HISTOIRE DES METIERS
   
  L'Aubergiste
         
 

Halte devant une auberge, JEAN-LOUIS MEISSONIER 1815-1891

 
         
 

Par Marie-Odile Mergnac, Claire Lanaspre, Baptiste Bertrand et Max Déjean

Les métiers d’autrefois Archives et Culture. 

 

Extrait

 

Des vivres et un gîte "en sorte qu’on s’y regarde comme chez soi", telle est la vocation de l’auberge. Pour répondre au nombre croissant des voyageurs, les enseignes fleurissent, allant de l’auberge espagnole à l’hôtellerie plus raffinée. Et pour les plaisirs du palais, voici le restaurant… Le secours des vivres et du gîte

Sous le haut Moyen age, l’hébergement des passants est assuré par l’hospitalité privée ou les monastères. À partir du Xème siècle, l’animation des routes, due à l’essor du commerce et des transports, entraîne la création du métier d’aubergiste. Delamare écrit dans son Traité de la police : "Ce sont des lieux où l’on trouve, non seulement le secours des vivres, comme au cabaret, mais encore un gîte pour coucher et des écuries pour ses chevaux, en sorte qu’on s’y regarde comme chez soi, y trouvant toutes les mêmes commodités qu’en sa propre maison".


Les auberges sont a priori plus recommandables que les cabarets ou les tavernes car "il s’y trouve des assemblées par le concours des hôtes, elles sont pacifiques et non suspectes de débauche, chacun n’y pensant qu’à ses affaires ou aux sujets de son voyage". À voir...

 

À l’origine, l’auberge se distingue de l’hôtel. L’auberge donne surtout le vivre tandis que l’hôtel, maison meublée dotée des commodités du service, permet de manger mais aussi de dormir. C’est seulement au XVIIIème siècle que le mot "hôtel", du latin hospitales (chambre pour les hôtes), s’imposera sur le mot "auberge".

 

"Marchand de sommeil" à babord !

 

Pour trouver un établissement en arrivant dans une ville, il est courant, surtout pour les visiteurs étrangers d’un certain rang, d’avoir recours aux lettres de recommandation pour un particulier louant un meublé ou pour le tenancier d’un hôtel. Il est également d’usage de répondre aux offres des personnes disposant de chambres à louer, postées aux portes de la ville.


L’activité hôtelière se concentre essentiellement dans les villes. Pour reconnaître ces établissements de sommeil placés au sein des autres maisons d’habitation, l’enseigne signale l’auberge par des symboles faciles à identifier, où interviennent le folklore, la faune et la flore, le roman et l’héraldique... tels Le Faucon, L’Homme Sauvage, La Couronne, La Lune, Les Armes du Roi de France, La Croix Blanche ou encore le Cheval Blanc.

 

Les établissements, petits pour la plupart, se composent d’une pièce commune, abondamment éclairée, chauffée par une cheminée et parfois décorée, et de chambres. Ces dernières, sont en général modestes, mal chauffées et meublées au plus simple - en sus d’un ou plusieurs lits, un banc voire un coffre. Toutes les auberges ne reçoivent pas "à pied et à cheval". Certaines proposent des entrepôts pour que les marchands y déposent leurs ballots en garde.

 

À l’usage, les jugements sont bien contrastés. Certains se plaignent des "portes à courant d’air"et sans serrure, des lits de planches, des hôtes gourmands, des servantes impertinentes, des parasites entreprenants, et tutti quanti...

D’autres évoquent vin fruité, gibier grassouillet, note honnête, matelas de plumes à qui mieux mieux ! L’ensemble s’accorde sur la qualité culinaire. Lieu de convivialité et miroir de la société, l’hôtellerie en 1789 reste une activité marginale et ne trouve son véritable essor qu’au XIXème siècle, avec la naissance du tourisme et l’amélioration des transports.

 
     
 

Par Amédée Achard

Encyclopédie morale du XIXe siècle

publiée par L. Curmer  de 1840 à 1842

 

Extrait 

 

L’aubergiste est un personnage historique dont l’origine se perd dans la nuit des temps. Remontez aussi haut que vous le voudrez dans les annales du monde, et vous trouverez des aubergistes. Lorsque Esaü vendait à son frère Jacob son droit d’aînesse pour un plat de lentilles, Jacob faisait le métier d’aubergiste ; il donnait à manger à celui qui avait faim et en exigeait un salaire. Cependant, voici que l’industrie vient de déclarer la guerre aux aubergistes : les chemins de fer sont les ennemis-nés des auberges, et, partant, des aubergistes ; avec les chemins de fer, ainsi que l’a dit un spirituel écrivain, on ne voyage plus, on marche, et les aubergistes ne vivent pas de ceux qui marchent, mais de ceux qui s’arrêtent. Il y aura toujours des hôtels, mais des auberges ? C’est là la question, comme dirait Hamlet.