations qui durent donner aux parties excentriques le caractère flamboyant. Il résigna sa dignité en se conservant une pension de 70 louis. Il fut enterré dans le chœur, devant le maître-autel. — 21° Julien Eschart, frère du précédent, professeur de théologie, fut à la fois abbé de Montmorel et pénitencier de l'église d'Avranches; il était de Vievy en Bretagne , et jouissait d'une pension sur la paroisse de Vezins. Il fut abbé eu 1515 , et fut enterré près de son frère. De son temps, l'abbaye paya , par son bailly, dans l'Impôt royal de 1522, la somme de 200 liv. — 22" Etienne III le Bellay fut promu en 1522; il abandonna sa chaire en 1543 , en faveur de son successeur, mourut peu de temps après, et fut enterré dans le chœur, devant le grand-autel. Il figura dans la charte suivante:
« Furent présens révérend père et seigneur Estienne, abbé de N. D. de Montmorel et frère Pierre Le Provost, l'un des religieux... lesquels amortirent Charles de la Trousseboys, sieur de Ducé, etc. »
Il avait fait le chœur de Poilley. — 23° Egidins Le Belley reçut, en 1543, ses bulles où il est appelé abbé commendataire. On sait que c'est des Commendataires que date la décadence des monastères. Il se démit en faveur de son successeur, en retenant une pension de 500 liv.; ces nombreuses démissions avec conditions accusent ou des difficultés intérieures ou un besoin de bien-être indépendant, qui révèle l'affaiblissement du sentiment religieux. Il retint encore la maison de l'abbé avec ses meubles et la présentation à tous les bénéfices. Il fut enterré dans le chœur, devant le grand-autel. — 24° Pierre Cornille, ayant fait approuver par Henri n la démission de son prédécesseur, reçut ses bulles en 1558. Il fut tourmenté par Louis de Montgommery, calviniste. Le roi Henri n ayant donné l'abbaye aux seigneurs de Ducey, comme Gabriel de Montgommery était encore trèsjeune , lorsque Pierre Cornille y fut nommé , cet abbé vécut quelque temps en paix; mais quand il eut atteint l'âge légal, il voulut priver Pierre Cornille de son abbaye, qu'il prétendait lui avoir seulement été confiée. Pierre, ne pouvant résister à ses violences, se rendit au Mont Saint-Michel pour se mettre sous la sauve-garde de Charles ix, dont il obtint des lettres de protection. Cependant Pierre céda son abbaye à son successeur, son neveu, se réservant une pension 1,000 liv. Il fut ensuite curé de Saint-Laurent-de-Terregatte, bénéfice de Montmorel. Il y mourut, et fut déposé dans le chœur de l'église abbatiale, devant le grand-autel. — 25° Jean III Le Louvel gouverna en 1578. Il donna sa démission en faveur de son successeur : il fut enterré devant le grand-autel. Quoiqu'il ne fût pas noble , trois têtes de loup furent gravées sur son tombeau. — 26° Robert II Morel prit possession en 1594, d'après le décret du Grand Conseil. Il mourut en 1602, et fut enterré devant le grand-autel avec cette inscription qu'il avait fait graver lui-même: « Robertus Morel diligentiâ, virtutc, obedientiâ , abbas hujus domus, Mo adhuc vivente, hic me poni fecit anno D. 1599. Intra vel extra corpus anima ejus requiescat in pace. Amen », inscription où la modestie le dispute à la latinité. — 27° JeanIV le Bailleul, né dans le voisinage de Montmorel ,bachelier en théologie, licencié en droit, aumônier du roi, fut nommé abbé par le sieur de Montgommery. Il fit construire les orgues dont l'extérieur existait encore vers le milieu du siècle dernier, et fit plusieurs réparations tant dans l'église que dans les bâtimens réguliers. Il obtint en 1608, pour lui et ses successeurs, le droit pontifical; mais il perdit l'abbaye pour des conventions entachées de simonie, faites avec les Montgommery, et un autre, non plus intégre, Henri de Boyvin, traita avec eux et fut par eux mis à la place de Jean. Celui-ci mourut en 1639; sa tombe fut élevée dans l'aile gauche , non loin du chœur , mais elle fut enlevée par J. de Boyvin , neveu de Henri. — 28° Henri de Boyvin, doyen de l'église de Rouen, coadjulcur d'Avranches, sacré sous le titre d'évêque de Tarse , trésorier , puis doyen d'Avranches, neveu de l'évêque F. Pericard, prieur de SainteMarie de Mortain, etc., prit possession de Montmorel en 1625; il mourut en 1637, après s'être démis en faveur de son successeur. Il assista en 1632 à la publication des Synodes de l'archevêque de Rouen , et au sacre de Leonor, évêque de Coutances, dans l'église d'Alençon. — 29° Guillaume V de Boyvin , son neveu, doyen d'Avranches', etc., prit possession en 1637. Il mourut en 1665. De son temps fut publié le Pouillé du Diocèse, d'après lequel cette abbaye, dont le roi et le pape étaient les patrons, avait 15,000 liv. de revenu. — 30° Etienne V de Beauvais, conseiller au parlement de Rouen, prit possession en 1677. Il plaida contre ses chanoines avec tant d'opiniâtreté que plus d'une fois il les fit sortir de l'abbaye:
« Tanta pertinacia litigavit ut non semel a domo extorres fecerit. »
A cette époque, le monastère était taxé, pour droits d'Annates envers la chambre apostolique, à 100 florins d'or. Pendant qu'il était abbé de Montmorel, ce monastère ouvrit ses portes à des malheureux, victimes de deux incendies qui eurent lieu dans le voisinage, à Ducey, en 1689 m en 1694. Le premier n'a rien de remarquable. Le second fut complet, et nous en trouvons un curieux récit dans un manuscrit local :
« Il ne resta qu'une petite maison où il y avait un malade qui avait reçu l'Eucharistie ; cela passa pour un miracle On remarqua plusieurs choses très- extraordinaires dans cet incendie, comme le moulin dans l'eau fut totalement brûlé de façon qu'il n'en resta pas un morceau. Le curé de Ducey fut averti de cet incendie quelques jours avant par une jeune fille qui alla le trouver, lui disant que Ducey serait châtié en bref, et qu'il en avertît ses paroissiens; le sieur curé les avertit, mais ils n'en firent pas de cas. Cette fille retourna derechef et dit à monsieur le curé que Ducey serait châtié en bref, si les habitans ne changeaient pas de vie au plus tôt, et que cela était aussi vrai quelle avait sa main derrière elle , dans laquelle il y avait un crucifix marqué. On eut bien de la peine à lui remettre son bras dans sa place ordinaire. Il lui fut remis quelques jours après par un chirurgien»
— 31° Henri de Belzunce, le héros de la peste de Marseille, évêque de cette ville, fut pourvu par le roi de l'abbaye de Montmorel en 1721 2, l'année même où Massillon fut pourvu d'une autre abbaye de l'Avranchin, celle de Savigny : c'est ainsi que s'unissent dans un remarquable synchronisme , en se rattachant à l'Avranchin, deux hommes qui personnifient, dans leur temps, l'éloquence et la charité. — 32° Jean de Brancas, archevêque d'Aix, fut désigné abbé de Montmorcl en 1729. C'est à lui que s'arrête la liste du Gallia Christiana. Nous ne savons rien de ses successeurs immédiats, sinon que, dans ce siècle, la discipline de Montmorel était très-relâchée. Dans ce temps fut bâti le pavillon de TrompeSouris. Le dernier abbé fut M. de Pontevès, chanoine et comte de Saint-Victor de Marseille, vicaire-général du diocèse de Maçon, et aumônier de Madame Adélaïde de France. A l'époque de la Révolution, et de la suppression des monastères, le dernier prieur se retira à Ducey, où il courut quelques périls : il partit de là pour l'émigration.
Aujourd'hui de Montmorel il ne reste plus que ces souvenirs et quelques ruines, destinées à périr bientôt, et dont l'image n'apparaîtra plus que dans les pages qui les auront décrites: les ravages du temps donnent de la valeur à l'histoire. L'éternelle nature reste seule avec la physionomie des temps passés: la verdure est toujours fraîche, les horizons charmans, le bois de Trompe-Souris abrite toujours la vallée, où la Sélune et le Beuvron promènent et marient leurs ondes silencieuses et transparentes. Il reste encore quelque vieillard qui se souvient de l'abbaye et qui, en vous répondant, s'étonne de vos question, témoin précieux qui va mourir et dont il faut se hâter d'écrire les récits: le vieillard conte encore , mais son fils n'écoute plus |
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