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Le Normand 1842 par
Tous les pêcheurs normands participent du poletais par leur piété et leur honnêteté patriarcale ; ils sont graves, laborieux, intrépides. Dès l’enfance, ils aident leurs pères, gardent les bateaux, ramassent sur le sable les moules, les crabes et les tourteaux, rebinent (1) les huîtres, reçoivent le poisson dont les chaloupes sont chargées le soir. Leur vie est un perpétuel apprentissage de la mort : sont-ils sûrs de revenir de leurs lointains voyages ? sont-ils sûrs d’échapper au flot qui va monter quand ils ramassent la tangue (2) sur les grèves, quand ils recueillent le vauboire (3) entre les roches ?
Ne bravent-ils pas les plus terribles dangers de l’Océan pour sauver des naufragés, pour recueillir l’équipage d’un trois-mâts échoué et battu par les lames, pour assurer les enclos d’une baie que menace la marée ? |
CPA collection LPM 1900 |
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Leur courage leur vaut fréquemment des médailles et des gratifications, mais l’estime dont ils jouissent est leur plus douce récompense.
L’association, invoquée par la science moderne comme le moyen de salut des classes ouvrières, est réalisée depuis des siècles sur les côtes du Calvados et dans les ports du Bessin. Il y a dans chaque village plusieurs sociétés de pêcheurs, formées par conventions verbales, mais plus indissolubles que bien des compagnies instituées par acte notarié. Toutes ces sociétés sont représentées par le même écoreur (4), syndic chargé d’administrer les revenus, de diriger les entreprises, de percevoir les sommes dues, de répartir les salaires. Il est présent quand les bateaux arrivent de la pêche, surveille les ventes et répond du paiement des billets que signent les marayeurs. Il n’est indemnisé de sa gestion qu’en rendant ses comptes, au moyen d’une retenue d’un pour 100 ; il ne lui est alloué qu’un demi pour 100 si la vente du poisson se fait dans un port lointain, et par conséquent au comptant. |
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Habitation d'un pecheur dans la falaise CPA collection LPM 1900 |
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Les parts de pêche sont en raison de l’âge, de l’adresse et du nombre d’appelets de chaque matelot. Un septième des bénéfices est prélevé pour l’entretien ou le remplacement des bateaux. Les sinistres survenus aux appelets sont supportés par la communauté et remboursés sur les gains de la pêche, suivant un tarif. |
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Le matin, quand je m’éveille, Mon Jésus est avide : |
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Les femmes des pêcheurs prennent part aux travaux de leurs maris, pêchent le long du rivage, vont vendre le poisson, et font retenir les hameaux de ce cri : A la bonne moule, moulàa !... des cayeux (5) des beaux ! en v’là des bons cayeux, des gros ! Pendant la campagne de 1839, les armateurs ont confié aux Granvillaises pour 20,000 francs de morue à débiter, moyennant un bénéfice de 5 centimes par franc, et elles ont rendu fidèlement compte de cette valeur importante. Ce sont les femmes qui lavent les maquereaux, et les disposent entre des couches de pacqué(6) ! ce sont elles qui trient les huîtres, rangent en sillons les huîtres grande marchande, petite marchande, pied-de-cheval, et celles qu’on reporte sur les bancs pour les repeupler. Loin de renoncer aux occupations de leur sexe, souvent, assises aux portes de leurs cabanes, elles fabriquent de la dentelle et de la blonde. |
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Toutes vertueuses qu’elles sont, les habitantes des côtes, surtout dans la région septentrionale, se marient rarement sans avoir perdu le droit de se parer de la fleur d’oranger symbolique. Une séduction suivie d’abandon est sans exemple ; mais il est aussi presque sans exemple qu’une fille se marie avant d’être enceinte. De sa conception datent ses fiançailles ; son amant l’emmène à Dieppe ou à Fécamp, et lui achète une chaîne d’or, une montre, un paroissien ; il fait en même temps présent de bagues d’argent aux soeurs et amies de sa maîtresse. Cette visite au bijoutier, à laquelle assistent les parents des deux fiancés, s’appelle l’embaguement. Le jour de la bénédiction nuptiale, la future, conduite par son père et suivie de ses proches, se rend à l’église, où le fiancé arrive de son côté avec sa mère et sa famille. Ce n’est qu’après la messe que le père du mari s’approche de sa bru, lui dit : « Levez-vous, ma fille, » et lui offre le bras. Le fiancé prend celui de sa belle-mère, et les deux cortéges se confondent.
(1) Rebiner, glaner les huîtres après l’enlèvement des huîtres marchandises. |
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