|
||||||||||||
CPA collection LPM 1900 |
||||||||||||
Le Goubelins
Autrefois, en Normandie, on croyait en l’existence des goubelins ou gobelins. Il s’agissait de démons familiers, sortes de lutins, plutôt dévoués au service de l’homme. Il n’y avait pas de château ou de résidence importante qui n’eût son goubelin. Mais ceux-ci pouvaient aussi se montrer particulièrement malicieux, sans être réellement méchants. On leur accordait la faculté de se transformer en toutes sortes d’animaux, et même ... en êtres humains.
Ces lutins, appelés aussi farfadets, follets, esprits ou sylphes, se rencontrent dans la mythologie scandinave, sous l’appellation alf, elfe (esprit) ou encore duerggar (nain). Ces petits êtres, à la fois bienfaisants et malicieux, ressemblent à s’y méprendre à nos goubelins normands. Dans le département de la Manche, près de la pointe de la Hague, on les appelait drôles, mot dérivé du scandinave troll.
De nombreuses histoires rapportent leurs faits et méfaits, plus particulièrement dans le Nord-Cotentin:
On raconte qu’un goubelin habitait au fort d’Omonville, dans la Manche. Très familier, il apparaissait sous la forme d’un mouton blanc ou d’un petit chien. Il jouait des tours à la jeune fille de la maison, se changeant en veau ou en lièvre, ou bien en peloton de fil qui se mettait à rire et sautait à terre dès qu’on s’en saisissait. Non loin de là, à Jobourg, un autre goubelin se transformait en lièvre et se laissait caresser ... comme un chat.
Certains prétendent que la présence d’un goubelin indique la proximité d’un trésor, lorsque celui-ci est oublié depuis plus de cent ans. Ainsi, dans certaines maisons, on assistait à des apparitions. Dans une maison de Gréville, une femme a vu une demoiselle traverser sa chambre sans bruit avant de s’évanouir. D’autres fois, il s’agissait d’un petit homme occupé à filer. Ici, le trésor ne fût jamais découvert. Dans d’autres endroits il arrivait qu’on assiste certaines nuits à des tapages épouvantables : portes se fermant de manière brutale, coups sourds et répétés, vaisselle cassée ou s’entrechoquant violemment, bruits alors que le lendemain tout était dans l’ordre le plus parfait.
Toujours à Gréville, un goubelin avait, dit-on, le don de la parole ; chose plutôt rare. On l’avait appelé Gabriet, mais on avait peur de lui car il se montrait souvent sous un air malicieux. Il avait la garde d’un trésor qui resta longtemps dissimulé par le fait qu’il se trouvait dans une dépendance de la ferme. C’est une famille à laquelle on loua cette grange qui le découvrit mais sans s’en vanter. Le trésor "levé", Gabriet disparut à jamais.
Il arrive que les goubelins s’ennuient de la garde du trésor qui leur a été confié et qu’ils souhaitent qu’on le trouve le plus vite possible afin qu’ils soient libérés bien qu’ils n’aient pas le droit de renseigner quiconque sur le lieu précis de la cachette.
A Barfleur, dans la Manche, on prétendait qu’ils se manifestaient en un lieu appelé le "Carrefour à chevaux". La nuit venue, l’endroit était hanté par des mystérieux individus transformés en taureaux ou en chevaux. La peur avait découragé la plupart des habitants de la région de les affronter, sauf cinq ou six grands gaillards, employés de ferme, qui se mirent d’accord pour se réunir au carrefour maudit.
Armés de fouets, ils attendent les douze coups de minuit. Soudain de puissants hennissement et beuglements se font entendre. De blancs et formidables animaux apparaissent. Le combat s’engage accompagné de claquements de fouets et de clameurs sauvages. Un animal est presque capturé. Les coups tombent. Le troupeau abandonne le combat. La victoire revient aux courageux valets qui, quelques jours plus tard, remarqueront sur le visage d’individus un peu louches ... les marques d’une correction fraîchement reçue. |
||||||||||||