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Texte issu du siteAssociation des Vieux Gréements Granvillais
Les impressionnantes mensurations d'une bisquine du début du siècle vous rappelleront peut-être quelque chose : un peu plus de 18 mètres de coque, 340 mètres carrés de toile...
Mais oui, ce sont les mêmes chiffres qu'un 60 pieds Open actuel ! Fichtre, voilà un bateau "traditionnel" qui promet, au moins sur le papier ! Et qui tient ses promesses sur l'eau. Car il faut encore lui ajouter, devant, un interminable bout-dehors de 9 mètres et, derrière, une queue-de-malet de 4 mètres ! Au-dessus du pont, la démesure est également de mise : les trois mâts portent jusqu'à trois étages de voiles. Pas de doute, la bisquine est et restera comme le plus beau, le plus toilé, le plus puissant voilier de travail de nos côtes.. Histoire et évolution Née au début du XIXe siècle dans le golfe de Gascogne - ou golfe de Biscaye -, la "biscayenne" des pêcheurs basques est pointue aux deux extrémités. Ce type de voilier essaime peu à peu le long de la côte Atlantique, évoluant au fil du temps et des caractéristiques locales.
Au milieu du XIXe siècle, la biscayenne devient bisquine et donne naissance, en Bretagne Nord et en Normandie, à une progéniture très variée, en taille comme en gréement.
Mais c'est dans la baie du Mont-Saint-Michel, entre 1890 et 1930, que les constructeurs vont lui donner ses lettres de noblesse. Il est vrai que, pour pêcher dans un coin aux conditions de mer si particulières, avec les plus grandes marées d’Europe entraînant des courants parfois violents, il faut un voilier fin et rapide, bon manoeuvrier, gagnant bien dans le vent.
Les constructeurs de Granville et de Cancale s'emploient à améliorer le type initial. Les formes avant s'affinent, le tirant d'eau augmente, la voûte arrière s'allonge, rasante, magnifique. Vers 1900, la bisquine est à son apogée... La pêche : besoin de puissance Chantiers et marins ont alors deux mots d'ordre : plus de puissance, plus de vitesse. Il faut aller vite parce que les périodes de pêche - huîtres et coquilles saint-Jacques notamment - sont strictement réglementées et surveillées.
Il faut aller vite parce que, il faut être le premier à arriver sur les lieux de pêche, puis le premier à rentrer au port pour vendre sa prise. L'ahurissant spectacle de la "caravane" des 400 bisquines de toutes tailles au mouillage devant Cancale a été immortalisé par une célèbre toile du peintre-navigateur Marin-Marie.
Il faut de la puissance parce que, utilisées au chalut, à la ligne ou à la drague, les bisquines encaissent des efforts colossaux...
Il faut aller vite, enfin, parce que les régates locales sont devenues une institution, un rendez-vous annuel obligé, un motif de fierté et de discorde entre les deux principaux havres de la baie. Les Bretons de Cancale et les Normands de Granville mettent un point d'honneur à s'imposer. Et ne se font aucun cadeau... Le gréement Pour atteindre cette nécessaire puissance, il faut également un gréement à la hauteur. Les bisquines portent sept à huit voiles au tiers plus un foc sur trois mâts.
Ces mâts, sans étais, sont simplement maintenus par deux « bastaques », une sur chaque bord, et le grand mât est fortement inclinés sur l’arrière.
Neuf voiles, donc. Foc, misaine, taillevent et tape-cul occupent le premier étage. Le petit et le grand huniers, ainsi que le hunier de tape-cul, sont hissés au second. Enfin, petit et grand "rikikis" (à Granville, perroquets à Cancale) coiffent l'ensemble : ils culminent à 20 mètres au-dessus du pont, et ne servent qu'en régate, comme la bonnette.
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Voiles : Taillevent (grand voile) : 104 m² - Misaine : 61 m² - Tape-cul : 37 m² - Petit Hunier : 30 m² - Grand Hunier : 46 m² - Petit Rikiki (perroquet) : 22 m² - Grand Rikiki : 32 m² - Grand Foc : 53 m² - Moyen Foc : 33 m² - Petit Foc : 25 m² |
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Les régates
Si les premières régates officielles datent de 1845, il faut attendre 1895 pour qu'elles entrent dans leur âge d'or - qui durera jusqu'en 1914. C'est pendant cette période que sont construites les plus belles bisquines : Le Vengeur (G 15), La Rose-Marie (G 16), La Mouette (CAN 37) ou La Perle (CAN 55). Les courses ont lieu l'été, devant Saint-Malo, Cancale et Granville.
Quelques jours avant, les bateaux sont tirés au sec, carénés, passés au coaltar et suiffés. Les voiles qui ne servent qu'en course (bonnette, rikikis, hunier de tape-cul) sont sorties des greniers et soigneusement vérifiées... Une fois le départ donné, la lutte est impitoyable. Le fameux bout-dehors participe au spectacle, apportant une note chevaleresque à ces empoignades de manants : aux virements de bord, cette formidable lance balaie plus de 100 mètres carrés de terrain en quelques secondes !
Que deux bisquines se croisent, s'asticotent, et les manoeuvres prennent vite des allures de tournoi - où les montures atteignent 90 000 livres, et les rênes, plusieurs dizaines de mètres. Pour le reste, on est loin de l'esprit de la chevalerie : en course, les refus de tribord et les abordages sont fréquents - quand 47 tonnes de chêne et d'iroko décident de partir au lof, il est bien difficile de les ramener dans le droit chemin. Les équipages s'injurient, brandissent des avirons, voire des haches - et il n'est pas rare que des bagarres à terre concluent les distributions des prix. Il est tout à l'honneur des Cancalais et Granvillais de n'avoir pas, aujourd'hui, poussé le vice de la reconstitution jusqu'à conserver ces rudes coutumes... |
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Manoeuvre sur La Granvillaise
La marche d'une bisquine
La barre franche de la belle dame normande approche les deux mètres cinquante et reste douce par brise modérée. Avec ses cinquante cinq tonnes, cette bisquine, dans ce qui nous a été donné de percevoir, obéit bien et il et évidemment toujours nécessaire d'anticiper. |
Affiche de 1897, collection CPA lpm |
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Sans son "tape-cul", elle a, sans doute du fait du foc très avancé, tendance à abattre. Par contre, dès que cette toile est envoyée et réglée, cette tendance semble s'annuler et le bateau retrouve alors des composantes au lof plus logique pour le barreur de passage. Il n'y avait pas de voiles inutiles sur ces magnifiques navires de pêche. Dans le petit temps, pour les régates, l'équipage envoyait les fameux "rikikis" (perroquets) au-dessus du grand et du petit hunier. Ces deux bisquines nous donnent parfois l'occasion d'imaginer ce que pouvaient être les régates ou ces très nombreuses cathédrales de toiles aimaient à en découdre. Lorsque le temps fraîchit, on réduit évidemment la surface par les hauts et le barreur, pour contrôler la bonne bête, dispose de part et d'autre de son banc, de deux cordages que l'on appelle des garants. Il utilise, celui au vent, frappé à un point fixe en bas du pavois, lui fait faire un tour sur la barre franche et la contrôle ainsi par l'autre extrémité du garant, avec un effort acceptable. |
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Granvillaise au mouillage, collection CPA LPM 1900 |
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Installation du "moteur à vent"
La garde robe courante d'une bisquine est composée de 6 à 7 voiles. Sur le grand mat, le taillevent avec au-dessus le grand hunier. Sur le mat le plus avancé (mat de misaine) est établie la voile du même nom avec au dessus, le petit hunier. Le foc avec son point d'amure sur rocambeau. Le tape cul, avec ou sans hunier. La Cancalaise en possède un et la Granvillaise pas. En régates, par petit temps, on envoie les rikikis ou perroquets (au dessus des huniers) et parfois la bonnette (grand foc ballon). Les combinaisons sont nombreuses et le rendement impressionnant.
A envoyer le taillevent
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Granvillaise, collection CPA LPM 1900 |
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A envoyer le foc
A envoyer la misaine
A envoyer le grand hunier
A envoyer le tape-cul
A envoyer le petit hunier
La prise de ris
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Bisquines en pêche dit la « la Caravane », collection CPA LPM 1900 |
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Le virement de bord
La mâture
Prenez la barre
Caractéristiques du bateau de pêche le plus voilé de France
Longueur de coque : 18,28 m Surface de voilure pêche : 293 m2 Largeur de coque : 4,76 m Tirant d'eau : 2,75m Longueur hors tout : 32,30 m Surface de voilure régate : 340 m2 Moteur Baudouin : 70 Cv Déplacement : 55 Tonnes |
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La bisquine est un bateau de travail bien connu pour sa stabilité et puissant sous voiles pendant les régates entre les pêcheurs de Granville et Cancale pour la gloire et la renommée de leurs villes natales.
Elle est caractéristique de la région du Mont Saint-Michel située entre Saint-Malo et Granville en France au XIXe siècle. Ce type de bateau pratiquait le dragage des huîtres dans la Baie du mont Saint-Michel, la pêche au chalut, et pour les plus grandes, la pêche aux lignes.
Née au début du XIXe siècle dans le golfe de Gascogne (ou golfe de Biscaye), la "biscayenne" des pêcheurs basques est pointue aux deux extrémités. Ce type de voilier essaime peu à peu le long de la côte Atlantique, évoluant au fil du temps et des caractéristiques locales.
Au milieu du XIXe siècle, la biscayenne devient bisquine et donne naissance, en Bretagne Nord et en Normandie, à une progéniture très variée, en taille comme en gréement.
Mais c'est dans la baie du Mont-Saint-Michel, entre 1890 et 1930, que les constructeurs vont lui donner ses lettres de noblesse. Il est vrai que, pour pêcher dans un coin aux conditions de mer si particulières, avec les plus grandes marées d’Europe entraînant des courants parfois violents, il faut un voilier fin et rapide, bon manœuvrier, gagnant bien dans le vent.
Les constructeurs de Granville et de Cancale s'emploient à améliorer le type initial. Les formes avant s'affinent, le tirant d'eau augmente, la voûte arrière s'allonge, rasante, magnifique. Vers 1900, la bisquine est à son apogée... | Dessin de H. Kérisit. Bisquine de Cancale "L'Hirondelle"
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Les plans originaux de la Rose-Marie, construite en 1897 par le constructeur Louis Julienne | ||||||||||||||||
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Les régates en 1906, collection LPM CPA 1900 |
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Le Retour des Bisquines Le Monde Jeudi 15 février 1996 Marie-Noëlle Hervé
Dans le soleil écarlate, les deux bisquines traçent leur double sillon d'écume. La Cancalaise et La Granvillaise remontant avec le flot, le Sund de l'archipel des Iles Chausey, cinglent dans une apothéose d'ailes blanches déployées vers le continent. La dame noire et la dame blanche prolongent, sur quelques milles, leur duel amical, avant de regagner leur port d'attache respectif. De part et d'autre de la baie du Mont-Saint-Michel, Cancale et Granville se contemplent. Cancale est en Bretagne; Granville en Normandie. Depuis des siècles, elles surveillent le Mont solitaire mouillé au milieu des sables. Des siècles durant lesquels les deux provinces ont convoité sa possession. Ce sont les Normands qui l'ont obtenue, et les Bretons ne s'en sont pas remis.
Au début du 19ème siècle s'entame entre le port d'llle-et-Vilaine et celui de la Manche une nouvelle rivalité. Un affrontement qui, souvent, tourne à l'aigre lorsque leurs flottes de pèche tentent d'outrepasser les limites de dragage sur les bancs d'huîtres sauvages qui abondent à l'époque dans la baie. C'était au temps des bisquines. Ces élégantes embarcations fortement toilées, originaires des côtes normandes et dérivées du lougre, présentent une étrave droite, une voûte arrière très élancée, sortant impertinemment de l'eau, et trois mâts à forte quête arrière portant au travail deux étages de voiles gréées au tiers. Une grandiose architecture de 246 m2 de toile.
Ces bisquines deviendront rapidement une exclusivité des quartiers maritimes de Granville et de Cancale. Péchant rarement en solitaire,elles se constituent en convoi. On appelle cela « la Caravane », maintes fois représentée par le peintre Marin-Marie. lnoubliable spectacle que cette cohorte d'une soixantaine de bateaux sortant en rangs serrés du port, puis, passé le môle, s'ouvrant en éventail avant de pointer toutes voiles dehors vers le large pour ratisser de leurs « fers » les pâturages marins de la baie. Au siècle passé, une quête fructueuse pouvait, par embarcation, rapporter jusqu'à 100 000 huîtres en une joumée. Au cours de l'hiver 1851-1852, la prise de Granville s'éleva à 73 millions d'huitres. Jusqu'au jour - c'était au lendemain de la guerre de 14-18 - où les bancs furent épuisés. |
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A bord d'une "Bisquine" en 1910, collection CPA LPM 1900 |
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Cette activité prit fin, mais non celle des bisquines, qui se reconvertirent dans la pêche au chalut. Court sursis. L'avènement du moteur et la Seconde Guerre mondiale sonneront leur glas. Mais la concurrence entre les deux villes, à propos des zones de pêche, n'était pas leur seul sujet de querelles. Les affrontements se renouvelaient lors des régates que se livraient les équipages au moins deux fois l'an. Commencées en1848, elles se poursuivirent jusqu'à la fin des années 30. Quel enfant de ces ports n'a entendu plus tard raconter les joutes mémorables qui opposèrent, avant 1914, Le Vengeur et La Rose-Marie de Granville à La Mouette et à La Perle de Cancale. A ces occasions, pour augmenter la surface de voilure, on sortait le gréement de régates. Les perroquets ou rikikis, « la plume qui fait voler l'oiseau », étaient hissés au sommet du grand et du petit hunier surmontant la grand-voile et celle de misaine. On envoyait aussi la voile et le hunier de tapecul et, pour naviguer au portant, une bonnette amurée sur le long bout-dehors. Un total de 350 m2 de toile. Imaginez l'allure. |
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Presque cinquante ans ont passé. Le 18 avril 1987, après deux ans de chantier, La Cancalaise, copie exacte de La Perle, construite en 1905, a quitté son ber et glissé pour la première fois dans les eaux vertes de la baie. |
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Granville, la bisquine "La Granvillaise" |
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La Cancalaise (2001-08-11) Au large de Port-Mer |
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Tout Cancale était en émoi. « Dans cette aventure, raconte Yvon Georges, initiateur du projet et patron de la bisquine, la ville entière nous a suivi. Le chantier s'est déroulé à découvert sur la grève de la Houle, autrefois lieu traditionnel des constructions navales. » Pour l'occasion, le « comité des casquettes », les vieux marins qui avaient navigué sur ces bateaux, s'est déplacé de son banc de causerie habituel du Plat-Gousset, sur l'autre bord de la criée, afin de s'installer face au chantier. « Ils discutaient entre eux, mais sans jamais se mêler du travail des charpentiers. Fallais donc les voir pour écouter leurs commentaires, et cela nous a beaucoup servi. » Granville fut piqué au vif. Pas question de laisser une bisquine du port d'en face naviguer seule dans le secteur. D'autant plus que La Cancalaise ne cessait de venir parader sous son nez. « Nous voulions les exciter ajoute en riant Yvon Georges, pour les forcer à venir un jour en découdre avec nous. » La tactique a marché. Daniel Denis, capitaine du port du Hérel, a pris les choses en main, avec d'autres Granvillais. « Ce fut, explique-t-il, un levier formidable que cette concurrence entre Cancale et Granville. Elle nous a poussé à relever le défi. »
La construction de La Granvillaise, reproduction des plans de La Rose-Marie, lancée en1900, est confiée au chantier Anfray en décembre 1988. Le 15 avril 1990, jour de Pâques, la grande coque est grutée et mise à l'eau dans l'avant-port où La Cancalaise, accourue dés le matin, tire des bords en attendant l'apparition de sa cadette. Sans être identiques, les deux bisquines sont bien du même tonneau. La noire fait18,10 m ; la blanche18,28m. Cela promet de belles régates. La première a lieu le 22 juillet. A la barre de La Granvillaise, François Bouchard ; aux commandes de La Cancalaise, Eric Tabarly. Granville emporte la première manche. Le 5 août, Cancale gagne la revanche. La tradition est renouée. |
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Reproduction des plans de La Rose-Marie |
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Les vieux marins qui ont, dans le passé, navigué sur les bisquines s'en sont presque tous allés. A Granville, François Bouchard était le demier. Bouchard est un nom de Cancale. En 1918, son père Henri a traversé la baie à bord de La Gloire, sa bisquine, pour venir s'établir à Granville. Le petit François n'avait que huit jours. Plus tard, devenu patron de pêche à son tour, il a toujours défendu avec panache, dans les régates, les couleurs de sa ville d'adoption. Puis la guerre est venue. Avec d'autres bisquines, La Gloire a coulé dans le port lors du bombardement allié de 1944. François l'a renflouée pour la conduire jusqu'à son dernier mouillage, au Plain, à Chausey, dans l'anse à la Truelle, sous le sémaphore.
Dans les années 70, on pouvait encore y admirer l'élégante découpe de ses membrures. Puis elle est retoumée lentement au sable, aux vents et aux marées. Le 26 novembre dernier, sous un de ces ciels d'huitre qu'il aimait tant, François Bouchard a «mis le cap à l'est ». C'est la direction du cimetière Notre-Dame, accroché sur la falaise face au large. il avait soixante-dix-sept ans. La Granvillaise, désarmée pour l'hiver, n'a pu venir lui faire sa parade d'honneur. L'équipage a envoyé une gerbe. Dans les ports, quand un marin disparaît, on salue sa mémoire avec respect. |
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