LEGENDES du MONT-SAINT-MICHEL 

   
  VOYAGE AU MONT GARGANO

 

   

 

 
     
 

LES MERVEILLEUSES AVENTURES

LES BELLES LEGENDES DU MONT SAINT MICHEL
Texte de R. Dubard-1948


Saint Aubert, qui avait réuni un grand nombre de maçons, surveillait personnellement l'édification de l'église. Il décida de rester au Mont tant qu'elle ne serait pas achevée. Pendant que les ouvriers travaillaient, il avait coutume de s'asseoir sur une pierre, qui fut longtemps conservée et honorée en souvenir de lui.

 

La chapelle fut ronde comme une grotte.


Cent hommes pouvaient à peine y tenir, mais dans sa simplicité elle plut à saint Auberl.
Il se trouvait cependant fort embarrassé de ne rien pouvoir y placer venant de

saint Michel, auquel elle devait être dédiée.


Une nuit, pendant qu'il dormait, l'archange, pour le tirer d'embarras, vint lui dire :

 

 "Envoie deux de tes clercs au Mont Gargan.

Là, ils demanderont des reliques,

et ils rapporteront ce qu'on leur donnera."


Le Mont Gargano, qui est situé en Italie, dans ce qu'on appelle communément l'éperon de la botte, abritait, à l'époque, le seul sanctuaire en Europe consacré à l'archange saint Michel. Celui-ci y était apparu en l'an 493, et avait laissé, en témoignage de cette apparition, un voile, de couleur violette, pieusement conservé, et l'empreinte de son pied dans un marbre.


Saint Aubert, après avoir rendu grâce, se hâta de désigner deux clercs et de tout préparer pour leur départ.


Les messagers étant prêts à partir s'agenouillèrent devant l'évêque, pour lui demander sa bénédiction, car ils ne savaient s'ils reviendraient. Très doucement l'évêque les embrassa, puis les bénit.


Les deux voyageurs traversèrent l'Avranchin, puis l'Exmois, l'Auge et le Liévin, pour arriver au pays de Caux. Ils laissèrent alors la Normandie derrière eux. Après avoir franchi la rivière de l'Epte, ils passèrent Pontoise et Saint- Denis, laissant Paris sur leur droite, ils passèrent la Brie et arrivèrent à Sézanne. Toute la France était alors traversée. Ils arrivèrent en Bourgogne, puis franchirent les premières montagnes, pénétrèrent dans le comté de Maurienne, passèrent le lac de Lausanne. Les montagnes furent escaladées, puis dévalées. Ils traversèrent la Lombardie et la Toscane, puis Rome avant d'entrer en Campanie.


Six mois qu'ils sont partis ! Ils ont tant marché, qu'ils voient enfin le Mont Gargan. Ils remercièrent le Seigneur de les avoir menés jusqu'à ce lieu, et saint Michel qui les a assistés.

L'évêque dit à l'Abbé de bien traiter les messagers, qui avaient fait un aussi long voyage, et qu'il leur donne de ce voile que l'Archange laissa sur l'autel quand, avec ses anges il dédia l'église, et de ce marbre vénéré, sur lequel il posa ses pieds.


L'Abbé fit préparer les reliques, et, quand les messagers furent bien reposés, il les leur remit.


En prenant congé d'eux, le bon Abbé leur dit :


"Seigneur, par Dieu,

nous vous prions que désormais nous nous entr'aimions.

Il ne peut y avoir qu'un même amour entre nous,

qui servons un même Seigneur."


Au couvent, leur première visite fut pour la chapelle, puis s'en furent dîner.

Ensuite, ils s'enquirent du seigneur Abbé :


"Volontiers, dirent-ils, nous lui parlerons,

pour lui dire ce que nous sommes venus chercher,

venant d'un pays étranger."

 

Et le seigneur Abbé les reçut aussitôt.


Ils se saluèrent très humblement, comme de saints hommes, et s'étant agenouillés devant lui, ils lui donnèrent leurs lettres.


Après les avoir lues, l'Abbé leur dit :


"Demeurez avec nous, car s'il plait à Dieu,

nous n'avons rien qui ne puisse être à vous.

Mais je vous prie de me donner,

sur ce que vos lettres m'apprennent, plus de détails."


Les messagers racontèrent toute l'histoire de la construction de la chapelle, et tout ce qui concernait en cela leur saint évêque. Et l'Abbé se réjouit grandement de savoir que saint Michel possédait une autre église en Occident.


Après une bonne nuit, on donna aux voyageurs tout ce qu'il fallait pour qu'ils pussent changer de vêtements, et l'Abbé alla ce jour même, trouver son évêque, en la cité de Sipont. Il lui conta par le détail tous les événements de la veille et tout ce que lui avaient dit les messagers. Et l'évêque se réjouit de ce que saint Michel, par la volonté de Dieu, aurait plusieurs lieux où les pécheurs pourraient venir l'invoquer.

 

Ainsi ferons-nous à l'avenir, s'il plaît à Dieu", répondirent les voyageurs. Sur le chemin du retour, nous dit la chronique, les reliques firent maints beaux miracles, rendant notamment la vue à des aveugles.

 

"II y en eut douze qui furent écrits par ceux qui les avaient vus." Mais le manuscrit, hélas! en fut perdu, dans l'incendie de l'Abbaye.


Après avoir encore beaucoup marché, ils arrivèrent enfin en vue du Mont-St-Michel.Loués soient Dieu et saint Martin Ils sont au pays d'Avranchin


Le jour était clair, et la campagne s'étendait à leurs pieds. Ils voyaient le Mont et l'église et s'émerveillèrent. Depuis le jour de leur départ, tout avait changé. Le Mont, qui était chargé de broussailles, était aujourd'hui dégagé. II semblait de loin tout rond. Toute claire au sommet paraissait l'église blanche et baignée de lumière.


Une vieille tradition veut que ce soit pendant le voyage des messagers au Mont Gargan que la mer envahit ce qui est aujourd'hui la baie du Mont St-Michel. Et c'est pourquoi la date de 709, année de ce retour, est donnée par certains comme celle de la formation