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LA NORMANDIE ANCESTRALE Ethnologie, vie, coutumes, meubles, ustensiles, costumes, patois Stéphen Chauvet. Membre de la Commission des Monuments historiques Edition Boivin, Paris.1920
Les Horloges.
Il est difficile de préciser à partir de quel moment les horloges, dites normandes, sont devenues d'usage courant dans les manoirs, dans les fermes et dans les chaumières de Normandie. Comme je ne connais aucun livre où cette question soit traitée, j'ai dû me faire une opinion en étudiant, depuis dix ans, toutes les horloges que j'ai pu rencontrer, et en interrogeant les vieux paysans et les vieux horlogers qui ont eu l'occasion d'examiner, pour les réparer, un grand nombre de celles-ci. On rencontre, extrêmement rarement, des horloges Louis XIV, car les horloges à caisse datent, précisément, de la fin de ce règne (fin du XVIIeme et début du XVIIIeme ). |
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Les caisses de ces horloges sont, en général, simples et très peu chargées de sculptures. Ces caisses, dites de forme droite, consistent en des boîtes assez étroites, ayant sur toute la hauteur, la même largeur. Le coffre de l'horloge est muni d'une porte étroite, dont les montants sont sommairement sculptés. La fermeture est en fer. Elle ne consiste pas en une serrure, mais en un bouton de fer, qui fait pivoter, à l'intérieur, une petite barre de fer qui s'engage derrière le montant du fût. On ouvre cette porte pour remonter, tous les soirs, les poids de pierre de l'horloge. La tête de l'horloge est plus large que le fût. Son fronton est cintré et avance quelque peu. Une porte antérieure, vitrée, permet de toucher à l'aiguille pour mettre l'horloge à l'heure. De chaque côté de la caisse, existe une petite porte tantôt pleine, tantôt vitrée. L'ensemble du meuble est en chêne. Quant à l'horloge, à proprement parler, je la décrirai un peu plus loin. Les horloges de cette époque sont extrêmement rares. Les châtelains devaient seuls en posséder. Les petits fermiers n'en avaient pas et organisaient les travaux de la journée soit selon la course du soleil, soit, dans les villages, en lisant l'heure sur le cadran solaire qui se trouvait, généralement, sur un des murs de l'église. Les horloges Louis XV et Louis XVI sont, par contre, assez nombreuses. Les boîtes sont un peu plus hautes et plus larges qu'aux époques précédentes. On rencontre plusieurs formes de caisses : 1° la forme dite cercueil dans laquelle le haut de la caisse est plus large que le bas. Ces formes n'ont pas, en général, de vitre médiane; 2° la forme étranglée en sablier dite demoiselle, qui est pourvue d'un renflement ovalaire au niveau de la partie rétrécir afin de permettre le déplacement du balancier. Une vitre laisse voir le jeu de ce balancier; 3° une forme rare et d'ailleurs peu élégante, à gaine très longue et très étroite; 4° la forme qu'on peut appeler classique parce que la plus répandue , qui comporte une caisse droite, bien proportionnée comme hauteur et comme largeur; elle est surmontée d'une tête carrée, plus large que la gaine et ayant, elle-même, un fronton avançant un peu et cintré [ce qui permet d'apercevoir le coq]; 5° la forme à caisse droite, moins large que la précédente, munie d'un élargissement ovale pour le jeu du balancier.
Ces diverses horloges sont, soit surmontées de têtes rondes ou ovoïdes, pourvues de corniches plus ou moins sculptées, soit, plus souvent, de têtes carrées comme celle qui vient d'être brièvement décrite (fig. 28). Toutes ces horloges sont presque toujours en chêne et sculptées. On en construisait aussi en merisier ou en cerisier. Ces dernières horloges, plus communes et qui étaient certainement bien moins chères, sont, en général, dépourvues de sculptures et simplement moulurées.
Les autres étaient dépourvues de cette petite vitre et étaient munies, sur le devant, d'une seule porte étroite et assez haute, s'étendant sur les 2/3 de la hauteur de la caisse. Ce dernier type d'horloge est, souvent, sans motifs sculpturaux à proprement parler
Le premier type, au contraire, comporte des sculptures non seulement autour de la vitre, mais encore à la partie supérieure des portes et sur le fronton de la boîte à horloge (corbeilles de fleurs ; fleurs et branchages; draperies; pigeons se bécotant, etc.).
Quant aux boutons et aux gonds, ils sont soit en fer étamé, soit en cuivre jaune.
Les remarques concernant l'époque de la fabrication, que j'ai faites à propos des armoires, s'appliquent également aux horloges.
Plus tard, on construisit encore des horloges de chêne. Mais ce meuble se vulgarisa, et, pour répondre aux possibilités de toutes les bourses, on en fabriqua aussi beaucoup en merisier et même en sapin. Le hêtre était exceptionnellement employé.
Ces dernières horloges communes sont dépourvues de sculptures en bas-relief. Tout au plus, quelques-unes sont- elles ornées d'une simple corbeille ou de deux pigeons grossièrement dessinés par une simple entaille ou par un pointillé.
Depuis quatre-vingts ans, environ, on n'a plus construit d'horloges méritant l'attention des collectionneurs. Les caisses modernes sans élégance de forme, sans sculptures sont en matière vulgaire : sapin ou bois blanc, teintés et vernissés. Leur forme un peu ventrue et plus large en bas qu'en haut, rappelle celle d'un violon. Les horloges contenues dans ces caisses, ont un cadran peint (fleurs et oiseaux) provenant de la Forêt Noire [ou imitant les cadrans de cette région]. Ces meubles n'ont de valeur et d'intérêt à aucun point de vue, et ne méritent pas d'être considérés comme des horloges normandes.
Pour ce qui est des horloges à proprement parler (mécanismes, cadrans, frontons, timbres, etc.), on en a monté en diverses localités du Cotentin, entre autres à Periers. Les mouvements venaient soit du Jura, soit de Rouen, soit de Saint-Nicolas d'Aliermont, près de Dieppe. Les horloges de l'époque Louis XIV et Louis XV marchent 24 heures. Le paysan en remontait les poids de pierre ou de fer forgé avant de gagner son lit.
Sous Louis XVI on construisit des horloges qui marchaient huit jours. Beaucoup d'entre elles étaient d'origine comtoise. Les timbres de bronze, généralement fabriqués à Villedieu-les-Poëles, ont un son d'autant plus beau et argentin, qu'ils sont plus anciens. Les cadrans les plus anciens, Louis XIV et début Louis XV, sont en étain . Sur ces cadrans, se déplace une seule aiguille courte, parfois terminée, avant la pointe, par une sorte de petit soleil.
Les chiffres des heures sont taillés dans le cadran d'étain et peints en noir ou en émail noir. Le timbre de ces horloges est souvent suspendu au centre d'un dôme fermé par quatre tiges de fer venues des quatre coins de l'horloge et recourbées vers le centre.
Plus tard les cadrans furent entièrement en cuivre jaune (fig. 30). Sur ceux-ci également, les heures sont inscrites en creux et en noir, soit en chiffres romains, soit en chiffres arabes. Les plus anciens n'ont qu'une aiguille en cuivre. Les moins anciens ont deux aiguilles en cuivre. La plus courte, qui indique les heures, porte, à son extrémité, un disque ajouré et dentelé. Le nom du fabricant est souvent inscrit sur le cadran. Il est ciselé, grossièrement, en écriture courante. Le nom de la localité est parfois indiqué. Le cadran est surmonté d'un petit fronton en cuivre jaune ciselé. Un coq y est figuré souvent. De cette époque datent également certaines horloges-réveils, plus petites que les horloges à proprement parler et dont le cadran est en cuivre jaune. Ces réveils sont fort rares. Dans ces horloges le timbre est généralement fixé au bout d'une tige de fer centrale.
Puis vinrent les cadrans de cuivre jaune portant des médaillons (cartouches) d'émail blanc sur lesquels les heures sont inscrites en chiffres romains de couleur noire. Ces cadrans, qui sont dits à douze pièces, n'ont souvent qu'une seule aiguille de cuivre. D'autres horloges portaient sur le cadran de cuivre, outre les 12 cartouches d'émail, un disque central également en émail. Ce disque ne venait pas au contact des médaillons des heures. Ces horloges sont dites à treize pièces.
Enfin, on utilisa, à partir de la seconde moitié du XVIIIeme siècle, les cadrans ronds tout émaillés, couleur blanc crème, avec des heures écrites en chiffres arabes [en 'creux, remplis de couleur ou d'émail noir]. Le nom du fabricant et celui de la localité sont généralement inscrits dans le cercle intérieur des heures. Ces horloges étaient surmontées d'un fronton en cuivre repoussé qui cachait le timbre. Ces frontons comportent un médaillon avec le nom de l'horloger ou celui de la localité où ils furent construits et la date. Au dessus de ce médaillon, ou cul-de-lampe, sont représentés soit des léopards dressés l'un contre l'autre, soit d'autres motifs décoratifs, soit enfin un coq, oiseau qui était considéré comme le symbole du réveil et de l'heure.
Ce sont ces dernières horloges, à cadran d'émail, qui quoique devenues relativement rares depuis quelques années, sont rencontrées le plus communément en Basse-Normandie. Elles ont été montées entre 1750 eV, 1820. Les poids sont le plus souvent en pierre. Parfois, ils sont en fer forgé. Les poids de fonte proviennent de réparations faites ultérieurement. |
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