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La dénaturation des vallées
L’hydrographie originelle de ces vallées besogneuses s’avère ainsi d’autant plus difficile à reconnaître, en dépit des efforts en la matière des ingénieurs du XIXe siècle, qu’une part importante des places de moulins semble investie de très longue date, suggérant même qu’à l’exception de créations motivées par les défrichements tardifs de landes et de forêts, la libéralisation révolutionnaire du droit de mouture ou encore la constitution de fermes modèles [7], la majorité du potentiel hydraulique local dut être précocement exploitée. En témoigne l’ample prédominance des reconversions sur les créations lors de l’industrialisation, parcimo-nieuse et éphémère, des vallées cotentinoises : une douzaine de filatures hydrauliques à coton ou à laine, un laminoir de zinc, quelques micro-centrales électriques et scieries mais surtout maintes minoteries et laiteries-fromageries naquirent de la mutation ou de la réunion d’an-ciens moulins à blé, à huile, à tan, à foulon, à papier ou de forge au prix récurrent de modifica-tions des ouvrages, amplifiées lors de la modernisation des moteurs énergétiques
En outre, réorganisations ou créations de châteaux [8] ont pu également apporter à l’hydro-graphie de nouvelles perturbations (fig. n°4) en même temps qu’elles ont pu soustraire au re-gard comme à l’ouïe le voisinage devenu vulgaire du moulin, auparavant solidaire du chef-lieu seigneurial. | ||||||||
Fig. 4 - Château et moulins du Pont-Rilly, Négreville. Plan de curage de la Gloire (détail). vers 1850. D.D.A.F. de la Manche. Phot. B. Canu, 2004 © D.D.A.F. de la Manche | ||||||||
L’exemple des moulins de Néhou
Dans les marais de Néhou, des clichés aériens couplés à des relevés topographiques réalisés en amont des cinq ateliers qu’y entraînaient les eaux de l’Ouve démontrent qu’aucun des trois bras du fleuve n’occupe véritablement le fond de vallée ; s’y devinent en revanche les reliques de méandres ainsi que celles de l’« étang », voire de l’aulnaie et du vivier associé aux cinq pêcheries voisines que citent les sources médiévales. Caduc depuis l’abandon de la place meunière qui, attestée dès le milieu du XIIe siècle, fut reconvertie en minoterie, en laiterie, puis en usine d’équarrissage, le barrage du bief majeur ne saurait toutefois être supprimé : la seule modification du clapet de son pertuis de décharge envisagée par l’Etat aboutirait à un abaissement des niveaux amont de près d’1,30 mètre, démontrant l’irréversibilité d’une dénaturation quasi millénaire, plusieurs fois aggravée. | ||||||||
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