METIERS DE LA MER
   
  GOEMONIERS
         
 
 
         
 

Goémoniers

 

A marée basse, les goémoniers allaient en bateau sur les " basses rocheuses " des côtes de l’océan pour faucher les laminaires. L’un des hommes, couché à l’avant du bateau, promenait sur la " basse " une longue gaffe armée d’une faucille et, d’un coup sec, coupait les stipes des laminaires. Fauché, le goémon remontait en surface où il était recueilli avec des grappins. Au premier flot de la marée, la voile était mise en direction de la grève. Déchargé par les femmes et les enfants sur de grandes civières, le goémon était étalé et mis à sécher quelques jours, puis emmeulé sur une assise en pierres sèches où il achevait de s’essorer. Deux ou trois mois après, les goémoniers l’incinéraient dans des fours en plein air pour obtenir des pains de soude qui étaient utilisés par les verriers.

 

Les pigouliers se contentaient de récolter le goémon et le varech au courant du mois de mars, période au cours de laquelle les algues sont grasses et gluantes, pour l’étendre frais dans les champs comme engrais.

 

RECOLTE DU VARECH
La récolte du varech, "La Gazette du village", 1864


Le varech ou. goémon est une plante ou algue marine dont on se sert pour fertiliser les terres. La grande quantité de soude que contient cette plante lui donne une propriété fécondante très-énergique mais d'assez peu de durée; le fumier d'étable, qui agit moins vivement, fait sentir son effet bien plus longtemps.


Il faut attribuer à l'emploi du varech comme engrais l'extrême fertilité des côtes qui bordent une partie de la France; partout où il peut être employé, les terrains acquièrent une puissance végétative réellement prodigieuse: c'est grâce à cette algue que, sur les côtes de Roscof et de Plougaslel (en Bretagne), les artichauts, les choux fleurs et les asperges poussent en plein champ et fournissent, des récoltes abondantes, même dans une saison rigoureuse.

La coupe du varech a lieu à des époques fixes. Au jour convenu, on voit des populations entières accourir vers la grève, avec tous les moyens de transport, qu'elles on! pu se procurer chevaux bœufs, vaches, chiens, tous les animaux sont employés, tous les instruments sont mis en réquisition; on trouve au rendez-vous les femmes, les enfants, les vieillards; personne ne reste au logis ce jour- là; on dirait la récolte d'une manne céleste! Les réunions ainsi formées, s'élèvent dans certaines baies à vingt mille personnes et plus. Chacun s'occupe de recueillir la plus grande quantité de varech possible pour en former un monceau sur le rivage mais il arrive nécessairement que, dans ce pillage régulier, les plus riches fermiers, qui disposent de nombreux attelages et de beaucoup de bras, sont toujours les mieux partagés. Pour obvier à cet inconvénient, les prêtres catholiques du moyen-âge avaient établi une coutume aussi ingénieuse que touchante; c'était de n'admettre le premier jour, à la récolte du varech, que les habitants peu aisés de là paroisse ceux-ci empruntaient à leurs voisins des charrettes et des chevaux, et parvenaient ainsi à faire une bonne récolte. Dans le Finistère, où les mœurs' antiques se sont en partis conservées, cet usage se retrouve encore; le premier jour de la coupe du goémon s'y appelle le jour du pauvre; le prêtre vient à la grève dès le matin, et si un riche se présente pour récolter; Laissez les pauvres gens ramasser leur pain, » dit le recteur, et le riche se retire.

 

Le varech ne se recueille pas toujours sur le rivage il arrive souvent que les rochers sur lesquels il s'attache sont éloignés de la côte. Dans ce cas, comme les paysans ne peuvent disposer d'un nombre suffisant de bateaux pour transporter leur récolte sur la terre-ferme, ils lient les monceaux de varech avec des branches d'arbre et des cordes et en forment d'immenses radeaux sur lesquels ils se placent avec leur famille; une barrique est habituellement attachée à l'extrémité de cette masse, mouvante, un homme s'y lient, et, de cet endroit, dirige le mieux possible la manœuvre de l'étrange navire. La mer offre alors un spectacle singulièrement bizarre; on voit de loin ces mille montagnes flottantes dériver avec la marée vers le rivage, comme des haleines endormies. Lorsqu'elles approchent, on aperçoit sur leur sommet des têtes de femmes et d'enfants, on entend des chants, des cris de plaisir, devais nocls lancés au ciel; mais parfois, au milieu de ce tumultu joyeux, un de ces monstrueux navires, écrasé par son poids, s'affaisse subitement, se rapproche du niveau de la houle des clameurs d'épouvanté s'élèvent la noire montagne fond dans la mer et disparaît à tous les yeux. Il est parfois impossible de lui porter secours! « Il y a une famille de noyée, » dit-on à bord des autres radeaux. Les fronts se découvrent pieusement, et le convoi poursuit sa roule.

Le varech se récolte aussi après la tempête. Arraché alors des rochers par la vague, il est repêché par les habitants des côtes, qui s'exposent aux plus grands dangers pour saisir au passage ses débris flottants. Après un orage on voit les récifs couverts de ces hommes penchés sur l'abîme, et qui, un long croc à la main, ramènent vers eux les algues errantes qu'entraînent les flots. Dans le petit archipel qui regarde la pointe ouest de la France, et qui se compose des îles d'Ouessant, de Molène, de Glenan, de Litre, de Tristan, etc., cette pêche du goémon est presque l'unique industrie des habitants. On y voit les femmes, noires et robustes, dans la mer jusqu'à mi-corps, et occuper des journées entières à ce travail fatigant. Connue les femmes sauvages, elles portent leurs nourrissons allachés sur leurs épaules; c'est-là que l'enfant dort, bercé par le bruit des Ilots et les mouvements de sa mère. S'il crie, celle-ci le ramène sur sa poitrine et lui présente le sein; lorsqu'il a bu, elle le replace sur son dos et continue de lancer son croc à travers la vague pour saisir les épaves du varech.

Le goémon ainsi recueilli est ensuite réduit en cendres par les insulaires, et celles-ci sont vendues sur le continent. Mais la misère a aiguisé l'astuce des Bretons de ces îles; pour augmenter la quantité de leurs cendre*, ils mêlent le plus souvent la terre de bruyère, grise et friable,dont sont revêtus les rochers qu'ils habitent. Il y a quelques années que cette fraude donna lieu à une singulière réclamation; on se plaignit au préfet du département de ce que les habitants de Molcne, à force d'enlever la terre de leur île, la transportaient en détail sur le continent, Après examen, la justesse de la plainte fut reconnue, et des mesures furent prises pour arrêter cet abus.


Sur les côtes ou le bois est rare le varech séché sert aussi de combustible; enfin quelques manufactures de produits chimiques établies sur le littoral commencent à en extraire la soude, qu'elles livrent ensuite au commerce sous différentes formes.

 
     
  CPA collection LPM 1900