QUELQUES FROMAGES | |||||||||
LE CAMEMBERT | |||||||||
De local, le camembert acquit une réputation nationale lors de l’inauguration du chemin de fer Paris Granville en 1863. Le petit-fils de Marie Harel, Victor Paynel fit dé-guster lors d’une halte du train en pays d’Auge sa fabrication de camembert à l’Empereur Napoléon III qui le trouva fort à son goût et le servit au palais des Tuileries, et en assura la promotion nationale et internationale. L’Empereur et le chemin de fer vont assurer la promotion du fromage.
Le camembert prit son aspect définitif vers 1900 : on importa alors de Neufchatel-en-Bray le penicillium album qui lui donnera sa croûte fleurie, blanc jaunâtre si caractéristique. Vers 1910, on inventera sa boite de copeaux de peuplier qui l’entoure jus-qu’à nos jours, et qui a remplacé la paille ancienne pour lui donner son aspect définitif jusqu’à nos jours. La popularité du camembert sera définitivement assurée par la guerre de 1914-1918. En effet, si au début de la guerre, le principal fromage fourni aux poilus était le gruyère, le camembert concurrença bientôt le gruyère, et à la fin de la guerre 10.000 camemberts étaient fournis par jour aux magasins centraux de l’armée, alors que l’intendance aurait voulu en avoir un million par mois. Malgré sa durée de conservation limitée, sa boite pratique et l’utilisation dans les tranchées du fromage en encas avec du pain avaient conquis l’intendance et les poilus. Le camembert restera dans la mémoire populaire et assura son succès définitif.
Le succès du camembert fut tel que l’on en pro-duisit partout en France et dans le monde, au grand dam des fromagers normands. Et ce fut d’Amérique que vint la consécration définitive de Marie Harel : un médecin américain, le docteur Knirim, qui avait bâti sa réputation et sa fortune sur l’utilisation du camembert en thérapeutique surtout sur les maux gastriques, organisa une souscription pour ériger un monument à Marie Harel. Le monument fut élevé en 1928, et fut détruit par les bombardements américains de 1944 lors du débarquement de Normandie. Le monument fut reconstruit après guerre par une nouvelle souscription américaine auprès des employés d’une fabrique de camemberts de l’Ohio.
Le mythe du camembert, qui associe un prêtre réfractaire, un empereur et les poilus fait donc appel au sabre et au goupillon ! Mais les guerres du camembert ne s’arrêtent pas là : depuis la fin des années 1950, une nouvelle guerre s’est déclarée : celle qui oppose les partisans du lait cru à ceux de la pasteurisation. Il faut cependant dire que la fabrication du camembert est progressivement devenue industrielle et plus de 90% des camemberts sont faits désormais à partir de lait pasteurisé, c’est-à-dire passé quelques minutes à la chaleur pour éliminer les microorganismes présents dans le lait.
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