VIVRE NORMAND
   
  LE SARRASIN
         
   
         
 

LA NORMANDIE ANCESTRALE

Ethnologie, vie, coutumes, meubles, ustensiles, costumes, patois

Stéphen Chauvet.

Membre de la Commission des Monuments historiques

Edition Boivin, Paris.1920

 
         
  Le sarrasin.

 

Le sarrasin est, surtout dans le bas du Cotentin, cultivé dans toutes les fermes, car sa farine sert à faire le mets traditionnel des Normands : la galette de sarrasin. Celle-ci se mange, toute chaude, recouverte ou non de beurre frais, au lieu et place de pain, au repas de midi. Le sarrasin fleurit vers la mi-juillet. Ses fleurs blanches ont une odeur agréable. Butinées par les abeilles, ces fleurs confèrent au miel de Normandie une couleur brunâtre et une odeur exquise, rappelant un peu celle du pain d'épices. On commence à faucher le sarrasin au début de septembre. Après fauchage, les tiges du sarrasin sont mises en « binots », ou « gavelots », c'est-à-dire en petits cônes reposant sur le sol, ce qui leur permet de sécher. Au bout de quinze jours, le sarrasin est sec. On le bat alors aux fléaux, dans la pièce même où il a été fauché, sur une grande bâche spéciale, dite « toile batteresse », étendue sur le sol. Pour amener les binots ou buhots des quatre coins du champ jusqu'à la toile batteresse, on se sert parfois des traînes à bois. Pour terminer rapidement ce battage, afin de n'être pas surpris par le mauvais temps, le fermier fait appel à ses ouvriers et aux fermiers voisins. Lorsque ceux-ci, à leur tour, battront leur sarrasin, il ira les aider, car il est de coutume de « s'entr'aider » par les corvées. Munis de leurs fléaux (qui s'appellent : fiais dans le nord et siais dans le sud de l'arrondissement de Coutances), les Normands font résonner le sol de leurs coups cadencés. Dans chaque ferme, le soir du jour où ont été battus les derniers sarrasins, le fermier offre à ses amis et ouvriers un repas copieux et surtout de nombreuses « moques de bon bère », ainsi que du café et de l'eau-de-vie de cidre. Cette petite fête champêtre (qui a lieu également pour les foins, les blés, etc..) s'appelle : faire les « persils » du sarrasin. Les derniers sarrasins (ceux qui ont été semés le plus tardivement) doivent être « finis de battre » pour la foire de Gavray, le 18 septembre. « Les batteries de s'rasin » ont fait l'objet d'une délicieuse poésie de Ch. Leboulanger.