C'EST PARU L'ANNEE 1926
   
 

SOCIÉTÉ DES FORCES MOTRICES

DE LA SÉLUNE

         
 

Usine hydraulique et thermique de La Roche-qui-boit, à Ducey. CPA collection LPM 1950

 
         
 

La Manche Numéro spécial

Supplément au numéro du 28 août 1926

de l'Illustration économique et financière

Publication : Paris 1926

     
 
   
 

Usine hydraulique et thermique de La Roche-qui-boit, à Ducey

AL

 
     
 

      On est surpris d'apprendre qu'il existe dans la Manche, à dix kilomètres à peine de la mer, une usine utilisant une chute importante, tout comme en Savoie et en Dauphiné.

 

     C'est cependant une chose réalisée depuis six ans à Ducey, près Avranches, par la Société des Forces Motrices de la Sélune. Malgré sa faible altitude, cette région est fortement arrosée, car la hauteur de la pluie annuelle atteint 107 centimètres, ce qui dépasse de beaucoup la hauteur pluviométrique moyenne de toute la France.

 

     Le bassin versant de la Sélune, à la hauteur de Ducey, mesure environ 750 kilomètres carrés. L'étendue de ce bassin, jointe à des conditions météorologiques exceptionnelles, assure à la rivière un débit annuel moyen d'environ 12 mètres cubes par seconde et supérieur à 20 mètres cubes pendant une grande partie de l'année.

 

     M. Turquet, ingénieur des Arts et Manufactures, s'étant rendu compte de tout le parti qu'il était possible de tirer de cette situation naturelle, consacra deux années à faire les études nécessaires et les démarches laborieuses près de 127 propriétaires riverains des terrains à immerger.

 

     En 1913, il fonda la Société avec le concours de MM. Gilbert et Cie et de quelques capitalistes de la région. L'objet principal de la Société était l'aménagement d'une chute de 2.800 CV sur la Sélune, à « La Roche-qui-Boit », en Ducey.

 

     La Sélune prend sa source à Saint-Cyr-du-Bailleul, au pied de cette pittoresque chaîne de collines boisées qui s'étend des environs de Bagnoles et Domfront jusqu'à Mortain et Avranches. Cette jolie rivière, après un parcours de 90 kilomètres, se jette dans la baie du Mont-Saint-Michel, auprès d'Avranches.

 
     
 
 
   
 

     L'autorisation d'établir un barrage a été accordée par arrêté préfectoral d'août 1914.

 

     Les travaux d'aménagement de l'usine, d'ailleurs considérables, ont été commencés en 1916. Poursuivis malgré les difficultés causées par la guerre, la rareté des matériaux, de la main-d'oeuvre et des transports, le gros oeuvre en était achevé à la fin de 1919.

 

     La chute est créée par la construction d'un barrage en ciment armé, établi à un étranglement de la vallée, dans des conditions très favorables.

 

     Cet ouvrage a une longueur en crête de 129 mètres et une hauteur maxima de 16 mètres.

 

     La nappe d'eau créée par la retenue du barrage a une superficie de 40 hectares et constitue une réserve de 4 millions de mètres cubes d'eau, qui joue le rôle important de régulateur et d'accumulateur.

     Le barrage est établi d'après les plans et calculs de MM. Pelnard, Considère et Caquot, adoptés par le Service de l'Hydraulique Agricole du Ministère de l'Agriculture.

 

     L'usine, construite immédiatement à l'aval du barrage et à flanc de coteau, est assise, comme cet ouvrage, sur le granit bleu. Sa base est constituée par un bloc de béton de 2.000 mètres cubes, dans lequel ont été réservés les canaux de fuite des turbines.

 

     Les bâtiments de l'usine et du tableau de distribution occupent une surface de près de 1.000 mètres carrés.

 

     La production hydraulique annuelle atteint 5 millions de kilowatts-heure.

 
     
 
 
     
 

     L'usine comprend trois turbines de 850 C.V. chacune, provenant de la Maison Bouvier, Paul & C°, avec trois alternateurs accouplés directement, construits par la Société Alsacienne de Constructions mécaniques de Belfort et une turbine de 400 C. V. provenant du même constructeur.

 

     Tout le matériel d'usine, commandé en 1916, a été acquis à des conditions avantageuses, avant la grande majoration des prix. Il sort de maisons spécialistes, a été étudié et déterminé pour utiliser la puissance moyenne de la Sélune qui est connue.

 

     L'eau est amenée du réservoir aux turbines par un canal en béton armé de 25 mètres carrés de section. Un raccord métallique de 1 m. 80 de diamètre et de 4 m. de long seulement relie le canal à chaque turbine.

 

     Le courant fut lancé pour la première fois sur la ligne Ducey-Granville, le 9 juillet 1920, puis sur les lignes de Fougères et de Mortain-Couterne, le 21 août 1921.

 

     Au début de janvier 1922, la distribution commença à prendre un remarquable et rapide essor. L'ensemble des concessions appartenant à la Société (Ducey, Poilley, Avranches, Pontaubault, Carolles, Saint-Jean-le-Thomas, Angey) alimente 1.900 abonnés.

 

     Mais ce n'est là qu'une faible partie de la clientèle de la Société. Celle-ci alimente un certain nombre de distributeurs, parmi lesquels les concessionnaires de Granville, Pontorson, Saint-Hilaire-du-Harcouët, Sartilly, Brecey, Cuves, Saint-Laurent-de-Cuves, Saint-Pois, Sourdeval, Juvigny, Brouains, Montjoie (Manche), et de Fougères, Laignelet, Louvigné-du-Désert (Ille-et-Vilaine), etc. ; des industries telles que les Usines Dior, à Granville ; les Mines de fer, à Mortain ; les Verreries de Laignelet ; les Distilleries de Brecey et Pontaubault ; la Minoterie Béguin ; la Brasserie Alsacienne au Val-Saint-Père ; la Scierie de Botray, à Granville, et quantité d'autres industries de toute importance.

 

     Enfin, la Société des Forces Motrices de la Sélune fait des échanges de courant avec la Société de Distribution d'Electricité de l'Ouest par son usine de Couterne. La Société de la Sélune vend à Couterne ses excédents d'énergie, l'hiver, et lui achète, par contre, l'énergie qui lui manque pendant l'étiage de la rivière.

 

     Le nombre des kilowatts-heure distribués suit une progression rapide et passe de 912.000 pour l'exercice 1920-1921 à 5.659.000 pour l'année 1925 et probablement à environ 7.000.000 pour l'année 1926.

 

     Prévoyant cette augmentation rapide des ventes d'énergie, le Conseil d'administration de la Société des Forces Motrices de la Sélune s'occupa, dès l'été de 1923, des mesures à prendre pour assurer à sa clientèle les disponibilités nécessaires.

 

     En mars 1925, il conclut un accord avec l'Omnium Lyonnais qui lui assurait son concours pour l'achat et l'installation d'un moteur thermique de 2.200 CV.

 

     Ce moteur, du type 4 temps, 10 cylindres, 300 tours, est accouplé directement à un alternateur donnant du courant alternatif triphasé 3.000 volts, 50 périodes. Ce groupe donne toute satisfaction tant au point de vue du rendement que de la marche en parallèle avec les autres groupes hydrauliques.

 

     Le réseau existant est complété par une ligne de transport Ducey-Pontorson-Antrain-Saint-Brice-en-Cogles et Fougères, qui permettra l'électrification rurale des riches cantons de la Manche et de l'Ille-et-Vilaine qu'elle traverse en même temps qu'elle doublera la ligne de transport qui alimente la ville de Fougères par Saint-Hilaire-du-Harcouët.

 

     Il reste encore quelques disponibilités sur la puissance de l'usine de « La Roche-qui-Boit », mais elles seront rapidement absorbées.

 

     L'entente avec l'Omnium Lyonnais prévoit la construction d'un second ensemble, barrage et usine hydro-électrique sur la Sélune, à Vezins sous une chute de 33 mètres. La puissance équipée de cette nouvelle centrale sera de 16.500 CV. environ. Elle permettra de répondre, pendant quelques années au moins, aux besoins sans cesse croissants de la clientèle.

 

     La Société des Forces Motrices de la Sélune, en utilisant une force naturelle de la région, aura distribué à une importante population la force, la lumière, la chaleur, apportant ainsi plus de confort dans la vie de chaque jour et plus de facilités d'exploitation dans de nombreuses industries. Et elle sera parvenue à ce résultat sans demander à l'étranger la houille nécessaire. L'énergie que distribuera la Société, quand elle aura atteint son complet développement, atteindra environ 30 millions de kilowatts-heure, qui nécessiteraient pour leur production dans la clientèle abonnée environ 60.000 tonnes de charbon, évitant ainsi une exportation de capitaux d'environ 10 millions de francs.

 

     Le capital nécessaire à l'élaboration du programme de la Société des Forces Motrices de la Sélune a été groupé par MM. Gilbert & C°. Le capital-actions est de 3 millions de francs et le capital-obligations de 6 millions de francs.

 
 
 
 

Usine hydraulique et thermique de La Roche-qui-boit, à Ducey. CPA collection LPM 1950

 
     
   
  COUR D' EAU DE LA MANCHE
   
  BARAGE DE LA ROCHE QUI BOIT
         
 

 
         
 

Le barrage de la Roche-qui-boit est une infrastructure de la Manche, située à Ducey.

 

Situé en aval du barrage de Vezins dont il est un ouvrage de compensation, ce barrage produit annuellement 4 millions de kilowattheures. Il restitue à la rivière un débit minimum de 2 m³/s. Le lac de retenue est long de 5 km, 40 hectares et 4 millions de mètres cubes d'eau.

 

L'autorisation de la construction du barrage a été accordée par arrêté préfectoral en août 1914. Les travaux ont commencé en 1916 pour s'achever en 1919

 

Description

 

Il s'agit d'un barrage à voûtes multiples et contreforts, construit sous la direction d'Albert Caquot, ingénieur. Il mesure 15 m de haut et il est long de 125 m. Il produit 5 millions de kilowatts/heure par an.Il relie les territoires de Ducey et Saint-Laurent-de-Terregatte, mais la quasi-totalité du lac de retenue est partagée entre les territoires de Vezins et de Saint-Laurent.

 
     
 
Société des forces motrices de la Sélune

La Société des forces motrices de la Sélune est une ancienne entreprise de la Manche, située à Ducey. Elle est créée en 1913 par M. Turquet, ingénieur des Arts et manufactures, et quelques propriétaires de la région réunis par la Banque Gilbert & Cie à Avranches, « pour aménager une chute de 2 800 cv sur la Sélune », au lieu-dit La Roche qui boit à Ducey.

 

Le barrage de la Roche-qui-Boit est construit et la distribution de l'électricité commence le 9 juillet 1920, sur la ligne Ducey-Granville, puis sur la ligne Mortain-Couterne (Orne) le 21 août 1921. Elle s'étend encore à partir de 1922 vers Avranches, Carolles, Saint-Jean-le-Thomas, Pontaubault, Ducey et Poilley.

 
 

 

En mars 1925, la société conclut un accord avec l'Omnium lyonnais pour l'achat et l'installation d'un moteur thermique de 2 200 cv. Le réseau de distribution est complété par une ligne Ducey-Pontorson, Saint-Brice-en-Coglès (Ille-et-Vilaine) et Fougères (Ille-et-Vilaine).

 

La société construit un second barrage à Vezins afin de faire face à une demande qui ne cesse de croître.

 


 
         
 

Démantèlement des barrages de Vezins et de la Roche-qui-Boit

 

Le démantèlement des barrages de Vezins et de la Roche-qui-Boit a obtenu un avis favorable des commissaires-enquêteurs, selon la préfecture de la Manche. La Sélune va pouvoir reprendre son cours, depuis le parc naturel régional Normandie-Maine jusqu'à la baie du Mont Saint-Michel.

 

Du 15 septembre au 17 octobre 2014, l’enquête publique s’est intéressée à la demande d’autorisation du démantèlement au titre de la loi sur l’eau ainsi qu’à l’intérêt général du projet. Cette destruction, qui vise à rétablir le cours naturel de la Sélune, l’un des premiers bassins à saumon de France, sera particulièrement encadrée. Parmi les sédiments libérés (1,8 million de mètres cubes), la partie contaminée sera ainsi traitée à part et non dispersée dans le fleuve côtier, pour éviter de répéter le désastre observé en 1993, lors de la dernière vidange.

 

Cette fois-ci, la vidange se déroulera par un abaissement progressif des plans d’eau. Ensuite seulement, les ouvrages seront détruits, permettant à la vallée de reprendre son cours naturel.

 
     
 

 
         
   
  COUR D' EAU DE LA MANCHE
   
  LA SELUNE
         
 

La Sélune à Ducey Christophe Jacquet, 2005

 
         
 

La Sélune est un fleuve côtier qui coule dans le département de la Manche. Il prend sa source à Saint-Cyr-du-Bailleul et se jette dans la baie du mont Saint-Michel.

 

Cours d'eau reçus

 

Rive gauche :

 Airon à Saint-Hilaire-du-Harcouët

 Lair à Saint-Laurent-de-Terregatte

 Beuvron à Saint-Aubin-de-Terregatte

 

Rive droite

 Cance à Notre-Dame-du-Touchet

 Gueuche à Milly

 Argonce à Parigny

 Oir à Ducey

 
 Caractéristiques

 Longueur

91,4 km

 Bassin

1038 km2

 Bassin collecteur

Bassin de la Sélune

 Débit moyen

11 m3s-1

 Régime

Pluvial océanique

 Source

La Luardière

Saint-Cyr-du-Bailleul

 Altitude

180 m

 Embouchure

La Manche

Baie du mont Saint-Michel

 
 
         
 

Pêche

 

La Sélune est une rivière riche en saumons, classée par les pêcheurs en première catégorie. Elle est également peuplée de truites de mer, de truites fario ou arc-en-ciel, de brochets, de tanches, de gardons, de sandres, de perches et de carpes.

 

Histoire

 

Ce fleuve eut provisoirement le statut de frontière entre la Bretagne et la Normandie entre 933 et 1009. À cette date, la frontière fut déplacée de quelques kilomètres vers le sud-ouest, jusqu'au Couesnon.

 

Barrages hydroélectriques

 
     
 

Deux barrages hydroélectriques ont été construits sur la Sélune dans la première moitié du XXe siècle : le barrage de la Roche-qui-boit et le barrage de Vezins.Ces deux barrages arrivent bientôt en fin de concession. Trois options sont alors envisageables : continuité de la production d'énergie hydroélectrique telle qu'elle se fait ; arrêt de la production d'énergie hydroélectrique et maintien des barrages pour préserver les deux lacs artificiels ; destruction et remise en état d'avant construction des barrages du fleuve.

 


 
         
 

Le 13 novembre 2009, l'État décide de ne pas reconduire la concession au bénéfice d'EDF et d'effacer les deux barrages de Vezins et la Roche-Qui-Boit.

 
         
   
  COUR D' EAU DE LA MANCHE
   
  BARAGE DE VEZIN
         
 

Photo prise par Christophe Jacquet le14 mars 2005.

 
         
 

Ce barrage, construit sur la limite des communes de Vezins (associée à Isigny-le-Buat) et de Saint-Laurent-de-Terregatte, est à voûtes multiples, avec des contreforts en béton armé et mesure 36 mètres de haut et 278 de long. Il est huit fois plus puissant que celui de la Roche-qui-boit. Il a été construit de 1929 à 1932 par la Société des forces motrices de la Sélune.

 

Les ingénieurs étaient Louis Pelnard-Considère et Albert Caquot.

 

Son lac de retenue fait 19 km de long, pour un volume de 19 hm³ et une superficie de 72 ha.

 

Durant la Seconde Guerre mondiale, le barrage de Vezins servait à alimenter l'arsenal de Cherbourg ainsi que le mur de l'Atlantique. Un sabotage détruisit deux transformateurs, ce qui retarda la construction d'une partie de ces fortifications.De nos jours, une base de loisirs est installée au bord du lac : la base de loisirs de la Mazure. On y pratique la pêche, le kayak, l'aviron, le canotage, etc.

 

Vers sa suppression 

 

Le 13 novembre 2009, Chantal Jouanno, secrétaire d'État à l'Écologie, annonce à Lisieux (Calvados) la suppression des barrages de Vezins et de La Roche-qui-boit, dans le cadre d'un « plan d'action national pour la restauration de la continuité écologique des cours d'eau ». Elle indique qu'elle a demandé au préfet de la Manche d'« engager des opérations d'effacement des deux barrages et d'établir avec les acteurs locaux un plan d'accompagnement technique et financier des collectivités impactées ». Pour la secrétaire d'État, le barrage de Vezins présente « une impossibilité d'aménagement pour la montaison et la dévalaison des poissons migrateurs, en particulier des saumons, alors que la rivière la Sélune est classée en ce sens ».

 

Une opposition s'organise rapidement contre ce projet, d'un coût estimé « à 170 millions d'euros », qui menacerait « 800 emplois directs ou induits ».

 

En février 2012, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'Écologie, confirme aux élus que les barrages sur la Sélune seront bien détruits. Elle précise que les opérations d'accompagnement seront mis en œuvre entre 2013 et 2015 et que les opérations de vidage, de gestion des boues et d'arasement s'étaleront de 2015 à 2018.

 

Le 4 décembre 2014, à Isigny-le-Buat, Ségolène Royal, ministre de l'Ecologiste du Développement durable, rencontre les opposants à la destruction.

 
     
 

Sans remettre en cause la décision de Chantal Jouanno, elle trouve « chers » les « 38 millions d'euros » prévus pour l'arasement, auxquels doivent s'ajouter « 15 millions » pour la restauration du site et annonce qu'elle va lancer de nouvelles étude

 

L'association des Amis du barrage organisent une consultation auprès de la population locale : 98,9 % des votes sont en faveur du maintien du barrage, alors qu'une enquête publique effectuée à l'automne 2014 n'annonçait que 47 % de votes favorables.