LES HOMMES DE CHERBOURG | ||
Franquet de Franqueville | ||
Franquet de Franqueville 1809-1876 La Science Illustrée N°60 (1-12-1876)
Franquet de Franqueville (Albert-Charles-Ernest), directeur général des ponts et chaussées et des chemins de fer au ministère des travaux publics, a été une grande figure dans la science industrielle de notre temps si fécond en belles physionomies de ce genre. On ne peut s’occuper de nos chemins de fer, des progrès de notre viabilité terrestre et fluviale, sans rencontrer et heurter à chaque pas le nom de M. de Franqueville.
Né en 1809 à Cherbourg, il entre à l’École polytechnique en 1827. Deux ans plus tard, il en sort, le premier de sa promo-tion, et embrasse la carrière des ponts et chaussées. L’époque était bonne pour les ingénieurs. Les chemins de fer à construire apparaissaient à l’horizon, et ces gigantesques travaux allaient métamorphoser de fond en comble tout l’ancien monde Industriel
Le jeune de Franqueville se montra des plus ardents à l’étude de la science nouvelle qui surgissait. | Franquet de Franqueville | |
Uni à MM. de Ruolz et de Montricher, il traduisit et publia chez nous le grand ouvrage de Nicolas Wood, qui est devenu classique : Traité pratique de chemins de fer (1834). Depuis cette époque, Ruolz a fait les belles découvertes de chimie industrielle que chacun connaît, et Montricher a construit l’aqueduc de Roquefavour et creusé le canal qui conduit les eaux de la Durance à Marseille. A vingt-quatre ans, on le voit, M. de Franqueville était déjà en bonne compagnie scientifique. Depuis cette époque, on trouve son nom sans cesse mêlé à celui des Stéphane Flachat, des Clapeyron, des Tourneux, des Perdonnet, des Sauvage. Il n’abandonne pas un seul jour la voie dans laquelle il est entré au début, et donne ainsi une grande unité à sa vie, malgré les études multiples et incessamment renouvelées et agrandies auxquelles il est obligé de se livrer chaque jour.
Du reste l’avancement hiérarchique est rapide et conforme à un mérite exceptionnel. Tour à tour ingénieur ordinaire à Soissons, et à Saint-Denis, il entre à l’administration centrale, en 1838, pour diriger la section de la navigation, et en 1840 il est chef de la troisième division des travaux publics. Sans quitter son poste, il est promu, en 1845, au grade d’ingénieur en chef des ponts et chaussées, En 1848, il est chargé d’enseigner l’économie générale et la statistique des travaux publics au Collège de France, enseignement qui fut de trop courte durée et qui nous manque aujourd’hui. En 1853, M. de Franqueville fut nommé directeur des ponts et chaussées au ministère des travaux publics, et, l’année suivante, exceptionnellement promu au grade d’inspecteur général.
Dans cette haute position, M. de Franqueville a rendu d’éminents services, surtout depuis 1855, où le grand développement de nos lignes ferrées obligea de créer une direction générale des ponts et chaussées et des chemins de fer. On peut dire que M. de Franqueville a tenu dans ses mains les plus grands intérêts de notre temps, Obligé de traiter et de débattre avec les plus puissantes compagnies financières et industrielles qui aient jamais existé, et en même temps de défendre les droits et la puissance de l’État et de ne point laisser péricliter ce qui est dû à chaque pays, au milieu d’exigences de toute sorte, M. de Franqueville avait conscience de sa mission, et par un labeur infatigable s’en tirait à son honneur. On disait de lui qu’il était de la grande race des travailleurs. Dans le passé, il avait deux cultes : Colbert et Turgot. Il aurait été digne de seconder’ ces deux éminents ministres qui rayonnent sur notre vieille histoire. | ||