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LA NORMANDIE ANCESTRALE Ethnologie, vie, coutumes, meubles, ustensiles, costumes, patois Stéphen Chauvet. Membre de la Commission des Monuments historiques Edition Boivin, Paris.1920 |
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Coffres et bahuts.
Comme il a déjà été dit, les coffres de la fin du XIII e et du XIV e siècle étaient en planches massives, recouvertes de cuir ou de toiles peintes marouflées avec applications de pentures en fer forgé. Ces coffres sont excessivement rares.
Au début de l'époque où fleurissait le style gothique, les coffres étaient en chêne sculpté en plein bois, sans panneaux enchâssés dans des montants. |
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Puis vint la période du gothique flamboyant qui a régné de la lin du xiv c jusqu'à la Renaissance. Pendant cette époque, les devants de coffre étaient composés de panneaux de ce style, encastrés dans des montants intercalaires. Un des premiers motifs de sculpture fut le pli serviette qui était inspiré de l'aspect du rouleau de parchemin lequel, lorsqu'il est déroulé, conserve à ses deux extrémités une tendance à s'enrouler et à former des volutes. Les montants étaient parfois sculptés, mais plus souvent adornés de baguettes sculptées appliquées silices montants et retenues par des chevilles de bois.
La plupart des coffres de cette époque, comme beaucoup de ceux des périodes ultérieures, ont perdu, au cours des temps et des tribulations, ces baguettes sculptées. Mais on remarque en haut et en bas des montants, des trous correspondant aux chevilles qui retenaient ces ornements. Quant aux panneaux du devant de ces coffres, ils étaient en général au nombre de cinq ou de sept; ces panneaux représentaient parfois, tous, les mêmes dessins, parfois, des dessins différents quoique de même style général. Quand le nombre des panneaux est impair, celui du milieu est, le plus souvent, moins haut que les autres, afin de ménager au-dessus de lui un emplacement pour la vieille serrure de fer forgé. L'entrée de ces serrures est protégée par une pièce de fer forgé plus ou moins ciselée. Cette pièce, qui pivote autour d'un axe situé à sa partie supérieure, se déplace latéralement pour découvrir l'entrée de la serrure et permettre l'introduction d'une grosse clef plus ou moins ouvragée. Cette pièce empêchait les poussières et l'eau de pénétrer dans la serrure. Quant aux côtés des coffres, ils comportent généralement deux panneaux de chaque côté. Ces panneaux sont tantôt lisses, tantôt sculptés comme ceux du devant du coffre (plis serviette ou dessins de style gothique simple ou de gothique flamboyant). Quand le coffre est orné de panneaux à plis serviette, ceux des côtés ont, en général, des plis plus simplifiés que ceux des panneaux du devant.
Pendant la Renaissance (XV e et XVI e siècles), les huchiers-menuisiers normands construisirent beaucoup de coffres et de bahuts. La Normandie est, en effet, le pays des coffres, des bahuts, des armoires et des horloges.
Les coffres, généralement plus longs et moins hauts que les bahuts, sont moins finis comme travail que ces derniers.
Certains coffres construits sous Louis XII et François I er perdent le caractère religieux de ceux des époques précédentes et présentent des panneaux de devant comportant soit des personnages surmontés d'un cintre grossier, soit, au niveau du tiers supérieur de chaque panneau, un médaillon rond représentant une tête, vue de profil, plus ou moins finement sculptée. Ces panneaux comportent au-dessus et au-dessous des médaillons, des représentations de feuillages, de fruits et de rubans. D'autres coffres, plus nombreux, ont des panneaux représentant des dessins à tendance géométrique. Parfois ces panneaux ne se ressemblent pas tous entre eux. Les montants intercalaires sont recouverts le plus souvent de baguettes tournées. Les remarques faites ci-dessus pour le panneau central, la serrure et les panneaux des côtés, s'appliquent également aux coffres de cette période comme à ceux construits ultérieurement. Il est à noter enfin que jamais, pas plus aux périodes antérieures que pendant celle-ci et les périodes ultérieures, le dos et le dessus des coffres n'ont été sculptés. Le dessus de tous les coffres est généralement constitué par un large couvercle plat, en chêne uni, portant sur la partie antérieure et médiane, la patte de fer mobile qui venait s'encastrer dans le devant de la serrure et permettait la fermeture du coffre. Quant à la paroi postérieure du coffre, elle est toujours constituée par des planches de chêne, assez grossières, s'encastrant en haut et en bas dans de puissantes traverses horizontales en chêne. Ces planches sont maintenues par des chevilles de bois. A l'intérieur de ces coffres qui étaient destinés à serrer les « hardes », et à les transporter lors des déplacements, se trouve, presque toujours, une sorte de petite boîte, « l'éclypette », située à la partie supérieure d'un des côtés des coffres et fermée par une planchette qui se soulevait et s'abaissait, grâce à deux pivots de bois (et non grâce à des charnières métalliques). Ce petit compartiment servait à ranger les foulards, les objets précieux et l'argent : écus de 3 et 6 livres, pièces de six liards, etc.
Les bahuts Renaissance étaient constitués, sur le devant et sur les côtés, par des panneaux finement sculptés, ornés de dessins sans représentation de personnages. Les panneaux du devant sont généralement au nombre de trois, celui du milieu étant plus large que les deux autres. Sur chacun des côtés du bahut, se trouvent deux panneaux étroits, lisses ou sculptés. Les montants qui séparaient les panneaux, étaient recouverts de sortes de pilastres adornés de cannelures, d'entrelacs et munis de chapiteaux. Les traverses horizontales supérieures et inférieures étaient également recouvertes de puissantes baguettes sculptées avec des motifs divers.
Certains bahuts enfin, qui semblent avoir appartenu à des églises, à des monastères ou à des abbayes, présentent, sur le devant, de grands panneaux, généralement au nombre de trois, sculptés en bas-relief, et figurant des scènes de la vie du Christ. Dans les angles supérieurs de ces panneaux existent souvent des têtes d'anges avec petites ailes. Sur les côtés de ces bahuts, se trouvent des panneaux, au nombre de deux de chaque côté, sculptés, généralement, de ravissants entrelacs. Entre les panneaux, se dressent des pilastres analogues à ceux précédemment décrits ou des sortes de cariatides. Les traverses horizontales sont également revêtues de motifs sculpturaux représentant surtout des coquilles et des entrelacs.
A la fin de la Renaissance, sous Henri II (1547-1559), on continue à construire, dans les campagnes, des coffres de chêne assez grossièrement sculptés. Les difficultés de communication, le traditionalisme des ateliers, la routine, expliquent non seulement que ces coffres aient presque toujours les mêmes motifs décoratifs mais encore que ces motifs soient d'une époque antérieure à celle de la construction des meubles. Les panneaux sont généralement ornés d'un demi-cercle à la partie supérieure. Ce demi-cercle repose, à chaque extrémité, sur deux colonnes de bas-relief portant des cannelures. Entre ces colonnes, se trouve un losange. Les coffres ayant ces sortes de panneaux, sont généralement appelés coffres « romans », mais, encore que les motifs rappellent évidemment ceux de la période romane, cette origine me paraît douteuse et je suis porté à croire que ce sont des meubles de la fin du xv e et de la première moitié du XVI e siècle.
A cette même période, et ultérieurement, on contruisit également, soit de beaux bahuts sculptés, soit des coffres fort simples à épais panneaux de chêne. Ce sont ces derniers meubles, dont l'épaisseur des panneaux se prête à des sculptures de seconde main, que de nombreux antiquaires font sculpter et vendent comme de vieux coffres sculptés. Parfois aussi, ces coffres sculptés de seconde main sont montés, par les antiquaires, sur des pieds de 60 à 70 centimètres de hauteur, reposant eux-mêmes sur un soubassement. Pieds et soubassement sont sculptés dans du vieux bois. C'est ainsi que sont fabriqués ces meubles dits crédences qui se vendent fort bien, mais qui sont, à tous points de vue, des meubles faux, les crédences de cette forme n'ayant jamais existé en Normandie. Par la suite, les mœurs, les goûts, les conditions d'existence ayant changé, on cessa, vers la fin de Louis XIII (1613) de fabriquer des coffres, et l'on commença à construire les premières armoires. Il faut noter, cependant, que si Ton cessa de fabriquer des coffres en Basse-Normandie et en particulier dans le Cotentin, on recommença à construire, par contre, à la fin du XVIII e siècle et au début du XIX e dans la partie est du Calvados, et surtout dans la vallée d'Auge, des petits coffres de voyage, légers et non sculptés, mais, ornés de peintures naïves (oiseaux, fleurs, cœurs, etc.), qui sont plutôt de véritables mallettes. Elles étaient en sapin parfois, ou en hêtre beaucoup plus souvent. |
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