HUISNES-SUR-MER
  CC 01.03 AVRANCHES - MONT-SAINT-MICHEL
   
  Cimetière militaire allemand de Mont-de-Huisnes
         
 

En 1939, Huisnes devient Huisnes-sur-Mer .

 

Avranchin monumental

et historique, Volume 2

Par Edouard Le Hericher 1866

 

Terras videliccl et parrochias de Hu'met et de Genest.

 Acte de 966, reproduction d'un don de 709.

 

Huisme est un territoire généralement uni et marécageux , qui s'abaisse légèrement vers le bord de la grève, sur lequel se dessinent deux mamelons, celui de l'église et celui du moulin à vent.

 

C'est un carré limité au nord-ouest par la côte, au nord-est parla Guintrc, au sud par le ruisseau Gacogne, à l'ouest par le ruisseau Landais. La Cave, les Jardins, le Rivage, Mont-Itier, Boulnais, la Lande, la Gelandière, l'Hirmanièrc, le Repos ou le Repas sont les principaux hameaux.

 

L'église Saint-Pierre à Huisnes-sur-Mer

GO69 — Travail personnel

 
         
 

Bâtie sur un point élevé, l'église de Huisnes montre au loin sa flèche blanche et fme , qui promet un élégant oratoire. Toutefois de près on est déçu : il n'y a rien pour l'art et peu de chose pour l'antiquité. La tour a été élevée en 1839; le chœur, abside hexagonale, a été bâti en 1778. D'une époque antérieure, il reste une partie du gable occidental, l'ancien portail, une porte latérale, un écusson en vitrail, les fonts et une crédence. De l'église des chartes primitives il n'y a rien., si ce n'est probablement les contreforts du portail. Dans le cimetière est la tombe de « Fr. Juin, prêtre, ancien professeur de rhétorique au collége d'Avranches C. D. H. 1780. »

 

On a des données très - anciennes sur Huisnes. La paroisse fut donnée en 709, par saint Aubert à son monastère naissant. En 966, le duc Richard confirma aux moines les aumônes de S. Aubert, et fit confirmer son diplôme par le roi Lothaire et le pape Jean xm, selon les termes de notre épigraphe 2. Toutefois l'église ne leur appartenait pas tout entière , car une charte de concession fut faite en leur faveur à la fin du xr siècle et inscrite au Cartulaire: « Car ta de Husnis. Joh. films Garnerii de Husnis concessu Turgisi Abrin. episcopi dedit quartam partera ecc. de Husnis que sibijure hereditario erat et medietatem sut patrimonii quant cum fratre suo Ligwio partitus fuerat et sumpsit habitum Deo visitante. » Quinze ans après, deux neveux, l'un clerc, l'autre laïc, s'élevèrent contre cette donation; mais l'abbé Bernard, vir sapientissimus et discretissimus et nimie eloquentie, confondit, pivtrivit, leurs prétentions. Le jour SaintMichel , pleins de repentir, ils se jetèrent à ses pieds, le priant de ne pas les repousser. Donoald, évêque d'Aleth, autrefois religieux du Mont, et Robert, abbé de Saint-Sever, qui étaient présens, joignirent leurs prières aux leurs, et Bernard les reçut en grace, à condition que tous les ans ils paieraient 22 s. manceaux. Radnlphe-le-Mangeur, Rad. Manducans, accorda aussi, en ce siècle, aux moines ses droits sur l'église de Huisnes, ecc. de Ysnes, et prit l'habit parmi eux. En 1178, le pape Alexandre confirmant les aumônes faites au Mont, cite:

 

« Ecc. de Ardevone... de Vuinnes3. » Un article d'un manuscrit porte la taxe de cette église à 10 liv. « Ecc. de Hynnes taxata ad 10liv. », vers le xiVe siècle4. L'Inventaire des Chartes pour la baronnie d'Ardevon mentionne des titres relatifs à cette paroisse : « Lit. pro emenda capella de Courus 12185. » — Pro molendino de Rocha et Rome ducttts aque de la Girunte de Cortis 1233 6. » — « Litt. de fur no de Huysnes 1305. » En 1261 , le Mont avait acheté la prévôté, services et corvées de Huisnes7. En 1648 , l'église rendait 200 liv. ; en 1698, 400 et avait un vicaire; 102 taillables payaient 1017 liv. »

 

Près de l'église était la grange des dîmes, vaste vaisseau qui ne le cédait qu'à celui d'Ardevon. La légende seule en conserve le souvenir. Les moines avaient fait marché avec un maçon pour la construction de la grange de l'aumône, à cette condition qu'elle serait achevée pour un certain jour et une certaine heure. La besogne alla lentement, le temps marqué approcha. A la vue de son travail peu avancé, le maçon se désolait : vint à passer un homme rouge qui lui demanda la cause de ses plaintes et qui lui proposa de finir la grange pour l'époque de rigueur. Il devait la livrer toute faite au chant du coq et demandait pour salaire l'enfant que la femme du maçon portait dans son sein. Consultée par son mari, elle lui conseilla d'accepter. L'homme rouge se met à l'ouvrage : des mains invisibles placent les pierres, elles se meuvent d'elles mêmes , la maçonnerie monte avec ses contreforts; la grange va être achevée, car on est dans la nuit qui précède le jour fixé. Cependant la femme du maçon ne dort pas: de sa fenêtre elle regarde l'ouvrage. Quand la blancheur de l'aube vint à poindre au bord de l'horizon, sur la montagne d'Avranches , elle fit entendre un chant sonore : un coquelicot magnifique et triomphal donna le signal, et tous les coqs répondirent à la ronde : il manquait encore son faîte à la grange. Satan , trompé cette fois par la femme, s'enfuit en blasphémant, et le maçon, terminant l'ouvrage, y planta le jour même le laurier enrubané qui fut arrosé de nombreuses libations dans lesquelles le diable ne fut pas oublié.

 

Il y a dans Huisnes une localité importante, appelée de son site et d'un nom d'homme, Montitier, contraction de Mons Iturii, qu'on trouve dans un miracle que relate un manuscrit du Mont Saint-Michel. Une femme du diocèse de Rennes perdit dans la foule des pèlerins, son mari et son fils, et voulant revenir chez elle, « cum patriam et gracias minime cognosceret iter arripuit per deversus Courtils... quidam laborator nomine Michael Cornille de Monte Uturii transeundo per gravias mulierem rrperit. » Ailleurs il est appelé Mons Iterius: ainsi Isnardus de Monteiterio souscrivit à la charte de l'olmuchon. Il est probable que Yltius des manuscrits, traduit par Huisnes, par un chroniqueur du Mont, est Mont Itier, que nous avons étymologiquement assimilé à Céaux. Cette localité est désignée dans des documens très-anciens: saint Aubert donna à ses chanoines « villas scilicetjam dictam Villam Itium et Genitium. » C'est à Itius que demeurait Bayn, cet homme qui avait douze fils, dont le plus jeune, choisi par saint Aubert, renversa du pied la cime du Mont Saint - Michel, qui roula, marquée de l'empreinte de son pied et sur laquelle est la chapelle dite de Saint-Aubert. « Bayno in villa qnœ diçitur Ititts qui duodecim filiis ampliatus magnum inter suos tenebat dignitatis locum, » Ce lieu est encore désigné dans le Gesta Petri Régis : l'abbé Pierre Le Roy, fecit fieri grangias de Bureceyo, de Stay, de dono Joh. de Tabula, de Ycio, halas de Geneceio. » Montitier serait donc une localité importante et très-anciennement habitée. Il y a eu une chapelle dont il reste encore quelques statues. Cette terre et celle de l'Hemanièreoul'Hirmanière furent achetées par le Mont de Nie. Guichard, sieur de Villers, en 1644.

 

Nous avons conduit jusqu'au passage fréquenté du Guéde-l'Épine, dans le Val-Saint-Père, la voie romaine de Yltinéraire d'Antonin, voie littorale, parfaitement tracée dans Cassini. Nous la retrouvons en droite ligne au-delà de la grève, généralement praticable dans l'espace intermédiaire, et nous la saisissons au-delà du cap Torin ou Taurin, au port ou chaîne de Courtils, où l'on trouve cette longue et forte muraille qu'on appelle la Chaîne-du-Port. Elle franchissait la Guintre au Pont-à-l'Anguille, où sans doute était alors un gué; puis se dirigeant entre le mamelon de Mont Hier, Morts Itius, et celui de l'église, elle arrivait à Huisnes. C'est à Huisnes, le Isnes, le Ynnes, le Vuinnes des chartes, qu'avec Danville nous plaçons la station qui vient après Fanum Martis, le Fines, dont le nom de Huisnes est une altération, altération peu surprenante quand on considère la forme intermédiaire qui est dans les chartes. VItinéraire compte XXVII lieues gauloises de Fanum Martis à Fines: nous avons cru que le chiffre était erroné, et l'ayant réduit à XVII, nous avons obtenu les huit à neuf lieues qui séparent Saint-Pair de Huisnes. Le chiffre de XXIX de Fines à Condate exprime parfaitement la distance de Huisnes à Rennes. Après avoir conduit la voie jusqu'à Huisnes , nous la suivrons jusqu'à son entrée en Bretagne, dans une direction jalonnée par des noms significatifs. Elle passait au sud de la localité gallique' d'Ardevon, par Rome, puis par les Pas, expression latine des voies romaines, près du Désert, enfin à l'endroit dit le Pavé, et à peu de distance d'un milliaire ou les Milardières et se confondait avec la voie de Pontorson au Mont et à Genêts par Moidrey et Beauvoir. Telle est la direction des tronçons en deçà et au-delà de Fines; telle est la localisation de Fines et l'origine du nom de Huisnes.

 

Un nom, rapport fortuit peut-être, rattache à cette commune le principal historien du Mont Saint-Michel, lorsque d'ailleurs son souvenir plane sur tout le littoral de cette baie qu'il a illustré dans sa chronique. Pourquoi d'ailleurs Jean Huynes, né à Beauvais, n'aurait-il pas tiré son nom religieux de cette localité qui appartenait à son monastère, lorsqu'on voit l'abbé Robert de Torigny s'appeler Robert du Mont, et lorsqu'on trouve le nom de Robert de Tombelaine qui, bien probablement, n'était pas né sur le rocher de ce nom? Quoiqu'il en soit, cette coïncidence n'est pas sans intérêt, et nous nous plaisons à apprécier ici ce bon chroniqueur auquel nous devons tant, ce dernier moine, enthousiaste de son monastère, défenseur de ses priviléges, qui écrivait au xvir siècle avec le style du Moyen-Age, quelquefois avec la grace de la poésie, qui composa son histoire avec cette affection patiente des érudits amoureux de leur sujet, au milieu des trésors de ce charti ier qui ouvrait sur l'admirable cloître de l'abbaye, rapprochement qui explique la double nature du livre de D. Huynes, œuvre d'érudition exacte, œuvre de piété et de poésie.