LES GRANDES PECHES

   
 

LA PECHE MORUTIERE

LA BOETTE

         
 

LA PECHE A LA MORUE

 Par

M. BRONKHORST 1927

 

LA BOETTE 

 

Nous abordons maintenant la question capitale, celle d'où dépend souvent le sort de la campagne. Que l'appât tasse défaut au début ou au cours de la saison de pêche, et voilà son rendement gravement compromis. C'est ce qu'escomptaient les habitants de Terre-Neuve qui, en 1880,   croyaient bien ruiner notre industrie, lorsque le Bail bill vint défendre d'exporter de Terre-Neuve, la boette nécessaire à la pêche de la morue ; nous verrons par la suite, comment leur calcul fut déjoué. Malgré sa voracité légendaire, la morue se montre assez capricieuse, elle montre un goût prononcé pour certains appâts, alors qu'elle dédaigne les autres — et, encore ces appâts préférés, faut-il les varier périodiquement — elle est d'autant plus capricieuse que la nourriture est plus abondante. M. Rallier du Baty remarque qu'en général, «il ne faut pas lui offrir une boette dont elle est déjà gavée, ni lui offrir non plus, dans un endroit donné, une boette qui n'existe jamais à cet endroit».

 
 
         
 

On peut, cependant, poser ce principe que les boettes fraîches, quelles qu'elles soient, donnent, en général, des résultats supérieurs à ceux des boettes conservées et que, parmi ces dernières, le poisson gelé, paraît préférable comme appât au poisson salé.

 

Les appâts les plus couramment employés par nos pêcheurs sont : le hareng, le capelan, l'encornet et le bulot ; ils boël tent également parfois, avec le pitot, sorte de grosse moule à chair rosée ; on a vu également employer, avec plus ou moins de succès la pieuvre salée, le maquereau, le chien de mer frais ou salé, l'éperlan, les entrailles de morue, les coques el les moules salées, et même accidentellement la chair de certains oiseaux de mer.

 
         
 

1° Le Hareng

 

Le hareng, appât préféré, des pêcheurs du French Shore, n'est plus guère employé qu'en première pêche (avril à juin), que par les warys de Saint-Pierre - Miquelon. Les banquais n'en font presque plus usage, soit qu'ils préfèrent le bulot, soit qu'ils soient rebutés par le prix élevé de cette boette et les difficultés de s'en procurer.

 

Le hareng frais n'est pratiquement jamais employé sur les bancs. 

 

 
 
         
 

Quant au hareng congelé, on ne peut songer à l'emporter de France, la traversée étant beaucoup trop longue, et les essais d'installations frigorifiques entrepris n'ayant pas donné des résultats satisfaisants. Les goélettes de Saint-Pierre s'en approvisionnaient sur la côte américaine, et le conservaient une douzaine de jours dans leurs parcs ; les métropolitains, les Fécampois, surtout, préfèrent encore le liareng salé, malgré la supériorité reconnue de l'appât congelé ; ils ne l'utilisent, surtout que pour prendre les premières morues dont les têtes leur servent à amorcer leurs chaudrettes à bulot ; parfois le hareng salé ne sert même qu'à ce dernier usage. Les Canadiens et les Américains utilisent avec le plus grand succès le hareng glacé tout frais qui, dépensé à profusion, l'ait lever la morue, comme la rogue le fait pour la pêche à la sardine (observations et remarques faites par le commandant Hunot du chalutier Joseph Vanderualle (P. M. du 13 février 1927).

 
         
 

2° Le Capelan

 

C'est un petit poisson de la famille des salmonidés (et non pas de. Celle des gadidés, ainsi qu'on l'a fréquemment écrit). Comme beaucoup de salmonidés, il présente cette particularité de rechercher pour pondre, les eaux douces ou très peu salées. Vers la mi-juin, avec une régularité qui ne s'est que très rarement démentie, le capelan, en bancs considérables, se précipite pour venir déposer ses oeufs dans toutes les baies et vers tous les rivages, et, en particulier dans les anses des îles Saint-Pierre et Miquelon.

 

Capelan

 
         
 

A cette époque, le flot déferle sur le rivage, apportant avec lui de telles quantités de poissons, que la mer en perd sa teinte verte, pour prendre une couleur laiteuse, et se retire, laissant sur la plage des myriades de capelans. Ce capelan demeuré sur le rivage ne constitue qu'un appât médiocre et même mauvais, aussi les pêcheurs le ramassent-ils dans la lame, avec une épuise Ile. On en pêche à la senne des quantités énormes. C'est cet engin que l'on emploie lorsqu'il s'agit de boëetter un navire pêcheur.

 

Le capelan qui constituait la boette de seconde pêche quand les morutiers allaient à Saint-Pierre porter leur morue de première pêche (juin à juillet), n'est plus en faveur auprès de nos pêcheurs qui estiment que lorsqu'ils n'ont pas de motifs sérieux pour se rendre à Saint-Pierre — et nous verrons que beaucoup d'entre eux n'y vont plus débarquer leur première pêche — cet appât ne vaut pas le voyage. Quand ils s'en procurent, ils Je conservent frais ou le salent. D'ailleurs, les fluctuations de prix du capelan et de sa date d'arrivée entraînent de forts aléas de pertes de temps et d'argent ; ils restent donc sur les bancs, péchant au bulot jusqu'à l'apparition de l'encornet.

 

Rappelons qu'au moment du passage du capelan sur les bancs, la morue gavée ne mord plus aux lignes, et qu'il faut avoir recours au mode de pêche dit à la faux.

 

Fin 1924, quelques voiliers ont fait avec du capelan congelé, acheté au frigorifique de Saint-Pierre, un essai qui n'a pas donné de bons résultats.

 
         
 

3° L'Encornet

 

L'encornet, céphalopode de moyenne taille qui dépasse rarement Om.40, constitue la boette préférée de la morue. Il apparaît, en juillet, sur le grand banc, nageant par bandes serrées ou piolles ; il reste sur les lieux de  pêche jusqu'en septembre, mais au cours de cette période, il lui arrive de disparaître subitement plusieurs fois; en général, ces éclipses sont d'ailleurs de courte durée. L'encornet vient du sud, il s'en suit que plus un banc est situé au sud, plus tôt il reçoit sa visite ; on le trouve parfois, des la mi-mai, sur'le banc cle l'île de Sable, que ne fréquentent pas d'ailleurs nos voiliers.

 

Il semble vivre de préférence dans les eaux superficielles dont la température ne descend pas au-dessous de 6°, avec une préférence marquée pour les eaux à 8°. Aussi fait-il complètement défaut, dans les années froides.

 

La date de son arrivée et la durée de son séjour sur les bancs dépendent de la plus grande précocité ou de l'ampleur du réchauffement estival.

 
 
         
 

On le pêche en doris, surtout au lever el au coucher du soleil, à l'aide d'un instrument dénommé lurlulle, sorte de bobine en plomb, de? à 8 centimètres, peinte en rouge, et munie, à sa partie inférieure, d'une couronne d'hameçons

 

Le pêcheur laisse descendre sa turlutte à l'eau, la relève et la plonge de nouveau, d'un mouvement vertical, ininterrompu. Attirés par l'éclat de la turlutte, les encornets se précipitent dessus et s'accrochent aux hameçons ; il n'est pas rare d'en capturer plusieurs à la fois, et cela sans arrêt. Quand l'animal est hors de l'eau, il faut le décrocher d'une forte secousse et le faire tomber dans le fond du doris, sous peine de recevoir en plein visage, le jet de liquide noirâtre et corrosif qu'il projette quand il est attaqué.

 

Ce liquide use également l'épiderme des marins, entraînant des crevasses et coupures, aussi est-il recommandé aux pêcheurs d'employer, pour boëtter leurs lignes une fourchette formée de deux hameçons, redressés et fixés par un bout de bois, afin d'éviter de toucher l'encornet. De grandes précautions sont également à recommander pour l'enlèvement des vieilles boettes.

 

En 1908, la Société du frigorifique avait établi sur le littoral de Saint- Pierre une trappe à boëtter, destinée à la capture de ce mollusque. L'expérience ne semble pas avoir été renouvelée (Le Commandant Rallier du Baty préconise l'essai, à bord des voiliers, de chaluts légers à panneaux, remorqués entre deux eavix a la profondeur voulue, car le chalut ramène souvent de très grandes quantités d'encornets. L'épervier et le eanelet que l'on peut manœuvrer d'un navire au mouillage, pourraient être également employés pour cette pêche avec quelque succès. ).

 

En outre, de la préférence que lui témoigne la morue, et qui l'a toujours fait réputer supérieur à toutes les autres boettes, l'encornet présente encore cet avantage que sa chair est assez tenace pour rester à l'hameçon quand on décroche la morue ; la même boette sert ainsi, 2 et 3 fois. Toutefois, il convient moins sur le Platier où il attire sur les lignes : mer que dans les autres parages de pêche.

 

Au début de la pêche, les voiliers métropolitains se servent parfois d'encornet salé, restant de la campagne précédente, mais sa valeur péchante est loin de valoir celle de l'encornet frais ; cette boette ne conviendrait qu'à la morue de piolle (ou de migration) et non à la morue de tache (morue fixée) ; d'autre part, les essais d'encornet congelé, tentés par la Société du frigorifique de Saint-Pierre n'ont pas donné de résultats satisfaisants. Les banquais n'ont pas d'installations leur permettant de conserver la boette congelée. Quand aux petits pêcheurs, ils n'en veulent pas. prétendant qu'elle présente l'aspect de charpie, et qu'il est impossible de la faire tenir sur les hameçons.

 

Des essais de conservation de l'encornet soit par une mixture gélatineuse, soit par compression, ont été également tentés ; ils n'ont pas donne de résultats satisfaisants.

 
     
 

Le Bulot


Lorsqu'en 1886, fut promulgué le Bail ad, un grand émoi se manifesta chez nos armateurs morutiers. Privés du hareng qui leur était indispensable pour boëtter les lignes en première pêche, c'était leur industrie sinon ruinée, du moins compromise gravement par suite de l'obligation dans laquelle ils allaient se trouver de retarder de longs mois l'ouverture de la campagne. .

 
 
     
 

Aucun n'était équipé pour capturer lui-même les harengs qui abondaient, cependant, le long du French Shore, et, d'ailleurs, la pêche de ce poisson leur eut occasionné des frais énormes, et leur eut fait perdre un temps considérable. Seuls, les voiliers concessionnaires de places sur les côtes est et ouest de Terre-Neuve, de moins en moins nombreux d'ailleurs, péchaient eux-mêmes leurs boettes

 

C'est alors que Ies Fécampois, qui restaient sur les bancs pendant toute la campagne, eurent l'idée d'employer pour boëtter leurs lignes, un gros bigorneau, le bulol ou grand vignot," connu également sous le nom de coucou. Le résultat dépassa les espérances, et, actuellement, le bulot est, généralement employé par tous les hanquais qui le. prisent à l'égal de l'encornet, et vont même jusqu'à le lui préférer.

 

Le bulot mollusque gastéropode, est le buccin 'onde — burcinum undutum de Linné — que l'on rencontre d'ailleurs, en grande abondance sur les côtes bretonnes et normandes, comme sur celles de l'Amérique du Nord et de l'Irlande. En hiver, on les trouve par groupes autour d'une sorte de grosse éponge, jaune clair, qui n'est autre que leur ponte, ou bien agglomérés sur un squelette de poisson.

 

Malgré la grande consommation qu'en font les pêcheurs et les morues elles-mêmes, il ne semble pas que la race soit menacée de destruction. Le bulot est, en effet, extrêmement prolifique, et comme la plupart des mollusques, il lui suffit d'un an pour arriver à l'âge adulte, une diminution n'est donc pas à craindre sur une aussi vaste étendue que celle du grand banc (20 milliards de métrés carrés).

 

Comme l'a dit si justement, M. Le Danois, directeur de l'Office des Pêches, la question du bulot, surtout au début de la saison de pêche, avant l'apparition de l'encornet est la grande question du banc. L'idéal du patron pêcheur est de mouiller sur une tache de bulot,car la pêche est subordonnée à la rencontre de ce fond.

 

D'une manière générale, le bulot est plus répandu sur le grand banc et le banquereau que sur le banc à Vert. On n'en trouve pas sur le banc de Scatari ; enfin sur le banc de Saint-Pierre, les coquillages sont très gros, mais rares.

 
     
 
 
         
 

M. Le Danois et le commandant Douguct de la Ville d'Ys ont réussi à dresser une carte des emplacements de bulots sur le grand banc. D'après les renseignements puisés aux meilleures sources, il y aurait trois groupes principaux de taches de bulots : l'une couvrirait presque tout le Platier, surtout dans sa partie Nord, et s'étendrait jusqu'aux abords du Fer à Cheval ;' une autre irait du 45° N. au 44° N. un peu dans l'ouest, suivant un axe correspondant au 50° 40 W.-O. (53° V. Paris). Enfin, une troisième tache, plus petite, serait localisée par 46° 20 N. et 49° 40 W. g.

 

On n'en trouve donc que peu dans le Nord, et pas du tout dans l'Est du banc. Il se rencontre, principalement, par fonds durs, roches ou cailloux, gros graviers et coquillages appelés « dents de cheval ».

 

Sur le banquereau, le bulot est assez répandu sur les fonds de sable et de vase, mais on a remarqué que le buccin des fonds de sable est petit, rouge, et de mauvaise qualité.

 

D'ailleurs, il ressort en fait, des observations de M. Le Danois que ce n'est pas la tache de bulots, qui détermine le mouillage des morutiers, mais le mouillage du morutier qui détermine la tache de bulots. Ces gastéropodes, se déplacent en effet, avec la plus grande facilité, et doués d'un odorat extraordinaire, ils repèrent à des distances considérables, toutes les pourritures et viennent s'en repaître. Le voisinage des bâtiments pêcheurs, jetant à la mer des détritus de morues, ne peut donc manquer de les attirer, ils arrivent en troupe et forment une tache. On cite le cas d'un voilier qui, sans changer de mouillage, et pendant 99 jours en a pris 50.000 par jour, dans un cercle restreint.

 

Les 3 grandes taches du banc, coïncident à peu près exactement avec les emplacements habituels de mouillage ; il s'en suit que si les navires changeaient de lieu de pêche, les taches disparaîtraient ou tout au moins, émigreraient, peut-être, également.

 

Pour prendre ce précieux coquillage, les pêcheurs tablent, justement, sur ce goût qu'il professe pour la viande ou le poisson pourris. Les banquais métropolitains s'approvisionnent en quittant la France d'une petite quantité de viande de cheval salée ou de hareng salé, qui leur sert à garnir les chaudrettes en arrivant sur le Platier ; cet appât est remplacé dès que possible, par les têtes des morues elles-mêmes.

 

Les chaudrettes sorte de balances, sont de petits filets coniques, coaltarés d'environ 0 m. 60 de profondeur, que l'on tend sur un cercle de fer galvanisé de 45 à 50 centimètres de diamètre.; l'appât est fixé au centre d'une aiguillette tendue en diamètre du cercle de montage.

 
     
 

Dessin d'une chaudrette à bulots (Jean Le Bot)

 
     
 

Ces chaudrettes sont amarrées de 5 brasses en 5 brasses, au moyen de filins ou « greffes •» de 1 mètre de long, sur des orins, dits « orins de chaudrettes » qui ont une longueur de 116 à 133 mètres et une section de 7 à 9 millimètres de diamètre. Chaque do ris reçoit 5 orins portant chacun 10 à 12 chaudrettes. L'ensemble constitue son tentil de casier qu'il va mouiller par des fonds de 40 à 60 mètres. Les tentils sont maintenus sur le fond, par de petites ancres ou grappins reliés par des orins à des bouées flottantes. Il faut soigneusement éviter de les tendre courant debout, car le courant entraînerait les chaudrettes et les amènerait sur le fond, en paquet ou brouillon.

 

On les relève au bout de 3 ou 4 heures. On peut également les laisser mouillées toute la nuit. Le courant entraîne les bu lots dans le fond du filet. Toutefois, la capture de cette boette exige beaucoup de temps et de personnel ; le quart des doris est en général affecté en permanence à cette pêche, si le navire mouille sur une tache ; ces doris sont dits doris bulotiers et la rémunération des hommes qui les montent fait l'objet de dispositions spéciales du contrat d'engagement.

 

Toutefois, comme il n'existe pas uniformément sur les bancs, certains capitaines préfèrent ne passer que 3 ou 4 jours sur une bonne tache, employer tous leurs doris à se procurer l'appât nécessaire pour 15 ou 20 marées, puis appareiller pour des fonds plus propices à la pêche à la morue. C'est ce que l'on appelle « faire les paumoyages » ; ce mode de pêche ne peut s'effectuer qu'au début de la campagne, car dès qu'arrivent les ehaleurs, le bulot ne peut se conserver assez longtemps (12), mais à ce moment, apparaît, en général, l'encornet. Toutefois, les voiliers de la Société Terreneuvienne qui étaient munis d'un frigorifique s'en servaient pour conserver le bulot.- Nous avons vu précédemment que les chalutiers avaient pris l'habitude de conserver pour le revendre aux pêcheurs, le bulot qu'ils ramènent dans leurs chaluts. Ce ravitaillement permet parfois aux voiliers d'éviter précisément d'abandonner les lieux de pêche pour aller renouveler leur provision d'appât. Aussi est-il toujours bien accueilli Pendant les mauvais temps ou lorsque les courants sont forts, le bulot s'ensable et l'on ne peut plus en capturer qu'une petite quantité. Pour boëtter les lignes, il est indispensable de briser la coquille qui est très résistante. Cette opération se fait en principe à l'aide d'un maillet de bois, procédé long et dangereux, en raison des éclats qui peuvent atteindre les pêcheurs.

 

Pour obvier à ces inconvénients on avait essayé sur plusieurs métropolitains, des concasseurs formés de deux cylindres en bois, recouverts de dents métalliques et mus par uns manivelle. La coquille écrasée par les dents de fer, l'animal tombait dans une baille pleine d'eau où il se débarrassait des éclats de coquilles, mais par suite des très grandes différences de grosseur des bulots, les uns restaient intacts, les autres étaient mis en bouillie, et impropres à boëtter les lignes. Il serait avantageux que ces essais soient repris en perfectionnant les concasseurs par l'adjonction de trieurs.

 

Actuellement, le procédé le plus communément employé consisle à briser la coquille à coups de bottes ou de sabots, procédé empirique, s:il en fut, et dont les inconvénients sont multiples. Les coquilles et les débris jonchent le pont qui n'est que trop rarement nettoyé, aussi est-il bientôt recouvert d'une couche de coquilles brisées, aux arrêtes aiguës qui l'endommagent si rapidement que l'on a vu des bateaux neufs, par ailleurs bien tenus, dont les ponts devaient être remplacés. En même temps, des débris décomposés, s'exhale une odeur insupportable ; ils sont écrasés et disséminés par tout le navire par les bottes des pêcheurs, et on peut leur attribuer certainement l'éclosion de germes morbides ayant entraîné ou favorisé la production d'épidémies sur beaucoup de banquais. Un autre inconvénient résultant de l'emploi du bulot, réside également dans sa coquille coupante qui blesse continuellement les pêcheurs et est l'origine de nombreux panaris, plus ou moins bien soignés qui aboutissent trop souvent à des amputations de doigts. De même encore, la bave qui le recouvre et englue les doigts occasionne-t-elle de fréquentes piqûres lors du boëttage des hameçons

 
     
 
 
     
 

La Grande Coque

 

La grande coque de mer ou my a arenaria est un bivalve à tissu ferme, tenant à l'hameçon et plaisant à la morue. Les Américains et les Portugais le préfèrent à tout autre appât et le conservent légèrement salé. Nos pêcheurs ne l'emploient pas, car la recherche de ce coquillage. qui se tient dans la vase, à une certaine profondeur, est longue et peu productive. Les petits pêcheurs de Saint-Pierre peuvent 'seuls en user avec avantage.

 

Le Pitot

 

Le pitot (cyrlodaria siliqua) est une sorte de grosse moule rose, qui semble constituer encore la nourriture préférée de la morue. Nos pêcheurs connaissent bien et utilisent avec succès ceux qu'ils trouvent, à demi digérés, clans l'estomac des morues, mais ils ne savent pas comment les récolter. M. Le Danois préconise, pour ce faire, l'emploi d'une petite drague légère, traînée par un doris .

 

7° Le Colimaçon


Le colimaçon ou escargot de mer, des pêcheurs est un gastéropode tout comme le bulot, mais beaucoup plus rare. La morue le préfère encore à ce dernier. On n'en trouve que très rarement sur le grand banc et le banc de Saint-Pierre, mais il est abondant sur le Middle Ground et le banc de l'Ile de Sable. On en a également repéré une tache sur le banquereau par 44° 39' de latitude nord et 57° 46' de longitude ouest.

 

Autres genres de boettes

 

On tenta aussi, mais sans succès, d'employer comme appât un petit crabe que l'on trouvait en abondance dans l'estomac des morues, mais la chair, trop fine de ce crustacé, ne tenait pas à l'hameçon. Un essai de pieuvre salée, fut également entrepris en 1907, par une goélette de Cancale, il fut désastreux ; pas une morue ne fut prise avec cette boette. Cette question de la boette ne semble pas beaucoup, nous le verrons, avoir la même importance pour les Islandais qui amorcent leurs lignes avec ce qu'ils ont sous la main ; elle ne paraît pas non plus capitale pour les Portugais, qui emploient toute l'année les coques salées que leur portent les goélettes américaines et gui s'en trouvent fort bien. Concluons donc, que la morue donne la préférence à l'appât frais sur l'appât conservé, et avons-nous vu, à l'appât congelé sur l'appât salé, quand elle a le choix, mais qu'elle se précipite avidement sur la boette salée quand elle n'a pas d'autre nourriture. Par ailleurs, quand elle est gavée, il ne reste plus que la ressource de la pêche à la faulx.