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HEBDOMADAIRE Parution le JEUDI N° 189 du 28-11-2013
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HEBDOMADAIRE Parution le JEUDI N° 199 du 06-02-2014 | |||||||
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HEBDOMADAIRE Parution le JEUDI N° 209 du 17-04-2014 | |||||||
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HEBDOMADAIRE Parution le JEUDI N° 219 du 26-06-2014 | |||||||
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HEBDOMADAIRE Parution le JEUDI N° 229 du 06-11-2014 | |||||||
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HEBDOMADAIRE Parution le JEUDI N° 239 du 15-01-2015 | |||||||
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HEBDOMADAIRE Parution le JEUDI N° 253 du 15-01-2015 | |||||
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HEBDOMADAIRE Parution le SAMEDI N° 263 du 05-09-2015
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MONTFARVILLE
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MONTEBOURG
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HUBERVILLE
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COIFFE DU COTENTIN
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CŒUR D’ISIGNY
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CARENTAN
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COUTANCES
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GALETTE DE TOURVILLE
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SAINT PIERRE EGLISE
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SAINT LÔ
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COSQUEVILLE
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INTERCOMMUNALITES DE LA MANCHE |
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La Manche compte au 1er janvier 2014, 601 communes qui fédèrent l'intégralité du département
Elle comprend quatre pays: -Pays du Cotentin; -Pays de Coutances; -Pays saint-lois; -Pays de la Baie du Mont-Saint-Michel;
qui sont composés d'une communauté urbaine, d'une communauté d'agglomération et de 25 communautés de communes.
Le statut de « commune nouvelle » est créé par la loi du 16 décembre 2010 réformant les collectivités locales, plus précisément par son article 21. Il est amélioré par la loi du 16 mars 2015, qui garantit le maintien des dotations de l'État pendant trois ans aux communes fusionnées avant le 1er janvier 2016.
Trente-six « communes nouvelles » voient le jour dans la Manche le 1er janvier 2016 regroupant 121 communes. |
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Société des Forces Motrices de la Selune. CPA collection LPM 1950 | ||||||||||
La Manche Numéro spécial Supplément au numéro du 28 août 1926 de l'Illustration économique et financière Publication : Paris 1926 | ||||||||||
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L'Electrique de Normandie Les lecteurs assidus de nos publications n'ignorent pas l'effort considérable réalisé par différents départements pour doter leur population des bienfaits de l'électricité, ni de l'intérêt attaché par les pouvoirs publics à cet effort, qui doit fournir à la culture le moyen de traverser la crise actuelle de la main-d'oeuvre agricole.
La lumière et la force sont devenues une nécessité impérieuse à la campagne ; on a, il est vrai, essayé un peu partout de résoudre le problème par l'emploi de petits moteurs à essence, à gaz pauvre, à huile lourde. Nombre de cultivateurs se sont laissé séduire par les promesses fallacieuses des vendeurs habiles, mais partout, au bout de peu de temps - souvent même quelques mois -, le moteur était abandonné dans son coin parce que trop coûteux, et souvent parce qu'il ne marchait plus. Force a donc été d'en arriver à l'électricité et cela explique les sacrifices importants consentis par l'Etat pour l'électrification des campagnes.
La Manche, avant la guerre, était peut-être un des départements les moins avancés dans l'usage de l'électricité. | Electrification de la Manche | |||||||||
En dehors de Saint-Lô, sa préfecture, deux sous-préfectures seulement sur cinq étaient dotées d'une distribution d'énergie électrique. Quelques rares chefs-lieux de canton avaient bénéficié, soit d'une chute voisine, soit de l'initiative d'un industriel, pour équiper un petit secteur local, souvent fort rudimentaire, mais il n'existait rien de ces lignes de distribution dont maint département se trouvait déjà pourvu, et qui rayonnaient au moins sur les environs immédiats des villes électrifiées.
Pendant la guerre, un premier effort fut fait dans ce sens par la Société Gaz et Eaux, concessionnaire de la ville de Cherbourg, qui construisit une ligne vers le sud jusqu'à Valognes et Le Ham. Une oeuvre originale, beaucoup plus importante, fut réalisée par la Société des Forces Motrices de la Selune qui créa de toutes pièces usine et réseau pour desservir tout l'arrondissement d'Avranches et une partie du Mortainais ; mais, sur près de 100 kilom. encore, entre Valogne et Granville, le Cotentin restait démuni de toute distribution.
Il était tout indiqué que l'oeuvre de jonctionnement qu'il restait à faire fût entreprise conjointement par les deux Sociétés en présence, dont les usines et moyens de production différents : thermique au nord, à quai de déchargement des charbons, hydraulique au sud, sur la seule rivière de la région susceptible de fournir une puissance pratiquement utilisable, pouvaient en outre être utilement combinés en vue de la réalisation du meilleur prix de revient de l'énergie.
Ainsi naquit, en décembre 1924, L'Electrique de Normandie. Si les promoteurs de la nouvelle distribution départementale n'avaient aucune hésitation sur le programme technique à adopter pour mettre l'énergie à la portée de tous les cantons du département, ils ne pouvaient se dissimuler, en revanche, que dans la Manche, pays d'élevage beaucoup plus que de culture, à population disséminée, le problème financier posé par leur projet était, plus que partout ailleurs, difficile à résoudre.
Rien ne sert, en effet, d'établir des lignes de distribution d'énergie si, du fait de la dissémination et de la faible densité de la clientèle, les prix de vente susceptibles de rémunérer les lignes deviennent inaccessibles.
On sait comment le problème a été résolu dans la plupart des départements : une large subvention du département, aidé par le concours éventuel de l'Etat, a réduit les capitaux industriels nécessaires à ce genre d'affaire, à une proportion susceptible de trouver une rémunération normale dans des prix de vente convenables.
C'est cette formule qui fût adoptée par le département de la Manche, dont le Conseil général, par la hauteur et la netteté de ses vues, sut comprendre l'intérêt de la population et l'oeuvre entreprise par L'Electrique de Normandie. Grâce à la subvention départementale qui couvre une grande partie de la dépense à immobiliser, le régime d'exploitation du réseau de L'Electrique de Normandie est donc définitivement arrêté, et met à la portée de tous les services publics : Communes et Syndicats de communes, l'énergie électrique à des conditions normales.
Le réseau lui-même a nécessité de longues études pour réaliser la plus grande sécurité d'exploitation malgré l'impénétrabilité de certaines régions particulièrement boisées du Cotentin.
Il comporte deux lignes principales : Cherbourg-Granville et Cherbourg-Avranches, qui, toutes les deux, se croisent à Saint-Lô.
Granville et Avranches étant déjà reliées par le réseau des Forces Motrices de la Selune l'ensemble de la distribution constitue ainsi une sorte de « Huit » dont les quatre branches se prêtent à toutes les combinaisons, et permettent, en particulier, le sectionnement le plus rapide du réseau en cas d'accident local, en vue d'assurer la continuité du service par les bouclages rendus possibles par cette disposition.
Cet ensemble ne représente pas moins de 260 kilomètres de lignes traversant un grand nombre de chef-lieux de cantons, et dans tous les cas, s'approchant toujours suffisamment des autres pour que l'énergie puisse y être amenée économiquement par un réseau rural à moyenne tension.
Les lignes de L'Electrique de Normandie distribueront du courant triphasé à la tension de 30.000 volts, voltage déjà adopté par les départements voisins, ce qui permettra ultérieurement des interconnexions toujours désirables entre réseaux.
Les supports sont en béton armé, sauf dans certains points spéciaux, où ils sont en acier. Ils ont été prévus d'une hauteur telle qu'ils puissent, en outre de la ligne principale, supporter une ligne syndicale, et apporter ainsi à la constitution des syndicats de communes, un concours très appréciable.
Nous avons tenu à noter tout spécialement l'effort réalisé par le département de la Manche, en collaboration avec l'Electrique de Normandie, effort qui doit donner à la vie agricole du département des facilités chaque jour plus grandes, comme à sa vie industrielle de sérieuses possibilités de développement. | ||||||||||
Société des Forces Motrices de la Selune 1950 | ||||||||||
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La Manche Numéro spécial Supplément au numéro du 28 août 1926 de l'Illustration économique et financière Publication : Paris 1926 | ||||||||||
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La superficie de son territoire est de 592.544 hectares, divisée : en terres labourables, 154.850 hectares ; prés naturels, herbages, pâturages et pacages, 335.750 ; cultures maraîchères, 2.500 ; le reste en bois, forêts, terres incultes. C'est donc le quart de son sol qui est consacré aux céréales, et plus de la moitié sert à la production animale. Quant aux 2.500 hectares employés en cultures maraîchères, ils sont utilisés pour les asperges, le persil, les choux-fleurs et les pommes de terre.
Son climat est modéré : ni fortes chaleurs ni grands froids ; l'hiver, le thermomètre marque rarement quelques degrés au-dessous de zéro ; l'été, de 15° à 25° au-dessus.
L'élevage est favorisé par cette douce température ; elle permet de laisser toute l'année ou à peu près les animaux dans les champs, où ils sont abrités par des haies hautes garnies de grands arbres, contre les vents, les tempêtes, la pluie et le soleil. Pas de stabulation, source d'anémie, de dégénérescence, de tuberculose et de bien d'autres maladies. Cette vie au grand air engendre vigueur, énergie, robustesse et santé. | | |||||||||
Aussi, dans tout le département, se pratique un élevage intense et continu des races bovine et chevaline, qui doit sa prospérité à une sélection fort bien organisée.
On ne doit pas omettre de signaler que c'est dans la Manche qu'on détient le record pour la production cidricole, avec une moyenne de récolte annuelle de 3 millions d'hectolitres de cidre.
Cette abondance de production agricole ressort des statistiques de 1925 publiées par le ministre de l'Agriculture, où l'on constate qu'en animaux de ferme la Manche possède : espèce chevaline, 72.27 têtes ; espèce bovine, 407.360 sujets, ainsi répartis : vaches, 197.340 ; taureaux, 3.630 ; boeufs, 13.070 ; élèves de moins d'un an, 72.720 ; élèves au-dessus de douze mois, 120.580.
La jumenterie de la Manche est de 35.000 têtes, dont 20.000 sont livrées à la reproduction et donnent chaque année une disponibilité de 10.000 produits. | ||||||||||
Saint-Lô, le haras. collection CPA LPM | ||||||||||
C'est à cette jumenterie que l'on doit de célèbres étalons et juments trotteurs. Pour les purs sang : The heir of Linne, Buffalo-Bill, Gamboiseuil ; pour les demi-sang trotteurs : Reynolds, père de Fuschia, Lavater (grand créateur), Harley, Narquois, Nemrod, Jongleur et beaucoup d'autres remarquables sujets.
Aussi la remonte pour 40 % est recrutée dans ce département en animaux du type dragons, cuirassiers, artilleurs, selle, gendarme. L'Etat y puise 80 % de ses étalons.
C'est le pays qui alimente la production française de cheval de sang et de demi-sang. | ||||||||||
Saint-Lô, le haras. collection CPA LPM | ||||||||||
Non moins importante et célèbre est la vacherie de ce riche département, non seulement par ses qualités prolifiques (une vache donne une moyenne de huit veaux), par ses rendements en lait et en beurre, mais aussi par ses remarquables aptitudes à l'engraissement.
On estime que ses 200.000 vaches fournissent une moyenne de neuf litres par jour, répartis sur 365 jours, c'est-à-dire toute l'année, ce qui donne 657 millions de litres de lait ou 59 millions de livres de beurre. En en portant le prix à 8 francs le demi-kilo, on obtient une production annuelle beurrière de 477 millions de francs.
C'est de cette vacherie que sont sortis les reproducteurs renommés, tels que : Silencieux, Vainqueur, Kamikhi, Astronome Radoteur, Gondolier, Astronome, Barneville, etc. On en pourrait encore citer plus de quarante célèbres | ||||||||||
Réthoville, mére et produit du taureau Silencieux. Collection CPA LPM | ||||||||||
Mais dans les douze mois naissent de ces 200.000 vaches 150.000 veaux, dont 100.000 sont disponibles pour l'exportation hors du département. Aussi a-t-on dû envisager, pour écouler cette constante production, de nombreux débouchés, par l'organisation de foires et de marchés.
Les statistiques révèlent qu'il y a 80 grandes foires où il se vend 80.000 têtes d'animaux (chevaux et bovins), auxquels il y a lieu d'en ajouter 20.000 achetées chez les exploitants.
A ces foires se pressent éleveurs du nord, du centre et de l'ouest de la France. Ils y achètent des taureaux, des vaches laitires, des chevaux, sachant par expérience la réussite dans leurs fermes de ces animaux sains et sévèrement sélectionnés. Cette sélection s'opère à trois degrés.
Chaque canton possède un comice où, au moins une fois par an, sont présentés par les agriculteurs leurs animaux d'élite, dans un concours qui les classe par ordre de mérite et décerne des récompenses à titre d'encouragement, ce qui constitue le 1er degré.
Tous les cantons, quelques jours après, se réunissent au chef-lieu de l'arrondissement, avec leurs meilleurs sujets d'élevage. Un concours en opère encore le triage, donnant des prix rémunérateurs. C'est le 2e degré.
Enfin, chaque année, à la fin du mois de septembre (en 1926 du 23 au 26), 500 bovins et 400 poulinières suitées ou non, sont réunis à Saint-Lô, chef-lieu, venus de tous les coins du département, lauréats de canton ou d'arrondissement, et là il s'instaure un troisième concours. C'est le classement définitif, ou 3e degré.
Aussi, rien de surprenant à voir ces sujets d'élite se vendre à des prix qui vont de 5.000 à 45.000 francs ; et les étrangers se presser en foule à ce dernier concours de sélection. C'est qu'en effet ceux qui aiment le cheval (et ils sont encore bien nombreux en France) sont ravis d'admiration devant la présentation des majestueuses poulinières et des puissants étalons. L'un d'eux me disait ces jours-ci :
« Ce spectacle, je me le paie tous les ans. »
Et pour les éleveurs de tous pays qui veulent améliorer leurs troupeaux bovins ne sont-ils pas vivement intéressés et instruits par ce groupement de tout ce qu'il y a vraiment de beau dans la Manche : structure, pelage, harmonie des formes, tout se trouve concentré dans une magnifique exposition, unique au monde.
Le concours départemental compte 30.000 visiteurs, français ou étrangers, et rien ne peut mieux fixer les idées sur cette merveilleuse fête agricole que de rappeler l'appréciation admirative de M. Leroux, inspecteur général, dans un discours qu'il fit au banquet l'an dernier :
« Je n'ai pas vu de plus beau concours, s'écria-t-il ; pour moi, pas un département ne peut en produire de pareil, pas même Paris à son concours général ! »
E. DAMECOUR, Sénateur de la Manche, Président du Syndicat des Agriculteurs de la Manche | ||||||||||
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La Manche Numéro spécial Supplément au numéro du 28 août 1926 de l'Illustration économique et financière Publication : Paris 1926 | ||||||||||
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Lorsque l'Assemblée Constituante remplaça les anciennes divisions territoriales par des départements, la Normandie fut séparée en cinq parties. Pour les désigner, on choisit les rivières, la Seine, l'Eure, l'Orne, les rochers connus sous le nom de Calvados. La cinquième région reçut le nom de la Manche : c'était justifié.
Le département est celui dont cette mer baigne les côtes sur la plus grande étendue. C'est celui dont les rivages réunissent les aspects les plus variés et les plus pittoresques ; il n'a pas, d'ailleurs, comme ses frères normands, un centre unique : c'est, en somme, à la mer qu'il doit son unité.
Le touriste qui parcourt ses côtes, s'il arrive par Carentan, voit successivement des plages de sable, de galets, de hautes falaises ; après les roches couvertes de varech, il se repose sur les dunes et les vastes étendues que la mer découvre à chaque marée. Mais, avant tout, c'est la mer qui s'impose, cette mer tantôt calme et bleue, tantôt grise et furieuse, qui, par trois côtés, borde le département. | | |||||||||
A l'intérieur des terres, la caractéristique du pays c'est la verdure. Verts sont les anciens marais de Carentan, conquis jadis par le travail des Hollandais et devenus de fertiles pâturages. Vertes sont les régions qui composent la plus grande partie de la Manche ; généralement divisées en clos d'un ou de plusieurs hectares, la minorité en terres de labour ou en plants de pommiers, la plus grande partie en herbages, mais toujours séparées par des haies plantées d'arbres qui donnent l'illusion d'une immense forêt.
La côte est sablonneuse de Carentan à Réville ; elle attire les baigneurs qui cherchent la vie calme et reposante ; ils la trouvent dans les villages riverains et à Quinéville, Saint-Vaast-la-Hougue, Barfleur, Gatteville, avec son grand phare en face des terribles rochers et des courants de marée que l'on appelle raz dans le pays : raz de Barfleur, raz du Cap-Lévy, raz Blanchard. | ||||||||||
Aux sables, succèdent les galets et les roches jusqu'à Fermanville ; puis, c'est la rade de Cherbourg, et au delà, Landemer, Omonville, Jobourg, dont la falaise de 128 mètres de haut dépasse toutes celles que l'on trouve de Dunkerque à Bayonne, et dont le nez, ou pointe de Jobourg, s'avance au milieu des récifs si périlleux du raz Blanchard.
Voici maintenant l'anse sablonneuse qui va de Vauville à Carteret, divisée par le cap de Flamanville. C'est de Carteret que l'on peut gagner l'île de Jersey, qui se montre à environ trente kilomètres au large.
Du cap de la Hague à Granville, on aperçoit les îles normandes : Jersey, Guernesey, Sark, Aurigny. Elles représentent le dernier reste du duché de Normandie, d'où partit Guillaume le Conquérant pour s'emparer de l'Angleterre ; aussi ont-elles conservé des prérogatives et une législation particulières. On se rend de Jersey à Carteret en 1 h. 20 et à Granville en 1 h. 50.
De Carteret à Granville, les plages sont à la fois sablonneuses et rocheuses ; elles présentent, çà et là, des estuaires ou havres, à Barneville, à Portbail, Surville, Saint-Germain-sur-Ay ; avant celui de Regnéville, signalons la jolie station de Coutainville. | Phare de Gatteville,jour de tempéte, CPA collection LPM 1900 | |||||||||
Puis, le noble bastion de Granville avance dans la mer la pointe du Roc, et reprennent ensuite les plages, justement fréquentées, de Saint-Pair, Carolles, Saint-Jean-le-Thomas, Genêts, d'où l'on se rend en voiture au Mont-Saint-Michel. Au fond de l'immense baie de sable qui va de Carolles à Cancale, deux rivières : la Sée et la Sélune, viennent se réunir sous Avranches, pour se jeter dans la mer. En face, c'est Pontorson et l'embouchure du Couesnon, qui forme la limite de la Normandie et accompagne la jetée insubmersible qui, aux yeux des artistes et des poètes, a le tort de relier à la terre le Mont-Saint-Michel.
Tous ces rivages, que nous venons de passer brièvement en revue, sont d'année en année fréquentés davantage par les baigneurs et touristes. Ceux qui aiment les jeux, les théâtres, les danses, les trouvent à Cherbourg, à Granville. Mais ceux qui préfèrent le repos, la vie modeste, la pêche souvent fructueuse, viennent de préférence dans les petites stations, où ils jouissent du grand air, des beaux horizons, des environs agrestes, et où s'offrent souvent à eux d'intéressantes excursions.
En somme, c'est la mer qui, pour notre département, attire avant tout les visiteurs. Mais il serait inexact de penser que l'intérieur des terres ne présente pas de sujets dignes d'attirer l'attention.
Une seule rivière est navigable : la Vire, qui passe à Saint-Lô et se jette dans la mer à Isigny, partageant avec la Taute, qui forme le port de Carentan, le vaste estuaire appelé la baie des Veys ; les autres cours d'eau, tels que la Saire, la Divette, la Soulle, qui passe sous Coutances, et la Sienne, qui la rejoint à Heugneville, etc., ne servent guère qu'à faire marcher des moulins, à l'arrosage et à la pêche. Faisons toutefois une exception pour la Sélune, qui, grâce à une chute de trente mètres, permet, et surtout permettra prochainement d'électrifier une importante partie du département. | ||||||||||
Lessay veille de foire vers 1926, CPA collection LPM 1900 | ||||||||||
Les collines atteignent rarement une grande hauteur ; elles ne dépassent pas 180 mètres au cap de la Hague, mais s'élèvent à plus de 300 mètres dans la région de Mortain. Par-ci, par-là, des landes, dont celle de Lessay est la plus importante.
Le pays est en partie granitique. Mortain est remarquable pour les superbes rochers qui le dominent ; remarquable aussi pour la forêt de Lande-Pourrie qui l'avoisine. C'est à l'orée de cette forêt que l'on exploite les mines de fer de Bourberouge ; celles de Diélette sont encore sous séquestre.
On trouve, çà et là, des restes des anciens habitants des temps préhistoriques ; à Bretteville, à Beaumont-Hague, à Flamanville, des allées couvertes ou des dolmens ; un atelier de silex taillés intéressant à Biville. Combien de témoignages de ces temps mystérieux ont été détruits à des époques où ces restes n'intéressaient personne !
La domination romaine se rappelle encore dans les ruines d'Alleaume, faubourg de Valognes ; on a trouvé des haches de bronze, des pièces de monnaie, même de beaux médaillons d'or. Mais assez d'archéologie, n'empiétons pas sur les temps plus récents.
La Manche a toujours été, elle est encore un pays agricole par excellence ; mais, depuis cinquante ans, les conditions de la culture se sont sensiblement modifiées. La douceur du climat a encouragé à produire des primeurs, pommes de terre, choux-fleurs, etc., dans les mêmes conditions et avec le même succès qu'en Bretagne. La température permet, en effet, surtout au voisinage de la mer, d'obtenir des camélias, des lauriers, des palmiers en pleine terre. Et, d'autre part, l'humidité de l'air, causée par les vents du Sud-Ouest qui soufflent près de trois cents jours par an, rend le sol exceptionnellement favorable aux pâturages. Ajoutons que, depuis quelques années surtout, la main-d'oeuvre devient toujours plus rare et plus chère, et l'on comprendra que le labourage, qui présentait encore, la majorité de la superficie il y a cinquante ans, a laissé presque partout la place aux herbages. | ||||||||||
Foire de Lessay vers 1926, CPA collection LPM 1900 | ||||||||||
C'est pourquoi l'agriculture, dans la Manche, se dirige surtout vers l'élevage et la laiterie. Nous ne parlerons pas ici des splendides résultats obtenus ; ce sera l'objet d'un autre article. Nous ne parlerons pas davantage du cidre, du calvados, de plus en plus appréciés. Nous laisserons à d'autres le soin de rendre compte de notre industrie, de notre commerce. Nous ne voulons donner ici qu'un aperçu très succinct des caractéristiques du département et nous nous bornerons maintenant à dire quelques mots de notre population et de nos centres habités.
La Manche peut se représenter comme divisée en deux régions principales, correspondant aux anciens évèchés, le Cotentin et l'Avranchin.
L'évêché d'Avranches a été réuni à celui de Coutances, mais aux anciennes capitales ecclésiastiques a succédé la capitale politique et administrative : Saint-Lô.
Toutefois, si Saint-Lô possède la préfecture, Coutances, outre l'évêché, a conservé la Cour d'Assises ; la ville est donc restée le centre religieux et judiciaire.
Enfin la capitale militaire et maritime est en même temps la ville la plus peuplée du département, c'est Cherbourg, qui compte plus de 38.000 âmes et, avec ses communes suburbaines d'Octeville, d'Equeurdreville et de Tourtaville, plus de 50.000.
Saint-Lô réunit plus de 10.283 habitants ; vient ensuite Granville, simple chef-lieu de canton, avec plus de 10.446 ; suivent les sous-préfectures : Avranches (6.790), Coutances (6.394), Valognes (4.985) ; enfin Mortain n'a que 1.657 habitants ; la ville la plus peuplée de l'arrondissement est Saint-Hilaire-du-Harcouët, avec plus de 3.000 âmes.
Saint-Lô, Coutances, Avranches et Valognes, anciennes villes fortes créées par les tribus gauloises et domptées par la conquête romaine ; les premières dominent le pays environnant ; les cathédrales de Coutances et de Saint-Lô comptent parmi les plus remarquables monuments gothiques. Mais bien d'autres églises méritent d'être appréciées, celles de Valognes, de Lessay, Saint-Pierre de Coutances, Sainte-Marie du Mont, Carentan, etc.
Les anciennes abbayes que comptait le département sont transformées ou ruinées ; les plus belles ruines sont celles de Hambye ; il subsiste de beaux restes de l'abbaye du Voeu de Cherbourg, aujourd'hui caserne d'artillerie. | ||||||||||
Ruines de l'Abbaye de Hambye vers 1926, CPA collection LPM 1900 | ||||||||||
Mais les oeuvres les plus merveilleuses du génie humain que possède le département sont à ses extrémités : au Nord, la rade de Cherbourg et surtout la Digue. Au Sud, le Mont-Saint-Michel ; chacun de ces sujets mériterait un article spécial.
Nous avons fait allusion à la population de la Manche ; elle est surtout agricole, et malheureusement depuis déjà longtemps elle tend à décroître. La facilité des communications et le développement de la grande industrie ont entraîné la suppression d'un grand nombre de petits métiers, filateurs, tisserands, teinturiers, tailleurs, etc. ; la substitution de l'élevage au labourage a eu pour conséquence une réduction de la main-d'oeuvre ; autant qu'ailleurs l'attraction vers les villes s'est manifestée.
Mais on peut dire, sans être accusé de flatterie envers ses compatriotes, que les habitants de la Manche se distinguent par leur esprit aussi réfléchi que pratique. Ils sont attirés par le progrès, mais ils portent avant tout dans leurs actes l'ordre et l'économie, qui sont des vertus normandes.
La race n'est pas tout à fait homogène : le type du Nord tient plutôt du pur normand, et vers le Sud on peut constater l'influence bretonne ; toutefois, malgré ces divergences, on peut constater un grand esprit de solidarité, dont les représentants, au Conseil général, des quarante-huit cantons ont toujours donné la preuve.
Le département a donné naissance à plusieurs hommes illustres ; nous n'en citerons que quatre : le maréchal de Tourville, le glorieux vaincu de La Hougue, le vainqueur du Cap Saint-Vincent ; Leverrier, de Saint-Lô, l'astronome qui découvrit la planète Neptune par le calcul ; J.-F. Millet, de Gréville, le peintre de l'Angelus, et enfin Barbey d'Aurevilly, l'auteur de romans qui l'ont fait surnommer le Walter Scott normand.
En somme, on peut dire que les Manchots sont de bons Français ; ils l'ont prouvé, dans la dernière guerre, par leur admirable tenue devant l'ennemi. Ils montrent, dans leurs manifestations, l'esprit raisonnable et pondéré qui fait de ce département une des solides assises de la prospérité française.
A. LEMOIGNE, Député de la Manche, Président du Conseil général. | ||||||||||
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La Manche Numéro spécial Supplément au numéro du 28 août 1926 de l'Illustration économique et financière Publication : Paris 1926 | ||||||||||
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Je me suis tracé un programme. Faire connaître, d'une part, les colonies de la France et leurs possibilités économiques ; étudier, d'autre part, la politique d'expansion commerciale de notre pays, en montrant comment par l'exportation, nous arriverons à donner à ce pays son plein essor. J'ai fait de la propagande en faveur du cidre, en faveur du vin, en faveur du blé, en faveur des produits de la France.
Comment n'en ferais-je pas aujourd'hui en faveur du tourisme, qui est une force nationale ? Comment n'en ferais-je pas surtout en faveur du département de la Manche, de ce département aux mille nuances du beau, où j'ai eu le bonheur de naître. Ils furent bien inspirés ceux qui conçurent l'idée de consacrer un numéro spécial à la Manche... et il faut remercier l'Illustration Economique et Financière de l'oeuvre qu'elle poursuit avec tant de méthode et de succès, puisqu'elle encourage et facilite la connaissance de notre pays beaucoup trop ignoré dans les forces innombrables qu'il recèle. Faire mieux connaître la France, n'est-ce pas mieux la faire aimer ? | ||||||||||
Puissé-je, dans les lignes qui vont suivre, indiquer ici quelques-unes des beautés de notre département pour que les touristes y viennent nombreux, y séjournent le plus longtemps possible et pour que certains d'entre eux s'y fixent.
La Manche est un département riche, très riche. Son sol est fertile, d'une extrême fertilité. Situé aux marches de la Normandie et de la Bretagne, il est le trait d'union entre ces deux provinces. Le bassin parisien vient s'enfoncer jusqu'au centre du Cotentin, tandis que les roches armoricaines lui donnent son aspect granitique et bocager.
Les flots sur la plus grande partie de son étendue l'ont battu depuis de longs siècles. Après la Corse et le Finistère, la Manche est le département le plus maritime de la France. La mer âpre et rude lui a ménagé deux ports de premier ordre : Cherbourg et Granville ; elle lui a laissé une multitude de petites plages variées, exquises, qui s'alignent de Cherbourg, l'escale des grands transatlantiques, jusqu'à la pointe de Carolles, sur la baie du Mont-Saint-Michel. | ||||||||||
La mer a façonné la côte. La forêt, cette autre grande force de la nature, comme dit M. Edouard Herriot, dans son livre excellent sur la forêt normande, donne à la Manche son aspect varié. | ||||||||||
Ecoutez M. Edouard Herriot parler de la Normandie :
« De ce pays l'arbre est roi. Son climat, presque constamment humide, favorise le bois et la prairie , selon le rythme qui associe la forêt et le pays de pâture. Où l'herbe demeure verte, la forêt prospère. »
Surtout la forêt de pommiers.
La riche Normandie s'épanouit entre les arbres et les fleurs. La Manche, c'est le feu d'artifice des pommiers en fleurs, ce sont les roses, ce sont les gras pâturages.
C'est « la mer, avec sa forte houle et son grand souffle amer ». Ce sont les villages blottis autour de leur église. Ce sont les petites fermes, avec leur courtil. La Manche..., mais je ne savais pas que c'était tant de choses.
Face aux îles anglo-normandes et à la Cornouaille d'Angleterre, le département de la Manche s'allonge, tel un long fuseau, entre Cherbourg et Mortain.. | ||||||||||
Cherbourg est sa grande ville, avec une rade magnifique, un abri sûr pour nos flottes comme pour les nombreux navires qui s'y réfugient ou y font escale
En 1925, Cherbourg a compté 876 escales pour 172.641 passagers de cabines et de toutes classes, et en 1926, le change aidant, Cherbourg aura vu un nombre plus grand encore d'Américains et d'Anglais.
Trait d'union entre deux régions très distinctes : le Val de Saire à l'Est, la Hague à l'Ouest.
Cherbourg est pour le touriste un centre d'attraction. La Hague est rude et sauvage, le Val de Saire est onduleux, calme, d'une fertilité sans pareille ; c'est un pays d'élevage et de culture maraîchère qui approvisionne les gens du pays, les Parisiens et aussi les Anglais...
Si vous voulez avoir du Nord de notre département une impression rapide et vive, lisez les lignes que lui a consacrées récemment M. Jacques Fuster, inspecteur d'Académie de la Manche...
« La côte Ouest (de la Manche), battue des courants et des vents, où la pluie tombe plus horizontalement que verticalement, se termine face au passage de la Déroute et au raz Blanchard, sur l'âpre et belle presqu'île de la Hague - résurrection de la Bretagne avec ses granits et ses landes, entassements rocheux dominant de plus de cent mètres une mer infinie qui est, par ici, une mer peuplée.
« Car elle tient prisonnières des terres qu'elle montre à la fois et qu'elle cache. On peut sur l'horizon du couchant dans l'imprécis du large, découvrir les Ecrenous, et aussi, vague, vaporeuse, énorme pourtant, s'allongeant sur la mer jusqu'à n'en plus finir, la grande île de Jersey ; on croirait un gigantesque, un invraisemblable « vaisseau-fantôme » porté sur ces flots harmonieux qui toujours reprennent leur refrain, le modulent plus fortement et s'approchent avec des volutes d'écume, dans la simplicité rayonnante du beau absolu. »
Et M. Jacques Fuster continue :
« De la Hague au cap Lévy, le rivage s'incurve pour enserrer le grand port qui est comme une tête de pont entre deux mondes : Cherbourg. Puis la côte qui s'étend du cap Lévy à la baie de Saint-Vaast-la-Hougue, limite l'un des pays les plus verts, les plus riants, les plus riches de la Manche : le Val de Saire. »
Pourquoi ne dirait-on pas du monde, M. Fuster ? | ||||||||||
C'est la vérité. Comme il est vrai que la plaine basse qui entoure Carentan et qui rappelle les polders des Pays-Bas est une des plus fertiles du monde.
Ainsi que vous l'écrivez avec votre plume d'artiste :
« En pleine Normandie, c'est une sensation exquise, parce qu'inattendue, de Hollande, et rien n'est plus frais que cet aspect verdoyant et doux, cette platitude idyllique et tendrement ensoleillée de cette longue plaine basse, bordée, au loin, par des feuillages pleins de jeux d'ombre et de lumière, - un immense espace du vert le plus tendre, dans un cadre de verdure plus accentuée, dans les attouchements de la lumière molle et de la brise de la mer... »
Vous avez raison, M. Fuster. J'ai visité la Hollande, si calme, si reposante : j'ai revu ensuite cette partie de Normandie, cette Normandie hollandaise, comme vous l'appelez, et je me suis demandé pourquoi les vrais touristes étaient si nombreux là-bas et si peu nombreux ici. |
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Voyez-vous, on ne le connaît pas assez, notre département. On n'en sent pas toute la poésie.
Venez donc goûter le charme mélancolique qu'on éprouve à Valognes, ville morte sans doute, mais pleine de souvenirs. J'évoque, en m'arrêtant près des nobles hôtels, la vie brillante, fastueuse, élégante qu'on y connaissait au temps où ils abritaient les riches seigneurs du pays. Ce n'est plus qu'une toute petite sous-préfecture, prospère grâce à son agriculture. Mais c'est une petite ville à qui il reste quelque chose de la gloire passée, de cette gloire qui est gravée dans les maisons de chaque vieil hôtel.
Si Valognes et Cherbourg sont des centres de ce pays qu'on a appelé le Cotentin, Saint-Lô est, en même temps que le chef-lieu administratif de la Manche, la capitale de ces bocages qui occupent le centre du département. Mais là encore, si le lecteur veut bien y consentir, nous laisserons la parole à M. Fuster. « C'est partout le même aspect, mais avec tant de nuances variées ! Des prairies closes de haies et cernées d'arbres, des collines sans grandes hauteurs, mais délicieusement agrestes. »
Il faut parcourir tout ce Bocage, devenir intime avec ces vergers qui sentent l'idylle et la bonne humeur, respirer ces parfums de terre herbeuse et fleurie, côtoyer ces métairies, ces jardins, ces hameaux à l'odeur fraîche, cette campagne où partout on sent l'eau sourdre, où partout on l'entend gazouiller pour savourer vraiment toute la beauté féconde et tranquille de la terre normande.
La vallée de la Vire, en particulier, vaudrait d'être plus connue. La rivière s'est frayé, à travers schistes et phyllades, une vallée délicieusement virgilienne où tout concourt à enchanter les yeux.
Au creux du vallon, la Vire coule, sinueuse, avec, au long de ses berges, comme un damier de verdure : les herbages séparés par des haies ; sur les pentes, des taillis et des bouquets de bois ; parfois des rochers à nu, et, comme pour rendre plus pictural ce paysage, des châteaux plus ou moins archaïques. | ||||||||||
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Et voici Saint-Lô, cette vieille ville au long passé ; une ville qu'on a pu comparer à un vaisseau immense dont les mâts seraient ses deux églises... une ville très traditionaliste, qui respire la richesse par tous ses pores, comme il sied d'ailleurs au chef-lieu d'un département très agricole et au sol presque trop fertile.
Un paysage différent. Car il est dit que la Manche doit présenter dans ses sites la variété la plus complète. La lande de Lessay. Elle s'étend sur 5.000 hectares, morne, désolée, sous son mantelet de brume, triste et grande comme la mer.
Une ville maintenant : Coutances, centre religieux, universitaire, siège de la Cour d'Assises. Arrêtez-vous. Visitez la cathédrale, les églises et le jardin public, dont les roses encadrent l'image de Rémy de Gourmont...
Puis retournez vers la côte. Gagnez l'Avranchin en suivant le cordon de hautes et longues dunes qui s'aligne de Carteret à Granville. | ||||||||||
A Carteret, vous avez laissé des falaises aux aspérités farouches, aux rudesses pourtant harmonieuses, où comme le dit encore M. Fuster, les sentiers dévalent vers de petites grèves comme étriquées entre les rochers.
A présent, c'est une longue série de dunes, un peu monotones et plates, aux havres nombreux, aux petits ports naturels : Port-Bail, Surville, Regnéville.
Et nous voici à Granville. Une autre région. Là c'est le roc, la falaise abrupte. Le port et la ville se dressent fièrement face à la Bretagne, devant les îles Chausey. Normand de race, Breton d'aspect, selon l'expression de Michelet, Granville a été le témoin des grands mouvements historiques. Il fut pendant la guerre de cent ans une citadelle anglaise ; plus tard, il résista à deux attaques des Huguenots. Les Vendéens s'y heurtèrent en 93, et depuis lors Granville s'appelle la Victoire ! Il pourrait aussi bien s'appeler Granville-la-Liberté, puisque Charles VII en avait fait une ville libre, exemple d'impôts, de corvées et de tailles. Et l'on vit accourir dans cette ville franche « les déshérités de l'Occident et même de l'Orient ». Ne cherchons pas ailleurs l'origine de l'esprit libéral qui caractérise le Granvillais. Indépendant, gai, gouailleur, attaché fortement à sa petite patrie, il a fait de Granville un port très important, et pour les baigneurs un séjour délicieux.
C'est que ce n'est pas seulement Granville qui attire. L'arrondissement d'Avranches est un des plus beaux qui soient. Il a Granville et Donville et aussi les îles rocailleuses et sauvages de Chausey. Il a aussi l'abbaye de la Lucerne d'Outremer, dans un des coins les plus calmes et les plus reposants que je connaisse. Il a cette côte qui va de Granville à Avranches et qui abrite les petites plages qui sont en train de devenir célèbres, et qui s'appellent Saint-Pair, Jullouville-Bouillon, avec sa mare, sa rivière et ses arbres ; Carolles, avec sa vallée des Peintres et son port de Lude ; Saint-Jean-le-Thomas, où la douceur du climat et l'exubérance de la végétation font songer aux coins les plus charmeurs de notre Méditerranée. Et Dragey, et Genêts, et Vains-Saint-Léonard...
Et il possède aussi, l'arrondissement d'Avranches, la ville d'Avranches. On a dit qu'Avranches était un des plus beaux sites du monde. Au cours de mes voyages en Europe, je m'en suis rendu compte. La vue sur la baie du Mont-Saint-Michel est unique.
Comme l'a écrit le poète Eugène Le Mouël, « Nul passant, si peu enclin qu'il soit à s'émouvoir d'un paysage, ne retient un cri d'enthousiasme devant l'incomparable panorama qu'on aperçoit du Jardin des Plantes. » | ||||||||||
Je n'ai pas à décrire ici la baie du Mont-Saint-Michel, non plus qu'à parler du Mont. Ils sont trop connus. Mais je voudrais simplement indiquer l'oeuvre qu'accomplit la « Société des Amis du Mont-Saint-Michel ».
Elle est l'adversaire résolue de tout ce qui menace le caractère artistique de la Merveille. Elle a élaboré un plan d'ensemble des travaux à exécuter pour enrayer efficacement l'ensablement du Mont, car le Mont-Saint-Michel au péril de la mer est menacé de s'ensabler. Il faut qu'on écoute les « Amis du Mont-Saint-Michel », qu'on fasse les sacrifices nécessaires pour garder au Mont son caractère insulaire. On ne doit pas reculer devant quelques millions quand il s'agit d'une merveille « dont la vue nous évoque ce que les paysages de France ont de plus grandiose, ce que le patriotisme a de plus inviolé, ce que la religion a de plus saint.
Faisons confiance à la Société des Amis du Mont Saint-Michel et à son président, M. J. Levatois. Le Mont restera une île. Du seul point de vue artistique, l'arrondissement d'Avranches présente bien d'autres attraits J'ai parlé de l'abbaye de la Lucerne-d'Outremer. | ||||||||||
Pourquoi ne citerais-je pas l'humble église de Saint-Loup, les châteaux de Brécey et de Ducey, et aussi en passantles deux jolies rivières près desquelles ils sont bâtis, la Sée et la Sélune, et leurs vallées si pittoresques ?
Chaque village, chaque hameau a son caractère. L'Avranchin, comme la Manche d'ailleurs, c'est le pays des vieilles églises, autour desquelles sont groupés les hameaux, les villages. C'est un pays où la foi est vive, la tradition respectée... Notre paysan est réservé et froid... Mais quand il a donné sa confiance, il reste fidèle...
L'Avranchin, c'est le pays de la sapience, c'est aussi celui de la critique. Et le peut-être bien que oui, peut-être bien que non prouve surabondamment que l'habitant de la Manche ne veut s'étonner qu'à bon escient.
Mais je n'ai pas à philosopher sur le caractère normand. Je jette par hasard quelques notes sur la Manche ; et bien que Normand, très indépendant de caractère, assez peu enclin à l'admiration, force m'est bien de dire que l'Avranchin, sauf les grandes montagnes, offre tout ce qui charme et tonne : la mer, les falaises, les estuaires, les baies, les briques, les dunes, les vallées abruptes...
Ai-je besoin d'ajouter que dans ce pays, qui est celui du Pré-Salé, du bon cidre, du bon lait, des bons fruits et même du bon « Calvados », le gastronome (et la mode est à la gastronomie) se sent à l'aise... qu'il est encore de bons hôtels et de bonnes auberges - que je voudrais pour ma part les voir se moderniser un peu du point de vue de l'hygiène et du confort, mais à la condition qu'elles gardent leurs vieilles traditions...
D'autre part, les fêtes d'Avranches ont valu à cette ville une réputation amplement méritée. Les touristes qui ont eu l'occasion d'y séjourner au cours de ces manifestations, ont gardé dans leur mémoire le souvenir le plus agréable des cortèges, concours, fêtes des fleurs qui sont organisés depuis de très longues années | ||||||||||
En dehors d'Avranches, il est d'autres petites villes, assez vivantes, qui sont des centres agricoles, commerciaux ou industriels. Tels la Haye-Plesnel, Brécey, Pontorson, Ducey, Sartilly, Saint-James, Villedieu-les-Poêles, la ville des marteaux, à l'industrie de laquelle, vers la fin de cet ouvrage, une bonne place a été consacrée.
Touristes, qui me lisez passez dans ces coins... Vous y ferez bonne chère et vous les trouverez agréables. Surtout, séjournez un peu à Avranches. Goûtez-en le charme mélancolique... et le repos bienfaisant.
Et ensuite, quand vous aurez visité notre Avranchin, sur lequel j'ai peut-être insisté un peu trop (et je m'en excuse ; mais la Normandie n'est-elle pas la plus belle province de France, la Manche le plus beau département de cette province, et Avranches n'en est-il pas le plus bel arrondissement ?), quand vous aurez visité, dis-je,notre Avranchin, voyez Mortain et le Mortainais, ses cascades et ses cailloux, ses montagnes, ses vallées et son Abbaye-Blanche.
Celle-ci, dit l'histoire, fondée en 1118 par Sainte-Adeline, fut d'abord un couvent de Bénédictines. | | |||||||||
Fermée pendant la Révolution en 1790, elle devint propriété de l'Hospice de Mortain et fut rachetée en 1820 par un prêtre, M. l'abbé Dary, pour y installer le Petit Séminaire qui y resta jusqu'en décembre 1906
Je ne saurais vous dire : allez ici ou là. Je vous dis simplement : traverses le Mortainais. Vous découvrirez un nouvel aspect de la Manche, de cette Manche aux mille nuances du beau.
J'ai essayé de la parcourir avec vous à vol d'oiseau, ou mieux à bord d'avion. Je me suis, de ci de là, arrêté dans quelques endroits qui m'ont paru devoir retenir vos regards ou votre attention.
J'aurais certes mieux aimé en dire la puissance agricole et économique, mais d'autres avant moi en ont pris soin.
Je l'aurais fait peut-être avec plus de compétence.
Il m'eût été aussi agréable de signaler les poètes, les écrivains, les artistes qui ont illustré notre département.
Mais ce n'était pas le sujet dont je m'étais chargé. D'un coup d'oeil rapide, j'ai embrassé la Manche pour avoir le droit de répéter aux touristes : Venez dans ce département. Voilà ce que vous pourrez y apercevoir. En rédigeant ces lignes trop brèves, je me suis rendu compte une fois de plus que la Manche était un monde. Non, vraiment, je ne me serais jamais imaginé que la Manche c'était tant de choses. ANSELME-LAURENCE |
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La Manche Numéro spécial Supplément au numéro du 28 août 1926 de l'Illustration économique et financière Publication : Paris 1926 | ||||||||||
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Je ne sais trop s'il est, dans notre France, pourtant si riche en beaux sites et en paysages variés, département plus complet, plus divers, plus multiple que celui de la Manche, avec sa glorieuse façade de côtes et ses incomparables herbages.
Voici, battu de la « mer océanne », comme disaient nos pères, le Mont-Saint-Michel, unique au monde avec son abbaye, ses remparts, ses vieux logis pittoresques, et qui peut-être est le point culminant de l'art médiéval. Voici les premières collines vertes et les frais vallons, arrosés d'eaux vives, gracieuse parure du Mortainais.
Et puis, en tirant vers le Septentrion, cette Hague heurtée, sauvage, âpre, farouche, balayée par les vents du large et qui finit au nez de Jobourg, près du pays de François Millet. Qui part de l'Avranchin y accède par la fameuse lande de Lessoy, jaune d'ajoncs en fleurs ou rose de bruyères, suivant les saisons ; Lessay, que Jules Barbey d'Aurevilly a chanté en d'inoubliables pages. | ||||||||||
Et puis, sur les côtes de sable fin ou de rocs abrupts, regardant la vaste mer, tout un chapelet de menus ports de pêche ou de plages charmantes, bénies des écoliers en vacances, depuis la baie d'Avranches et Genêts, jusqu'à Isigny-sur-Mer, en passant par Saint-Jean-le-Thomas, tout parfumé de mimosas, Carolles, Jullouville, Saint-Pair, Granville, Montmartin, Regnéville, Coutainville, Anneville (que de noms chantants !), Portbail, Carteret-au-doux-climat, Vauville, Anderville, Landemer, Barfleur, Réville, Saint-Vaast-la-Hougue, Morsalines, Quinéville, Fontenay-sur-Mer.
Et puis, dans les eaux vertes de la mer câline ou farouche, ronronnante ou mugissante, des îles et des îles, françaises ou anglaises ; Tombelaine, qui servait de garde avancée au monastère du Mont et dont parlent les romans de la Table-Ronde ; Chausey, que trois ou quatre lieues seulement séparent de Granville ; le groupe des Ecrehou, vis-à-vis de Portbail ; Jersey, granitique comme Chausey, mais autrement vert et fleuri ; Jersey, d'où l'on pouvait, au VIIIe siècle, gagner à pied la ville de Coutances, avant qu'un cataclysme noyât la route et l'ample forêt recouverte aujourd'hui par les flots ; Jersey, où persiste, fidèle, le souvenir de Victor Hugo ; Aurigny, aux riches pâturages ; l'île Pelée, qui fait face à Cherbourg, et, sur la côte orientale, entre Saint-Vaast et le fort de la Hougue, Tatihou, au vocable bizarre, où s'ébattent les jeunes élèves d'une école de plein air ; Saint-Marcouf, enfin, dont l'infime population grossit à peine celle du village du même nom, sis dans les terres, non loin de Valognes.
Quel touriste, quel Français moyen ou quel riche étranger ne connaît toutes ces beautés naturelles dont l'énumération risquerait d'être fastidieuse si elle n'évoquait imédiatement l'Histoire, la Légende, et aussi des parfums de fleurs, la senteur des brises marines, l'odeur salubre des varechs et des goémons, ou la splendeur des herbages, le pittoresque des hautes falaises et la caresse, aux pieds nus, des sables blonds ? | ||||||||||
Et qui donc encore n'a au moins oui parler de nos cités ? Pour menues qu'elles soient, chacune d'elles a son caractère, sa grâce, son attrait, qui la différencient nettement de ses voisines. Avranches ne ressemble en rien à Mortain, qui ne ressemble en rien à Coutances. Et Saint-Lô ne s'apparente assurément ni à Valognes, ni à Cherbourg.
Saint-Lô - à tout seigneur tout honneur, puisque c'est notre chef-lieu, - Saint-Lô, Anatole France, fort sensible à son charme, la baptisait « la jolie laide ». Un roc et un vallon. Sur le rocher, les deux tours de Notre-Dame ; la Préfecture et son joli parc ; un Hôtel de Ville moderne, mais point insignifiant ; une place assez mélancolique, sauf les jours de marché ; une rue animée, et, tout au bout, le haras connu de tout le monde hippique. Dans le Val de Vire, une rivière poissonneuse, la grande rue tortueuse, justement dénommée Torteron, la gare, qu'heureusement l'on rebâtit. A ses pieds vient mourir un coteau verdoyant, semé de maisons de plaisance. Tel est Saint-Lô, placide, pacifique, mais dont la vie locale, jadis intense, peu à peu se réveille. | Ernest BEAUGUITTE | |||||||||
Préfecture de la Manche, Saint-Lô ne l'était point à l'origine, c'est-à-dire en 1789-1790, lors de la nouvelle division territoriale de la France. L'honneur maxime échut à Coutances, siège déjà d'un évêché et qui, provisoirement, devint, voilà cent trente-six ans, le chef-lieu du département du Cotentin, ou département de Coutances, puis de la Manche. Six autres villes, dont Carentan, étaient centres de districts. Saint-Lô, cité commerçante, réclama la primauté. Ce fut le signal de la guerre avec Coutances devenu, peu après, chef-lieu définitif. Les deux villes-soeurs luttèrent, des années, à qui l'emporterait. La rivalité ne cessa nullement en l'an IV, époque à laquelle Saint-Lô supplanta Coutances. Les protestations et les requêtes de cette dernière affluèrent, acerbes, à la Convention nationale. L'administration centrale, transférée à Saint-Lô, y demeura décidément, deux ans plus tard. Pour consacrer l'état de fait et enlever tout prétexte à un retour offensif de Coutances, vingt-trois habitants de Saint-Lô achetèrent de leurs derniers, pour l'offrir à l'administration, ce qui aujourd'hui encore forme la majeure partie de l'hôtel et des jardins de la Préfecture.
La ville de Cherbourg, elle aussi, fut quelques mois sur les rangs. Elle faisait valoir l'importance de son port, de sa population qui s'était vite accrue, des nombreuses manufactures de draps et de serges qui y florissaient à la fin du dix-huitième. Ce fut en vain. Cherbourg rêve-t-il encore de supplanter Saint-Lô et d'abriter le préfet ? Justement fier de sa rade, il s'enorgueillit de ses 40.000 habitants, près de 60.000 avec les communes toutes voisines d'Equeurdreville, Tourlaville et Octeville. Et puis, il est port d'escale ; sa Chambre de Commerce a de hautes visées et de nobles ambitions. C'est la grande ville, enfin. Ni Valognes, d'un puissant charme mélancolique avec ses somptueux vieux hôtels, ni Avranches-le-pittoresque, ni Granville, ni Coutances, ni Mortain ne songent à rivaliser avec la vivante cité qu'est Cherbourg.
Pourtant, les unes et les autres de ces menues villes possèdent des titres certains à la satisfaction de la curiosité touristique. Avranches est un incomparable observatoire d'où l'on a vue - et quelle vue ! - sur le Mont et la baie de Cancale. Ses murs parlent. L'Histoire se lève de chacun de ses pavés. Il en est de même de Coutances, qui tire vanité de sa cathédrale gothique, pure merveille d'harmonie. Et son jardin public, tout fleuri de roses, l'été venu ! Edouard Herriot les a tous deux chantés. Les pages qu'il a consacrées à la basilique et qui pourraient bien être les meilleures de son dernier livre : Dans la Forêt normande, figureront un jour dans les anthologies.
Entre Avranches et Coutances, Granville dresse, couronné de vieilles maisons et de villas modernes, son roc altier au pied duquel rumore la basse ville. L'hiver, elle ne s'endort point dans la torpeur de ses brumes et du fin réseau de ses pluies. Ses cavalcades du Mardi gras et de la Mi-Carême sont célèbres. Dès le début de juillet, les trains de Paris y déversent de joyeuses familles avides d'air salubre, de « trempettes » dans la mer et d'excursions séduisantes.
Il n'est pas jusqu'à de plus humbles centres qui ne se recommandent à l'attention du voyageur français ou exotique ; tels Canentan et cette villette de Saint-Sauveur-le-Vicomte, où naquit Barbey d'Aurevilly.
Tout cela, si agréable à voir et si curieux à visiter, fait de notre département une terre d'élection.
Il est toutefois un autre aspect, plus prosaïque, de ce coin béni qui donne à la Manche le caractère d'un pays, non seulement magnifique par ses sites, mais de la plus enviable opulence. Je ne parle pas uniquement de la fertilité de son sol, amendé par les engrais marins, et de la richesse de ses vergers ; je veux dire aussi la précellence de son cheptel chevalin et bovin. Ce prodigieux élevage de la Manche, sans égal au monde, existe depuis des siècles, connu de tout ce que la France compte d'agriculteurs avertis. La France ? Oui, mais aussi l'étranger, la Colombie, le Paraguay, l'Uruguay, etc...
Il appartient à d'autres qu'à moi d'en exposer les caractéristiques et d'en vanter les mérites. Qu'il me soit permis, pourtant, de chanter le los de la persévérante intelligence des éleveurs de la Manche, dont tous les efforts tendent au développement de l'homogénéité de la race. Ici encore, la solide réputation dont jouit le département, loin de déchoir, se fortifie et gagne chaque jour en ampleur.
Après cela, la Manche est en droit de se consoler si elle ne compte que peu de cités industrielles. A part Cherbourg, avec son arsenal et ses machines agricoles, Villedieu-les-Poêles et Sourdeval, où l'on entend résonner le marteau des chaudronniers et des artisans du cuivre ; sauf encore les industries agricoles issues du lait et du cidre, les unes dans le Cotentin, les autres d'Avranches à Saint-Lô et Mortain, le département reste, avant tout, un pays d'élevage.
Et voilà, n'est-il pas vrai ? qui suffit à sa gloire. | ||||||||||
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La Manche Numéro spécial Supplément au numéro du 28 août 1926 de l'Illustration économique et financière Publication : Paris 1926 | ||||||||||
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Ce qui caractérise le département de la Manche, c'est sa variété, dans une note toujours moyenne ; la Providence l'a richement doté des dons les plus divers, toujours dans un équilibre harmonieux. Vallonné avec des collines ne dépassant guère 400 mètres d'altitude, il offre des paysages si variés qu'ils rappellent en miniature de jolis coins de la région pyrénéenne ou de la Suisse, tels les environs de Mortain, la vallée déchiquetée de la Cance avec ses cascades, la vallée industrieuse de Brouains avec ses chutes d'eau alimentant de petites usines serrées les unes contre les autres entre des collines verdoyantes.
Les côtes maritimes, développées sur quelque 200 kilomètres, sont réchauffées l'hiver par les flots tièdes de branches du Gulf-Stream et rafraîchies l'été par la brise du large, ce qui lui vaut un climat remarquablement tempéré, sans chaleur desséchante et sans gelées malfaisantes.
La végétation y est luxuriante et la flore des plus variées, puisqu'elle comprend aussi bien les plantes et les arbres des pays méridionaux | | |||||||||
(figuiers, mimosas, chênes verts, camélias, palmiers même, qui atteignent en pleine terre de grandes dimensions) que les céréales et les prairies des régions septentrionales.
La douceur de la température, des pluies fréquentes mais sans violence, y permettent la culture de presque tous les légumes et la production des primeurs ; aussi la culture maraîchère s'y développe chaque jour davantage, fournissant à ses gares et à ses ports de mer les éléments d'une exportation fructueuse, particulièrement sur l'Angleterre, en même temps que ses prairies, peuplées d'un bétail nombreux, d'animaux de race que leurs qualités font rechercher dans le monde entier comme reproducteurs, fournissent l'aliment d'une exportation considérable de beurre, de fromage et de tous les produits du lait.
Pays de naisseurs, le département de la Manche fournit aux départements voisins les jeunes animaux dont ils ont besoin pour leur élevage. La douceur du climat, particulièrement en hiver, permet de maintenir les animaux au pâturage sans leur imposer la stabulation, et permet d'obtenir ainsi des sujets particulièrement réfractaires aux maladies contagieuses. | ||||||||||
Gare de Granville vers 1926, CPA collection LPM 1900 | ||||||||||
Tout pousse à merveille, tout peut être tenté dans cette heureuse région et, il y a 60 ans, alors que le défaut de moyens de transport engageait les populations rurales à vivre le plus possible sur leur propre fonds, l'orgueil des propriétaires de la Manche, même les plus modestes (car ce fut toujours un pays de petits propriétaires), était de produire eux-mêmes tout ce dont ils avaient besoin pour leurs vêtements comme pour leur nourriture : le lin, la laine, le chanvre, les peaux, les fourrures que de petites industries transformaient, dans la région même, en fil, en toile, en tissus, en cordages, en cuir, en feutre et en matériel agricole pour lequel le fer même ne leur faisait pas défaut. L'abondance du bois de chauffage, comme du bois d'oeuvre, permettait, en ce temps, de transformer sur place, en fonte et en fer, les minerais abondant dans le Bocage, dans le Mortainais et dans le Cotentin.
Les Normands, venus nombreux dès le VIIIe et le IXe siècle des pays scandinaves, les uns de Suède et de Norvège, blonds, superbes, de grande taille, les autres du Danemark, plus petits et plus bruns, se sont mêlés à la population gallo-romaine qui déjà, à Coutances et à Avranches, sièges d'évêchés anciens, formait une société policée et de civilisation avancée ; ils contribuèrent à donner à la race une empreinte spéciale et la Manche est bien le plus normand de tous les départements de notre Normandie. Ils y apportèrent le sentiment profond de leur individualité, l'esprit critique de réflexion, l'amour de la liberté et de l'égalité, le goût des aventures allié à la sapience ancestrale ; c'est de la Manche que partirent nombre de conquérants et d'organisateurs fameux, tels que les compagnons et les continuateurs de Tancrède de Hauteville, les prestigieux vainqueurs des deux Siciles et de l'Orient, tels que les colonisateurs de l'Angleterre, des Indes et du Canada. | ||||||||||
Gare de Donville-Les-Bains vers 1926, CPA collection LPM 1900 | ||||||||||
Généralement, petits propriétaires, habitant sur le sol même qu'ils cultivaient, pendant que leurs cadets, intrépides navigateurs, commerçants audacieux, pêcheurs de morues et de baleines dans les mers lointaines, couraient le monde, les aînés, restés au pays, ont continué, au cours des siècles, la tradition ancestrale, tout en s'adaptant sans heurts et sans secousses, à l'évolution continue des temps nouveaux, toujours libres, de caractère indépendant, sans connaître le servage, même au Moyen Age.
Pays de population disséminée, bien que plus dense que dans les départements voisins, sans grands centres d'attraction, et, par conséquent, sans grandes villes, le département de la Manche est en pleine évolution économique ; mais la variété de ses industries est telle qu'il n'en est aucune qui synthétise l'effort du pays. On y travaille le fer, le cuivre, notamment à Villedieu, l'étain, notamment dans la région de Sourdeval, les produits chimiques et, en cette époque où l'énergie électrique constitue un des éléments principaux de toute industrie, on a pu, sur certains petits fleuves côtiers, capter des forces, dont une dépasse même 10.000 kilowatts, faisant de la houille verte de la Manche la rivale de la houille blanche des glaciers.
Lorsqu'elle aura groupé les forces de ses cours d'eau, cette région cessera d'être entièrement tributaire de la houille anglaise comme elle l'est depuis un siècle. Ce n'est pas, cependant, que la houille manque dans la Manche ; la superficie de son bassin houiller est considérable, et l'on y retrouve les mêmes formations géologiques que dans le pays de Galles. On y trouve même quelques minerais rares comme les minerais de mercure et de tungstène, mais, alors que les couches qui contiennent ces richesses sont restées sensiblement en place au nord de la mer de la Manche, ce qui constitue la sécurité d'une exploitation économique, le sol du Cotentin a éprouvé, avant la création de l'homme, au cours de l'époque pliocène, des plissements qui ont fragmenté les gîtes houillers et métalliques, rompu des filons, fracturé et partiellement effondré les couches, en rendant l'exploitation très aléatoire.
Aussi, aucune des affaires minières tentées au cours des siècles précédents, n'a pu être utilement continuée. Une seule exception est celle des minerais de fer, dont la masse est considérable et qui, au Nord et au Sud du département, donnent lieu à des exploitations qu'on peut espérer voir fournir, au nord au port de Cherbourg, et au sud au port de Granville, les éléments d'un transit important. | ||||||||||
Gare de Cherbourg vers 1926, CPA collection LPM 1900 | ||||||||||
Gare de Villedieu-Les-Poêles vers 1926, CPA collection LPM 1900 | ||||||||||
Gare de Montmartin-Sur-Mer vers 1926, CPA collection LPM 1900 | ||||||||||
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Porbail cour du manoir du Dick. CPA collection LPM 1900 | ||||||||||
La Manche Numéro spécial Supplément au numéro du 28 août 1926 de l'Illustration économique et financière Publication : Paris 1926 | ||||||||||
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Le Cotentin, grâce à la richesse de son sol, grâce à sa situation maritime exceptionnelle au point de contact de la Normandie, de la Bretagne et des Iles Britanniques, a vu de bonne heure s'élever de nombreux monuments, oeuvres des races qui, tour à tour, l'ont habité.
C'est surtout au nord du département de la Manche que se rencontrent les souvenirs des temps préhistoriques : grottes refuges de Jobourg, allées couvertes de Bretteville et de Vauville, menhirs de Maupertuis et de Flamanville.
La civilisation romaine a largement pénétré dans ce pays, mais elle a laissé peu de vestiges. Les camps romains de Montebourg et de Lithaire, les ruines d'Alauna qui s'élèvent près de Valognes, révèlent cependant la présence de centres importants. En outre, la Manche possède deux inscriptions qui sont des documents précieux pour l'histoire de cette époque. La première, connue sous le nom de « Marbre de Torigny », est conservée à l'Hôtel de Ville de Saint-Lô, mais elle provient des fouilles faites à Vieux (Calvados) : son texte contient des renseignements intéressants sur l'organisation administrative de la Gaule. La seconde, plus récente, est gravée sur un ancien autel de l'église Saint-Pierre-du-Ham ; elle relate la fondation, au VII siècle, d'un monastère par saint Fromond, évêque de Coutances | ||||||||||
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Cette civilisation, fruit de la conquête romaine, a été presque complètement anéantie par les invasions des Normands. Un des plus curieux souvenirs de ces temps troublés est la « Hague-Dicke », retranchement de deux kilomètres, destiné à isoler la sauvage presqu'île de la Hague. Peu à peu, les peuples du Nord se fixent dans le pays, séduits par sa richesse, et relèvent les édifices qu'ils ont détruits.
C'est ainsi qu'au XIe siècle, sous l'influence des ordres religieux, apparaît dans la construction des églises et des monastères cet art roman auquel les Normands ont donné un caractère très personnel. Aux Bénédictins, nous devons les riches abbatiales de Cerisy-la-Forêt, Saint-Sauveur-le-Vicomte, Savigny, Hambye, la nef romane du Mont-Saint-Michel, et surtout celle de Lessay, aux proportions de cathédrale. Plus sévère, l'architecture cistercienne se reconnaît dans le style de l'Abbaye Blanche, à Mortain. Mais, en Normandie, la différence est moins sensible entre la conception artistique des deux ordres religieux, car l'art normand, surtout dans la Manche, garde, même pendant la période gothique, cette recherche de la ligne qui lui fait négliger les ressources de la sculpture et de la statuaire. | Hambye abbaye. CPA collection LPM 1900 | |||||||||
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C'est ce qui caractérise ces deux chefs-d'oeuvre du XIII siècle, universellement réputés pour l'harmonie de leurs proportions : la cathédrale de Coutances et la « Merveille » du Mont-Saint-Michel. Plus tard, l'architecture gothique, se compliquant suivant son évolution naturelle, donne tour à tour l'élégante façade de Notre-Dame de Saint-Lô, l'abside du Mont-Saint-Michel, la flèche ajourée de Carentan, la masse un peu lourde de Saint-Pierre de Coutances, que domine un dôme Renaissance.
Le XVI siècle, qui voit à peu près disparaître l'art religieux, est l'époque où surgissent les somptueuses demeures seigneuriales. C'est d'abord le château de Gratot, dont le donjon rappelle encore le Moyen Age, puis l'élégant pavillon des Montgomery, à Ducey, le château de Tourlaville, celui de Chanteloup, dont les murs sont ornés de fines sculptures. Enfin la célèbre famille des Matignon se fait construire à Torigny une fastueuse résidence dont il ne reste plus qu'une aile de bâtiments, à la sobre ordonnance, au bord d'étangs ombragés.
Au XVIII siècle s'élèvent ces demeures aristocratiques qui ont valu à Valognes le surnom de « Versailles normand », surnom qui semble justifié par le caractère architectural de l'Hôtel de Beaumont.
Plus modestes, de simples gentilhommières se cachent çà et là dans les campagnes, au milieu des pommiers du Bocage Saint-Pois, au bord des rivières encaissées du Mortainais ou du Val-de-Saire, témoins d'un passé qui n'est pas tout à fait mort.
Dans la Manche, comme partout ailleurs, le sol, le climat et la race ont donné à chaque région son caractère propre, qui se traduit sur les monuments. La côte nord, pays rude, exposé au vent du large, a des églises massives, aux solides tours carrées. Au Sud, l'architecture s'épanouit plus librement ; elle couvre du pittoresque toit en batière les pignons effilés des clochers de villages ; dans les villes, dans les abbayes, elle réalise ses plus belles oeuvres. A l'Est, le Mortainais possède un sol, et, une population différents ; le granit apparaît, donnant aux édifices un aspect un peu grave qui évoque déjà la Bretagne toute proche.
Ainsi l'architecture contribue-t-elle à rendre plus sensible cette diversité des sites et des hommes, qui fait de la Manche l'un des départements les plus variés et les plus attrayants de la Normandie.
P. THOMAS-LACROIX. Archiviste de la Manche. | ||||||||||
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Periers place du marché. CPA collection LPM 1900 | ||||||||||
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Coutances le viaduc. CPA collection LPM 1900 | ||||||||||
La Manche Numéro spécial Supplément au numéro du 28 août 1926 de l'Illustration économique et financière Publication : Paris 1926 | ||||||||||
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LE SYNDICAT DES AGRICULTEURS DE LA MANCHE
Le Syndicat des Agriculteurs de la Manche a été fondé le 28 janvier 1886. Il a son siège social à Coutances et compte actuellement 20.000 adhérents. Il est présidé par M. Damecour, Sénateur, ayant comme Vice-présidents, MM. de la Groudière, Député ; de Gibon, Haize, Delatouche, Delisle, Goubaux, et, comme Secrétaire général, M. Rostand, Conseiller général.
Le Syndicat fait paraître un bulletin bimensuel tirant sur 20 ou 24 pages. Cet organe tient chacun au courant de la vie syndicale. Il indique régulièrement les cours des foires et des denrées dans le pays et donne, tous les mois, une « page sociale », traitant les questions sociales agricoles les plus intéressantes.
La Régionale Incendie a plus de 100 Caisses locales, assurant en tout près de 95.000.000 de francs. La Régionale Accidents groupe 84 caisses locales.
Les cultivateurs syndiqués peuvent se servir de la Caisse de crédit libre, comme caisse d'épargne ou comme caisse de prêts.
Le Syndicat a créé, en outre, une Caisse Immobilière de Crédit devant aider à l'amélioration du logement rural et pouvant fonctionner comme caisse régionale de crédit susceptible de consentir des prêts hypothécaires jusqu'à 40.000 francs.
Le Syndicat verse tous les ans une subvention de 7.000 francs destinée à récompenser, par voie de concours, les écoles primaires publiques et libres qui donnent l'enseignement agricole et ménager à leurs élèves. Il a organisé également un cours d'enseignement agricole par correspondance, cours post-scolaire qui est suivi tous les ans par une trentaine d'élèves.
Le Syndicat procure encore à ses adhérents tous renseignements gratuits sur toutes difficultés agricoles ou juridiques.
La Coopérative Agricole a organisé, à Pontorson, une coopérative de sélection de semences des Polders, Polder-Blé, qui s'occupe de l'amélioration de la production de ses adhérents et de l'écoulement de leurs grains.
E. DAMECOUR, Président. | ||||||||||
Coutances, les traines a bouais. CPA collection LPM 1900 | ||||||||||
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- 28 dominos - 2 à 4 joueurs - à 2 joueurs, 7 dominos par joueur - à 3 ou 4 joueurs, 6 dominos par joueur
Celui qui a le domino le plus fort commence
On doit poser les dominos à la suite les uns des autres en le combinant (c'est-à-dire qu'un des côtés du domino posé doit porter le même nombre de points que le domino sur la table). Les doubles sont placés perpendiculairement.
Lorsqu'un joueur n'a pas de domino à placer, il pioche dans le talon, jusqu'à en trouver un.
Le premier qui a posé tous ses dominos compte les points des dominos qui restent dans les mains des autres joueurs et se les attribue. Si personne n'a posé tous ses dominos, c'est celui à qui il reste le moins de points sur ses dominos qui marque les points.
Le premier joueur qui arrive à un total de 100 est le gagnant. On peut fixer le total à 50 pour des parties plus courtes |
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Carentan , gabare au pont de Saint-Hilaire.CPA collection LPM 1900 |
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LE DIDAC’DOC Olivier Jouault Service éducatif des archives départementales de la Manche
La gabare (on disait « bâté » localement) est ce bateau à fond plat navigant sur les estuaires, rivières et canaux du Cotentin, particulièrement dans les marais. Utilisées surtout pour le transport des produits pondéreux (tangue, sable, briques, tuiles, pierre, bois, charbon), les gabares ont permis de remonter les cours d’eau jusqu’aux villes et campagnes de l’intérieur qui proposaient des « ports » aux installations bien modestes.
L’exploitation et le transport de la tangue représentaient la principale activité d’une majorité de gabariers. Leurs embarcations étaient particulièrement adaptées à la « récolte » de la tangue dans la baie des Veys et les estuaires : l’équipage abordait le banc de vase à marée haute puis s’échouait au jusant et s’amarrait à l’aide d’une ancre, il mettait ensuite à profit la durée de la basse mer pour charger un maximum de pelletées de tangue, puis à la faveur de la marée montante flottait de nouveau pour retourner vers la terre ferme et déposer à la tanguière son chargement, ensuite emporté dans les tombereaux (les banneaux) des cultivateurs.
L’opération n’était pourtant pas sans risque, car la gabare n’était pas conçue pour affronter les flots océaniques. |
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AUTOGRAPHE BERG Manche Canal de VIRE TAUTE Ecluse de CAP Belles Eclusieres |
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La majorité des gabares inscrites dans les registres matricule au Service historique de la Marine, à Cherbourg, jaugent 10-12 tonneaux. Leur longueur allait de 12 à 17,50 m., leur largeur de 3,50 à 4 m. Ce qui les caractérisait était leur faible tirant d’eau, qui même en charge ne dépassait pas 1 m. François Renault décrit des gabares plus imposantes, mais le passage par les écluses des canaux en contraignait d’autres à être moins longues et plus étroites.
Ces bateaux sont construits en orme et chêne chevillés. Les bordés sont cloués sur les chants du fond goupillés.
Ils ne sont pas posés à clins mais de l’étoupe et du goudron assuraient l’étanchéité. D’après les observations de François Renault, la hauteur de la coque est à peu près de 70 à 80 cm, et il faut trois planches posées à francbord pour la border. L’avant à l’arrière se relèvent, formant un angle avec le fond. Bien que construites grossièrement et soumises à l’action de l’eau douce, les gabares ont la vie dure. Il fallait cependant, chaque été, goudronner la coque.
Plusieurs moyens de propulsion étaient employés par les bateliers, en plus de la force du courant :
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La vitesse n’est bien sûr pas possible : un vigoureux matelot tractera sa gabare au rythme de 4 km/h.
Pour diriger l’embarcation, on maniait un gouvernail long de 5 à 7 mètres, en orme, s’articulant sur une forte cheville métallique. Un plus petit aviron, également en orme, servait aussi à guider.
L’équipage est réduit généralement à deux personnes. Le patron, parfois armateur de la gabare, et son matelot (parfois son épouse) chargé de haler le bateau. Tous deux tentent de s’abriter des intempéries dans une basse cabine, située à l’avant du bateau, bien inconfortable. Ils y déposent leur casse-croûte et s’y endorment s’ils n’ont pas regagné leur port d’attache avant la nuit, car la circulation est interdite avant le lever du soleil.
Les gabares furent nombreuses. Remy Villand en a recensé 168 différentes francisées à Carentan de 1800 à 1854. Bien que l’activité décline, avec l’amélioration du réseau routier et l’arrivée du chemin de fer, 103 gabares et chalands étaient encore en service sur la Vire, la Taute et l’Ouve en 1896. Beaucoup furent construites à Tribehou, près de la Taute. La dernière qui y fut lancée, Briquetterie de Carentan, le fut en 1914. Vendue à Saint-Lô en 1930, elle est une des dernières à naviguer sur la Vire.
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PONT L'ABBE - RICAUVILLE - gabare prés des ponts douves collection LPM 1900 |
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Les côtes de la Manche s'étendent sur une distance d'environ 350 km.
la côte Est: 42 km de côtes sableuses et 11 km de côtes basses à secteurs rocheux la côte Nord-Ouest: 24 km de côtes sableuses, 18 km de côtes à falaises et 5 km de côtes rocheuses |
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La côte Est du Cotentin
Au Nord de la baie des Veys, la façade est s’étend sur une distance d’environ 53 kilomètres de Sainte-Marie-du-Mont à la pointe de Barfleur.
Le littoral est principalement constitué d’un cordon dunaire de faible hauteur sur le secteur d’Utah-Beach. De Quinéville à Saint-Germain-de-Varreville, le trait de côte est fixé par de petites digues. Entre Morsalines et Saint-Vaast-la-Hougue, l’anse du Cul de Loup est en voie de colmatage. |
Baie des Veys |
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Dans sa partie nord-est, de Saint-Vaast-la-Hougue à Barfleur, la côte est basse et sinueuse, bordée de petites plages formées entre les écueils et les pointes rocheuses |
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La côte Nord du Cotentin
Sur une distance de 60 km environ, entre la pointe de Barfleur et le cap de La Hague, la façade nord du Cotentin est caractérisée par une grande diversité de paysages littoraux.
Le littoral est formé d’une succession complexe de falaises accores, de secteurs bas et rocheux, de plages de sables et de galets bordant des marais littoraux (Gattemare, Vrasville,...) |
Cherbourg |
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La côte Nord-Ouest du Cotentin
Dans sa partie nord-ouest (du cap de Carteret au cap de la Hague), sur une distance de 47 km, le littoral est constitué d’une succession de massifs dunaires très élevés (Massif dunaire de Beaubigny, Biville, Vauville), de caps rocheux (cap de Flamanville, cap du Rozel, Nez de Jobourg), de côtes basses rocheuses (Goury). |
Carteret |
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La côte Ouest du Cotentin
Plus au Sud, sur une distance de 115 kilomètres entre le cap de Carteret et le Roc de Granville, la façade ouest du Cotentin est bordée d’un cordon littoral sableux de faible altitude. Sa régularité est entaillée par neuf havres qui constituent le débouché en mer de petits fleuves.
Sur cette façade, le cordon littoral relativement étroit, borde une plaine côtière partiellement submersible dont la largeur varie d’une centaine de mètres à quelques kilomètres. |
Granville |
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Au Sud de Granville, la côte aux vastes estrans sableux bordés de dunes cède la place au littoral urbanisé de Saint-Pair, Jullouville et Carolles et enfin, au Sud du cap de Champeaux, à la grande baie du Mont-Saint-Michel. |
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La mer a donné son nom au département, l'océan régit son climat et, où que l'on se trouve, le rivage n'est jamais très loin !
Saint-Vaast-la-Hougue, Tatihou, Barfleur, Roubari, Port Pignot, Port Lévi, Le Becquet, Omonville la Rogue, Port Racine, Goury, Diélette, Barneville-Carteret, Portbail, Granville. Carentan et La Sinope sont des ports communaux.
- Cherbourg - Port des Flamands - Querqueville |
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GRANVILLE
Le port de Granville est constitué par un avant-port (ou port d’échouage) et un bassin à flot fermé par une porte d’Elbe. Son marnage est l’un des plus importants du monde avec 11,60 m pour une marée de coefficient 100.
L’activité maritime de Granville s’est principalement développée aux XVIème et XVIIème siècles. A cette époque, Granville est un centre important pour la pêche à la morue, sur les bancs de Terre-Neuve et également pour la pêche aux huîtres, dans le golfe Normand-Breton.
La construction du port, avec sa grande jetée, ses quais et bassins à flot, s’étale tout au long du XIXème siècle, complétant les premiers ouvrages qui existaient préalablement.
Après la guerre 1914-1918, l’augmentation du tonnage des cargos conduisent à réunir les deux bassins à flot en un seul et à créer en 1925 un vaste terre-plein le long de la jetée Sud.
En 1944, les travaux de remise en état du port ont donné lieu au déplacement de l’entrée du bassin à flot et à l’élargissement de la porte d’Elbe (20 m depuis 1950).
C’est grâce à ces travaux que le port a conservé, de nos jours, un trafic commercial, lui permettant de recevoir des bâtiments d’une largeur de 18 m, d’une longueur maximale de 125 m et d’une capacité de 5 à 6 000 tonnes.
En 1975, l’infrastructure portuaire a été complétée par la création d’un port de plaisance, le port de Hérel.
Les activités du port de Granville sont aujourd’hui de quatre ordres :
Le petit cabotage national et international. Les liaisons voyageurs avec les îles Chausey et anglo-normandes. La pêche côtière de coquillages et de poissons. La navigation de plaisance.
Superficie
Avant-port : 13 hectares. Passe d’entrée de 125 m de largeur. Bassin à flot : 4,80 hectares. Porte d’ebbe de 20 m de largeur. Il est constitué de cinq quais accostables :
- Quai Est ou d’Orléans (94 m). - Quai Nord (240 m). - Quai Ouest (165 m), avec une activité pêche. - Quai Sud (250 m), avec une activité de commerce. - Quai Sud-Ouest (76 m), avec une activité passagers. |
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PORBAIL La Caillourie
Situé sur la côte Ouest du Cotentin, Port-Bail est un port d’échouage comportant 190 mouillages abrités des vents dominants. Accessible par la mer à l’aide d’un chenal balisé, le port fait partie intégrante de l’immense havre où de nombreuses activités sont possibles. La proximité immédiate des Iles Anglo-Normandes de Jersey, Sercq et Guernesey, fait de Port-Bail un point de départ idéal pour la navigation de plaisance.
Capacité : 240 places dont 69 sur catway - 36 places visiteurs |
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BARNEVILLE-CARTERET
A l'embouchure d'un havre profond et abrité, le port de Carteret est fréquenté depuis des siècles.
Les goélettes commerçaient avec les îles bien avant l'avènement de la vapeur.
Par la suite, des liaisons régulières furent mises en place et tout récemment, des catamarans à grande vitesse ont encore facilité les déplacements. L'activité de la pêche est importante et diversifiée, poisson et surtout crustacés : araignées, tourteaux et le fameux homard de Carteret.
Le port de Carteret est la base idéale de croisières vers les îles anglo-normandes. |
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DIELETTE
Le Port de Dielette est situé à l'abri du cap de Flamanville, face à Aurigny. Guernesey est à 28 miles et Jersey à 36 miles.
Le port était compris entre les rochers qui le bordaient au nord et une grande jetée, longue de 373 m et fondée sur le rocher, construite de 1867 à 1873. En 1995, la communauté de communes des Pieux a entrepris l'aménagement d'un équipement de plaisance, pêche et commerce pour accueillir dans un bassin de plaisance 460 bateaux, dont 60 pour les visiteurs, sur pontons et catways.
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CHERBOURG-OCTEVILLE
Cherbourg-Octeville occupe une position géographique privilégiée au bout de la presqu'île du Cotentin, pointe avancée au beau milieu de la mer de la Manche. Elle doit en partie sa vocation maritime à Vauban qui reconnut le premier la position "audacieuse" de la ville. de niveau international accueille les plus grandes manifestations nautiques : Course du Figaro, Challenge Mondial Assistance, Cutty Sark. |
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BARFLEUR
Le port de Barfleur est situé à l’extrémité nord-est de la presqu’île du Cotentin.
Beaucoup plus important que Cherbourg jusqu'au XIVème siècle, puis détruit par les Anglais, il mit longtemps à se relever de ses ruines, et ce ne fut guère qu'en 1828 que ses anciens ouvrages furent restaurés, puis complétés. |
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SAINT VAST LA HOUGUE
Dans la région du Val de Saire, à l'extrémité nord-est de la Presqu'Ile du Cotentin, Saint-Vaast-la-Hougue est aujourd'hui un port de pêche important, un centre ostréicole réputé et une station balnéaire appréciée.
Venant de l'est et du nord, on y fait escale avant de contourner le Cotentin pour ensuite faire route vers les Iles anglo-normandes et les côtes nord de la Bretagne. |
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CARENTAN
Le Port de Carentan est situé sur la côte Est du Cotentin. L'accès au port à partir de la baie des Veys se fait par un chenal balisé puis endigué jusqu’à une écluse où se rejoignent deux rivières. |
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Les petits ports de la Manche répondent à un besoin de proximité des usagers et la plupart ont des richesses patrimoniales très intéressantes. |
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ROUBARI Commune de Gatteville Phare
Le petit port de Roubary est très calme aujourdhui, n'abritant que quelques barques, mais au 20ème siècle, il était très animé par les venues de deux bateaux à vapeurs qui venaient chercher le granit de la carrière de Gatteville pour la construction des bassins et des quais du port du Havre
Le nom Roubary proviendrait de «roule baril» rappelant les tonneaux dans lesquels étaient transportées les marchandises, dont certaines frauduleuses comme le tabac.
Dailleurs, ce port était réputé pour ces dernières.
Deux naufrages eurent lieu en ce lieu dont celui de la «Blanche nef» en 1120. Ce navire appartenait à Guillaume Andelin, fils dHenri Ier Beauclerc et futur héritier du royaume anglo-normand. Il se fracassa sur la roche de Quilleboeuf et près de 300 passagers et marins périrent noyés, dont tous les enfants du roi et la fine fleur de la noblesse anglo-normande. La chronique rapporte : «Après ce désastre, plus jamais ne sourit le roi Henri». |
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PIGNOT Commune de Fermanville
Port Pignot est l'un des plus petits ports de France. Imaginé par le carrier lillois Charles Pignot en 1889, de nombreux chalands y embarquaient la pierre de la carrière toute proche.
Le granit rose de Fermanville, connu pour la beauté de ses gros cristaux de feldspath et sa qualité, est utilisé localement depuis le 15ème siècle. Le granit du Cap Lévi permit l'élévation du viaduc de Fermanville, mais il s'exporta aussi en dehors du cadre local pour permettre diverses réalisations d'importances - cale de la compagnie générale transatlantique au Havre en 1914, façade du Printemps parisien, obélisque commémoratif d'Utah-Beach, monuments aux morts de différentes communes de France... La carrière du Cap Lévi n'est aujourd'hui plus exploitée. Un tailleur de pierre travaille néanmoins toujours sur le site et un magasin propose la vente de cheminées et de dallages en pierres naturelles. |
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LEVI Commune de Fermanville
Le site du port Lévi a toujours attiré l'homme. D'abord au paléolithique, puis à l'époque romaine, où l'anse sert de point de départ vers l'Angleterre. Ensuite, ce sont les vikings qui s'installent et lui donnent son nom (Lévi vient du scandinave "pvik" = anse).
Durant les siècles qui suivent, l'endroit sert d'abri et de lieu de commerce, le seigneur de Fermanville touche des taxes sur le transport des marchandises.
En 1543, le fief de Fermanville "un havre, le havre de cap Lévy et plusieurs pêcheries à poissons audit Pirou appartenant, auquel havre de cap Lévy il a le droit de coutume, des denrées et marchandises chargeant et déchargeant audit havre, c'est à savoir pour chacune beste 4 deniers, pour chacune somme de poisson 4 deniers, et des autres denrées et marchandises ainsi qu'il est accoustumé et en iceluy gravage y a salines et grèves pour faire sel" - Aveu du 25 mai 1543 ( notes Hulmel, AD 50 (123J)
Au XVIème siècle, des corsaires opèrent à partir du cap Lévi, comme GIlles de Raffoville, ou François Leclerc. Le 24 octobre 1654, une requête présentée au roi par Pierre Davy, seigneur de Fermanville, lui demandant de construire à ses frais un havre au cap Lévy et demandant pour l'indemniser de ses frais de l'autoriser à percevoir des droits sur les vaisseaux qui y aborderont.
En décembre 1654, Pierre Davy obtient cette autorisation du roi, mais cette première digue de pierres n'est achevée qu'à la fin du siècle, et elle est rapidement détruite par la mer. Ainsi, en 1743, dans un mémoire, l'ingénieur de Caux indique "on trouve un petit port ou entroient autrefois de fortes barques qui étoient à l'abry d'une digue de pierres sèches faite par les seigneurs du lieu, ne subsistant plus aujourd'hui, de moyens bateaux ont peine à s'y mettre à couvert."
En 1786, une nouvelle jetée est construite pour remplacer la précédente. La digue sert à l'embarquement des blocs de granit servant à la construction du port de Cherbourg. Ce nouvel ouvrage sera détruit par un tempête en 1806.
Ce n'est qu'en 1861 que celle-ci est reconstruite. De 1877 à 1880, une autre jetée est bâtie, donnant au port son aspect actuel. En mars 1887, un canot de sauvetage, l'Eline et Sophie, est installé à la suite de catastrophe maritimes. Il sauva de nombreuses vies. Sa dernière sortie s'effectua en janvier 1943 et l'abri fut détruit en 1952.
Les derniers travaux effectués dans le port datent de 1991 avec la construction d'une cale facilitant la mise à l'eau des bateaux. |
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LE BECQUET Commune de Tourlaville et Digosville
Construit en 1783 pour le transport des blocs de pierre pour le projet de la grande digue de Louis-Alexandre de Cessart, il tire son nom des deux pointes rocheuses qui l'encadrent, les becquets. Son originalité tient à sa jetée de pierres sèches et de pierres plates verticales.
Au Becquet, en 1783-1786, il y avait une carrière qui servait à construire le port du Becquet. Pour le construire, on a simplement empilé des pierres sèches et on les a protégées avec du bois. Ce port faisait 54 m de long et 40 m de largeur de quai.
En 1785, on a construit une caserne pour abriter 600 hommes ( officiers et communs ). Elle était située au cœur de la carrière. On a dû construire des écuries, des forges, des bureaux, des logements et des pavillons d'ingénieurs. Les ouvriers construisant la grande rade de Cherbourg travaillent jour et nuit à marée haute. Pendant les marées basses, ils se reposent dans la caserne. Les marins du port du Becquet se ravitaillent en eau douce dans des « aiguades » (ce sont des fontaines, débitant 180 000 à 270 000 l par jour) Il y a trois aiguades : l'une à l'ouest s'appelant aiguade des Près , l'autre à l'est aiguade du Tôt et la dernière aiguade du Becquet qui se trouve sur la voie publique. |
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Le port du Becquet vers 1900 Collection CPA LPM |
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Le port du Becquet, la galerie photos de Hubert FOLLIOT photo 2009 |
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PORT DU HABLE Commune d'Omonville la Rogue
Charles de Gerville fait de la fosse d'Omonville, un site utilisé depuis l'époque gallo-romaine et relié à la ville principale du Cotentin Alauna et à un autre port important de la presqu'île, Portbail. Le port aurait abrité ensuite les vikings puis les corsaires. Pour autant, aucune preuve ne permet de justifier les conjectures de l'antiquaire valognais. En 1664, une commission d'études des côtes de la Manche, après avoir renoncer créer un port de guerre à Cherbourg, vante les mérites de la fosse d'Omonville permettant de créer un bassin de 48 hectares, plus facilement que les 21 hectares du port militaire cherbourgeois qui voit le jour près d'un siècle et demi plus tard. En 1686 et 1694, Vauban loue à son tour les mérites de cette position pour la création d'une rade offrant refuge aux vaisseaux et frégates, mais privilégie le port de Cherbourg. |
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PORT RACINE Commune de Saint Germain des Vaux
Il a été construit par un capitaine corsaire, François-Médard Racine, en 1813, qui voulait un endroit pour mettre à l'abri son navire "L'Embuscade" entre deux attaques Anglais. D'une superficie de 8 ares, il accueille aujourd"hui une vingtaine d'embarcations beaucoup plus pacifiques.
Découvrir Port-Racine, après avoir longé le sentier des douaniers à Saint-Germain-des-Vaux, plonge dans un décor de cinéma. Ce lieu, propice à l’imagination et à la rêverie, était une des promenades préférées de Jacques Prévert. Il n’est pas rare d’y trouver un peintre ou un photographe cherchant à capter son charme et son originalité.
Port-Racine s’ancre dans une histoire ancienne car il est niché au nord-ouest de l’anse Saint-Martin, la plus grande de la pointe de la Hague, connue de nombreux navigateurs. La première mention écrite de son utilisation comme mouillage est due à Gilles de Gouberville, gentilhomme du Val-de-Saire, qui indique dans son journal, à la date du 2 juillet 1558, avoir attendu une marée favorable pour se rendre à Aurigny à la « pierre de Saint-Germain », sans doute La-Roche-du-Var qui culmine à 49 m d’altitude entre le port et le fort.
L’origine du port actuel remonte au XIXe siècle. Le corsaire François-Médard Racine ( ainsi nommé car il est né le jour de la Saint-Médard 1774 aux Moitiers d’Allonne ) embarque comme mousse à 15 ans. Dur à la tâche, il grimpe dans la hiérarchie et enchaîne de nombreux embarquements sur des navires marchands, bretons le plus souvent, qui l’amènent à plusieurs reprises aux Antilles. Devenu capitaine au long cours, il est fait prisonnier en 1810 par les Anglais, en guerre permanente contre Napoléon. Racine s’évade, est repris et se fait la belle de nouveau sur un simple canot. En 1812, il est capitaine du corsaire « l’Anarcharsis » et fait la « course » aux navires anglais. Il commande ensuite le lougre* « L’Embuscade » (d’environ 11 mètres), armé à Cherbourg, et basé au nord-ouest de l’anse Saint-Martin, à l’abri des vents dominants, près de la route maritime entre les îles anglo-normandes et l’Angleterre : une base idéale pour attaquer les navires anglais. Il construit une jetée en pierres sèches parallèle à la « vieille jetée » qui constitue un abri presque deux fois plus petit que le port actuel, mais qui permet, sous la protection du fort Saint-Germain et de la batterie de Jardeheu, d’attendre la renverse de marée et le début du jusant pour passer le redouté Raz-Blanchard. Il loge les 16 hommes d’équipage dans une cabane, sans doute située sur le petit replat qui domine le port à l’ouest.
Après la mort de Racine en 1817, la jetée se dégrade régulièrement ; elle est réparée de manière sommaire par les pêcheurs. Durant toute la seconde moitié du XIXe siècle, pétitions et réclamations alternent. La « vieille jetée » au nord, adossée aux rochers de Verte- Roque, est construite au début des années 1870, la « nouvelle jetée »,destinée à éviter le ressac, en 1886 ; entre les deux, une passe de 11 mètres permet d’accéder au port qui est à sec à marée basse. |
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GOURY Commune d'Auderville
Extrême pointe de la Hague, face à l'île anglo-normande d'Aurigny, que l'on ne voit jamais si proche (16 km) de la côte, mais qui en est séparée par le terrible raz blanchard, l'un des principaux et plus dangereux raz de France. On remarque le courant aux stries sombres qui sillonent la mer. Il s'agit d'un courant alternatif de 22 km/h environ ; tous les six heures et quart, avec la marée, le courant change de direction. L'effet est saisissant ; des dizanies de rocs percent l'eau tourmentée de leurs pointes aigües.
Que de naufrages, sur cette côte, de navires trompés par les courants ou l'obscurité ! Ce raz, semé de rochers aux entassements chaotiques, est en effet un monstrueux cimetière marin où ne dorment pas moins de quarantes navires : sous le sémaphore, le " Karn Math " et l' " Océan Prince ", l'un sur l'autre ; le patrouilleur " La Gazelle ", dans la Pêcherie ; le " Fricka ", près du Porchet ; près de la Roque Auray, un galion espagnol chargé de trésors...
La jetée fut construite en 1843, et le premièr bateau de sauvetage date de 1870. On lui bâtit un abri en 1878, là où se trouve aujourd'hui l'office de tourisme. Quand le canot de sauvetage est motorisé en 1928, un nouvel abri est construit. De forme octogonale, il a deux cales d'accès qui permettent de mettre le canot à la mer quelle que soit la marée. |
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TATIHOU Commune de Saint-Vaast-la-Hougue
En 1828, apparaît un projet de jetée pour faciliter le transport des marchandises destinées au lazaret. Dans les années 1850, on construit d’abord la cale-débarca-dère en granit puis la jetée de 62 m de long au total sur 4,30 m de large. Détruite par la mer, elle sera reconstruite en 1866 sur les bases de l'ancienne.
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Port de Tatihou vesr 1900, CPA collection LPM 1900 |
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PORT DES FLAMANDS Tourlaville
Le port des Flamands situé sur la commune de Tourlaville, dans la rade de Cherbourg et l'emprise du port d'intérêt national de Cherbourg.
Les « Flamands » pourraient renvoyer à l'implantation de colons originaires de Flandre, au XIe siècle ou plus tard, mais faute de traces historiques, aucune certitude toponymique n'est possible.
Le port est construit dans les années 1850 pour servir à la construction des fortifications de la rade et conserver les bois mâtures préalablement immergés dans la mare de Tourlaville. Pour ce faire, le port et la mare sont reliés par un canal.
Le bassin est en pierres de taille de granite de Fermanville maçonnées, parant un corps d’ouvrage de moellons bruts maçonnés au mortier de chaux.
Il est fermé par deux digues formant une passe de 50 mètres de large. La digue occidentale de fermeture de 320 mètres qui se termine par un musoir de 10 mètres de diamètre, prolonge l'enrochement du terre-plein des Mielles. La digue orientale de 200 mètres et son musoir de 10 mètres de diamètre s'appuient sur un môle de 140 mètres sur 20.
Le massif de fondation, constitué de blocs et d’un mortier de ciment sur une épaisseur d'environ 2 mètres, prend assise sur un sol sablonneux à l'est et rocher à l'ouest.
Ce port d'échouage dispose de 100 places. |
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PORT DE QUERQUEVILLE
Il existait près de l’ancienne batterie de Querqueville (à l’Ouest du fort) un petit port de pêcheurs appelé « port Monsieur ». Il fut remplacé lors de la construction de la digue par le port actuel (1). Aucun acte ne précise à la demande de qui il fut construit. Est-ce la Marine, le Génie ou le constructeur de la digue (pour mettre à l’abri ses bateaux et chalands) ?
Des recherches plus poussées près des archives de la Marine ou du Génie de l’armée de terre pourraient peut-être le préciser. A Cherbourg, il n’existe aucun état de paiement, aucune note ordonnant cette réalisation. Le premier président de l’APUPQ (André JORET) s’est appuyé sur ce fait pour que les pêcheurs de Querqueville gardent la jouissance de ce port malgré la volonté de la Marine d'en revendiquer la propriété.
(1) port de Querqueville : coté à + 0.85 m. La construction des douves et du port ont produit 30 000 m3 de déblais de 1890 à 1897. |
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LA SINOPE Communes de Quineville et Lestre
Port de mouillage situé à l'embouchure de la rivière Sinope entre la plage de Quinéville et celle de Lestre. A proximité de Saint-Vaast-la-Hougue et des Iles Saint-Marcouf. |
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Eric Aleth | ||||||||||
REGNEVILLE SUR MER
Quand on regarde le port de Regnéville aujourd’hui, on a du mal à croire qu’il a connu une activité intense. Pensez ! Des Anglais, des Flamands, des Écossais, des Espagnols ... ont échoué ici !
“ Échoué ” car Regnéville est un port d’échouage. Les bateaux arrivent à marée haute, chargent ou déchargent à marée basse, puis quittent le port lorsque la mer est de retour. L’échouage est facile car il n’y a aucun rocher risquant d’abîmer les embarcations. Mai attention, hier comme aujourd’hui, la navigation n’a jamais été facile à l’arrivée du havre de Regnéville : le tirant d’eau est faible et les bancs de sable traîtres. Dès 1322 (et oui !), le Bailli du Cotentin écrivait “ les plus fortes nefs devaient pour s’y rendre s’alléger à la hauteur des îles Chausey ”.
Pêche à Terre-Neuve, importations et exportations diverses, ont animé le port de Regnéville ! Mais l’augmentation du tonnage des navires, la traction à vapeur, le développement de la chaux et des ciments industriels et le dépeuplement auront raison de la vocation commerciale du port.
Aujourd’hui, comme on peut le voir en flânant et en regardant l’estuaire, le port est purement plaisancier. |
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Regnéville sur Mer , Collection CPA LPM 1900 |
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Portrait de bateau : la Barque de la Manche escales.maritimes@orange.fr
Le concept de la Barque de la Manche résulte d’une évolution des techniques navales et des modes de pêche pratiqués en Basse Normandie.
Ce bateau apparaît vers la fin du XVIIIᵉ siècle dans l’Est du Cotentin pour « remonter » ensuite vers la Baie de Somme.
A cette époque, les bateaux sont encore tirés au sec à chaque marée ce qui explique leur modeste dimension d’une douzaine de mètres.
La Barque de la Manche porte un gréement simple, foc, trinquette, grand voile à corne et bordure libre, plus un flèche, éventuellement. Sa carène est puissante mais fine, arrière à voûte, comme on le voit sur l’image. La coque est évidemment en bois, bordée à franc bord.
La pêche pratiquée (chalutage) exige force et robustesse, ce qui conduit durant le XIXᵉ siècle à des unités plus grandes atteignant parfois une vingtaine de mètres. |
CPA collection LPM 1900 |
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Les maîtres charpentiers de Fécamp en produisent en grand nombre. Mais ces dimensions les rendent délicates à manœuvrer et obligent à les remplacer peu à peu par des dundées (voilure plus divisée) au lendemain de la Première guerre.
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Le concept de la Barque de la Manche résulte d’une évolution des techniques navales et des modes de pêche pratiqués en Basse Normandie.
Ce bateau apparaît vers la fin du XVIIIᵉ siècle dans l’Est du Cotentin pour « remonter » ensuite vers la Baie de Somme. A cette époque, les bateaux sont encore tirés au sec à chaque marée ce qui explique leur modeste dimension d’une douzaine de mètres.
| Dessin de H. Kérisit. le chasse-marée , Douarnenez
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Granville, la pêche aux huîtres, le triage. CPA collection LPM 1900 |
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DE LA PÊCHE, DU PARCAGE Publication Caen : F. Poisson, 1826.
PARMI les êtres animés que la nature offre de toutes parts à nos recherches, l'huître n'est peut-être pas le moins digne de piquer la curiosité et de fixer notre attention. Privée, du moins en apparence, de la vue, de l'ouïe et de l'odorat, elle ne présente d'abord à l'observateur qu'une existence problématique. Emprisonnée entre deux valves aussi dures que sa chair est molle, à peine peut-elle les entr'ouvrir pour prendre sa chétive subsistance. Aussi, pour l'ordinaire, n'arrache-t-elle de nous qu'un regard de pitié. Mais dans sa demeure paisible, dont l'extérieur raboteux oppose une forteresse inexpugnable aux plus redoutables tyrans des mers, et la dérobe aux regards de l'homme, elle jouit peut-être de facultés qui, mieux connues, la vengeraient de notre injuste mépris. Je laisse au naturaliste à observer la forme et le genre de vie de ce mollusque [1] et au médecin, à raisonner sur la salubrité de l'aliment qu'il fournit [2]. Je me propose d'examiner les huîtres sous d'autres rapports. Je vais parler de la manière de les pêcher, de les parquer, et de l'importance du commerce dont elles sont l'objet ; c'est une des parties intéressantes de la statistique du Calvados.
DE LA PÊCHE
Dans presque toutes les mers qui baignent la France, particulièrement dans les baies, on trouve des huîtres, mais nulle part en aussi grande abondance qu'auprès de Cancale, entre ce port, le Mont-Saint-Michel et Granville. C'est là que l'on vient généralement s'approvisionner des côtes de la Manche. Pendant les mois de mai, juin, juillet et août, que l'huître jette son frai, la pêche est défendue ; elle commence ordinairement au 15 octobre et finit au 30 avril : L'époque en est définitivement fixée par l'administrateur en chef de la marine à Saint-Servan. Un bâtiment de l'état est chargé de la police de cette pêche, qui est interdite aux étrangers [3].
Cancale, marins préparant les dragues. CPA Collection LPM 1900
Il ne faut pas pour la pêche de l'huître, comme pour celle du hareng et du maquereau, une quantité considérable et dispendieuse de filets : la drague suffit ; c'est un grand instrument de fer d'environ six pieds de long sur deux pieds de hauteur, en forme de pelle recourbée, derrière laquelle est attaché une espèce de filet fait en bandes de cuir ou en menu cordage. Le bateau, poussé par le vent, entraîne la drague, qui ramasse les huîtres au fond de la mer ; on peut en prendre ainsi jusqu'à onze cents à la fois. Tous les jours, il en débarque un nombre prodigieux à Granville et à Cancale. Au lieu de jeter à l'eau les petites huîtres, comme on le faisait autrefois, on les conserve avec soin ; elles croissent et deviennent, au bout de quelque temps, aussi grosses que les autres. Au reste, l'huître qu'on appelle marchande doit avoir 2 pouces et 1/2 de largeur.
Plus on pêche d'huîtres, plus elles paraissent se multiplier. Elles forment des espèces de bancs qui ont quelquefois plusieurs lieues de long. De 1774 à 1777, les Anglais en emportèrent une immense quantité pour en garnir leurs côtes. Ils paraissaient vouloir en épuiser la baie, et priver la France de cet objet de commerce. Elles furent un peu moins communes pendant quelque temps ; mais insensiblement elles sont redevenues aussi abondantes.
L'huître de la baie de Cancale est préférée dans le commerce tant à cause de son abondance que de la proximité des côtes de la Manche et de sa grosseur moyenne qui facilite le transport. Des bateaux non pontés, de dix à vingt tonneaux, de Granville, de Cancale, et d'autres ports du voisinage, s'occupent presque exclusivement de la pêche ; mais le transport dans les parcs de la Manche se fait par d'autres bâtiments de vingt à quarante tonneaux, sortis des ports de Saint-Vaast, de Courseulles et de Bernières ; ils peuvent recevoir l'un dans l'autre 200 milliers d'huîtres. La plus grande partie est transportée dans les parcs de Saint-Vaast, placés presque en pleine mer, et qui servent comme d'entrepôt pour Courseulles et les autres endroits où l'on s'occupe du parcage.
Cancalle l'emballage des huîtres. CPA Collection LPM 1900
Cancale triage des huîtres . CPA Collection LPM 1900
DU PARCAGE
L'huître de la baie de Cancale, prise sur un fonds souvent vaseux, est généralement d'un goût peu agréable ; il semble que la nature n'ait pas voulu que ce coquillage servît d'aliment dans l'endroit même où elle le prodiguait. L'huître ne perd son âcreté et ne devient délicate qu'après avoir séjourné quelque temps dans un parc. On appelle ainsi un réservoir d'eau salée de quatre à cinq pieds de profondeur, qui communique avec la mer au moyen d'un conduit. Il faut avoir soin, pour que l'eau y reste toujours limpide, de le garnir d'une couche de petit galet. Un parc bien fait s'abaisse insensiblement en glacis ; les huîtres sont placées à une profondeur suffisante pour n'être point exposées au contact de l'air, et cependant de manière à ne pas reposer sur la vase. Pendant l'été, que les parcs sont dégarnis d'huîtres, on a soin de les nettoyer et d'y remettre de nouveau galet.
Le plus vaste et le plus bel établissement de ce genre qui existe en France est celui de M. Hervieu-Duclos au port de Courseulles, à quatre lieues de Caen. Placé près de l'embouchure d'une rivière, dans un vaste enclos abrité des vents par des hauts-bords et par des plantations d'arbres qui forment une partie de son enceinte, il est divisé en plusieurs grands bassins parallèles qui communiquent facilement avec la mer. M. Hervieu vient encore d'ouvrir un nouveau réservoir de plus de cinq cents mètres de longueur.
On trouve des parcs sur différentes côtes de France, et particulièrement dans la partie se-tentrionale. Les plus connus sont ceux de Marennes, de Saint-Vaast, de Courseulles, de Bernières, du Hâvre, de Fécamp, de Dieppe, et du Tréport. Celui qui fut établi en 1783 à Etretat, près de Fécamp, était un des plus renommés : il est abandonné depuis longtemps ; ce qui n'em-pêche pas qu'à Paris on ne vante encore les huîtres d'Etretat et que les gourmets ne croient tous les jours les savourer. Courseulles est à présent l'établissement le plus considérable. Il renferme au-delà de deux cents parcs, qui ont subi de grandes améliorations depuis quelque temps. C'est là que j'ai fait une partie des observations que je communique dans ce mémoire, et qui s'appliquent plus particulièrement au Calvados.
Courseulles-sur-Mer les parcs aux huîtres. CPA Coll. LPM 1900
Tous les bords de la mer ne sont pas favorables aux parcs ; leur succès dépend de la position de la côte. On ne peut en établir de réguliers à Cancale, ni à Granville, qui sont continuellement exposés à l'action des vents. Il serait à désirer que l'eau pût se renouveler à volonté dans un parc ; il suffit cependant qu'elle y entre deux fois par mois, aux nouvelles et pleines lunes. Si l'eau de mer convient aux huîtres, celle de rivière leur est nuisible, pour peu qu'elle pénètre en certaine quantité. Valmont de Bomare assure que les huîtres aiment l'eau douce. C'est une erreur : l'expérience a malheureusement trop appris aux habitants de Courseulles que, dès que la rivière monte dans leurs parcs, elle y occasionne les plus grands dommages ; l'huître enfle et meurt en peu de jours. Les Anglais, en 1774, transportèrent inutilement pendant trois années de suite des milliers d'huîtres dans la baie placée entre l'île de Wight et la rivière de Southampton. L'eau douce les fit périr ; la pluie même, lorsqu'elle est trop abondante, leur est nuisible, et encore plus la neige et la grêle. Les grands froids ne leur sont pas moins funestes. Il suffit que l'eau gèle quelque temps pour qu'elle contracte une odeur fétide et fasse périr les huîtres. En cas d'inondation ou de gelée, il n'y a d'autre remède que de les porter en mer.
Autant on doit se montrer difficile sur l'emplacement d'un parc, autant il faut être attentif à soigner les huîtres. Les matelots qui vont les chercher à Cancale ne se chargent pour l'ordinaire que du transport. D'autres hommes, connus sous le nom d'amareilleurs, s'occupent du parcage, opération délicate, surtout lorsque les huîtres viennent directement de la baie de Cancale. L'amareilleur est obligé, dans les premiers temps de leur entrée au parc, de les tirer tous les trois ou quatre jours hors de l'eau avec un râteau de fer ; de rejeter celles qui sont mortes, et de changer quelquefois les autres de réservoir. On n'a pas autant de précaution à prendre pour celles qui viennent de Saint-Vaast, où elles ont déjà subi un parcage. En général, on garnit un parc six fois par an, trois fois au printemps et trois fois en automne. Les huîtres restent dans les parcs un ou deux mois.
Courseulles-sur-Mer, ratelage des huîtres. CPA Collection LPM 1900
Elles ne sont point vertes quand on les apporte de Cancale ; ce n'est qu'à force de soins qu'elles le deviennent. Il faut que le parc où l'on doit les déposer soit bien nettoyé et bien garni de galet : un parc neuf est préférable. On reconnaît qu'il est propre à recevoir les huîtres, lorsque le galet se trouve chargé d'un léger dépôt verdâtre. Pour l'ordinaire, on jette les huîtres sans précaution ; mais on doit déposer doucement celles qu'on veut faire verdir, et prendre garde de les entasser confusément ; car celles de dessous n'acquerraient pas la couleur désirée. Dans les parcs d'huîtres blanches, il n'y a aucun inconvénient à laisser entrer l'eau salée ; au contraire, dans ceux qui renferment les huîtres vertes, on doit interrompre toute communication avec la mer, ou du moins ne laisser entrer qu'environ un quart du volume d'eau contenu dans le parc, et seulement aux nouvelles et pleines lunes ; mais il faut bien se garder de la renouveler entièrement avant que les huîtres ne soient vertes ; car, comme on peut l'observer, elles ne verdissent pas à Granville ni à Saint-Vaast, où l'eau monte à chaque marée.
Pour les faire verdir plus promptement on les laisse 5 à 6 heures sur le bord du parc avant de les y introduire. Il paraît que la soif qu'elles éprouvent les porte à prendre l'eau avec plus d'avidité. Il suffit de les laisser quelques jours dans le parc pour qu'elles commencent à recevoir la couleur verte. Souvent elles l'obtiennent en vingt-quatre heures ; mais si on la désire plus foncée, il faut attendre un mois. Elles acquièrent ordinairement cette couleur accidentelle en avril, mai, septembre et octobre, à une température modérée ; et elles l'acquièrent mieux au printemps qu'en automne ; rarement en été, jamais en hiver. Une pluie douce est favorable, ainsi qu'un temps orageux. Mais, que l'eau soit agitée par le vent du nord, il n'en faut pas davantage pour empêcher le parc de verdir. Dans certaines années, il verdit facilement ; dans d'autres, ce n'est qu'avec beaucoup de peine. M. Héroult, propriétaire de parcs à Courseulles, m'a dit avoir remarqué qu'en renouvelant l'eau d'un parc du 15 au 20 août, on était plus certain de faire verdir les huîtres. Il a observé que celles qui ont verdi en mars et en avril peuvent, étant remises dans la mer, reprendre leur couleur naturelle, au lieu que celles qui ont verdi en septembre et octobre restent toujours vertes pendant l'hiver ; il s'est aussi assuré que très-rarement le même parc verdissait deux fois par an.
Courseulles-sur-Mer, parc Heroult, CPA collection LPM 1900
Quand les huîtres deviennent très-vertes, on dit parfois qu'elles ont bien pâturé, et certaines gens croient que réellement ce coquillage se nourrit d'herbes dans le parc. En 1778, lors du camp de Vaussieux, formé près de Courseulles, beaucoup de personnes de la cour et de Paris, attirées par la curiosité, furent très-surprises de ce que les huîtres n'étaient pas nourries avec des herbes vertes achetées fort cher, comme on le leur avait fait accroire. En les voyant renfermées dans des réservoirs d'eau stagnante, elles s'imaginèrent que ces huîtres devaient s'altérer ; et passant rapidement d'une erreur à une autre, il n'en fallut pas davantage pour les dégoûter d'un aliment reconnu d'ailleurs comme très-salubre.
M. Benjamin Gaillon, résidant à Dieppe, s'est occupé d'une manière particulière de la cause de la coloration des huîtres. Il l'attribue à la présence d'animalcules microscopiques du genre navicule, qui sont de couleur verte, et qui lui paraissent être la principale nourriture de l'huître dans les parcs. M. Goubeau de la Bilennerie, de Marennes, et M. Bory de Saint-Vincent, ont émis une opinion contraire [4]. N'ayant pas été à portée de répéter les expériences de M. Gaillon, je me borne à renvoyer à son intéressant Mémoire [5]. Je crois au reste, qu'il faut conclure de toutes les observations précédentes, que la viridité des huîtres ne dépend pas d'une seule cause, mais qu'il faut l'attribuer au concours de plusieurs.
Les meilleures huîtres sont celles qui ont parqué longtemps. On les reconnaît à leur coquille devenue lisse, de raboteuse qu'elle était, ainsi qu'à leurs valves naturellement tranchantes, mais dont les bords ont été insensiblement émoussés par l'effet du râteau de fer qu'on promène souvent dans le parc, comme je l'ai déjà fait remarquer. Une huître pêchée à Cancale en avril, déposée ensuite à Saint-Vaast pendant 4 à 5 mois et qui a reposé un mois à Courseulles, est parvenue à son dernier degré de bonté. Il faut au reste la manger dans l'année qu'elle a été pêchée ; autrement elle deviendrait trop maigre et sa chair serait très-dure.
On entend quelquefois les amateurs d'huîtres exprimer le regret de ne pouvoir les manger au parc. Mais qu'ils se consolent ; gardées quelques jours hors de l'eau, elles sont préférables à celles qui sortent immédiatement du parc, et grâces aux soins que l'on prend depuis quelque temps pour les transporter rapidement et commodément, elles ont à Paris un goût peut-être plus agréable qu'à Dieppe et à Courseulles : le transport semble les bonifier.
Régneville-sur-Mer Huîtres pretes a l'expédition, CPA collection LPM 1900
L'Huître, ce mets si estimé de nos jours, ne l'était pas moins chez les anciens. Macrobe assure qu'on en servait aux pontifes romains à tous leurs repas. Celles de l'Hellespont, de l'Adriatique, du détroit de Cumes, du lac Lucrin, étaient très-vantées, et l'épicurien Horace a célébré dans ses vers celles de Circé. Mais on ne dit pas que les Romains, qui avaient porté si loin le luxe de la table, donnassent la préférence aux huîtres vertes, ni même qu'ils les connussent. Depuis quelques années, soit changement de goût, soit toute autre cause, ces huîtres sont moins recherchées en France. Cependant certaines personnes les préfèrent encore comme plus délicates. Autrefois à Paris leur prix était double de celui des blanches ; aujourd'hui elles se vendent encore un tiers de plus, et elles rapportent moins de profit, à cause des soins qu'elles exigent et de l'étendue de terrain qu'elles occupent ; car à peine peut-on en placer douze mille dans un parc capable de contenir trente mille huîtres blanches. Aussi les amareilleurs font-ils verdir de préférence les petites huîtres.
DU COMMERCE
Après avoir parlé de la pêche et du parcage des huîtres, je dois donner quelques détails sur leur commerce. Ce sont les grandes villes et particulièrement Paris, qui en consomment le plus. Si elles demandent beaucoup de soins dans les parcs, elles n'exigent pas moins de précautions dans le transport. Les anciens avaient, pour conserver les huîtres, un moyen dont la connais-sance n'est point parvenue jusqu'à nous. Apicius en envoya d'Italie en Perse à l'empereur Trajan, qui avaient encore toute leur fraîcheur. Nous ne connaissons aujourd'hui d'autre moyen que de les empêcher de perdre leur eau. On a observé qu'elles la conservaient mieux dans le transport lorsque la veille du départ on avait soin de les laisser hors du parc pendant trois à quatre heures et même toute la nuit si le temps était chaud. On les remet ensuite au parc jusqu'au moment qu'elles sont emballées ; on les place alors horizontalement les unes sur les autres, dans des paniers fortement ficelés.
Ces paniers, connus à Courseulles sous le nom de bourriches, au Hâvre et à Dieppe sous celui de cloyères, contiennent chacun vingt-cinq douzaines d'huîtres ou trois cents. Une voiture porte ordinairement cent vingt bourriches ou cloyères : ce qui fait trente milliers d'huîtres. Le transport de Courseulles à Paris a lieu en sept jours par des voitures ordinaires, et en trois seulement par des accélérés. Ces dernières voitures font le trajet de Dieppe à Paris en quarante heures. M. J. F. Jeanne, marchand d'huîtres à Caen, m'a fait observer que celles qui ont parqué peuvent être transportées et conserver leur bonne qualité pendant 15 et même 20 jours dans un temps froid, tandis que celles qui sortent directement de la baie de Cancale, ne sont pas 8 jours sans s'altérer [6].
Granville, le marché aux huîtres sur le port. CPA Coll. LPM 1900
La vente dépend de la concurrence de différents parcs, du caprice des consommateurs et des variations du temps. Il n'en est pas de ce comestible comme de plusieurs autres, qui sont de garde et ont un prix fixe. Qu'une forte gelée survienne pendant le transport, elle fait périr une grande partie des huîtres [7]. Il est impossible de calculer d'avance d'une manière certaine la perte ou le bénéfice. Tel jour on paiera 8 francs la cloyère qui, le lendemain n'en vaudra que la moitié. Mais, en général, le mille d'huîtres, qui se vend 3 à 4 fr. à Granville ou à Cancale, et qui coûte, au parc de Courseulles, 8 à 9 francs, revient dans Paris de 20 à 25 francs.
M. Hervieu-Duclos, dont j'ai déjà eu occasion de parler avec avantage, a beaucoup contribué à donner de l'extension au commerce des huîtres. Il a des parcs à Courseulles, au Hâvre et à Dieppe. Il entretient un dépôt général d'huîtres à Paris, d'où elles sont transportées dans presque toutes les grandes villes de l'est et du nord-est de la France, jusqu'à Strasbourg et à Lyon. Il en envoie même à Genève, à Bruxelles et à Liège. Avant M. Hervieu-Duclos, ce commerce était presque borné à la capitale et aux provinces de l'Ouest.
On varie sur la quantité d'huîtres qu'on pêche annuellement dans la baie de Cancale. Quelques personnes en font monter le nombre à plus de 100 millions. L'on évalue à peu près à 60 millions celles que l'on parque chaque année à Courseulles. Cette branche d'industrie s'accroîtrait peut-être encore, si l'on y exécutait le port de refuge projeté par M. Pattu, ingénieur en chef des ponts et chaussées du Calvados, et sollicité depuis longtemps par les habitants de nos côtes.
Je ne puis terminer ce mémoire sans faire observer combien la pêche des huîtres est avantageuse pour l'Etat. C'est une pépinière considérable qui fournit en temps de guerre d'excellents marins accoutumés à supporter les plus rudes fatigues. Outre les pêcheurs, si l'on calcule le grand nombre d'amareilleurs, de femmes, d'enfants, de rouliers et de marchands occupés au parcage et au transport des huîtres, on verra de quelle importance est cette branche d'industrie pour nos départements maritimes et pour toute la France. |
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CPA Collection LPM 1900 |
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Cancale triage des huîtres . CPA Collection LPM 1900 |
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Régneville-sur-Mer expédition des huîtres, CPA collection LPM 1900 |
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Courseulles-sur-Mer, parc Heroult CPA, collection LPM 1900 |
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Courseulles-sur-Mer, les trieurs d'huîres, collection LPM 1900 |
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Courseulles-sur-Mer, nettoyage des huîtres, collection LPM 1900 |
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LES BLASONS DE LA MANCHE | ||
Manche
- Parti ondé d'azur et de gueules aux deux léopards d'or, armés et lampassés d'azur, passant l'un sur l'autre et brochant sur la partition.
Ce blason rappelle celui de la Normandie, province dont fait partie le département et la partie gauche symbolise la Manche qui le borde sur toute sa côte Ouest. |
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Agon-Coutainville
Écartelé : au premier et au quatrième de gueules aux trois léopards d'or rangés en barre, au deuxième coupé ondé au I d"azur plain et au II burelé ondé d'argent et d'azur de douze pièces, à la voile latine aussi d'argent, brochant, accompagnée de deux mouettes en chevron renversé du même rangées en bande en chef à senestre, au troisième de sinople à la tête de cheval contournée, senestrée d'un club de golf en barre soutenu d'une balle et surmontée d'une raquette de tennis en bande soutenue d'une balle à dextre, le tout d'argent |
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Amfreville
D'azur au chevron d'or, accompagné en chef de deux étoiles d'argent, et d'un croissant du même en pointe.
Ce blason est emprunté aux armoiries de la famille du Poerier d'Amfreville, anciens marquis d'Amfreville et seigneurs de Portbail. |
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40 Cherbourg, Beaumont-Hague Briquebec, Barfleur Barneville | | 41 | ||||||
42 Saint-lô, Torigny sur Vire, Saint Clair Canisy, Marigny, Saint-Jean de Daye | 43 Saint-Lô, Saint Clair Canisy , Marigny, Saint-Jean de Daye | |||||||
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Collection de 80 CPA Paru en 1938 | ||||||||||
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CALVADOS 1-23 MANCHE 24-43 SEINE MARITIME 44-78 ORNE 79 |
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MANCHE - 24 à 43
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24 Carentan, La haye du Puits, Sainte Mere L’Eglise, Montebourg 25 Carentan, Saint-Jean de Daye, Saint-Clair, Sainte-Mére Eglise, Saint Sauveur 26 Avranches, Brecey, Mortain, Pontorson, Sartilly, La Haye-Pesnel 27 Avranches, Le Mont-Saint-Michel, Ducey, Brecey, Juvigny Le Tertre,Sourdeval La Barre 28 Granville, Donville les Baions, Bréhal, Bréville sur Mer, Bricqueville sur Mer 29 Granville, Saint-Pair sur Mer, Gavray, Carolles 30 31 Granville, Villedieu Les Poêles , Percy, Donvuille Les Bains, Brévillez Sur Mer 32 Coutances, Perier, Montmartin Sur Mer, Blainville Coutainville 33 Coutances, Montmartin Sur Mer, Agon, Blainville sur Mer, Cerisy la Salle 34 Coutances, Blainville sur Mer, Agon, Marigny,Canisy, Cerisy la Salle 35 Coutances, Saint-Sauveur Lendelin, Periers, Lessay, Saint-Malo de La Lande, Créances 36 Coutances, Blainville sur Mer, Coutainville, Saint-Sauveur Lendelin, Periers, Lessay 37 Coutances, Gavray, Bréhal, Cerisy la Salle, Canisy, Marigny 38 Coutances, Periers, Saint-Sauveur le Vicomte, Gavray, Bréhal, Montmartin sur Mer 39 Cherbourg, Valognes, Saint-Vast la Hougue, Tourlaville 40 Cherbourg, Beaumont-Hague, Briquebec, Barfleur Barneville 41 42 Saint-lô, Torigny sur Vire, Saint Clair, Canisy, Marigny, Saint-Jean de Daye 43 Saint-Lô, Saint Clair, Canisy , Marigny, Saint-Jean de Daye |
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24 Carentan, La haye du Puits, Sainte Mere L’Eglise, Montebourg |
25 Carentan, Saint-Jean de Daye, Saint-Clair, Sainte-Mére Eglise, Saint Sauveur |
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26 Avranches, Brecey, Mortain, Pontorson, Sartilly, La Haye-Pesnel |
27 Avranches, Le Mont-Saint-Michel, Ducey, Brecey, Juvigny Le Tertre,Sourdeval La Barre |
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28 Granville, Donville les Bains, Bréhal, Bréville sur Mer, Bricqueville sur Mer | 29 Granville, Saint-Pair sur Mer, Gavray, Carolles | |||||||
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30 | 31 Granville, Villedieu Les Poêles , Percy, Donville Les Bains, Bréville Sur Mer | |||||||
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32 Coutances, Periers, Montmartin Sur Mer, Blainville, Coutainville | 33 Coutances, Montmartin Sur Mer, Agon, Blainville sur Mer, Cerisy la Salle | |||||||
34 Coutances, Blainville sur Mer, Agon, Marigny,Canisy, Cerisy la Salle | 35 Coutances, Saint-Sauveur Lendelin, Periers, Lessay, Saint-Malo de La Lande, Créances | |||||||
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36 Coutances, Blainville sur Mer, Coutainville, Saint-Sauveur Lendelin Periers, Lessay | 37 Coutances, Gavray, Bréhal, Cerisy la Salle, Canisy, Marigny | |||||||
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38 Coutances, Periers, Saint-Sauveur le Vicomte, Gavray, Bréhal, Montmartin sur Mer | 39 Cherbourg, Valognes, Saint-Vast la Hougue, Tourlaville | |||||||
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Le bocage de la Manche Petit historique du bocage en Normandie Jean Barros Historien local du canton de Barneville-Carteret |
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Si l'on excepte les sites dunaires, les falaises rocheuses et les havres du littoral, les 'monts dénudés tels que ceux proches de La Haye-du-Puits, les landes comme celles de Lessay, les marais qui barrent l'isthme du Cotentin et les reliques des anciens massifs forestiers, le paysage de la Manche n'est que moutonnement d'arbres. C'est le paysage rural que les géographes appellent le bocage.
Paysage constitué de parcelles de formes et superficies variées, entourées de haies vives et d'arbres de haut jet plantés sur des levées de terre appelés fossés.
Les parcelles du bocage portent le nom évocateur de "clos". Si les haies délimitent les clos, elles donnent aussi sa structure au réseau des "chasses" ou "caches", chemins creux et étroits desservant un ou plusieurs clos et se rattachant aux "rues" ou chemins ruraux.
Les arbres du bocage ne sont pas un lambeau de forêt conservé en bordure des champs. L'homme a édifié les levées de terre, planté les haies vives et les arbres de haut jet. Travail de Titans que l'édification à la pelle et à la pioche de ces talus : on estime à une année de travail continu d'un homme le temps nécessaire pour construire les talus délimitant un seul hectare de terre cultivée.
Vers 1839, le capitaine Cholet, chargé de lever la première carte d'état‑major, nous a laissé une description évocatrice du bocage de la région de Barneville-Les-Pieux :
"La propriété est divisée à l'infini, chaque parcelle de terre est séparée de la parcelle voisine par des fossés mouillés sur lesquels sont des clôtures de haies hautes et épaisses. Ces haies sont composées d'épines qui croissent très rapidement"
"En se plaçant sur un coteau de moyenne hauteur, l'aspect général du pays est celui d'une immense forêt, mais vu sur un point culminant, cet aspect se modifie, et la terre ressemble alors à un vaste damier dont les innombrables cases sont fortement dessinées par l'ombre des haies qui les entourent..."
"Chaque commune renferme un grand nombre de hameaux et de maisons isolées. Ceux-ci sont liés entre eux par des bouts de chemins impraticables en toute saison, et dans lesquels on engage des attelages de six bœufs pour tirer un tonneau de cidre. Ces chemins ou sentiers sont bordés de haies et d'arbres qui, se rejoignant par la cime, forment une voûte impénétrable au vent et au soleil et servent au contraire de réservoir aux eaux de la pluie pour le déverser ensuite sur la terre où elles ne sèchent jamais..." |
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Encore aujourd'hui, lorsque le remembrement n'a pas modifié la densité du bocage et fait disparaître les caches abandonnées, on peut mesurer l'inextricable enchevêtrement des haies et le dédale de chemins qui reliaient, au temps où les Chouans "faisaient le coup de feu derrière les haies", les agglomérations aux fermes et manoirs dispersés dans la verdure
Déjà, cette configuration avait rendu difficile la répression du brigandage sous l'Ancien Régime et, sous la République et l'Empire, la guerre paysanne de la chouannerie y trouva, surtout dans le sud de la Manche, un terrain favorable à tel point que le général Hoche préconisait, en 1794, la destruction des haies ! Un siècle et demi plus tard, pendant la Bataille de Normandie, les innombrables haies du Cotentin, ennemi imprévu par les stratèges, constituèrent de sérieux obstacles à la progression des armées américaines.
La question se pose : "qu'est ce que le bocage ?". La réponse est sans doute facile si l'on se satisfait d'une description. En revanche, la difficulté est grande dès qu'on cherche des explications historiques et des finalités. Quand a-t-il été créé ? Dans quel but ? Pourquoi, dans certaines régions, le maillage des parcelles est-il très large (Plain) alors que dans d'autres, les petites parcelles prédominent (Mortainais) ?
D'où vient le bocage ? L'historien Marc Bloch (1886-1944), spécialiste de l'histoire médiévale et des populations rurales a évoqué la question quand il a écrit: "là est aujourd'hui, je crois, la principale énigme de notre histoire agraire".
Si, dans la Guerre des Gaules", César note la présence des haies dans le nord de la Gaule, c'est dans le "Roman de Rou", écrit entre 1160 et 1170 par le poète Wace, qu'on trouve pour la première fois sans doute le terme de bocage. Wace décrit un rassemblement de paysans venus de diverses régions de la Normandie au cours de la révolte survenue au début du règne du duc Richard II (996-997) : "Cil del bocage e cil del plain". En opposition au bocage, le plain (la plaine) est le paysage ouvert. Cependant, il est certain que Wace a décrit le paysage qu'il voyait à l'époque où il a écrit son oeuvre et non pas celui qui existait un siècle et demi auparavant.
La conquête de la terre par les paysans a été lente, patiente et progressive. La "silva" (forêt) gauloise a lentement cédé la place à la forêt-clairière, aux premiers villages celtes, aux "villae" (exploitations rurales) et aux " vici" (petites agglomérations rurales) ensuite.
A la fin de l'Empire romain, la destruction de ces établissements a entraîné rapidement la reconquête du sol par la forêt dont profiteront à des fins fiscales, lucratives et sportives (chasse) les princes et dignitaires mérovingiens et carolingiens.
A la fin de l'époque carolingienne et sans doute encore au début de l'époque ducale, apparaissent les initiatives individuelles de tenanciers agrandissant leurs terres aux dépens de la forêt et des friches. Ainsi sont apparus les nombreux "mesnils", accompagnés du nom des premiers occupants, que l'on trouve autour de la forêt de Gavray et les noms de villages à suffixe "vast" du nord de la Manche.
En Normandie, comme ailleurs, vers le milieu du XIe siècle, va s'amorcer une forte expansion économique et démographique qui va culminer au XlIle siècle. Le bocage est né de cette expansion, au XIle siècle, au moins.
Les grands propriétaires terriens, nobles ou ecclésiastiques, vont volontairement favoriser la création de bourgs ruraux mais aussi le défrichement des forêts et des terres incultes de leurs domaines. Ils vont "fieffer" ces terres aux paysans, ceux déjà sur place et surtout à de nouveaux venus, moyennant redevance et services. C'est la création de tenures roturières dont les terres vont être mises en culture.
Les paysans vont édifier leur habitation sur ces tenures. Un peuplement intercalaire se développe alors au-delà des terroirs paroissiaux existants, caractérisé par un habitat dispersé de fermes isolées et de petits hameaux dont les noms ont gardé la mémoire des pionniers fondateurs. Ces toponymes caractéristiques sont formés à partir des suffixes "ière" (au sud d'une ligne Coutances-St Lô) ou "erie" (au nord de la même ligne) accolés à des patronymes. A ces toponymes, il faut ajouter les noms du type Le Hamel - X (nord et centre Manche), les Lieux - X (centre et surtout nord Manche, dispersé ailleurs), l'Etre - X et La Prise - X (Mortainais).
Parallèlement, le bocage fait son apparition et le paysage prend peu à peu le caractère boisé que nous connaissons aujourd'hui : les exploitations agricoles s'entourent d'un lacis de clôtures, levées de terre plantées de haies et d'arbres de haut jet délimitent les "clos" mis en culture, le pacage des animaux (chevaux, bovins, porcs) étant alors forestier.
On a avancé différentes hypothèses sur la constitution du bocage : "écologiques" (coupe‑vent, conservation des ressources en eau, limitation du ruissellement), pratiques agricoles (empêcher la divagation des animaux, amélioration des rendements). Cependant, on peut penser que ces hypothèses écologiques reposent sur une vision relativement moderne de l'utilité du bocage.
En ce qui concerne les pratiques agricoles, si elles ne sont peut-être pas à l'origine du bocage au XlIe siècle, il est certain qu'elles ont eu postérieurement une influence sur son développement. L'apparition du "couchage en herbe" (prés) va de pair avec l'abandon progressif du pacage forestier (définitivement aboli par Colbert) et le développement de l'élevage au détriment des labours. La mise en herbe des régions bocagères de la Manche s'est faite lentement en partant du Plain. La plus ancienne mention actuellement connue du phénomène date de 1640: le curé de Fresville (canton de Montebourg) se plaint de la diminution du revenu des dîmes de blé à cause de la mise en herbe des terres de labour. L'exemple de l'extension des clôtures dans la seigneurie d'Amfreville (canton de Ste Mère Eglise) au XVIle siècle est connu: en 1550, seulement quelques herbages étaient enclos et, en 1686, 500 vergées (100 hectares) étaient entourées de haies. |
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Actuellement, on aurait tendance à penser que l'origine du bocage ne relève en rien de l'écologie et assez peu des pratiques agricoles, mais plutôt de mentalités individuelles et individualistes, d'un sens du droit de propriété très développé : être chez soi, entouré des limites physiques solides et visibles que sont les fossés plantés.
Cette hypothèse a, au moins, le mérite d'expliquer le maillage très large des parcelles dans les régions où la propriété aristocratique s'est maintenue très longtemps (pas de morcellement de la terre, en application du droit d'aînesse). Parmi ces régions, on peut citer:
Le Plain, encore caractérisé aujourd'hui par le maintien de familles nobles (même si elles ne résident pas) et aussi par une "aristocratie" de grands cultivateurs (herbagers) : moins de 3 % des propriétaires possèdent 42,6 % de la superficie des terres en 1823 et encore 27 % actuellement.
Le Coutançais et le Saint-Lois, où on constate que les moyennes et grandes exploitations prédominent dans les communes où les nobles ont été très nombreux.
Enfin, la confrontation des cadastres et des archives notariales montre que la cartographie des grandes parcelles correspond aux "réserves" des anciens fiefs nobles (réserve ou domaine non fieffé : terre exploitée directement par les domestiques du seigneur ou son fermier) alors que les petites parcelles correspondent au reste du domaine fieffé en tenures roturières dont la succession n'est pas soumise au droit d'aînessse.
Le développement du bocage, phénomène ancien puisqu'il a débuté, on l'a vu, au XlIe siècle, a été permanent jusqu'à la fin du XIXe siècle au moins, ce qui renforcé la densité des clôtures. Cette évolution a été vraisemblablement régulière avec de possibles périodes d'accélération. Le plus souvent, tout au moins d'après les archives notariales subsistantes, l'embocagement (resserrement du maillage) semble être la conséquence directe et immédiate, soit de ventes de parties de pièces de terre, soit de partages après succession de terres tenues par les roturiers, soit encore du défrichement de terres vaines et vagues. Par exemple, dans la région de Barneville, au milieu du XVIlle siècle, l'examen des fonds notariaux montre que la délimitation des nouvelles parcelles devra se faire au moyen de "fossés à vive plante" dans 76 % des cas (1).
(1) Ce point, comme ceux précédemment exposés, aurait quelque chance d'être confirmé par des études de géographie historique approfondies, encore trop peu nombreuses aujourd'hui.
D'autres sources (registres terriers et comptables, au demeurant trop rares) témoignent de la densité du bocage. Par exemple, le registre comptable de la baronnie de l'abbaye aux Dames de Caen à Quettehou (1436-1437) montre un paysage de bocage morcelé à l'extrême: la superficie moyenne des parcelles est de 2,75 vergées (5 500 m2), 60 % des parcelles ont une superficie comprise entre une et trois vergées, un clos a une superficie d'un quart de vergée seulement. Seules 3 parcelles ont une superficie supérieure à 20 vergées (4 hectares), elles constituent vraisemblablement la réserve seigneuriale. |
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La Hague, le sentier littoral avec les murets de pierres et le bocage normand au loin |
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Un autre exemple est donné par le terrier de 1764 de la commanderie de Valcanville (canton de Quettehou) appartenant à l'Ordre de Malte. Seul le domaine non fieffé (réserve) contient des parcelles de grande superficie (13,3 et 17,3 vergées pour les plus importantes) et, conséquence des partages de succession depuis le Moyen-Age, 11 fiefs roturiers de superficies comprises entre 13 et 64 vergées (457 vergées au total) sont partagées entre 191 tenants, ce qui donne une moyenne de 2,39 vergées par tenants.
Ainsi, en était-on arrivé à un bocage auquel on a reproché les dimensions irrégulières et étriquées de ses mailles constituant un obstacle au progrès agricole.
Dans la Manche, vers 1960, le bocage présentait un linéaire de 100 000 kilomètres occupant une superficie de 20 000 hectares environ. La superficie de la parcelle moyenne était évaluée à 0,9 hectare, les plus grandes parcelles atteignant plusieurs hectares dans le bocage à grandes mailles et les plus petites, 0,75 hectare.
Les discussions sur les avantages et les inconvénients du bocage ne datent pas d'aujourd'hui. Dans un rapport daté de 1764, M. Meslé, subdélégué de l'intendant à Avranches explique que chaque pièce de terre étant divisée par des fossés larges et hauts sur lesquels on plante des arbres, ceux-ci "nuisent beaucoup en rendant stériles des terrains immenses qu'ils couvrent de leur ombre..."
En 1841, Arcisse de Caumont, un des pionniers de l'archéologie normande mais aussi représentant des trois départements de Basse-Normandie au Conseil Général de l'Agriculture, est d'un avis différent. "Un des grands avantages que présentent nos terres en Normandie, c'est être subdivisées par des clôtures multipliées, et il ne faut pas croire, comme l'ont fait quelques grands propriétaires, qu'il soit bon de supprimer ces clôtures pour obtenir de plus vastes herbages et rendre à la culture l'espace de terrain occupé par les haies vives... Une des circonstances qui contribuent puissamment à la fécondité des pâturages, c'est la clôture des herbages par des haies vives assez hautes, très touffues et garnies, en outre, d'un nombre plus ou moins grand d'arbres de haute, venue... Il est impossible qu'en retenant les brouillards, en ombrageant le sol et en empêchant les courants d'air, et par conséquent, la vaporisation et l'enlèvement de l'humidité que les plantes dégagent dans l'atmosphère ; il est impossible, dis-je, que les arbres ne contribuent pas à maintenir la fraîcheur dans le sol..."
A priori, il ne semble pas que les "gentils-hommes-agriculteurs scientifiques" du XIXe siècle (le comte Du Moncel à Martinvast, le comte de Sesmaisons à Flamanville, le comte de Kergorlay à Canisy et le marquis de Verdun à Aucey) aient beaucoup parlé du problème.
Dans la notice sur l'exploitation de Flamanville publiée en 1833, le comte de Sesmaisons nous apprend qu'il a fait faire des fossés "près de la mer pour mettre des terres à l'abri". |
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Dans la notice sur l'exploitation de Martinvast (430 hectares), publiée en 1831, le comte du Moncel écrit qu'il a "mis en herbages et en prairies tous les terrains qui voisinent le château" en même temps qu'il les convertissait "en un vaste jardin anglais". Et il ajoute :
"Il n'y avait que des haies à abattre et quelques points de vue à démasquer, c'est ce que j'ai fait. J'ai substitué aux clôtures, que j'étais forcé de supprimer, des balustrades peintes en blanc qui m'ont fait gagner beaucoup de terrain, tiennent les bestiaux enfermés comme auparavant, et permettent à la vue de saisir l'ensemble et les détails de toute la propriété..." |
Type de talus du bocage |
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Dans l'ensemble du département, la plupart des clôtures sont encore constituées par des fossés ou masses de terre plantées plantées de haies et d'arbres de haut jet. Le mot "fossé" est employé dans le sens qu'on lui donne généralement en Normandie, c'est-à-dire celui d'une élévation de terre (masse ou banque) et non d'un fossé creusé dans le sol.
La structure et les dimensions de ces clôtures résultent d'usages locaux très anciens qui ont été rassemblés dans la "codification des coutumes et usages locaux à caractère agricole du département de la Manche", ouvrage publié par la Chambre départementale d'agriculture de la Manche en 1956. A cette époque déjà, on n'établissait plus, sinon de manière tout à fait exceptionnelle, de clôtures en masse de terre et il n'était pas rare que des anciennes clôtures soient supprimées pour réunir plusieurs parcelles.
La masse de terre a une section en forme de trapèze et des dimensions relativement importantes, souvent masquées par la végétation qui la recouvre. Ces dimensions sont variables suivant les coutumes locales et les régions. La largeur à la base est de 1,33 m à 2 m, mais elle peut atteindre 3 m dans le canton de Barenton pour les parcelles en lisière de forêt. La largeur au sommet est, pour l'ensemble du département, égale à la moitié de la largeur à la base. La hauteur est variable mais généralement égale à la largeur à la base : alors que dans la région de St Lô, la hauteur et la largeur à la base sont égales (1,33 m à 2 m), dans la région de Coutances, la hauteur est de 1 à 1,50 m pour une largeur à la base de 1,50 m à 2,50 m.
Très souvent, et plus particulièrement dans la moitié nord du département, les masses de terre sont bordées par un creux constituant un fossé d'assainissement, maintenant plus ou moins comblé surtout dans les pièces en labour. La. largeur du creux varie, suivant les régions de 0,33 m à 1,82 m et sa profondeur de 0,3 m à 1 m. |
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A la limite de deux fonds, la clôture n'est généralement pas mitoyenne: la propriété (banque, végétation la surmontant et creux) est comprise dans celle de la parcelle de terre sur laquelle elle a été initialement construite. Au-delà de la masse de terre s'étend, du côté du fond voisin, une bande de terre de largeur variable (0,3 à 0,66 m) appelée "répare" qui appartient également au propriétaire de la clôture. En effet, la masse de terre dont le fruit est faible (environ 1 pied, soit 0,33 m par mètre de hauteur dans les anciens arrondissements de St-Lô et Valognes) a tendance à s'ébouler vers le voisin et la répare a pour objet de permettre la réparation du talus sans gêner autrui.
Il existe d'autres types de haies : haies à loups et doubles haies.
Les haies à loups se rencontrent dans les cantons de Montebourg et de Ste Mère Eglise. Elles sont formées de deux banques de terre, garnies de bois ou non et séparées par un creux d'une largeur de 1 m environ. Ces clôtures sont mitoyennes : la ligne de séparation entre les propriétés passe au milieu du creux.
Les doubles haies se présentent comme un talus supportant deux rangées d'arbres ou deux rangées de haies entre lesquelles est ménagé un étroit passage utilisable par les piétons et plus exceptionnellement par les cavaliers.
Il en existe en maintes régions. Dans la Manche, il s'en trouve principalement dans le Plain et dans la Hague intérieure ; le Coutançais et le Val de Saire en possèdent quelques unes. Plus au sud, les doubles haies sont rarissimes (les traces d'une double haie ont été repérées à St Symphorien-des-Monts, canton du Teilleul). L'existence de doubles haies est mentionnée par les textes à Servigny (canton de St Malo de la Lande) en 1679 et à Yvetot-Bocage (château de Servigny, canton de Valognes) en 1711. On s'interroge encore sur leur destination : de toutes les explications avancées, aucune n'apparaît satisfaisante. Ce type de clôture exige un entretien deux fois plus long et onéreux que celui d'une haie simple sans que, pour autant, leur utilisation soit renforcée. On serait alors tenté de penser que leur existence doit beaucoup au souci d'affirmer son rang et de marquer une ascension dans la hiérarchie sociale.
L'accès aux clos est fermé par une barrière dont le modèle le plus courant est la barrière pivotante à écharpe. Mais il existe différents modèles selon les régions: on a pu rencenser cinq modèles différents de barrières traditionnelles dans l'Avranchin et le Mortainais. Détail intéressant à noter, dans cette dernière région, la partie supérieure de la tranche du talon (axe vertical pivotant) est ornée d'une ou de deux croix de Saint-André, motif décoratif mais peut‑être aussi symbole de la protection du clos contre les "influences maléfiques" ?
A la limite du bocage et de la zone littorale ouest du département, on rencontre des barrières à collier d'un type particulier, les barrières à "pierre perchie" (pierre percée). Ce sont des barrières à écharpe dont la partie inférieure du talon repose sur un godet de pierre enfoncé dans le sol (godio) et la partie supérieure est maintenue par une pierre percée.
Toutes ces barrières traditionnelles en bois disparaissent peu à peu par vétusté ou victimes du remembrement
Tout ce qui concerne le droit de propriété était, en Normandie, scrupuleusement codifié.
Ainsi, l'article XIII d'un arrêt de règlement du Parlement de Normandie (17 août 1751) prescrivait que: "Celui qui fera construire un fossé sur son fonds sera tenu de laisser du côté du terrain voisin, et au‑delà du creux dudit fossé, un pied et demi de réparation, et si la terre est en labour, il sera tenu de laisser au moins deux pieds de réparation au-delà du creux..."
Lorsqu'il y avait division de parcelles (partages de succession, ventes), les actes notariés précisaient les modalités de création des fossés plantés. Ainsi, le 22 janvier 1754 à Sénoville, Guillaume Levéel vend à Pierre Jame la moitié d'une pièce labourable de 3 vergées (3 000 m2) : la séparation sera faite par un fossé dont le vendeur fournira le creux et l'acquéreur la "creste" ; le fossé sera fait par l'acquéreur qui en aura la propriété. La "creste" désigne la levée de terre. Notons que les trois termes (fossé, creux et crête) se rencontrent déjà dans le Journal de Gilles de Gouberville (XVIe siècle). Très souvent, lorsque l'accès à une nouvelle pièce créée par le partage d'un clos nécessite le passage par la propriété voisine, celui-ci sera délimité par un fossé planté, créant ainsi une nouvelle cache.
Pour remplir parfaitement son rôle de clôture, la haie devait être régulièrement entretenue : épines et autres arbustes taillés, arbres émondés, creux de fossé nettoyé et curé pour en maintenir la profondeur, banque de terre relevée. Tous ces travaux demandaient de longues journées de travail et, faute de main d’œuvre, mais peut-être aussi parce que le rôle économique de la haie n'apparaissait plus comme intéressant, l'entretien des haies commença à être fortement négligé dès les premières années qui ont suivi la fin de la deuxième guerre mondiale.
La coutume prescrivait d'effectuer la réparation de la clôture sans creuser la répare de plus de la profondeur d'une pelle et sans "engraisser la banque", c'est-à-dire sans augmenter l'épaisseur de la masse de terre pour ne pas empiéter sur la propriété du voisin.
Les baux à ferme passés devant notaire prévoient l'entretien des haies et fossés. Ainsi, le bail de la ferme du manoir de Thoville, passé devant notaire le 8 août 1702 pour une durée de cinq ans, stipule que les preneurs "entretiendront les héritages de closture suffisante sans commettre de dégradation et relèveront par chacun an, à vive plante, au moins dix perches de fossé aux lieux qui leur seront désignés..." C'est donc 673 mètres de fossés qui devaient être relevés dans les cinq ans.
Des usages codifiés traitent de la pose des barrières, de l'émondage, de l'élagage, de la coupe des bois et de l'entretien des haies. La période de la coupe des haies plantées est ainsi précisée en 1956: elle a lieu du ler au 31 mars pour l'ensemble du département, sauf pour les cantons de Bameville, Saint-Sauveur-Le-Vicomte et Valognes où elle est faite du ler novembre au 30 avril, et dans le canton de Ste Mère Eglise où elle est faite du ler novembre au 25 avril.
Jean Barros Historien local du canton de Barneville-Carteret |
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Les Mielles et les dunes de la Manche, Denneville, septembre 1863. Edouard. LE HËRICHER. Avranches, Tribouillard, 1864 Article issu du Conseil général de la Manche. E L H, novembre 1864. |
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Ce qui donne à la Manche, et spécialement à l’arrondissement de Coutances, une physionomie, ce sont leurs miellés. Ce mot, probablement celtique, désigne les sables maritimes qui bordent le département sur la côte ouest, et qui, commençant à l’estuaire du Thar, finissent à Jobourg. Il y a encore des miellés au fond de la baie de Cherbourg, à partir de celte ville, mais couvertes d'habitations et de culture en grande partie aujourd'hui. Cette longue ligne, triste et monotone, est coupée par quelques falaises et caps, comme le roc de Granville, la pointe d’Agon, la pointe de Carteret, le cap du Rozel. Les miellés se distinguent des dunes, en ce qu'elles forment une côte plate, légèrement ondulée de monticules, tandis que tes dunes proprement dites sont plus fortement en relief ; les miellés sont le plat, les dunes sont le relief.
Les landes, vastes terrains couverts de bruyères el de végétation courte et chétive, ajoutent à cette physionomie leurs solitudes désolées. La principale est la lande de Lessay, qui a plus de deux lieues de traversée, que côtoie lentement la culture, timide dans son invasion; car ce sol n'a qu'une couche mince de végétation avec un sous-sol argileux. Un colon algérien, M. de Bermingham, s'est établi dans une partie de cette lande, dans une maison arabe, à toits plats, en un lieu qu'on a appelé le Buisson, sans doute dans le désir d'en avoir. Un camp permanent serait sans doute la meilleure fortune agricole pour cette lande. Au bord se dresse l'église. romane de l'abbaye de ce nom, remarquable par l'élancement de ses cintres qui présagent l'ogive. Il y a encore, la lande ou Mont de Doville, assez stérile ; la lande de Surville-Bolleville, où l'instituteur a acheté environ cent vergées ; la lande de Prétot ; la lande de Morte-Femme ou de Vindefontaine ; la lande de Lithaire, où est le camp de Montcastre, dans lequel la carte des Gaules place les trois légions de Tilurius Sabinus ; la lande de Besneville, etc.
Le sol des miellés est une couche de sable à base de silex, d'épaisseur variable , généralement d'environ sept à huit mètres : c'est donc un sol à créer. Ces sables toutefois ne sont pas impuissants à produire, à l'aide de beaucoup d'engrais, dont le principal est roulé sur ces côtes, le varech mort et le varech vivant coupé sur les rochers et la zostère fauchée dans les prairies sous -marines. Filtrant parfaitement les eaux, ces miellés donnent des pommes de terre savoureuses, farineuses, excellentes. Après la pomme de terre, ce qu'elles produisent de mieux, ce sont les carottes et les choux, et les luzernes dans les parties élevées. Après la pomme de terre, on fait le froment, puis la pomme de terre encore, qui, fortement fumée, donne un excellent retour, et dont on fait le plus qu'on peut. Les clôtures des champs, taillés en carré, s'élèvent en gazon, et on les plante d’ajoncs, de carolin ou peuplier de Caroline, ou encore du Canada, de saules et même de lilas.
On ne peut nier que ces vastes espaces, aux aspects primitifs, n'aient de grands effets poétiques et pittoresques ; c'est un point de vue que nous ne dédaignons pas. Mais une pensée plus riche, plus profonde, plus durable, surgit à la suite dans ceux qui aiment les hommes et leur patrie. L'idée d'agrandir la patrie, escortée des dangers et des travaux pour la réaliser, celle de la sueur qui féconde le sillon. a beaucoup plus de grandeur et de puissance. L'homme mûr, le vrai homme en définitive, n'a pas d'autre pensée dominante. On voudrait coloniser ces déserts, donner son nom à un village : faire quelque chose de rien, voilà le problème attrayant. D'ailleurs, il ne s'agit pas ici d'une petite conquête : il s'agit de miellés appartenant à vingt-cinq communes, que l'on peut évaluer à deux cents hectares par chacune, c'est-à-dire de quelque cinq mille hectares. Les landes peuvent figurer pour la moitié de ce chiffre ; ce qui donne de sept à huit mille hectares pour l’arrondissement de Coutances. Pour améliorer celles-ci, ce vaste littoral offre la tangue ou sable, dans d'inépuisables estuaires, dont le principal est celui de Saint-Germain, formé par la rivière d'Ay. Cette tangue, dont le « nom est une forme normande du celtique fangne, agit comme diviseur, avec des propriétés salines assez faibles, et des propriétés calcaires considérables. Ces conquêtes de l'industrie et du travail ont tant de prix en elles-mêmes, que Fon peut dire qu’un hectare conquis sur l'inculture dans la patrie vaut mieux qu'une lieue carrée conquise militairement à l'étranger. Même, en fait de poésie, nous ne sommes pas insensibles à la beauté humaine posée sur la beauté divine, et nous, admirons avec le poète : Ce golfe fait par Dieu puis par les hommes. Montrant la double main empreinte en ses contours.
Le tissu végétal qui couvre les sables des mielles, sur les dunes, est formé, dans ses profondeurs, par le roseau des sables, dit Milgreu, quelquefois ïïautdune, et, dans les vallons généralement mouillés l'hiver, ou dicks, par le ule naîD, dit Saulereau et Saugereau. Il est entrelacé du liseron soldanelle, d'euphorbe paralias, de chiendent. Il est brodé de galium verum, d’anserine, dont les long fils ronges forment lin excellent eotrelaciç de potentille, et, dans les parties basses, capitonné de cirse anglais. Le saugereau et le roseau des sables, qu'on appelle du nom générique de chauffe, forment en effet le principal chauffage des habitations du littoral. Chaque année, en septembre, trois ou quatre jours sont accordés aux habitants pour couper ces plantes, depuis le lever jusqu'au coucher du soleil. Cet arrachage a lieu sur le signal donné par un coup de fusil que tire le garde champêtre, avec la faucille pour unique instrument. Mais celle sage recommandation est éludée par défaut de police ; on les arrache, ou plutôt on les houette, c'est-à-dire qu'on les enlève d'un coup de houe jusque dans leurs racines. Le garde champêtre fait comme tout le monde. Aussi presque toutes les touffes de jeunes saules sortent-elles d'un trou, qui, du reste, a l'avantage de leur servir de cuvette. C'est là le chauffage du foyer et du four pour le reste de Tannée, si on y'joint les touffes raides du jonc maritime. Considéré comme formant de petits balais de table, le roseau des sables qui se débite sur les marchés sous le nom de balayette, porte même ce nom comme plante surgissant des sables. Les racines du roseau des sables, noueuses et drageonnantes, filent à plus de vingt pieds sous le sable, et, sous le nom de rabais servent à faire des brosses, dures comme celles du chiendent, pour tisser les toiles et les étoffes dans la main du tisserand.
Un examen plus minutieux montrerait la plupart des fils de ce tissu, vert et blanc. Sur les hauteurs sèches et stériles, une végétation simple et monotone : le roseau des sables, le pàturin, l’arrête-bœuf, la soldanelle, et çà et là, le chardonroland, l'euphorbe maritime, qui nourrit une magnifique chenille, le grand roseau des sables, Velymus arenarius, et par accident le dioiis candidissima, commun sur les miellés de Surville. Dans les creux ou dicks, où l'eau a séjourné l'hiver, un matelat, dru et moelleux, de mousse, de thym, de monde radiole, de mouron délicat, de teucrium botrys et cliamœdrySy tissu sur lequel se dressent et se détachent le jonc à capitule, qu'on appelle ici tète de jument, la carline, la chlore perfoliée, la petite centaurée surtout la naine, le troscart maritime, la thrincie, les carex. le gnaphale, le plantain corne de-cerf. Il n'y a pas jusqu'à la faible et délicate cuscute qui ne forme, par sa filigrane insérée dans les arrête-bœuf, qui ne tisse un réseau pour les sables. Sur la zone même du rivage, règne la soude (Salsola kalij. La scille d'automne se trouve sous le couvert des sapinaies, ou Pinaies de ce littoral. On comprend que les moutons nourris de ces herbes fines et odorantes soient d'une excellente saveur. Ajoutez qu'ils sont beaux à voir, libres dans ces solitudes , bondissants, propres et blancs comme la neige.
Ce sol est remarquablement fertile avec du travail et de l’engrais : or une partie de l’engrais, le varech, la mer le roule au pied des dunes. Vendu à bas prix par les communes environ à 50 fr. pour soixante ares, il produit, dès la première année, en pommes de terre, bien au delà des frais de clôture, de plantation de clôture, de nivellement et de culture. On a vu ces trois vergées ou soixante ares rapporter quinze cents francs en pommes de terre, dans des années où ce tubercule était malade dans l'intérieur des terres. Or, la maladie ne s'est presque pas montrée sur lui dans ces miellés, et sa qualité est de premier degré. Pour le pauvre, qui cultive de ses bras, la main-d'œuvre est comptée pour peu de chose. Quoique industrialisés, ces terrains sont chose laborieuse et pénible. Ce n'est pas à la charrue qu'ils sont remués : c'est à la bêche et à une profondeur de trois soles ou, comme on dit, de trois chausses. Trois hommes se mettent à la (Ile : le premier enlève la première sole, puis le second la seconde, et le dernier rejette le fond à la surface. Or le sable mouillé des deux dernières couches est remarquablement lourd et mat.
Dans la commune littorale où j'écris ces notes, celle de Denneville, on distingue trois zones de dunes qui jalonnent la civilisation : une zone voisine de l’église, qui a été primitivement jetée sur le bord de ce désert, zone bien close, à fortes haies, à sol terreux ; puis une zone conquise il y a dix ans et en produit, mais avec des champs qui n'ont encore de ce nom que l'enceinte gazonnée, et enfin la dune inculte et sauvage, pâture vaine et commune. C'est sous l'administration de l'ancien maire, M. Poret, que la seconde zone a été aliénée, et il a fallu à cet homme honorable, pour faire cette opération, autant de fermeté que d'habileté à arracher à des intérêts privés le masque de l'intérêt général. Aujourd'hui, il travaille à sillonner d'une route collective ces sables qu'il a livrés à la culture. La vente a produit 15,000 fr. qui ont amélioré l'école et les routes. Aujourd'hui, après dix ans, un bien-être sensible se reconnaît dans la commune, l'indigent est devenu propriétaire, et le petit propriétaire à quintuplé son revenu. Pour ceux qui tiennent au parcours libre et de bandon, il reste encore de vastes espaces. Mais nous, nous ne serons contents que quand un mur de quai ou une digue régnera tout le long du littoral. Du reste, il y a péril en la demeure : le rivage recule à l'intérieur, à Denneville, d'une vingtaine de pieds pendant une vie d'homme, Ce sont les vents d'ouest qui mordent sur ces côtes ou y accumulent les sables. M. Fr. Michel a indiqué une carte des côtes de l’océan, tracée par un ingénieur anglais au XVeme siècle, et qui permet de constater que certaines localités de Gascogne, autrefois baignées par la mer, sont actuellement à plusieurs kilomètres du rivage. Cette côte plate, de débarquement facile, surveillant la mer et Jersey, entre l’estuaire de Portbail et celui de Surville, convenait bien à ces dunes, dont Denneville a gardé le nom, et dont les noms propres sont restés dans les noms de famille de cette commune, où l'on trouve les Ygouf, Mauger, Regnault , Néel , Gor, Régnier, Devlc, Hostingue. |
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La première chose à faire dans ces miellés, c'est d'enclore le terrain. La clôture se fait haute en sable, revêtu de gazon, couronné d'ajonc ou de saule ou de peuplier de Caroline. Plus tard on nivellera les dunes qui mamelonnent l'enclos. La baie jettera ombrage et fraîcheur sur ce sol sec et léger ; mais elle est nécessaire à un autre point de vue,, contre le volage : c'est le sable fin, soulevé par les vents, presque constamment, mais surtout qui tourbille sous le vent d'ouest, familier à ces parages. Ou il est tamisé par le feuillage de la haie, dont il rehausse le large talus, ou il retombe au pied de ce retranchement. Souvent même le volage aura l'avantage, en tombant comme une pluie d'argent, de chausser, c'est-à-dire de butter la plante sortie de terre. Toutefois il est loin de contribuer à former le sol ; sa source première est la grève sans doute, qui forme la dune, mais la cause seconde est la dune, réceptacle du volage. Alors conquérir la dune, c'est supprimer la seconde source du volage. Ce qui fait le sol ici, ce sont deux végétaux, Tun arbre, l'autre arbuste, le pin maritime et l'ajonc. L'un avec ses aiguilles caduques, l'autre avec son mort-bois, forment un détritus fécond et une peau végétale qui n'attend que l'engrais et la culture ; cette double plantation convient aux parties stériles. Hais, si l'ajonc vient bien et vite sur ces côtes, il n'en est pas de même du pin maritime. Comme on n'a pas encore, croyons-nous, trouvé l'art de le transporter pour le replanter, il vient de semis, au hasard, très-irrégulièrement, et son enfance est longue, pénible et inquiétante ; mais quand il a acquis cinq ou six ans, alors son existence est assurée et il pousse vite. Nous écrivons, en ce moment, dans une sapinaie, une petite pignada de vingt-cinq ans, sur une côte nue, presque au bord des flots. C'est merveille vraiment de trouver là un épais abri contre le soleil et d'y entendre, sûr et tranquille, les colères de la tempête. Or le bois appelle l'habitation
La vente de ces miellés rencontre des difficultés de la part des communes. Sortir de son égoïsme et de son individualité pour s'élever à l'idée de la famille communale et de bien général, dans le cercle le plus étroit de noire organisation, est un degré d'humanité et de civilisation, auquel le paysan ne parvient qu'avec peine. Il a encore une certaine idée du canton ; mais il est regrettable que Ton ne tire pas parti, pour l'onité et les vues d^ensemble, de ce centre administra- tif, où Ton pourrait réunir peut-être le conseil des maires ou conseil cantonal. Au-delà il ne comprend presque plus rien : le département, la province, la patrie, la France, ne sont que des mots et des abstractions. Il faut même dire plus : dans le cercle de la commune, il n'est souvent amené à une idée, à une mesure générale que parce qu'il voit qu'elle vexera tel de ses voisins, tel de ceux qu'il envie, tel de ceux qu'il n'aime pas. Nous ne pouvons que nous rappeler ici un mot d'un conseiller municipal de campagne à un maire qui voulait bâtir une école : « Comment pouvez-vous, Monsieur le Maire, vous » donner tant de mal pour faire une école où vous n'envoyez « pas vos enfants? • C'est en faisant jouer ces ressorts que Ton parvient à emporter la vente des miellés. Aujourd'hui, du reste, le prix en est assez élevé. Ainsi, à Surville, un propriétaire de miellés, M. Le François, les fleffe à raison de b fr. par an par vergée, et, dans cette commune, les clôtures sont presque arrivées aux haugues blanches, c'est-à-dire aux grandes dunes nues qui bordent le rivage. Au sud de l'arrondissement de Coutances, à Sâint-Pair, les luzernières viennent jusqu'à la dernière limite. A Agon, presque toutes les miellés sont vendues, et à Portball cette opération a été poussée très-loin.
Mais si la culture avance vers la mer, Thabitation ne se montre guère, et pourtant nous ne connaissons rien de plus beau que la maison au bord des flots. Or cette solitude des miellés reçoit un contraste frappant vers Portbail, où l'on est introduit tout-à-coup dans une vaste échappée de coteaux en demi-cercle* qui trempent dans la mer leur base, presque continuellement maisonnée jusqu'à la pointe de Carteret. Dans les miellés et dunes, quelques huttes de douane, des loges è moutons, des gourbis de pàtours, voilà tout ce qui révèle la présence de l'homme. Sur une grande partie du littoral de Coutances, le douanier n'a même d'autre abri qu'une haie au bord de l'estran, c'est-à-dire une natte de paille imbriquée, portée sur deux bâtons, ressemblant assez à la trappe sous laquelle on prend les oiseaux, de sorte qu'un léger accident peut lui donner le sort de l'oiseau et faire dire que « tel est pris qui croyait prendre. » Toutefois il est évident que, si l'habitation ne pousse pas sur ces miellés, c'est parce qu'elles sont divisées, d'un côté, entre un grand nombre de personnes, pour qui ce terrain est une faible addition à leur propriété, et, de l'autre, parmi des gens pauvres ou de petite propriété. Les bâtiments d'exploitation et d'habitation s'y élèveraient nécessairement au centre d'une grande concession.
Il ne se fait presque plus de noms locaux. Autrefois on individualisait tout par un nom : il n'y a pas de village, il n'y a pas de ferme, il n'y a pas de champ qui n'ait son nom. En Angleterre, les maisons, si elles sont isolées, ont un nom : il en est ainsi à Jersey. Si les maisons des rues n'ont plus de nom, mais un chiffre, du moins nos rues ont des noms, ta plupart significatifs. Mais en Amérique les rues mêmes n'ont plus de nom : elles sont un numéro. Aussi dans ces divisions des miellés en enclos, ces parcelles n'ont point d'individualilé, quoique formées depuis de longues années : elles s'appellent du nom générique, la miellé, la dune. Il est vrai toutefois que ces enclos , uniformes de configuration , ne s'individualisent pas non plus par leur forme, par l'accident du sol ou par le voisinage d'un objet marquant, toutes choses qui imposent des noms.
A l'avant de ces enclos, vers la mer, filant en ligne droite dans les sables, et jalonnées par des croix de pierres et de rares villages, est une route antique, dite la route de Coutances, directe de Portbail au chef-lieu épiscopal, Tancienne route du clergé et des pèlerinages.
La mer est bonne et serviable à qui sait la comprendre et s'en servir. Il y a bien des' siècles qu'elle produit dans ses vases sous-marines la zostère» ou qu'elle la roule morte sur son estran. Il n'y a que quelques années que sur nos côtes l'homme l'a appliquée à des usages omestiques. Sur toutes nos côtes, spécialement sur celles de Coutances, la zostère marine, en patois la plisse, ou ruban plissé, est l'objet d'un commerce considérable, et on la voit passer en énormes ballots par nos villes du littoral pour aller particulièrement à Paris, sous une forme brune, assez semblable à d'énormes balles de tabac dit scaferlati. La zostère ainsi séchée, et à Granville réduite à un petit volume par une forte pression, va dans l'intérieur pour faire matelas, coussins, sommiers, pour former entre les planchers et les cloisons, une couche mate qui assourdira ou éteindra les voix et les bruits. Au prix de soixante et quatre-vingts francs les mille livres, elle forme un joli gain pour l'homme du littoral, pêcheur laboureur, qui va la couper et la fait sécher sur les dunes. Un autre varech, vert et tendre, est à Granville l'objet d'une recherche et d'un triage fait par des femmes et des enfants, et va, sous le nom de lichen, dans les pharmacies, suppléer le lichen d'Islande et former des pâtes pectorales. On appelle encore ce lichen violette de mer.
Mais ces goémons qui entrelacent leurs plantes diverses, depuis le goémon vésiculeux jusqu'au goémon spiciforme, que les riverains appellent ivraie de mer, sont une bien autre richesse pour l'agriculture. Il y a ici deux méthodes comme il y a deux varechs, le vivant et le mort. Le vivant est porté directement de la mer sur le sol qu'il féconde, d'abord de ses parties salines, puis de son détritus. Le mort est porté dans les cours et mêlé, pour y pourrir, dans le sablon maritime et dans les terres des cours imprégnées de purin. Ce sablon, appelé tangue quand il est pris dans les estuaires, dont les principaux sont les trois du fond de la baie du Mont-Saint-Michel, c'est-à-dire du Couesnon, de la Sélune et de la Sée, celui de Saint-Germain, celui d'Ourville, etc., agit un peu par son sel et beaucoup par son calcaire. Le sablon pur, pris sur le littoral, agit par un peu de calcaire ou poussière de coquilles ; mais tous deux agissent comme diviseurs. Le varech, inépuisable sur ces cotes de récifs, ou jeté par la vague, est l'engrais providentiel de ces sables arides et très-avides de sucs fécondants. Si l'homme les oublie un instant, la barbarie les ressaisit. Aussi l'homme des miellés vit-il presque toujours dans le poudrin de la vague et dans une lutte incessante entre la mer et la miellé. L'agriculture florissante de Jersey est due en grande partie à sa ceinture de récifs tout chevelus de goémons. Du reste, nous ne sommes pas l'ennemi de la petite propriété : Jersey, bien cultivé, n'a guère de terres de plus de dix à douze hectares. Voyez : le jardin rapporte plus que le champ ; le champ plus que la ferme. En effet, il concentre tous les efforts, et ensuite il est loué plus cher.
La bêche cultive mieux que la charrue. La petite propriété fait l'engrais dont elle a besoin ; elle y igoute par le travail. Si elle n'a pas par elle-même la machine puissante, elle supplée à cet inconvénient par la location ou l'association. L'histoire des batteuses, lesquelles datent d'hier, montre que la machine n'est pas étrangère à la petite propriété. Ensuite, si l'on ne voit que le résultat, la batteuse aurait-elle la prétention de faire mieux que le batteur lui-même ? Ce qui fait la force, la gloire, la sûreté de la France, c'est d'être un pays de petite propriété. L'homme qui possède est plus homme que celui qui ne possède pas.
Un des grands progrès de nos temps, c'est de s'être occupé avec sympathie de l'homme hardi et malheureux qu'on appelle le navigateur. Nos côtes, jadis inhospitalières, se couvrent de signes qui apprennent à ces hommes que le frère de la terre pense à son frère de la mer. Le clocher blanchi est un point de repère; la vieille tour un signal. Les douaniers, les garde pêche, les pêcheurs, les vraiqueurs peuplent cette côle solitaire. L'écueil était une tombe sans sépulture; aujourd'hui, il porte le phare, le sémaphore, la balise, ou sert à amarrer la bouée. — Or la bouée contient maintenant une cloche, avertissement des nuits, et des miroirs étincelants, avertisse- ment des jours. Nous voyons une de ces bouées, échouée en ce moment sur un banc de sable à mer basse, comme un énorme animal noir, à l'embouchure du havre ou du fiord de Portbail. Nous allons la voir, en foulant ces sables immaculés. d'où chaque pas fait jaillir une lueur blanche. Cette tonne de fer cerclé de bois résonne sous le coup de nos bâtons. Tout cela est bien flottant, solide, visible ; c’est bien. Hais comprend-on que le malheureux naufragé, qui nagera vers cette planche de salut, l’espoir dans le cœur, la force ranimée, qe pourra* s'accrocher à cette surface globuleuse, lisse et unie. Pas une aspérité, pas un anneau où il puisse se prendre. Il retombera désespéré au fond de l‘abime, au moment où il se croyait au port. Il y a là un oubli de l'humanité, on dirait presque la raillerie du naufrage. Au moins, dans les églises, où s'exerçait autrefois le droit d'asile, il y avait, scellés dans les murs extérieurs, des anneaux de fer, et une fois que le fugitif, le naufragé de la société les avait saisis, il devenait inattaquable aux assauts qui pouvaient venir du dehors. |
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La coutume de Normandie définit ainsi le varech, dans son sens général d'épave : « Sous ce nom de varech et choses gaives (le latin vagaj sont comprises toutes choses que l'eau jette à terre par tourmente et fortune de mer, ou qui arrivent si près de terre qu'un homme à cheval y puisse toucher avec sa lance. On voit dès lors comme le terme générique s'est spécialisé, amoindri, dans varec l'algue, le ^ttcti^, la plante marine. Mais si nous restons fidèles au sens ancien, on peut voir toute l'importance du varech ou de l'épave. Après chaque marée, il y a autour du flot une frange noire, où domine, il est vrai, le goémon, mais où il y a beaucoup d'autres choses et qu'il est très-triste de voir perdre. L'homme intelligent qui ira, avec sa banne, sur nos grèves, le long de nos estuaires, en rapportera des engrais précieux : goémon, crottin , débris de poissons, débris d'animaux, méduses ou margondes, astéries, qu'on appelle à Bayeux vauboire, os de sèche, pailles, feuilles, coquilles» c'est-à-dire du calcaire, des sels alcalins et des matières putrescibles qui sont Tàme de la végétation. Il recueillera, chemin faisant, des épaves pour son foyer, fragments de bois de sapin, branchages, bouées de liège. Le galet pavera la route, et le rocher du rivage fournira de la pierre à bâtir. Ces observations sont surtout vraies pour le fond de la baie du Mont-Saint-Michel, qui est comme le fond d'un vaste filet où s'accule la proie. Enfin, l'Océan est inépuisable dans ses dons, et nous comprenons pourquoi le peuple dit que la mer est plus riche que la terre, et si féconde en naufrages, que Ton accepte presque un autre dicton qui prétend qu'à la fin du monde la mer fournira un homme de plus que la terre.
Sur ce littoral, il y a deux communes qui se distinguent un peu par le dialecte et le costume, et beaucoup par la culture. Créances et Pirou, surtout la première. Celle-ci n'est pas immédiatement sur le bord de la mer ; mais elle est à portée de ses engrais, tangues et varechs. Elle n'a pas le sol sablonneux et maigre des miellés et des dunes : c'est un sol J'alluvion gras et noir, et c'est le principal centre de la culture maraîchère du département. Le Créançais se retrouve sur tous les marchés, comme marchand de légumes et surtout de jeunes plants de légumes. Sur son sol très-fertile et très soigné, il obtient plusieurs cultures par an ; par exemple le chou succède au hâtivet ou blé de trois mois. Le même sillon ou le même jardin, où la propriété est très-divisée, présente un grand nombre de cultures simultanées. En ce moment, dans l'été, vous voyez à la fois dans le même carré le haricot, qui est là-bas sur ses rames, l'oignon et le chou ou le melon. Car c'est là qu'est donné un spectacle assez rare à l'œil d'un Normand, et très-beau, des champs de melons, ces gros fruits d'or, se détachant sur un tissu serré de feuilles, de tige et de verdure. Toutefois ces localités ont l'inconvénient d'être isolées, d'être finis terrœ; l'habitation, spécialement à Pirou, est sale et misérable.
La nature a ses beautés, la culture a les siennes; on ne peut nier que, comme artiste, la première ne soit bien supérieure. C'est ainsi que je me promettais un plaisir de voir la mare de Pirou, marquée sur les cartes, derrière un cordon de mamelons de sables qui la coupent de la mer. Eh bien ! nous crûmes la voir de loin à travers les arbres, blanchissante au soleil. Nous descendîmes dans sa vallée, et nous vîmes une tour, moulin à vent qui avait servi à en dessécher une partie en rejetant ses eaux dans la mare de Créances, puis sur un monticule formant ilôt dans les prairies, une seconde tour, qui avait commencé le dessèchement, puis nous marchâmes dans d'immenses prairies, émalllées de roseaux naissants ; nous avançâmes encore cherchant la mare de Pirou. Le fait est qu'elle n'existait plus, et que la blancheur que nous avions prise de loin pour de l'eau, à travers les feuillages, c'étaient d'immenses troupes d'oies qui paissaient dans son bassin Cette conquête nous révélait la force humaine, et un peu plus loin, nous en apercevions une autre preuve ; vers le lieu où aboutit le canal de dessèchement de la mare, est la cabane près de laquelle s'immerge le câble électrique entre la France et Jersey.
S'il est vrai que les pluies enlèvent généralement des fermes normandes leurs purins, ce que M. Bodin, de Rennes, appelle, dans une de ses ingénieuses histoires, adressées aux laboureurs, le café des fumiers, en ne laissant que le marc ; c'est surtout à Pirou, dont les voies sont des chemins-ruisseaux qui servent de déversoirs aux purins. Nous avons vu cette bourgade après une forte averse : chacun de ces ruisseaux-chemins roulait des flots du purin le plus exquis, qui se rendait dans le val où est la mare de Créances. Assurément, si on la desséche, on trouvera les sédiments les plas riches, et il n'y a pas lieu de s'étonner de la fécondité du bassin de celle de Pirou, qui on're une très-épaisse couche d'humus noir sur son fond de sable marin, et qui, pendant des siècles, a été enrichie de ces dépéts que nous voyons couler vers les bassins. C'est à prendre en pitié et en colère à la fois Tincurie et rignorance de ces malheureux paysans, qui se donnent tant de peine pour envoyer en définitive les jus de fumier dans les mares et les rivières. Si Créances est le principal centre de cuitore maraîchère, d'autres communes s'y livrent aussi, par exemple, Lingreville et Bretteville près Valognes.
Ces mares sont assez nombreuses sur le littoral occidental de la Manche : outre les deux précédentes, il y a la mare de Bouillon formée par l'expansion d'une rivière, le Thar, entre Saint-Pair ou Quéron et le massif de Bouillon ou Pignon-Butor, c'est-à-dire Butte-d'Or, d'un filon de cuivre qui s'y trouve. Aux grandes mers, l'embouchure du Thar est un petit estuaire d'un demi-kilomètre de largeur et de trois à quatre mètres de profondeur ; par là, la mer reflue jusque dans la mare, qui est très-intéressante pour les botanistes et les pécheurs. Elle appartient à M. Leclère, maire de Granville, à qui l'on prête des projets de dessèchement. Une route, dite du littoral est en train de rattacher Avranches et Granville, et elle passe sur le pont de Léseaux, dans le voisinage de ce petit lac. L'Ay forme un large.estuaire depuis Lessay jusqu'à la mer : on l'appelle le havre de Saint-Germain. Il ressemble beaucoup aux estuaires du fond de la baie : la végétation, où domine le tamarix, les débris des salines, la nature du sable, qui est une tangue, l'église lourde et romane de Saint- Germain, et d'autres caractères font ressembler ce littoral du nord à la côte de Genêts. Mais la grande différence, outre l'absence du Mont-Saint-Michel et de Tombelaine, vient de la ligne des dunes qui masquent la mer. De beaux statice limoninm donnent encore à ce rivage une physionomie distincte. Ce havre, bordé des communes ayant l'Ay pour suffixe. Lessay, Angoville-sur-Ay , Bretteville-sur-Ay , Saint-Germain-sur-Ay, plus Créances, est celui du département d'où l'on enlève le plus de tangue. Par exemple, dans l'été, la route de Périers à ce havre offre une suite ininterrompue de voitures chargées de cet amendement. Toutefois, il est bien probable qu'on en exagère l'importance pour le venir chercher de si loin. Mais le cultivateur, qui n» vit que trop dans le moment présent, n'apprécie que la dépense actuelle, et compte pour peu son temps, ses chevaux et la fatigue de son merrain, c'est-à-dire de sa voiture. Or la tangue, prise au sol, ne coûte rien : recueillie et séchée par les riverains, elle se vend un ou deux sous par cheval. Beaucoup l'aiment mieux avec son humidité naturelle, parce qu'ils croient qu'elle renferme beaucoup de sel. C'est une erreur : c'est l’élément calcaire qui y domine, et le sel n'y est qu'en très-petite proportion. D'ailleurs, par lui-même, le sel n'a presque pas de propriété fertilisante.
Parmi les étangs littoraux, il faut signaler l'immense prairie de Bretteville-sur-Ây, qui ne garde, des terrains submergés, que le nom des mares de Bretteville, et qui n'en montre d'autres vestiges que des taches de pave ou iris, dans les parties basses. On voit un ruisseau canalisé de dessèchement, qu'on appelle ici lime, nom commun des tranchées, pour dénoyer les terrains. Cette mer de verdure commence au pied du monticule où se dresse la flèche de l'église de Bretteville, remarquable dans cette ligne de tours cunéiformes ou en bâlières dfe cette côte, Omonville-la-Foliot, Denneville , Saint-Remy-des-Landes , Surville , Glatigny , Saint-Germain-sur-Ay, Créances et Pirou : sur cette ligne on remarque la tour hexagonale à flèche de même forme d'Angoville-sur-Ay, et surtout la belle tour romane de Lessay, surmontée d'une boule en dôme ovoïde, de mauvais goût, mais qui se détache par sa masse dans le paysage. Plusieurs de ces clochers, peints en blanc, servent d'amers aux navigateurs.
Sur les côtes des environs de Granville, et surtout dans l'archipel de Chausey, règne l'industrie de la combustion des plantes marines, qui brûlées portent le nom de barille. L'action de brûler ces plantes dans une fosse formée de quelques pierres, s'appelle piffonner, et les brûleurs sont dits piffonneurs et barilleurs. C’est un spectacle fort original de voir à Chausey, par une belle nuit d'été, chacun de ces Ilots; or il y en a bien une quarantaine d'insubmersibles, formant sa cime comme un petit volcan, c'est-à-dire offrant un foyer fumeux et, brillant de plantes marines. Ces fonds de foyers ou résidu de cendres forment un agrégat dur comme la pierre, et on voit arriver ces gros blocs, généralement carrés, à l'usine de Granville, où ils sont cassés, pulvérisés et lavés pour en extraire la soude. Des femmes et des enfants se livrent à cette industrie, qui est assez rémunératrice. C'est encore à Chausey qu'on récolte une plante marine bonne pour la teinture, la roqueselle, qui colore en jaune, comme l'orseille, qui est un lichen. On recueille aussi à Granville, sur ces rochers maritimes, des lichens et des mousses qui servent dans l'industrielle la draperie. C'est ainsi que, de jour en jour, se font des conquêtes sur la nature, où Ml n'y a pas de choses inutiles : Il n'y a que des choses ignorées. On pourrait sans doute tirer parti, pour l'alimentation, de certains fucus, que les botanistes appellent du nom spécifique edulis, et qu'on mange sur certaines côtes, spécialement en Ecosse.
Pour compléter les richesses actuelles de la mer, il faudrait de faire la chimie, et y montrer les trente et quelques substances qu'on y trouve, la moitié des substances connues. Mais nous ne pouvons que nous renfermer dans ses richesses végétales, dont plusieurs passeront sans doute bientôt du domaine de la science dans celui du commerce et de l’industrie. La roannite, ou espèce de manne, analogue à celle du frêne, a été observée sur le varech dit laminaria sacchartfui; l'argent se trouve dans la pocillapora alcicomis; un rouge vif se présente dans l'algue microscopique, le protococcus atlanticus, analogue à celle qui colore la mer Rouge.
Toutes ces industries que nous avons essayé de montrer dans cette étude, relèvent singulièrement l'importance de nos rivages. Ces routes du littoral, dont on parle beaucoup aujourd'hui, les unes faites, comme celle du pont de la Roque à Agon et de Bréhal à Régnéville, les autres en exécution, comme celle de Granville à Avranches, d'autres en projet» démontrent qu'on s'occupe des dunes et des miellés, et on ne s'en occuperait pas, si le besoin ne s'en faisait pas vivement sentir. Du reste, pour être juste envers le présent, il ne faut pas oublier les bienfaits du passé: il y a aussi de vieilles routes littorales, d'anciens villages aux avant-postes de la mer, de vieilles clôtures, aujourd'hui forts remparts et bien boisés. Mais avec nos puissants moyens et toutes les ressources d'une richesse et d'une civilisation matérielle, dont notre siècle est Or, nous serions ridicules et mesquins, si nous n'achevions pas, jusqu'à ses dernières limites, la conquête sur l'inculture et la barbarie.
Denneville, septembre 1863. Edouard. LE HËRICHER. |
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