ET SI ON EN PARLAIT...
   
  GARDE CHAMPETRE
         
 
 
 
 
 

Rapporteur : Patrick BARBOSA

Avec le concours de Stéphane MAZURAIS

 

Aujourd’hui méconnus et associés à des temps reculés, les gardes champêtres peuvent s’enorgueillir d’une longue histoire que peu d’institutions sont en possibilité de revendiquer.

 

C’est en 1369 que le Roi Charles V dit le Sage, créé les premiers gardes ruraux appelés alors « Gardes aux Ablais » (1) puis « Gardes Bannier ». Leur mission vise plus particulièrement la surveillance des récoltes.

 

Sous le règne du roi Louis XIV, ces gardes acquièrent, en vertu de l'ordonnance royale de 1669 la surveillance des territoires de chasse des seigneurs. Appelés« Baugards », « Gardes Champs », « Gardes Messiers », « Sergents de Verdure » ou « Gardes Champêtres », ils sont souvent poussés par leur maître à exercer une police impitoyable envers les braconniers et les glaneurs, ce qui leur vaut une impopularité totale. De fait, à l'aube des États Généraux de 1789, le monde paysan réclame d'être délivré des Gardes Chasse et des Capitaineries. Ce voeu sera exaucé avec la disparition du système féodal et les décrets d'août 1789, abolissant le droit exclusif de chasse ainsi que la justice seigneuriale.

 
       
 

Toutefois, face au désordre qui s’empare des campagnes, la Loi du 30 avril 1790 réintroduit une surveillance par des gardes communaux, sans toutefois leurs donner de pouvoirs réels (2). La mission des gardes étant presque impossible et dangereuse, le désordre persiste dans les campagnes et les conseils généraux des communes font part de leurs vives inquiétudes aux autorités départementales.

 

Les lois du 23 septembre et du 6 octobre 1791, en définissant la police rurale dans le cadre de l'élaboration du code rural, instaurent véritablement le corps des gardes champêtres. Le statut du garde champêtre est défini ensuite par la loi du 8 juillet 1795 (Messidor an III) qui en rend le recrutement obligatoire dans toutes les communes rurales de France et établit des critères de recrutement précis. (3)

 

Le garde champêtre devient un agent de la force publique par son inscription u registre de la Gendarmerie (laquelle peut le requérir), avec qui il partage une mission de police commune : la surveillance des campagnes.

 

Les conditions d'embauche (critères de recrutement, rémunération, obligation pour les maires) conduisent par la suite les maires à recruter des «Hommes orchestres » auxquels on demande de remplir d'autres missions que celles pour lesquelles ils ont été créés.(4) Sans régler les problèmes de délits ruraux, les difficultés de recrutement portent en outre atteinte au métier en lui donnant une mauvaise image, qui perdure encore aujourd’hui.

 

Face à cette mise en place difficile, un décret ministériel de septembre 1800 précise que tout nouveau garde champêtre doit se présenter à la sous préfecture. Il s’agit de pouvoir écarter toute personne « douteuse ». Le 1 décembre 1809, on établit des brigadiers gardes champêtres qui surveillent les gardes champêtres du canton, leur transmettent les ordres de la Gendarmerie, du Juge de paix, des Procureurs Impériaux, des Maires et des Préfets. Ces brigadiers, préviennent les Maires de ce qu'ils remarquent sur la conduite des gardes champêtres de leurs communes, et rendent compte au Sous Préfet de la conduite et des opérations de police des gardes champêtres. Ils ont également la mission de former les gardes champêtres qu'ils réunissent une fois par mois.

 

 

Le Garde Champêtre, c'est moi

CPA LPM collection 1900

 

 
       
 

La création de ces supérieurs hiérarchiques des gardes champêtres se justifie à cette époque par l'incapacité remarquée de certains d'entre eux à remplir leurs fonctions. Toutefois, le Corps de ces brigadiers gardes champêtres sera supprimé quelques années après sa création.

 

Dans son article 16, le code d'instruction criminelle établit les règles des compétences du garde champêtre pour la constatation des délits ruraux.

 
         
 

Code d'instruction criminelle Article 16

 

Les gardes champêtres et les gardes forestiers, considérés comme officiers de police judiciaire, sont chargés de rechercher, chacun dans le territoire pour lequel ils auront été assermentés, les délits et les contraventions de police qui auront porté atteinte aux propriétés rurales et forestières.

 

Ils dresseront des procès-verbaux à l’effet de constater la nature, les circonstances, le temps, le lieu des délits et des contraventions, ainsi que les preuves et les indices qu’ils auront pu en recueillir.

 

Ils suivront les choses enlevées dans les lieux où elles auront été transportées, et les mettront en séquestre : ils ne pourront néanmoins s’introduire dans les maisons, ateliers, bâtiments, cours adjacentes et enclos, si ce n’est en présence soit du juge de paix, soit de son suppléant, soit du commissaire de police, soit du maire du lieu, soit de son adjoint ; et le procès verbal qui devra en être dressé sera signé par celui en présence duquel il aura été fait.

 
 
         
 

Ils arrêteront et conduiront devant le juge de paix ou devant le maire tout individu qu’ils auront surpris en flagrant délit ou qui sera dénoncé par la. clameur publique, lorsque ce délit emportera la peine d’emprisonnement ou une peine plus grave.

 

Ils se feront donner, pour cet effet, main-forte par le maire ou par l’adjoint du maire du lieu, qui ne pourra s’y refuser.

 

Au cours du XIXième siècle, le garde champêtre se voit attribuer de nouvelles compétences résultant de lois spéciales, dont la plupart sont toujours en vigueur aujourd'hui (5).

 

Le garde champêtre relève les contraventions et les délits constatés par procès verbaux adressés, après affirmation devant le Maire, au Procureur de la République par l'intermédiaire du Commandant de la brigade de Gendarmerie.

 

Au début de XXième siècle, le garde champêtre fait entièrement partie du paysage rural. S’il reste toujours « homme à tout faire » par souci d'économie, il est devenu un personnage incontournable dans la vie du village, dont l’autorité est reconnue.

 

En 1958, la disparition du Code d'instruction criminelle au profit de l'actuel Code de procédure pénale fait perdre aux gardes champêtres leur qualité d'officier de police judiciaire. Ils deviennent agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire, mais conservent la majeure partie de leurs compétences policières.

 

C’est cependant la fin de l’obligation de recrutement de gardes champêtres dans les communes rurales qui va provoquer la lente disparition des 20 à 30000 gardes champêtres de l'époque.

 
   
 

Notes

 

1 Ablais : anciennement blés, grains qui sont en terre. Bannier : à l'époque féodale, les paysans qui habitaient sur les terres du seigneur devaient payer une taxe pour utiliser le moulin, le four, le pressoir qui appartenaient au seigneur. Aujourd’hui encore : « le Ban communal » secteur rural de la commune, notamment en Alsace.

2 l'article 8 de la Loi d'avril 1790 précise que l'on peut poursuivre les délits constatés par les gardes que si le propriétaire porte plainte

3 Les gardes champêtres doivent avoir au moins 25 ans, savoir lire et écrire, avoir une bonne condition physique, faire partie des vétérans nationaux ou des anciens militaires pensionnés ou munis de congés pour blessures. Ils sont choisis par les maires qui soumettent leur choix au conseil municipal et en donne avis au sous préfet de leur arrondissement. Le garde champêtre doit prêter serment devant le Juge de paix du canton « de veiller à la conservation de toutes propriétés qui sont sous la loi publique et de celles dont la garde leur est confiée ».

4 Ces policiers des campagnes portent ainsi souvent un tambour pour faire office de « crieur », ils sont parfois secrétaire de mairie ou cantonnier.

5 Police de la pêche (Loi du 15 avril 1829) ; Arrêtés préfectoraux et municipaux (Loi du 28 juillet 1867) ; Cartes à jouer (Loi du 28 avril 1816) ; Chemin de fer (Loi du 15 juillet 1845) ; Circulation de boissons (Loi du 21 juin 1873) ; Contributions indirectes ; Douanes ; Epizooties (Ordon. Du 27 janvier 1815) ; Gendarmerie.- Ordre public.- ( Aux termes du décret du 11 juin 1806, confirmé par l'ordonnance du 29 octobre 1820) ; Huissiers ; Plantation d'arbres (décret du 16 décembre 1811) ; Poudre à feu (Ordon. du 17 nov. 1819; loi du 25 juin 1841; ordon. du 5 oct. 1842) ; Roulage (Loi des 12, 30 avril et 30 mai 1851) ; Saisie-brandon (Art628 du Code de procédure civile) ; Sel (Ordonnance du 19 mars 1817) ; Tabac (Loi du 28 avril 1816) ; Voirie