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Cherbourg Bassin du commerce. CPA collection LPM 1960 | ||||||||
RECONSTRUCTION ET ESSOR TEXTE ISSU DE WIKIMANCHE | ||||||||
Cherbourg est la moins meurtrie des grandes villes normandes. Le besoin de reconstruction est limité, puisque les destructions se sont principalement concentrées sur le port militaire et à ses alentours, comme l’abbaye du Vœu.
La nécessité vitale de Cherbourg pour le succès de la Bataille de Normandie a permis au port d’être reconstruit par les Américains en une année. Même détruit à 70 %, l’arsenal de Cherbourg est moins dévasté que ceux de Brest et Lorient, et le port militaire est le seul de la façade Atlantique/Manche qui soit opérationnel. Les travaux de reconstruction commencent donc dès 1944, et l’effervescence autour du port profite à la ville qui ne subit pas le long pansement des plaies des autres villes du Cotentin. En 1948, l’arsenal est entièrement remis sur pied et profondément rénové.
À la Libération, l’économie locale reprend rapidement ses droits. Alors que la pêche se relance, les chantiers navals (Doucet, Bellot, Hamel) rouvrent. Simon Frères profite de la modernisation de l’agriculture, et l’implantation de CIT-Alcatel et de Société de confection valognaise (SOCOVAL-Dormeuil) dans les années 1960 apporte quant à elle un emploi à une large main d’œuvre féminine, venue des campagnes environnantes. Alcatel devient alors le deuxième employeur de la région.
En 1954, le gouvernement décide l’étude d’un sous-marin atomique, le Q 244, et Cher-bourg est choisi pour sa construction en 1955. L’année suivante s'installe l’École des appli-cations maritimes de l’énergie atomique (EAMEA, devenue École des applications militai-res de l'énergie atomique). La France n'ayant pas de plutonium, le projet est abandonné en 1959. Mais la mise en place de la Force de dissuasion nucléaire française, voulue par le général de Gaulle, implique le premier sous-marin nucléaire lanceur d'engins, Le Redoutable, construit à partir de 1964 et lancé par le président de la République trois ans plus tard. Ce nouveau projet entraîne l’évolution de l’arsenal, qui travaille désormais la matière nucléaire, et la ville s'approprie le projet gaulliste, malgré une tradition politique de gauche. Un an après l’inauguration du sous-marin par De Gaulle, la ville, qui n'a pas d’université, vit essentiellement les événements de mai 1968 par le mouvement ouvrier mené par les syndicats de l’Arsenal. Par deux fois, le drapeau rouge flotte sur la sous-préfecture. Les dockers bloquent le port, et ainsi au large 300 passagers britanniques des ferries. Le travail reprend partiellement à la direction des chantiers navals le 30 mai, et le lendemain, à l’instar de Paris et de plusieurs villes françaises, une manifestation de soutien gaulliste parcourt le pavé cherbourgeois.
Les CMN complètent une spécialisation militaire de l’économie cherbourgeoise. Le chan-tier naval de Félix Amiot né après la Libération, se développe rapidement grâce à sa spé-cialisation militaire. À Noël 1969, l’épisode des vedettes de Cherbourg, où cinq vedettes lance-missiles destinées à Israël (mais sous embargo) sont détournées par les services se-crets israëliens, a un retentissement mondial.
Parallèlement à l’essor économique, les Trente Glorieuses voient le développement urbain de Cherbourg. La ville doit faire à une crise du logement due au boum démographique. En effet, un rapport de 1954 évalue à 1 000 familles les habitants vivant dans des taudis, et réclame 1 500 logements. Sortent alors de terre la cité du Casino en 1957 et la cité Fou-gère en 1958, puis en 1959 l’ensemble de l’Amont-Quentin, de Charcot-Spanel et la cité Chantereyne qui doit accueillir les familles des ingénieurs et officiers travaillant à l’Arsenal. Le port Chantereyne gagné sur la mer, la place Divette et le boulevard Schuman créés à l’emplacement des anciens champs de foire modifie la physionomie de la ville, alors que les autres villes de l’agglomération se densifient.
Des années 1970 à 1990, deux autres grands chantiers du Nord-Cotentin, l’usine de retraitement de la Hague et la centrale nucléaire de Flamanville, accentuent le développement industriel d’une cité qui vit alors son âge d’or à travers ce que le journaliste François Simon nomme les « industries de mort », puisqu’environ deux tiers du tissu industriel local sont liés à la défense et au nucléaire.
Le 13 janvier 1979 pourtant, une forte contestation se fait jour autour de l’arrivée du Pacific Fisher, navire apportant du Japon les premiers déchets nucléaires irradiés ; elle est alimen-tée par les doutes induits par le projet de Flamanville et le changement de statut de l’usine de la Hague. Syndicats, militants de gauche et une partie de la population rejoignent alors les manifestations des écologistes pour protester contre la « nucléarisation » du Nord-Cotentin. La manifestation, rassemblant plusieurs milliers de personnes, où l’on voit notamment Bernard Cauvin, alors seulement syndicaliste, grimpé sur les grues qui devaient décharger le convoi nippon, se termine par des heurts violents avec les forces de l’ordre. Ensuite, face à la manne d’emplois que représentent ces projets et à la validation des ceux-ci par François Mitterrand en 1981, la contestation décline. | ||||||||
Cherbourg Carfeery Wiking I 1964, Collection CPA LPM 1960 | ||||||||