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le havre de Saint-Germain-sur-Ay, Crédits photos : Vues aériennes Larrey&Roger |
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La côte des havres est le nom d'une partie de la côte occidentale du Cotentin s'étendant du cap de Carteret au nord jusqu'au cap de Granville au sud.
La côte ouest du Cotentin est caractérisée par la présence de plusieurs havres d’importance variable correspondant au débouché en mer des cours d’eau. Ces havres n’ont pas d’équivalent ailleurs sur le littoral français, ils sont donc typiques de la région (fig. 1).
Le terme havre provient du néerlandais « havene », signifiant « port ». Le dictionnaire nous dit qu’un havre serait « un petit port naturel ou artificiel, bien abrité et ordinairement situé à l’embouchure d’un fleuve ».
Huit havres sont présents:
L’existence d’un havre est due à la combinaison de plusieurs dispositions bien particulières (fig. 2) :
- tout d’abord une plage basse rectiligne bordée de dunes de hauteur moyenne, - puis une rivière au débit suffisant pour maintenir un passage à travers le cordon de dunes, - et enfin un courant marin côtier de direction constante.
Du point de vue géographique, les havres du Cotentin sont des étendues littorales basses constituant l’embouchure d’un ou plusieurs cours d’eau et qui sont régulièrement submergées par la marée. Un havre est protégé des courants marins côtiers par deux flèches sableuses dunaires séparées par une brèche, ouverture qui permet l’écoulement fluvial et le passage des courants demarée. (fig. 2) |
fig 1
1 Cours d’eau 2 Flèches sableuses dunaires 3 Brèche 4 Courants marins côtiers 5 Courants de marée 6 Écoulement fluvial
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fig. 2 : Schéma d’un havre typique. |
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La « vie » d’un havre.
Un havre « naît » lorsqu’un cours d’eau réussit à percer le cordon de dunes qui borde la côte.
Ainsi la mer peut, aux grandes marées, s’engouffrer sur de vastes étendues en arrière des dunes formant une sorte de marais maritime. Petit à petit, le cours d’eau et les courants de marée déposent dans le havre de petites particules de sable ou de vase qui s’accumulent. Les plantes peuvent alors coloniser les bancs de sable, d’abord sur les bordures du havre puis sur la totalité de sa surface. À la fin de sa « vie » un havre est colmaté (= bouché) par une accumulation de sable et de vase sur laquelle les plantes de prés salés se sont installées. |
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La végétation du havre.
Les particularités régionales de ces havres résident dans les successions typiques des communautés atlantiques de plantes adaptées aux milieux salés, allant des zones peu végétalisées des vasières (ou slikke) jusqu'au haut schorre (sommet de l'herbu) à plus faible influence saline. Lieux de très haute productivité végétale, ils assurent les bases nutritionnelles des réseaux alimentaires littoraux tant continentaux que maritimes.
Les havres présentent un obstacle au déplacement des sables sous l'effet des vents dominants : leur dépôt s'effectue sous la forme de pointes ou de flèches sableuses. Celles-ci sont alors rapidement colonisées par les formations végétales typiques des milieux dunaires depuis les dunes embryonnaires jusqu'aux dunes fixées.
Sur la slikke (vasière), les plantes caractéristiques sont la salicorne, la soude maritime et la spartine. En revanche, se développent sur le schorre (pré-salé) la puccinellie maritime, l'arroche pourpière, l'obione, l'aster, la fétuque, le plaintain maritime, etc...
Les havres ont une qualité paysagère originale et des formes de vie qui leur confèrent une valeur écologique et biologique particulière. La quasi totalité de leur superficie abrite des milieux naturels visés par la directive Habitats : prés salés atlantiques, végétations annuelles à salicornes, zones à spartine et bancs de sable à faible couverture permanente d'eau marine. |
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Le peuplement végétal des herbus | ||||||||||
Slikke
La slikke correspond aux zones immergées deux fois par jour lors de chaque marée. Ce milieu, à la salinité élevée et à la surface en apparence désertique, cache une vie intense à l'intérieur des sédiments avec une grande quantité de macro-invertébrés.
La basse-slikke, gorgée d’eau, accueille des plantes phanérogames rare (réduite aux zostères).
La haute-slikke est, elle, couverte de salicornes et de spartines (graminées dures résistantes au sel).
Schorre
Le schorre, situé a un niveau plus élevé que la slikke, constitue ce que l'on appelle plus couramment les prés salés. |
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Ils sont submergés uniquement lors des grandes marées et des tempêtes. Les conditions moins drastiques qui y règnent entraînent une diversification de la végétation.
Dans la partie inférieure du schorre, de nombreuses espèces spécifiques de la haute slikke sont encore présentes accompagnées de glycérie et d'aster maritimes.
Le moyen schorre se caractérise par le développement de l'obione faux-pourpier, sous-arbrisseau à feuilles persistantes.
Le haut schorre héberge une flore plus diverse : statice maritime (lavande de mer), plantain maritime, aster et glycérie maritimes. La faune y est également plus variée avec des crustacés et des insectes (coléoptères, diptères, collemboles').
Les plantes
La spartine maritime :
Spartina maritima, est une plante de la famille des Poaceae. Elle constitue une espèce pionnière qui contribue à fixer la vase. En France, elle est concurren-cée par une espèce invasive Spartina ×townsendi.
La salicorne :
Il s'agit de plantes annuelles, basses, charnues, qui croissent sur des sols riches en sel marin (chlorure de sodium). Elles sont constituées de rameaux cylindriques qui semblent articulés et sont terminés par un épi fertile. Les feuilles sont réduites à des gaines opposées deux à deux.
L'une d'elles, Salicornia europaea L. est présente dans les zones tempérées de tous les continents. Haute d'environ 20 cm, elle est répandue en France sur toutes les côtes maritimes et en Lorraine dans les marais salés (Dieuze, Morhange...). Ses pousses tendres sont comestibles.
Confites dans du vinaigre, elles sont consommées comme hors d'œuvre, ou bien en omelette ou dans les salades. On peut aussi les préparer comme des haricots verts.
On s'en sert encore aujourd'hui pour produire de la soude végétale, qui était autrefois utilisée pour la fabrication du savon et qui entre encore aujourd'hui dans la composition du savon d'Alep. La soude servant à la production de verre, provenait de la combustion de la salicorne. Aussi, au 14e siècle, on raconte que les verriers déplaçaient leurs ateliers en fonction des zones de pousse de cette plante herbacée si étroitement liée à leur métier.
L’obione :
L'obionne est un genre d'arbrisseaux halophyte formant des touffes compactes et fleurissant en été, de fleurs jaunâtres. Il colonise les vases des prés salés.
Ce genre a deux synonymes qui lui sont préférés:
- Halimione - Atriplex
Soude maritime :
(Suaeda maritima) est un petite plante comestible de Méditerranée, Atlantique et Manche. Elle vit uniquement sur des sols salés du littoral.
Elle est parfois consommée sous forme de condiments en salade.
Historiquement, de ses cendres était autrefois extraite de la soude utilisée artisanalement dans la fabrication du verre ou de la lessive.
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La spartine maritime |
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La salicorne |
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L’obione |
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Soude maritime |
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Rôle des plantes dans la « vie » d’un havre | ||||||||||
1 le ralentissement du vent et des courants marins. 2 le dépôt des particules en suspension. 3 la stabilisation du sable. |
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La faune
Les havres sont également le refuge pour des espèces animales d'intérêt communautaire. Le phoque veau-marin, qui fréquente les côtes sableuses, est occasionnellement présent dans les estuaires. Le phoque gris, typique des côtes rocheuses, est plus rare. Le saumon atlantique, poisson migrateur, remonte les rivières comme la Sienne pour se reproduire.
Lorsque les havres sont en eau à marée haute et même à marée basse dans certains chenaux, les oiseaux plongeurs, le plus souvent piscivores, sont observés. Cependant, les espèces les plus fréquentes sont le grèbe huppé, le grèbe castagneux, le grand cormoran, le héron cendré, l'aigrette garzette, le harle huppé et les laridés (mouette pygmée et sternes). La marée basse permet aux limicoles (pluvier argenté, grand gravelot, bécasseau variable, courlis cendré et barge rousse... ), aux goélands et aux tadornes de Belon de se nourrir sur les vasières.
La bernache cravant, le grand gravelot, le tournepierre à collier et l'huîtrier-pie sont des espèces qui hivernent dans les havres.
Le canard colvert et la sarcelle d'hiver sont bien représentés sur le havre de Geffosses du fait de son classement et de son aménagement en réserve de chasse maritime et de la présence d'un plan d'eau permanent.
Nombreux sont les petits bars venant chasser dans les havres. |
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Le bec de chaque oiseau est adapté à sa nourriture…
Que mangent ces oiseaux ? |
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Le courlis cendré (B) a un bec fin, pointu et très long, il peut ainsi manger l’arénicole (7) située en profondeur. Le tournepierre à collier (E) retourne les pierres pour trouver le crabe (2). Le grand gravelot (F) a le bec le plus court et mange les hydrobies (4) à la surface du sable. Le goéland argenté (C) n’est pas difficile et peut se nourrir de charognes (6). L’huîtrier pie (G) avec son bec pointu assez long peut atteindre la scrobiculaire (5) dans la vase. Le bécasseau maubèche (D) avec son bec assez court mais robuste est capable d’ouvrir une coque (1). Le chevalier gambette (A) avec son bec plus fin se contente de la telline de la Baltique (3).
Histoire et pratiques
Dans tous les havres de la côte ouest, la superficie des herbus s'étend d'année en année. Ce processus naturel a longtemps été freiné par l'exploitation artisanale mais généralisée de la tangue pour amender les terres agricoles. La cessation de cette activité a favorisé la reprise du schorre, d'autant plus que les pratiques modernes liées à la maïsiculture et à l'urbanisation sont génératrices d'érosion superficielle des sols. De plus, les rivières transportent davantage de sédiments provenant de l'amont. Le développement de la spartine, plante pionnière, n'a pu que favoriser l'avancée des herbus au détriment de la slikke.
Les havres de la Vanlée, de Regnéville et de Saintt Germain sur Ay sont des zones estuariennes propices au développement d'une activité conchylicole. La pêche au mulet y est également pratiquée. Des gabions sont présents sur le schorre. Des moutons de pré-salé paissent également sur cette zone, et le havre de Surville, ce qui participe à la qualité paysagère du site.
Le havre de la Vanlée a fait l'objet d'aménagements conséquents ayant entraîné la poldérisation du fond du havre, qui contribue au comblement plus rapide de la partie nord. Sur le havre de Saint-Germain sur Ay, le recul de la dune menace à court terme quelques habitations légères.
La situation abritée du havre de Saint Germain sur Ay a fait naître dès 1982 un projet consistant en la création d'un port d'échouage à la pointe sud-est, le long de la rive concave du havre. Celui-ci est sur le point de voir le jour.
Les différentes activités humaines s'exerçant sur les havres et leurs pourtours, tel le maraîchage, le pâturage (bovin, équin et ovin), la chasse, l'urbanisation et la fréquentation touristique ont des conséquences importantes sur le milieu naturel (pollution, érosion, dégradation du haut schorre et du haut de plage par surpiétinement). D'autres pratiques peuvent en revanche concourir au maintien des habitats dans la mesure où elles n’exercent pas une pression trop forte sur le milieu. |
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La gestion
Les nombreuses actions du Conservatoire du littoral et de ses partenaires contribuent très largement à atteindre les objectifs de préservation recherchés : programmes d'acquisition importants, mise en place de servitudes, réalisation de plans de gestion et constitution de comités de gestion. Ces comités sont composés de tous les partenaires concernés par les sites (communes, Syndicat Mixte départemental, usagers, érudits locaux, associations). Ils se réunissent régulièrement et permettent ainsi de mener une réflexion sur les aménagements nécessaires et l'organisation des différents usages sur les sites. Les havres de la côte ouest du Cotentin sont en outre concernés par l'annexe II de la directive Habitats et disposeront d'outils de protection supplémentaire, au titre de Natura 2000. De plus, il est important de noter que les havres de Saint Germain sur Ay, de Regnéville et de la Vanlée sont des sites classés au titre de la loi du 2 mai 1930.
Le Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement (CPIE) de Lessay développe des actions de sensibilisation et de découverte sur le havre de Saint-Germain sur Ay.
Aujourd'hui, le Conservatoire du littoral est propriétaire de 8 hectares sur le havre de la Vanlée, 212 sur le havre de Surville, 195 sur le havre de Saint Germain sur Ay, dont 90 en servitude de protection et 12 en servitude de protection sur le havre de Geffosses. |
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