BOUSSAC  
 

 

 

Boussac tire son nom du latin Bociacus/Bociacum ("le domaine de Bocius"). On trouve Cappella de Bociaco (1095), Bocac Ecclesiarum (1104), Botzac las Eglesias - écrit en occitan - (1150) ; en 1150 l'apparition des noms Castrum de Botzac et de Cappella de Botzac le Chastel attestent l'existence d'une seigneurie. En réalité, celle-ci était établie depuis le milieu du XIeme siècle suivant l'archiviste Eugène Hubert (1931) Fichier:Blason famille Brosse.svg

 

 


 

 La famille de Brosse


 

 

Cette seigneurie  appartenait à la famille de Déols (parfois qualifiée de "princière", ce qui est abusif, sauf si l'on considère qu'en bas latin princeps peut tout aussi bien signifier "prince" que "seigneur"). Les descendants d'Ebbes I de Déols (mort vers 935) étaient en effet, à cette époque, les plus puissants féodaux du Berry. Au XII siècle, une alliance entre deux frères de la famille de Brosse et deux filles d'Ebbes III de Déols, mort sans postérité masculine vers 1256, fait passer la seigneurie de Boussac dans le giron de la famille de Brosse, dont le plus célèbre représentant sera Jean de Brosse, maréchal de France (1375-1433), compagnon de Jeanne d'Arc.


La seigneurie de Boussac reste dans sa lignée directe jusqu'à Jean IV de Brosse, comte de Penthièvre et duc d'Étampes mort en 1565. Celui-ci fut le très complaisant époux d'Anne de Pisseleu, maîtresse de François I. Ses domaines, incluant le comté de Penthièvre, passent ensuite à sa sœur, Charlotte de Bretagne, épouse de Sébastien de Luxembourg, puis à leurs descendants, alliés successivement à la maison de Guise Lorraine, et à César de Bourbon, fils légitimé d'Henri IV et de Gabrielle d'Estrées.

 

Jusqu'à la Révolution, Boussac est administrée par quatre consuls, nommés chaque année « par les quatre sortants de charge ». Autant dire que quatre familles et leurs alliés se partagent la responsabilité des affaire municipales d'une génération à l'autre. Ils doivent notamment veiller à la bonne marche de l'hôpital fondé par Louis I de Brosse, situé près du cimetière de la cité.

 

Dans la seconde moitié du XVII siècle, selon l'historien du Berry, Thaumas de la Thaumassière, Boussac se présente comme « une petite ville d'environ cent maisons, ceinte de murailles flanquées de tours à dix toises (environ 20 mètres) les unes des autres. Il y a un fort château qui joint la ville, bâti sur un rocher presque inaccessible, d'hauteur de plus de quarante piques (...) les murailles en sont très épaisses et munies de tours, l'une desquelles est des plus hautes et des plus belles qui se voient ». Le pays d'alentour, où abondent les étangs, les bois, les taillis d'églantiers et de châtaigniers, est réputé pauvre, ne produisant que du blé et du seigle. On engraisse pourtant du bétail avec des raves et des châtaignes.

 

Les foires de Boussac, instituées par Jean IV de Brosse, sont réputées dans tout le Berry et assurent une relative prospérité à ce petit bourg, dont la population dépasse à peine 600 habitants à la veille de la Révolution. Ces foires ont lieu le lundi des Rameaux, le jeudi avant la Pentecôte, « le jeudi avant la décollation de saint Jean-Baptiste » (en juin), et « le jeudi avant la décollation de sainte Valérie » (en décembre).

 

La foire de Boussac en 1910, collection CPA LPM 1900

 

Echangée par César de Bourbon à un membre de la famille de Loménie, puis vendue à un gentilhomme auvergnat, Jean De Rilhac, la seigneurie de Boussac demeurera dans la postérité de ce dernier jusqu'à la veille de la Révolution. Jean-Charles, vicomte de Carbonnières, fils de Françoise-Armande de Rilhac, est alors le propriétaire de la seigneurie et du château.

 

Le 28 novembre 1793, le comité de surveillance de Guéret dénonce la mansuétude du comité de Boussac à l'égard de la famille de Carbonnières et ordonne l'arrestation de tous ses membres. René-Henri de Carbonnières, prêtre réfractaire, ancien aumônier du comte de Provence, était pourtant déjà détenu à Boussac. Il devait être bientôt envoyé sur un ponton à Rochefort et mourra des suites de sa captivité. Charles-Henri, le chef de cette famille, ancien mousquetaire et capitaine de cavalerie, est alors appréhendé, en qualité de suspect et de père d'émigrés, ainsi que son épouse, Marie-Anne du Carteron, sa sœur, Madeleine-Paule, dite "Mademoiselle de Saint-Brice" et ses deux enfants, Armand (20 ans) et Claire-Pauline (19 ans). Ces deux derniers sont libérés, le 20 mars 1794 sur l'intervention de Vernerey, député du Doubs, représentant en mission de passage à Boussac. Mais une perquisition effectuée peu après au château de Beaulieu (à Vijon dans l'Indre), appartenant à l'épouse de Charles-Henri, provoque le transfert de ce dernier, accusé d'être un dangereux conspirateur fédéraliste, à Guéret. Le comité de salut public de cette ville note qu'il « n'est pas douteux que tous les individus qui composent la famille Carbonnières aient partagé les complots et les opinions de son chef». Si Charles-Henri est finalement élargi, sa sœur, la marquise de Rânes, et ses deux frères, le vicomte de Carbonnières, maréchal de camp, propriétaire du château, et le chanoine de Carbonnières sont peu après arrêtés à Paris. Ces deux derniers, incarcérés à la prison du Luxembourg, sont condamnés et exécutés, avec 58 autres personnes, le 9 juillet 1794. Leurs dépouilles reposent au cimetière de Picpus.

 

En 1790, les limites des communes avaient été généralement calquées sur celle des anciennes paroisses. C'est ainsi que la superficie de Boussac n'excédait pas 150 hectares (hier comme aujourd'hui), alors que Boussac-Bourg (qui comporte deux églises, et qui était sans doute la paroisse désignée en 1150 sous le nom de Botzac las Eglesias), en comptait près de 4 000.

 

 
 

 Le temps de la sous-préfecture 

 
 

  

La loi du 28 pluviôse an VIII (7 juin 1800) créa l’arrondissement de Boussac, composé des cantons de Boussac, Chambon, Châtelus, et Jarnages. Boussac, jusque là chef-lieu de district, devient le siège de la nouvelle sous-préfecture, qui est supprimée, avec d’autres en France, en 1926. Parmi les sous-préfets de Boussac figure Joseph Joullietton, auteur de l'Histoire de la Marche et du pays de Combraille . Nommé en 1825, il resta en fonction jusqu’à sa mort en 1829.

 

Dans les années 1840, les avis sont partagés sur le charme de la ville de Boussac. En juillet 1841, Prosper Mérimée, inspecteur général des monuments historiques, qui effectue une tournée dans la région, se montre plus que sévère : « Boussac est un horrible trou, la plus hideuse sous préfecture de France. Le château n'a même pas le mérite d'avoir la tournure féodale, il ressemble à ces vilains manoirs de la Bretagne, bâtis par des maçons qui n'auraient pas pu gagner leur vie autre part ». Dans son roman Jeanne (1836), George Sand avait pris par avance le contrepied de celui qui fut son éphémère amant (« J'ai eu Mérimée, c'est bien peu ») Elle écrit en effet :« La ville de Boussac peut être considérée comme une des plus chétives et des plus laides sous-préfectures du Centre. Ce n'est pas l'avis du narrateur de cette histoire. Jeté sur des collines abruptes, le long de la Petite Creuse, au confluent d'un ruisseau rapide, Boussac offre un assemblage de maisons, de rochers, de torrents, de rues mal agencées et de chemins escarpés qui lui donnent une physionomie très pittoresque ». Plus loin, elle décrira le château comme « irrégulier, gracieux et coquet dans sa simplicité ».

 

Pendant la Deuxième République, la commune de Guéret est à gauche (la Montagne), suite au séjour de Pierre Leroux de 1843 à 1848  .

 

 
   Le château féodal de BOUSSAC  
 

 

 

"La cour et la façade armoriée regardent la ville,

mais l'autre face plonge dans le roc perpendiculaire

qui la porte sur le lit de la petite Creuse et domine un site admirable,

un vaste horizon, une profondeur à donner des vertiges".

 

                                               Georges Sand

 

La légende raconte que le premier château de BOUSSAC aurait été construit sur ordre de Jules César, c'est vous dire que cela ne date pas d'hier, toutefois c'est au XIème siècle que le nom des châtelains nous est connu, il s'agit des princes de Déols (actuellement ville des environs de Châteauroux). En 1255, la fille du Prince de Déols convole en justes noces avec Roger de Brosse, grande famille qui tout au long de son histoire sera fidèle aux souverains français. On trouve un de Brosse aux côtés de Jean II le Bon, quant à son neveu, il s'agit du célèbre maréchal de BOUSSAC, compagnon d'armes de Jeanne d'Arc qui à son côté se battit héroïquement contre l'envahisseur anglais. En 1420, les débuts de la guerre de 116 ans ayant quelque peu abîmé son château, le maréchal de BOUSSAC le restaure. La fidélité étant une tradition familiale nous retrouvons le fils du maréchal Jean II de Brosse au côté de Charles VII puis de Louis XII. Malheureusement son fils René a la mauvaise idée de prendre parti pour le connétable de Bourbon félon au roi de l'époque François 1er, le roi ne pouvant poursuivre le coupable qui eut la bonne idée de se faire tué à la bataille de Pavie, c'est son fils Jean IV qui paiera les pots cassés (on connaît le proverbe: les parents boivent etc...). Après confiscation de ses biens par la couronne Jean IV rentrera en possession de sa fortune en acceptant un marché proposé par le roi: il accepte de servir d'époux complaisant et inactif à la favorite en titre Anne de Pisseleu, Duchesse d'Etampes, le roi pouvait mettre la dame dans son lit mais les convenances (oui, oui, oui) exigeaient qu'elle soit établie dans le mariage. Pour de ce service Jean IV est fait Duc d'Etampes et gouverneur de Bretagne. A la mort de Jean IV le mariage de celui-ci n'ayant donné aucun héritier (et pour cause) le château de BOUSSAC passera au frère de son épouse aimante et dévouée François de Luxembourg. Puis c'est le Duc de Mercoeur époux de Marie de Luxembourg, nouveau gouverneur de Bretagne et beau-frère du roi Henri III qui le possède. C'est donc tout naturellement qu'en 1585 le Duc de Mercoeur fera présent du dit château à sa soeur Louise de Lorraine-Vaudémont Reine de France par son union demeurée stérile (fut-elle seulement consommée) avec Henri III. La politique ayant ses exigences César de Vendôme, fils naturel de Henri IV et Gabrielle d'Estrées, à la demande expresse de son père, demande qui équivalait à un ordre, devint l'heureux propriétaire de BOUSSAC en épousant la fille du Duc de Mercoeur qu'il fallait rallié à la couronne instable du Bourbon. Parmi les innombrables propriétaires de ce château nous trouvons également le Comte Auguste de Loménie-Brienne secrétaire de Louis XIV, les Reilhac  qui délaissèrent le titre de Comte pour celui de Marquis de BOUSSAC, enfin en 1729 la famille Carbonnières entra en possession de l'édifice.

 

La révolution française qui n'en finissait pas de détruire le patrimoine de la France démolira le donjon. En 1817, la Marquise de Ribeyrex, dernière descendante des Carbonnières vend le Château de BOUSSAC à la ville qui en fera successivement  l'hôtel de la sous-préfecture puis une école ménagère dépendant du ministère de l'Agriculture (?). M. & Mme Blondeau rachetèrent le château pour le plus grand bien de celui-ci, la restauration et les aménagements des jardins ainsi que le remeublement de BOUSSAC en font aujourd'hui un lieu d'expositions attirant à lui de nombreux visiteurs qui contribuent par leur intérêt à sa résurrection.

 

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 Les tapisseries

 
 

  

 

La salle des gardes du château abrita, à partir du XVIIIe siècle, les six tapisseries de "La Dame à la licorne". Exécutées dans les Flandres entre 1484 et 1500, ces tapisseries s'inspiraient d'une légende allemande du XVeme siècle. Commandées par Jean Le Viste, président de la Cour des Aides de Lyon, elles parvinrent à Boussac à la suite d'héritages successifs, des Le Viste aux La Roche-Aymon, puis aux Rilhac, barons de Boussac, et enfin aux Carbonnières, propriétaires de Boussac à la veille de la Révolution. Elles demeurèrent dans le château à la suite de la vente de celui-ci. La municipalité de Boussac les céda pour la somme de 25 000 francs-or en 1882 au conservateur de l'actuel Musée national du Moyen Âge, Edmond du Sommerard, mandaté par l'État. Ces tapisseries figurent aujourd'hui parmi les pièces majeures du Musée du Moyen Âge (ancien hôtel de Cluny).

 

Le produit de la vente des tapisseries permit de paver la place de l'actuel Champ de foire, qui en avait sans doute bien besoin, d'autant qu'elle attirait des foules importantes les jours de marché et de foire aux bestiaux ; le solde, dit-on, servit à ériger en 1903 la statue de Pierre Leroux et à aménager le square qui porte aujourd'hui son nom.