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Église Saint-Vigor à Tanis |
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Avranchin monumental et historique, Volume 2 Par Edouard Le Hericher
Tanny. ( Registre de l'abbaye de la Bataille). Dodemannei. (Charte de Richard n).
LA forme très-irrégulière de cette localité se dérobe à la définition , et l'absence de limites naturelles n'en permet guère la description. Les lieux intéressans par quelques particularités sont le Rouvre, qui conserve l'ancien nom du chêne , la Dodemanderie , citée sous le nom de Dodemannei dans un des plus antiques documens du pays2, Grandchamp, cité dans le Terrier du Mont Saint-Michel, Brée, village célèbre, qui mérite toujours l'étymologie qu'en a donnée Daniel Huet, brai, en gaulois, signifiant boue.
L'église a quelques parties anciennes, spécialement une fenestrelle romane au nord, les fonts et la statue de sainte Marguerite. Viennent ensuite les fenêtres, parmi lesquelles on remarque celle de l'est, triple lancette, dont la tracerie a conservé des vitraux peints, une Crucifixion, une sainte Anne , et un évêque foulant aux pieds un dragon, sans doute saint Vigor, le patron. Les fleurs de lis dont ce ' vitrail est semô rappellent que la seigneurie de Tanis était royale: Louis xi la donna au Mont Saint-Michel en 1463. On y lit aussi le nom de Richard. Cette fenêtre est du xve siècle. On remarque deux pierres tombales , l'une de noble dame Ouchâtelier , l'autre à la date de 1581. Une tour a été élevée en 1833; elle a remplacé un campanier, sur lequel étaient aussi des fleurs de lis.
Donnée, en 1463 , par le roi de France au Mont SaintMichel , cette église , en 1648 , avait pour patron , selon le Pouillè du Diocèse, l'évêque d'Avranches. Toutefois nous trouvons dans nos notes qu'au xive siècle, le pape Honorius confirma à l'évêque le patronage de cette église qui lui avait été donné par un seigneur de Tanis. Cette église était une chanoinie de la cathédrale d'Avranches, qui, comme celle de Bayeux, avait son chanoine de Tanis.
Le principal village de Tanis, Brée, nom saxon qui est la racine de tant de vocables terriens, entre autres de Bréhal, Bréville, Bréhou', possède une chapelle de saint Cosme et saint Damien2, qui sert de grange aujourd'hui. Elle est assez gracieuse , avec sa tinterelle à jour et son chevet à trois pans. On venait en voyage pour la colique à la chapelle de Brée, et ce mal emporta ceux qui furent assez osés pour en porter les saints dans l'église paroissiale. Nous trouvons dans un Registre de l'évêché, à la date de 1665 : « Collatio capelt/t seu capellaniœ SS. Cosmi et Damiani in parrochid de Thannys '. » Elle était sur la voie romaine du Mont Saint-Michel à SaintJames. Il faut sans doute voir une erreur dans un titre du Mont qui donne à Brée le nom de paroisse : « Liu. W. de Courceio de dono duorum tenementorum in prochid de Brae. » Les seigneurs de Brée, dont les descendans existent encore , sont assez souvent cités dans les titres du Mont.
Radulfusde Bré signa, au xne siècle, la charte de Huisnes2. En 1260, R. de Brae signa une lettre relative à l'église de Servon.
G. de Brae figuro au Nécrologe du Mont, dressé vers le xive siècle. 1l fit hommage au Mont avec Eudes de Tanis, qui devait a l'abbaye, avec Thomas de Beauvoir , un tiers de chevalier avec le bouclier et la lance.
Jean de Brée figure aussi au Nécrologe du Mont SaintMichel.
En 1261, cette abbaye acquit des prévôtés, services et corvées en plusieurs paroisses voisines, et particulièrement à Brée. En 1380, elle acheta les fiefs de Brée et de Vielles4. Sur cette terre de Vielles, en face de la chapelle, au bord de cette voie romaine, est un monticule de débris que l'on croit être un tumulus. Il a été fouillé par des chercheurs de trésors, qui n'ont trouvé que des déceptions , et par des archéologues qui ont trouvé beaucoup d'ossemens. Une autre motte voisine a été détruite.
Un autre fief de Brée était celui de la Bellière, qui devait service d'hommes d'armes au Mont Saint-Michel : « Louis de La Bellière, dit dom Huynes, tient la vavassorerie de la Bellière en Brée en Tanye. »
Bien que Tanis ait été le berceau d'un des guerriers de la Conquête, appelé Tanny dans la Liste de l'abbaye de la Bataille, et que ses seigneurs aient été célèbres en Normandie et en Angleterre , leur château n'a guères laissé de vestiges. M. de Gerville en a même vainement cherché la place : « Cette commune avait à la Conquête un de ses seigneurs nommé Robert. On trouve en Angleterre son nom et celui de quelques-uns de ses descendans jusqu'au milieu du xive siècle. En Normandie , je n'ai rien pu découvrir de cette famille, ni l'emplacement de son château , quoique j'aie particulièrement visité cette paroisse. Les Tanys, barons d'Angleterre, portaient d'argent à six aiglettes de sable'. »
Toutefois l'on peut présumer que l'emplacement du château de Tanis était sur un endroit de la lande où l'on a trouvé des débris, entre autres un fragment d'épée et un vase aplati, espèce de gourde, qui appartient à un ancien curé de la paroisse.
Nos recherches nous ont aussi fait rencontrer quelques seigneurs de Tanis.
Dans les Rôles de l'Échiquier pour 1170 , on lit : « De catallagio Joh. de Tardes fugacis pro Sansone de Tanies. »
Dans ceux de 1195, on trouve mention de Radulphe de Tanis : « Rie. Silvanus r. cp. de xl. so. quos recep. de trà. Rad. de Tanies2; » et pour 1198 : « Rog. de Fontibus r. cp. de vvij li. de terra Eudon. de Tanie; » et pour 1195: « R. Silvanir. cp. deUO. sol. de terrâEudonis de Tanies. »
Un Eudo de Tania est cité comme témoin dans le Cartulaire du Mont Saint-Michel.
Turgis de Tanis, charpentier , son soldat, signa au xn" siècle la charte de la Croix.
Jean de Tanis figure au Nécrologe de cette abbaye pour le xive siècle.
Il est probable que la seigneurie passa dans le domaine royal, puisque , dans le siècle suivant, Louis xi donna, en 1463 , la seigneurie de Tarde au Mont Saint-Michel '. Dans le xvn" siècle, le patronage de l'église était à l'évêque.
En 1249 , le Mont Saint-Michel acquit le fief de Maupertuis en Tanis.
Le château de Tanye, au diocèse de Lisieux, est cité dans une charte de Henri V: « Dedimus vobis potestatem ad brigantes in nostro Castro de Tanye existentes ex nunc capiendi per colla sua suspendi faciendo. » L'existence de deux Tanis en Normandie empêche de localiser avec certitude les personnages et les châteaux qui portent ce nom.
L'étymologie de Tanis est assez incertaine : nous croyons qu'il faut la chercher dans le saxon, et que c'est un de ces nombreux vocables que les saxons..' ont imprimés sur notre sol. Leurs seigneurs, comme on sait, portaient le nom de Thanes: les Taini, Tegni, Teini et Teinni remplissent le Domesday. Nous présumons qu'une Thanie ou baronie eut notre localité pour siège. Une chose remarquable, c'est d'ailleurs la forme féminine, soit en latin, soit en français, que le nom paroissial a généralement dans les titres, depuis des temps très-reculés jusqu'à Cassini qui écrit encore Tanie. Nous appliquons la même étymologie à Tanu , à Tuneville, Tunavilla, au Tanis précité, au Tanis du diocèse de Bayeux, à Than, célèbre par son abbaye... On connaît la ville de Thann, en Alsace, et l'île de Tanet, dans le Kent, que les Saxons appelaient Tanes ou Tanesland, terre du Thane. Tanfield a la même racine. Quoique le titre de thane ait été remplacé avec le temps par celui de baron , il était usité encore à la fin du règne du Conquérant. On trouve dans le Domesday, avec la qualification de thanes, de grands personnages, tels que Lanfranc, Robert d'Oilgy, Hugues de Bolbec et Hugues d'Avranches.
La lande de Tanis est une station féconde en plantes peu communes. M. de Gerville a signalé à Tanis la Vicia lutea et YErysimum cheiranthoides. Nous avons trouvé au bord de la route et dans la lande le Panicum crus galli, YIllecebrum verticiltatum, YExacum filiforme, YAchillea ptarmica, le Sium inundatum, la Gentiana pneumonanthe, la Scutcllaria minor, YUtricularia vulgaris, le Lotus angustissimus, YErica ciliata |
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Tanis CPA collection LPM 1900
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