LES PLANTES QUI TUENT
  BELLADONE
         
 
PLANCHE I - 3. Belladone
 
         
 

3. BELLADONE (Atropa belladona).

 

– Cette importante solanée est à la fois une plante médicinale et une plante vénéneuse. Médicinale, quand elle est employée avec précaution et suivant les règles de la médecine ; vénéneuse quand on l’utilise inconsciemment. Ce qui fait son danger principal, c’est que ses fruits sont des baies rouges ou noires assez analogues aux cerises et à diverses baies comestibles et que l’on a ainsi tendance à manger à cause de leur saveur douceâtre : c’est une herbe que l’on doit éloigner avec grand soin de tout endroit où viennent se promener les enfants. C’est, en effet, chez eux que les cas d’empoisonnement par la Belladone sont les plus nombreux. Mais les exemples relatifs aux adultes ne sont pas moins fréquents. C’est ainsi que l’on cite une jeune paysanne qui cueillit des baies, les prenant pour celles de l’Airelle (1), et les vendit à plusieurs personnes ignorantes, qui furent empoisonnées. Le cas le plus navrant est celui rapporté par un médecin, Gaultier de Claubry : en 1813, cent soixante soldats trouvèrent des Belladones près de leur campement et les mangèrent avidement : quelques-uns moururent et tous en furent énormément malades.

 
         
 

Pour un adulte (les enfants sont plus sensibles), l’ingestion de deux à trois baies n’a aucun inconvénient. De trois à trente baies, se produisent des phénomènes parfois très grands d’empoisonnement. Au-delà de trente baies, la mort est à craindre.

 

Cette terminaison fatale est cependant assez rare parce que les baies elles-mêmes, prises en quantité suffisante, provoquent souvent le vomissement et, par suite, leur rejet.

 

Lorsque la quantité de baies ingérées n’est pas suffisante pour amener la mort, vers la deuxième ou la troisième heure après la collation, on observe de la sécheresse de la langue, de la bouche et de l’arrière-bouche. Il se produit quelques nausées. La pupille se dilate et la vue en est troublée. Viennent en même temps des défaillances et de la faiblesse musculaire. Le malade trébuche, tombe comme une masse, essaye de se relever et retombe presque aussitôt. Ensuite apparaissent des phénomènes de vertige : l’intoxiqué semble en proie à une folie agitée, les actes ne sont plus conscients, la mémoire disparaît, la déglutition ne peut plus s’opérer.

 

Scan: Arnaud Gaillard

 
         
 

Les battements du cœur et du pouls s’accélèrent et l’intoxiqué pousse des cris sourds et inintelligibles.

 

Quand la quantité de baies ingérées est mortelle, les phénomènes précédents sont encore plus violents et apparaissent plus rapidement. L’œil proémine et la vision est presque abolie. Les malades tombent ou se heurtent à tout ce qu’ils rencontrent. Ils croient aussi entendre des cloches tintant au lointain ou divers autres bruits. Ils ne perçoivent plus ce qu’ils touchent et se laissent même brûler les doigts sans paraître s’en apercevoir. Les battements du cœur s’accélèrent, le pouls devient plus petit, la respiration est pénible. Alors, ou bien les malades ne sortent pas de l’état d’insensibilité dans lequel ils se trouvent et meurent tranquillement, ou bien leur agonie est accompagnée de convulsions, de tremblements musculaires, de soubresauts terribles et la mort arrive en quelques minutes, tandis que la figure se grippe et semble grimacer.

Si cette issue fatale n’est pas encore arrivée au bout de six à sept heures après le commencement des phénomènes d’empoisonnement, on peut considérer le malade comme sauvé.

 

Les symptômes, cependant, persistent encore pendant vingt-quatre et quarante-huit heures, mais vont en diminuant. L’intelligence nette ne revient toutefois que de trois à huit jours après, de même que le retour de la vue et de la pupille à l’état normal.

 
         
 

Le principe actif de la Belladone est un alcaloïde, l’atropine. On s’en sert beaucoup en médecine pour provoquer momentanément la dilatation de la pupille et permettre ainsi l’examen du fond de l’œil.


Les animaux carnivores sont plus impressionnables à l’action de la Belladone que les herbivores : les cas d’empoisonnement sont, d’ailleurs, rares chez tous.

 

Caractères botaniques de la Belladone.

 

– Herbe d’un mètre de haut environ. Tige forte, un peu velue et collante en haut. Feuilles larges, couvertes de fins poils formant un velours, ovales, aiguës au sommet, non dentées. Calice vert à cinq dents, persistant en même temps que le fruit. Corolle gamopétale, tubuleuse, à cinq dents, de couleur pourpre sale ou jaunâtre. Cinq étamines. Les fruits sont des baies (accompagnées du calice) de la grosseur des cerises, d’abord vertes, puis rouges, enfin d’un beau noir. La pulpe tache en rouge vineux. Racine épaisse et charnue. Vivace. Croît dans les lieux incultes et les bois.

 
Le règne végétal divisé en traité de botanique 1872 Planche 128