Communauté Monastique de l’Abbaye
   
  DES CONVERS   -7/8
         
 

Abbaye de BricquebecNotre Dame de Grace, Collection CPA LPM 1960

 
     
 

DES CONVERS

 

Des convers ou des frères laïcs (barbus) particulièrement affectés au service de l'économie; certains vivent habituellement au monastère, la plupart vivent dans les granges.

 

Les convers étaient des religieux laïques qui prononçaient des vœux monastiques mais dont la vie au sein de l'abbaye était plutôt orientée vers le travail manuel que vers la célébration de la liturgie. Les frères convers s'occupaient de tout ce qui avait trait à la gestion quotidienne des biens de l'abbaye : élevage des troupeaux de bétail, défrichement des terres et assèchement des marais, culture des champs, construction et réparation des bâtiments, achat et vente des produits sur les marchés locaux, et parfois ils servaient de messagers et de domestiques. Les XIIe et XIIIe siècles ont été, sans conteste, l'âge d'or des convers

 

Le statut religieux des convers constitue l'originalité par rapport au système bénédictin où les paysans à qui incombaient la culture et l'élevage du domaine étaient des laïcs. Une fois les convers admis, ils ne devaient pas être traités comme des travailleurs salariés ou des citoyens de seconde classe, mais comme des frères religieux dont le mode de vie méritait le même respect que celui des moines. Les frères convers étaient pourtant différents par l'habit, l'origine sociale et le niveau d'instruction.

 

L'aide matérielle fournie par les frères convers pendant la période de forte expansion de l'Ordre fut à ce point essentielle que leur présence devint indispensable. La relation harmonieuse entre les convers et les moines décrite dans l'Exordium parvum et la Summa cartae caritatis ne fit pas long feu. Les frères convers vivaient à part ; ils avaient des offices et des usages différents et généralement ce qui se passait dans l'église ou au chapitre ne les regardait pas. En outre, à la fin du XIIIe siècle, la société agraire connaît en Europe une évolution qui met un terme à un grand nombre de menaces des siècles passés, et qui permet désormais de chercher la sécurité ailleurs que dans les monastères cisterciens. Les vocations vont donc devenir plus rares; et les abbayes, qui dépendaient toujours des frères convers pour assurer leur autosuffisance économique, devront accepter des compromis. Au début du XIVe siècle on commença à adopter un autre système de gestion des biens ruraux : les terres étaient affermées à des fermiers plus ou moins sérieux qui payaient en échange un loyer régulier. Le phénomène atteignit partout un point critique après les ravages de la peste noire en 1347-1350. Il est certain qu'à partir de la fin du XIVe siècle, l'institution des convers ne joue plus un rôle majeur dans l'économie cistercienne.

 

L'opus Dei et la journée cistercienne

 

Toutes les activités devaient se dérouler entre le lever et le coucher du soleil, d'où des variantes dans l'horaire en fonction des saisons. L'activité principale des moines et des moniales était la célébration de l'opus Dei, « l'oeuvre de Dieu », qui s'exprimait pleinement dans les sept heures de la journée et l'office de nuit.

 

Ces obligations liturgiques étaient accompagnées du travail manuel (1) et de la lectio divina (2), principale forme de dévotion cistercienne à côté de la prière à l'office (3) et de la prière personnelle (4)  En été le travail manuel occupait les moines plus longtemps (près de six heures), en raison de l'allongement des jours et de l'augmentation des travaux agricoles qu'il fallait effectuer pour subvenir aux besoins de l'abbaye. En hiver, les nuits étant plus longues (près de neuf heures), les moines dormaient plus longtemps et consacraient moins de temps au travail. Ainsi les moines ne prenaient qu'un repas (au lieu de deux l'été) et disposaient de longues périodes de lecture, en particulier environ quatre heures et demie entre matines et laudes. La célébration des heures canoniales était au coeur de l'opus Dei, soit sept durant les sept heures diurnes : laudes, prime, tierce, sexte, none, vêpres et complies, lesquelles sont complétées traditionnellement par un office de nuit appelé soit vigiles, matines ou nocturnes.

 

Les frères convers suivaient un horaire assez différent. Ils se levaient après que les moines aient fini l'office de nuit et consacraient une grande partie de leur journée aux activités manuelles, récitant les offices sur leur lieu de travail. Le dimanche et les jours fériés, leur emploi du temps était plus proche de celui des moines.

 
     
 
 

(1) Le travail est une dimension importante de la vie monastique cistercienne. Il est inhérent à la condition du moine comme à celle de tout homme qui doit travailler pour subsister. Il est par ailleurs collaboration à l'oeuvre de la création et aussi un facteur d'équilibre dans la vie quotidienne. Les industries développées par les Cisterciens sont assez étonnantes et sont souvent le fruit du hasard ou des circonstances historiques. Certains monastères investissent dans des productions très contemporaines : électrolyse à Acey, photocomposition à La Melleray. Certaines communautés de la famille cistercienne se livrent à des activités éducatives, comme les Bernardines, ou à des activités apostoliques, thérapeutiques ou d'enseignement comme dans certaines communautés de l'Ordre de Cîteaux. Le travail a une dimension spirituelle, car, pendant le travail, les moines continuent à prier. Enfin, le travail en commun aide la communauté à grandir dans la fraternité.

 

(2) C'est une lecture en silence, lente, méditée, priée d'un texte de la Bible ou d'un passage d'un Père de l'Eglise. Elle se pratique souvent ensemble, parfois dans la chambre et cela une ou plusieurs fois par jour. Ce n'est pas une recherche intellectuelle, c'est une lecture qui doit toucher le coeur. Dans la tradition cistercienne, à la suite de saint Bernard et de saint Aelred, on aime donner une note affective à la prière.

 

(3)L'office c'est la prière officielle de l'Eglise. Il permet, à qui le désire, de prier en communion avec le reste de l'Eglise. Sept fois par jour la communauté se réunit pour prier. L'office comprend des psaumes, des hymnes, la lecture ou l'écoute de la Parole de Dieu, une prière d'intercession. L'eucharistie est au coeur de la journée et l'office en est le rayonnement. Dans l'ensemble, l'office cistercien essaie d'être authentique, simple et sobre. La polyphonie (le chant àplusieurs voix) y est peu pratiquéet les mélodies sont faciles à suivre. De même il n'y a pas de fioritures dans l'accompagnement à l'orgue.

 

(4) Cette forme de prière silencieuse peut surgir à n'importe quel moment de la journée, il n'y a pas de lieu ou d'horaires fixes. Fréquemment un moine "attrape" un mot, une phrase de l'office ou tout simplement reprend le texte de l'évangile du jour et cette Parole de Dieu nourrit sa prière pendant la journée. Ainsi, le moine tend vers la prière continuelle.