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GO69 L'église Saint-Martin-de-Juilley | ||||||||||||
Avranchin monumental et historique, Volume 2 Par Edouard Le Hericher 1845
Medietariam de la Brouta inler Julletum el Tisnici. (Charte de Savigny.)
Richard de Saintray. (Liste de la Croisade du due Robert.)
Juillet représente un losange, ou plus rigoureusement un décagone irrégulier, coupé par le milieu, du nord an sud, par la route d'Avranches à Fougères. Cette commune est difficile à déterminer, parce que sa coupe est généralement arbitraire et qu'elle a peu de limites naturelles. La vieille route de Saint-James accompagne en zigzags la ligne droite de la route actuelle. II y a deux étangs assez considérables d'où sort le ruisseau du Gué-au-Râle. Le point culminant est la Butte-des-Quatre-Vents d'où l'on embrasse le cercle entier de l'horizon avec un paysage riche et varié, un des plus beaux points de vue de l'Avranchin. Le second plateau est la Landede-Juilley, au pied de laquelle coule le ruisseau du Gué-au Râle, et sur laquelle on trouve la Valérianelle dentée. Au sud est le Bois-Rouland où eut lieu, au commencement de la Révolution, un vif engagement dans lequel les bleus furent complètement battu, le village du Heumelet nous rappelle le ruisseau d'Hcume en Crollon, et parait offrir avec celui-ci l'altération du Ham et du Hamelet saxon. Trois villages portent un nom très-commun dans l'Avranchin, celui de Chaney ou Cbanier. Le ruisseau de Creuse-Rue, uni à celui du Bois-Rouland forme une fraction de limite au sud: les Moitiers nous rappellent un bien monachal ou une métairie ». Le principal fief est le manoir de Saintrey, dont quelques bâtimens ruraux ont encore une certaine physionomie féodale : il est probable qu'il y a eu là un château-fort. Un seigneur de Saintrey, Richard, était à la croisade du duc Robert. Scion Dumoulin, il portait d'hermine à un sautoir de gueules. Marie de Saintrey devint dans le siècle dernier épouse de Bernard de la Binolaie Juilley renferme encore un Mès, le M es-Martin. Le Bas-Chanier était un fief des Montgommery, comme l'indique un titre de 1601 des archives du château de Ducey.
Le nom de Juilley signifie l'habitation de Juhel, Juhel- leium. Ce nom, essentiellement normand, commun dans le Domesday, sous la forme de Juhellus et Judhellus, est encore porté dans le pays. Un Johel « oriundus ex diœcesi Abrincensi », se retira dans le xr siècle dans le monastère des Biards, dont il devint abbé. La nomenclature de 1535 l'appelle Julleium. Il y a en France une dizaine de Juilley. il y a un grand nombre de Juillac et de Juilly : tous ces mots signifient la même chose et ont la même origine.
L'église Saint-Martin-de-Juillcy était sous le patronage de l'évêque d'Avranches. Deux époques se révèlent dans la construction de cette église, une troisième se laisse entrevoir. La première est le XVIIIeme siècle, qui a fait la tour et les fenêtres; la deuxième est le XVIeme, attesté par le bas-relief de saint Martin, les contreforts, le portail, la fenêtre orientale et la bordure des pignons; la troisième est représentée par un antique et précieux objet, la tombe sculptée de la nef. Sa forme, qui est celle du cercueil, lui assigne une date assez reculée et son travail atteste le xnr siècle. Elle a un rebord saillant sur lequel sont les vestiges d'une légende illisible. La statue en bas-relief, d'un style éminemment chrétien, représente un personnage, les mains jointes, avec une robe ample et à plis raides et réguliers: deux cordes, comme deux disciplines sont jetées sur les épaules : elle est trèsusée par le frottement, car elle est encastrée dans l'allée de la nef. Nous croyons qu'elle représente un religieux, et pourrait bien avoir été apportée de l'abbaye voisine de Montmorel'. Au XVIeme siècle, outre les parties déjà indiquées, se rapporte une dalle tumulaire de 1583. Le bas-relief de saint Martin mérite une description. Il était dans le principe à la hauteur du maître-autel : il a été malencontreusement encastré à l'extérieur dans le mur de la nef. C'est un grand médaillon ogival obtus représentant le patron lorsqu'il déchire son manteau pour en donner la moitié à un pauvre. Le mendiant estropié , appuyé sur une béquille, est nu et placé derrière le cheval; le saint porte le costume du XVIeme siècle, la toque, le manteau à l'espagnole, la dague au côté , le juste-au-corps serré par un ceinturon. Le buste du cavalier ne manque pas de vérité. Le cheval est enharnaché à la mode du temps; il est lourd et bas sur ses jambes. Au xvnr appartient la tour, formant porche, terminée en coin , datée de 1737. Il reste une porte d'escalier de 1643. La nef a été refondue en 1724: on y a mis d'anciennes fenêtres. Dans la sacristie est une belle statue de saint Augustin, dont la crosse offre l'ogive du XIIIeme siècle: elle est lourde, mais les détails, la draperie, la mitre, les gants, la crosse sont assez bien traités. Elle vient de Montmorel, où elle devait tenir une des premières places, puisque cette abbaye était sous l'observance de saint Augustin. Un vieux confessionnal porte un écusson en bois surmonté d'une crosse : c'est encore un débris de Montmorel. Au maîtreautel sont deux reliefs médiocres, le Buisson ardent et le Sacrifice d'Abraham. Le devant est une peinture en végétation fantastique du siècle dernier. Ainsi cette église, assez pauvre comme architecture, offre des détails intéressans et des reliques d'une abbaye dont il ne reste presque rien.
Dans l'Impôt royal de 1522, l'église de Juilley fut taxée à 6 liv. 10 s.4 En 1648, l'église de Juilley avait 500 liv. de revenu1. En 1698, elle valait encore 500 liv. La taille était de 1122 liv. payées par 60 taillables. Le gentilhomme à cette époque était René Legrand, écuyer. En 1764, Juilley, de la sergenterie de Saint-James, renfermait 110 feux.
A la fin du XIIeme siècle, Achard, évêque d'Avranches, assistant aux derniers momens de Guillaume de Ducey, reçut de lui la confirmation des dons qu'il avait faits à Savigny, et promulgua une charte; parmi les souscripteurs était Pierre de Juilley, doyen du chapitre d'Avranches, et au nombre des biens on remarque « medietariam terre de la Broissa inter Julleium et Tissues. »
La croisade de l'aventureux Robert entraîna plusieurs seigneurs de l'Avranchin , au nombre desquels nous citerons entre autres Richard de Saintrey et Adam de Saint-Laurentde-Terregatte. A son retour, le duc Robert vint au Mont SaintMichel remercier l'archange avec sa femme, la princesse italienne Sibylle.
« Meme septembri Rodbertus dux in Normanniam venit et cum Sibylla conjuge sua Montent Sancti Michaelis archangeli de periculo maris adiit. Ibi pro reditu salvo de longinqua peregrinatione egit. » | ||||||||||||