LES SAINTS FONDATEURS DE BRETAGNE

   
  SAINT-PATERN
         
 

Saint Patern (ou Paterne) Décédé entre 490 et, il est fêté le 15 avril ou le 21 mai en souvenir de la translation de ses reliques.

 

Ce saint breton est nommé Patern l’Ancien, pour le distinguer de Paterne d’Avranches, évêque d'Avranches. Ce saint est prié en cas de grandes sécheresses afin que les pluies reviennent.

 

L'histoire de ce saint fondateur de Bretagne est peu connue. C'est grâce à l'auteur de la Vita Paterni, que de nombreux points d'ombres s'éclaircissent. Patern ou Padern, fils de Petran et Guean, est un gallo-romain qui aurait immigré de Grande-Bretagne, plus exactement du Pays de Galles, au cours de la seconde vague de l'émigration bretonne en Armorique. Avant cela il fonde plusieurs monastères au Pays de Galles dont celui de Llanbadarn Fawr dans l'actuel comté de Ceredigion (Llan-Padern-Vaur - « Grande église de Patern »). Une autre légende veut que certains Rois d'Irlande furent convertis par Patern. C'est à Jérusalem qu'il aurait, au cours d'un pèlerinage, reçu la consécration épiscopale. Son arrivée sur le siège de l'évêché de Vannes serait due au chevalier légendaire de la Table Ronde et premier souverain du Broërec, Caradoc. C'est au cours du concile de Vannes vers 465, que l'avènement de l'évêque est historiquement attesté.

 

L'icône de Saint Patern peinte pour l'Association orthodoxe sainte Anne 

 
 
         
   
  LEGENDES DE SEINE MARITIME
   SAINT-PAËR
   
  MIRACLE DE SAINT -PATERNE
         
   
         
 

D’après « Souvenirs et impressions de voyage »,

paru en 1842

Saint Paër

Miracle de saint Paterne

 

Voici ce que la tradition raconte de la chapelle de Saint-Paër, qui, ainsi que le château, va être démolie. Le saint sous l’invocation duquel était placé cet oratoire, était saint Paterne, fameux dans la contrée par les miracles qu’il y a faits, toujours en faveur des pauvres, des malades et des affligés.

 

Or, il arriva une année, que le pays de Normandie fut ravagé par de cruelles maladies ; il y avait tant de morts, que les cimetières devenaient trop petits, et que dans bien des paroisses il n’y avait plus de prêtres pour administrer les mourants, plus de fossoyeurs pour enterrer les morts. Ceux que le mal n’avait pas encore atteints, ceux qui souffraient déjà, mais qui pouvaient encore marcher, les femmes, les enfants, les vieillards, les riches chevauchant, les pauvres à pieds, venaient en pèlerinage à la chapelle de Saint-Paër.

 

Au commencement du fléau, le seigneur châtelain avait ouvert les barrières de son avenue et le porche de sa cour à cette pieuse affluence... Mais, au bout de quelques semaines, l’enceinte de son château devint semblable à celle d’un hôpital. Couchés sur de la paille, abrités par des draps tendus sur des perches coupées dans les bois, on voyait les moribonds luttant contre le mal, et les trépassés attendant la charrette des morts ; puis l’on entendait les cris et les gémissements de toute cette multitude affligée et souffrante. Ce spectacle était si attristant, et la contagion était tellement à craindre, qu’un jour le châtelain prit le parti de faire fermer aux pèlerins les cours, les grilles et la chapelle.

 

Alors, la foule s’irrite et maudit l’homme riche et sans entrailles qui la repousse, et qui ne veut pas qu’elle puisse prier saint Paterne, à l’endroit même où il a été enterré, et là où se sont opérés le plus de miracles. Une affreuse sédition allait éclater et ces hommes qui ressemblaient déjà à des spectres, s’étaient levés de leur paille, hideux et menaçants, quand un vieillard leur cria :

 

« Pour que Dieu nous guérisse, souvenons-nous de ses commandements ; il a dit : Tu ne tueras pas... Et si l’un de nous portait la main sur le riche qui nous ferme sa demeure, son sang versé nous serait non seulement une cause de mort, mais encore de damnation. Soyons donc résignés, pour ne pas mourir... et allons demander à nos prêtres de venir intercéder pour nous. » Les paroles du vieillard produisirent leur effet ; la colère des moribonds s’apaisa, et bientôt le châtelain n’entendit plus les cris de menace retentir sous ses fenêtres ; tous les pèlerins avaient quitté Saint-Paër... et le silence était venu s’établir là où s’étaient élevés des gémissements, des plaintes et des malédictions.

 

Mais le lendemain, dès l’aube du jour, le seigneur suzerain aperçut du haut de son donjon une longue procession qui s’avançait au milieu des champs que la maladie du pays avait fait laisser sans culture depuis plus de six mois. Les croix brillaient au soleil levant, et les bannières flottaient au vent du matin ; plus de dix paroisses s’étaient réunies pour venir implorer saint Paterne. Elles cheminaient en chantant les litanies, et quand la multitude chrétienne répondait, au nom de chaque saint, priez pour nous ! toutes les croix réunies n’en semblaient plus qu’une seule... Puis, par moments, des silences succédaient aux chants, et puis des chants aux silences !

 

Le doyen des prêtres, le curé de Bézu, marchait en tête de la procession... Il savait un sentier pour arriver à la chapelle sans passer par les cours du château, et c’était par ce côté qu’il avait dirigé la marche de gens qui, pour la plupart, semblaient être sortis du sépulcre, tant la maladie les avait rendus pâles, faibles et amaigris... O surprise ! ô douleur ! la grande porte de la chapelle est murée... et les petites portes latérales clouées, verrouillées et fermées par des barres de fer... Le curé ne perd pas courage, car il a mis sa confiance en Dieu. Il s’agenouille donc devant les grandes portes que les maçons ont bouchées pendant la nuit ; la procession entière l’imite ; et les voilà prosternés, priant ce même Seigneur qui fit jadis tomber les murs de Jéricho.

 

Saint Paterne, priez pour nous ! crie le curé. Saint Paterne, guérissez-nous, répète la foule. Aussitôt la porte murée s’écroule, les petites portes s’ouvrent d’elles-mêmes, les mourants se précipitent dans la chapelle, y prient devant la sainte image du patron de la contrée, et en ressortent guéris... Mais, voyez la justice de Dieu !... La noble épouse du châtelain avait deux enfants jumeaux, entrant dans leur septième année. Jusqu’à ce moment , elle les avait préservés du mal contagieux qui désolait la province.

 

Ce matin-là même, elle était allée toute tremblante dire à son seigneur et maître : « Messire, vous empêchez ceux qui souffrent de venir prier dans notre chapelle, prenez garde que Dieu ne nous fasse souffrir... Hier au soir, une pauvre femme que vous avez, avec tant d’autres, renvoyée de la cour et de la porte de l’oratoire, où elle avait porté sa fille... s’est levée du seuil sacré, avec le désespoir dans l’âme, et, m’apercevant avec nos enfants à travers les vitraux, elle a haussé sa fille dans ses bras, toute raide et toute violâtre, et m’a crié : Dame châtelaine, ma fille ne serait pas morte, si ton mari ne nous avait pas chassés ; prends garde à tes enfants, car Dieu est juste ! – Laissez-moi, avait répondu rudement le seigneur de Saint-Paër, nos enfants se portent bien, cette femme n’est point prophétesse, et ces paroles ne leur porteront point malheur. »

 

Le châtelain se trompait quand il parlait ainsi, car soudain la femme qui avait soin du petit garçon et de la petite fille, entra dans la galerie, en s’écriant :

 

– Miséricorde ! miséricorde ! voilà le mal qui vient de prendre aux enfants de Messire et de Madame !...

– Je cours les porter à l’autel de saint Paterne, dit la mère effrayée...

– J’ai fait murer la porte, répondit le père.

– Vous avez voulu empêcher le saint de guérir les autres... Maintenant voudra-t-il guérir nos enfants ?

– Allez, vous qui êtes pure et pieuse comme un ange... allez ; moi, pendant ce temps, je vais prier ici, en me frappant la poitrine.

– Venez avec moi, Messire.

– Non, voyez tout ce peuple, il m’en veut de l’avoir renvoyé de notre enceinte, il me maudira et peut-être que ses malédictions retomberont sur ma fille et mon fils !

– Pour que Dieu et saint Paterne vous soient en aide, mettez, mettez l’orgueil de côté, et venez à l’oratoire.

– Allez chercher les enfants ; je vais vous suivre, dit le seigneur suzerain ;

 

Et, enveloppé de son manteau, le chapeau rabattu sur les yeux, il descendit les degrés de pierres de l’escalier tournant. Arrivé dans la cour, un de ses gens lui apprit comment les portes de la chapelle s’étaient miraculeusement ouvertes. « Dieu est pour eux, murmura le baron, sera-t-il pour moi ? » et il avança. Oh ! il fallait que l’amour paternel fût bien fort, bien avant dans son cœur, car alors son orgueil le faisait horriblement souffrir...

 

Un homme de la campagne lui barra le passage :

 

– Tu m’as renvoyé avant-hier de la chapelle, dit-il au châtelain, tu m’as empêché de prier, maintenant moi et tout ce peuple t’empêcherons d’aller porter tes enfants au saint qui guérit.

 

Hier j’ai péché, mon frère, repartit le seigneur de Saint-Paër... Laissez passer mes enfants avec leur mère... Et moi, qui ai fait murer la porte de la chapelle, je me punirai moi-même, je n’y entrerai pas, je me prosternerai en dehors, je m’humilierai pour que Dieu me pardonne et guérisse mon fils et ma fille.

 

Alors l’esprit de la multitude changea, la haine et l’exaspération s’en allèrent de toutes les âmes, et la foule, redevenant tout à coup respectueuse, se fendit pour laisser un passage au baron et à sa famille. Et, comme il venait de le dire, il n’entra point dans l’oratoire ; sa femme ses enfants, et les gens du château y pénétrèrent seuls, lui se prosterna au milieu des pierres éboulées du mur qu’il avait fait élever la veille, s’humiliant le front jusque dans la poussière, se frappant la poitrine, et priant avec ardeur.

 

Or, ce baron de Saint-Paër avait été jusqu’à ce jour le plus superbe, le plus orgueilleux de tous les châtelains du pays normand ; mais voyez-vous, dans le cœur d’un homme qui a des enfants, il y a quelque chose de plus fort que l’orgueil, c’est l’amour paternel... L’histoire que je viens de vous raconter vous le prouve, conclut Walsh.