AVRANCHES
  CC 03.01 AVRANCHES - MONT-SAINT-MICHEL
   
  LE DONJON D'AVRANCHES 1/9
         
 

Le donjon d'Avranches

Un mystère historique...

David NICOLAS-MÉRY 2002

 

Tous ce que l'on voit n'est pas

forcément ce que l'on croit être...

 

 Redécouverte d'un monument médiéval

 

Le donjon médiéval d'Avranches a disparu sans laisser de souvenir très précis dans les esprits. Aussi les questions liées à son aspect originel, à son emplacement ou à son existence même sont bien souvent restées sans réponse. D'autre part l'édifice décrit par les historiens et les archéologues ne semble pas toujours correspondre à l'acception générale du terme "donjon". Par conséquent, il était important de faire la lumière sur ce secteur de la vieille ville, espace de vie supposé des vicomtes normands d'Avranches.

 

Après l'examen de toute la littérature concernant le donjon, puis l'observation du site, je me suis aperçu que les vestiges semblaient beaucoup plus nombreux que ce que l'on imaginait jusqu'à maintenant.

 
 
         
 

Ensuite le hasard est venu révéler de nouveaux indices contenus dans des documents inédits. Tout cela m'a permis d'élaborer une restitution du bâtiment médiéval. C'est ce que je vais tenter d'exposer à présent.

 

Dans un premier temps je replacerai l'édifice dans son contexte géographique et historique, avant d'aborder une partie plus descriptive. Puis les sources écrites et iconographiques, parfois totalement inédites, seront passées en revue et confrontées aux vestiges. Ceci permettra de proposer des hypothèses quant à l'allure générale de l'édifice et l'époque de sa construction, d'établir une esquisse capable de lever le voile sur cette construction énigmatique et parfaitement ignorée.

 
         
 

LE SITE

 

La ville d'Avranches , perchée à une centaine de mètres d'altitude, est située à l'extrémité d'une barrière granitique orientée est-ouest. Ce rempart naturel, anticlinal spectaculaire du massif armoricain, culmine à l'est dans le Mortainais pour s'achever à l'ouest face à la baie du Mont-Saint-Michel. Au pied des flancs nord et sud de ce massif, coulent respectivement les deux rivières, la Sée et la Sélune, qui se jettent dans la mer. Avranches surplombe les deux estuaires et occupe par conséquent une position stratégique indéniable.

 

Avranches se divise assez nettement en deux secteurs. D'un côté, à l'extrémité occidentale de la cité, on trouve la "vieille ville", fortifiée depuis le Moyen Âge et peut-être dès l'époque gallo-romaine. À l'est, la "ville basse" s'organise autour des places Saint-Gervais et du Marché. Le site du donjon est à la jonction des deux quartiers. Cette zone possède une très faible déclivité. L'édifice commandait l'endroit le plus fragile du système défensif de la vieille ville, là où l'escarpement naturel est le moins prononcé. Il surplombait vers l'est le quartier populaire des artisans et des marchands.

 

Du début du Moyen Âge jusqu'au rattachement de la Normandie à la couronne de France en 1204, deux personnages se divisent l'espace clos de la ville fortifiée: d'un côté l'évêque, dont le palais et la cathédrale se situent à l'extrémité occidentale de l'éperon; et de l'autre un chef laïc, dont le lieu de résidence présumé n'est autre que le site qui nous préoccupe.

 

Si le donjon n'est pas installé à l'extrémité de l'éperon rocheux, comme il aurait pu être judicieux de le faire pour des questions de surveillance du littoral, c'est que cet emplacement fut occupé bien avant sa construction.

 
 
       
   
 
       
   
 
         
 

Après la christianisation, un "complexe religieux", palais épiscopal et cathédrale, se substitue à un ensemble de constructions antiques. Le premier édifice religieux à cet emplacement est daté par Daniel Levalet du IVe ou Ve siècle. Un mur plus ancien, construit directement sur la roche mère, pourrait quant à lui faire penser à un fanum, mais d'époque gauloise. L'occupation de ce site est continue jusqu'à l'effondrement puis la destruction de la cathédrale romane au début du XIXe siècle.

 

Le donjon est traditionnelle-ment placé dans ce que l'on appelle "la première enceinte du château". En fait, on suppose que les instances militaires occupaient un vaste secteur, limité à l'est par le rempart de l'actuelle place d'Estouteville et à l'ouest par les rues de Geôle et Chevrel. Ce périmètre de forme plutôt oblongue s'étire du nord au sud. À chacune des extrémités se trouvaient les deux principales entrées de la ville fortifiée, les portes Baudange et de Ponts. La première enceinte se trouvait à l'extrémité sud de cette zone, la seconde au nord.

 
         
 
 
 

Avranches CPA collection LPM 190

 
     
   
  AVRANCHES
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  LE DONJON D'AVRANCHES 2/9
         
 
 
     
 

RAPPEL HISTORIQUE

     
         
 

Sans faire un récapitulatif complet de l'histoire d'Avranches, il est utile de faire l'inventaire des données en notre possession pouvant apporter quelques renseignements sur les évolutions du donjon à travers les siècles.

 

Avranches entre dans l'histoire en 56 avant J.C. Jules César, dans la Guerre des Gaules, mentionne l'existence d'une tribu celte, les Ambibarii, dans le sud de l'actuel département de la Manche. Au premier siè cle, Pline l'Ancien nomme ce même peuple les Abrincatui.

 

La capitale de ce groupe humain semble bien être Avranches, cependant aucun site fortifié n'est évoqué à cette époque, si ce n'est l'oppidum du Petit-Celland, à 10 km de la cité en direction de l'est. D'ailleurs les Abrincates semblent disséminés dans tout leur territoire.Avranches est l'un des sept chefs-lieux de cité de la seconde Lyonnaise. Au Ve siècle après J.C., Avranches devient le siège d'un évêché qui s'étend sur tout l'ancien territoire des Abrincates. À l'intérieur de ce diocèse deux entités administratives distinctes pourraient avoir existé: les pagi de Mortain et d'Avranches. Mais ceci est bien hypothétique.

 

 
 

Le pagus neustrien d'Avranches est dirigé par un représentant des pouvoirs mérovingien et carolingien.

 

Au Xe siècle, on ne sait absolument rien de la cité. A-t-elle été victime des incursions scandinaves? A-t-elle été détruite? La seule chose dont on soit sûr, c'est de la longue période de vacance du siège de l'évêché, environ un siècle et demi, ce qui laisse présumer l'état d'abandon de l'Avranchin à cette époque.


Vers l'an mil, Avranches est prise en main par le pouvoir normand. Robert d'Avranches puis Guillaume Werlenc en sont les premiers comtes placés par les ducs. Le comté d'Avranches se superpose alors complètement au diocèse. Avranches est à la fois une des sept cités épiscopales qui composent désormais la Normandie, et une capitale militaire forte, face à la Bretagne et au Maine. Les ducs, pour protéger leur domaine, vont établir toute une série de forteresses sur les limites méridionales du pays: Pontorson, Saint-James, Les Biards, Les Loges-Marchis, Saint-Hilaire, Le Teilleul, Mortain.

 

Vers 1050, Guillaume Werlenc est banni de Normandie par le duc Guillaume et s'enfuit en Italie. On observe alors une partition du comté. Robert, demi-frère de Guillaume le Conquérant, devient comte de Mortain tandis que Richard Goz, vers 1055, est placé à la tête de la vicomté d'Avranches. Richard Goz est le fils de Toustain Goz, vicomte de Hiesmois dès les années 1020.

 

Il est intéressant de noter qu'il y a sans doute, à cette époque, une répartition géographique des pouvoirs au sein de ce "pays". Avranches conserve son statut de capitale épiscopale, mais c'est Mortain qui devient la capitale comtale

 
 

Blason de Hugues Goz, dit le Loup

 
       
   

 

Blason d'Avranches

 
 

La conquête de l'Angleterre...

 

En 1066, Hugues, fils de Richard Goz, apporte sa contribution à la conquête de l'Angleterre en fournissant soixante navires au duc Guillaume. Hugues Goz, dit le Loup ou d'Avranches, devient comte de Chester en 1071, sans que l'on soit vraiment certain de sa présence à Hastings. Hugues d'Avranches fonde l'abbaye de Saint-Sever vers 1065.

 

Ce personnage haut en couleurs est assez bien connu pour avoir attiré sur lui l'attention des chroniqueurs. Orderic Vital, moine de Saint-Evroult, fait mention du faste déployé à sa cour. Guillaume le Conquérant l'a doté de nombreux territoires en Angleterre ; sa fortune le place au sommet de l'aristocratie anglo-normande ; il est décrit comme "un soldat, capable et dur", "plus chasseur qu'ami des moines", "adonné à la gloutonnerie et énormément gras", "père de nombreux bâtards".

 

Cependant ce personnage est avant tout un fidèle du Conquérant, ce dernier l'a fait gardien de la frontière galloise et le vicomte d'Avranches, comte de Chester, semble remplir son rôle à merveille. Son expérience militaire lui permet de maintenir les frontières du nord-ouest du royaume, voire de les étendre. Sa rudesse au combat, pour ne pas dire sa cruauté, explique sans doute qu'on l'ait surnommé le Loup. On sait aujourd'hui que les seigneurs normands profiteront des "retombées économiques de la conquête" pour alimenter, accroître leur patrimoine continental. Hugues utilisera sans doute ses revenus anglais pour enrichir sa vicomté natale.

 

Dans la seconde moitié du XIe siècle, après la mort de Guillaume le Conquérant en 1087, nous savons qu'Henri Ier Beauclerc, son fils, reçoit une grosse somme d'argent. Il l'utilise pour racheter à son frère Robert une bonne partie du Cotentin. Henri devient maître d'un vaste territoire constitué des diocèses d'Avranches et Coutances. Il fait d'Avranches un de ses lieux de résidence. Hugues le Loup, fidèle ami du futur roi, fut sûrement un hôte admirable. Toutefois quelques accrocs entre les deux amis sont à noter, comme en 1091 où Henri Ier Beauclerc, assiégé pendant quinze jours au Mont-Saint-Michel par ses frères, fut abandonné par ses plus proches amis ; le Loup était de ceux-là.

 
         
 

Hugues d'Avranches meurt en 1101, dans son comté de Chester. Son fils Richard II Goz prend sa suite. Preuve de l'importance des vicomtes d'Avranches, il épouse Mathilde, la seconde fille d'Étienne de Blois. Richard, digne successeur de son père, est promis à une grande carrière. Mais, en novembre 1120, Richard disparaît dans le naufrage de La Blanche Nef. Il périt sans laisser de descendance, aux côtés des forces vives de l'aristocratie anglo-normande. Cette catastrophe est un véritable coup dur pour le royaume; beaucoup de fiefs importants se trouvent alors sans héritiers. Les possessions des Goz passent aux mains de leurs cousins de Bayeux, les Briquessart.

 

Dès lors Avranches perd son rôle de "capitale historique" du domaine bicéphale qu'elle constituait avec Chester. Le domaine des Goz, annexé à celui des cousins du Bessin, n'est plus qu'une simple composante d'un ensemble beaucoup plus vaste.

 

Au XIIe siècle, Avranches reste une cité importante, certes, mais au même titre que des dizaines d'autres réparties dans le vaste empire des Plantagenêts. L'événement marquant de cette époque reste, sans conteste, la pénitence du duc-roi Henri II, sur le parvis de la cathédrale d'Avranches, le 21 mai 1172 ; le puissant monarque est accusé d'avoir commandité ou suggéré le meurtre de Thomas Becket, l'archevêque de Cantorbery.

 

 

Avranches Le châteeau,

CPA LPM collection 1900

 
         
 

Afin de réparer sa faute, Henri II fait amende honorable et implore le pardon de l'Église, face aux émissaires pontificaux dépêchés pour l'occasion.

 

En 1204 le roi occupe le duché. Cette mainmise royale ne se fait pas sans heurts pour Avranches. Philippe Auguste charge le breton Guy de Thouars de prendre l'Avranchin ; ce dernier en profite pour saccager la cathédrale et démanteler les murs de la ville. Le Mont-Saint-Michel subira le même sort. Cependant le XIIIe siècle va être bénéfique à la ville. Le roi saint Louis rachè te la vicomté en 1236. Il séjourne à deux reprises dans la cité, en 1256 et 1269, et s'attache à la reconstruire. Il la dote de nouveaux remparts, fait creuser des fossés. Avranches semble connaître un nouvel essor.

 

La fin du Moyen Age n'est qu'une succession de sièges pour la ville. En 1354, les troupes du roi de France la ceinturent. De 1418 jusqu'à 1450, elle vit à l'heure anglaise, subissant régulièrement les assauts libérateurs, mais sans aucun doute destructeurs.

 

Les guerres de religion seront aussi néfastes. En mars 1562, les huguenots de Gabriel Montgomery mettent à sac la cathédrale et l'évêché. En 1587 et 1589, leurs attaques sont repoussées. En plein hiver 1590-1591, les bourgeois, ralliés à la "sainte Ligue" et retranchés derrière les remparts, doivent subir un siège de soixante jours. L'artillerie royale obtient la capitulation de la ville au prix de terribles dégâts.

 

Jusqu'au début du XVIIIe siècle, Avranches reste une place forte, une garnison y réside, dirigée par un gouverneur. Le château est déclassé sous le règne de Louis XV. Les remparts sont alors vendus en parcelles. De nombreux nouveaux acquéreurs construisent leurs propriétés en modifiant, dans la plupart des cas, l'aspect originel de la vieille ville fortifiée. Des sections complètes de murailles sont abattues. Les tours sont mutilées, voire proprement rasées.

 

Tout au long du XIXe siècle, les pouvoirs publics s'attachent à moderniser la ville, les pertes architecturales sont lourdes, malgré les efforts des membres de la Société d'archéologie d'Avranches.

 

Comme nous le verrons plus loin, les bombardements de juin 1944 apporteront leur lot de déboires, pour la cité en général, mais aussi, plus particulièrement, pour le donjon d'Avranches.

 
         
 
 
     
   
  AVRANCHES
  CC 03.01 AVRANCHES - MONT-SAINT-MICHEL
   
  LE DONJON D'AVRANCHES 3/9
         
 
 

Relevé, réalisé quelques années après 1750, il nous offre à la fois un plan et une élévation

de toute la ligne de fortification située entre la porte Baudange et la porte de Ponts.

Ce document est sans doute une des pièces d'archives les plus utilisées par les historiens avranchins.

 
 

ORIGINES DU DONJON

 

Les origines du donjon d'Avranches

 

Très tôt les historiens identifient la vieille ville comme l'oppidum gaulois de l'Antiquité, "l'acropole" des Abrincates , que l'on aurait fortifié après les premières invasions du IIIe siècle.

 

Malheureusement le donjon est à l'extrémité gauche du dessin, et le périmètre qui nous préoccupe n'y est que partiellement représenté.Cependant quelques observations peuvent être faites. Le sommet du donjon est bien à la même hauteur que la courtine, qui devient, pour nous aujourd'hui, un merveilleux point de repère.

 
 
   

En admettant qu'une fortification de la vieille ville soit intervenue à cette époque, il est tentant de penser que le site du donjon médiéval fit l'objet d'un aménagement particulier. Les découvertes faites au XIXe siècle révélèrent la présence, dans les substructions de l'édifice, de nombreux vestiges antiques. Des bases et des fragments de colonnes furent notamment retrouvés lors du percement de la rue Neuve d'Office, aujourd'hui rue de la Belle-Andrine, en 1848.

 
         
 

D'autre part, des réemplois gallo-romains sont encore visibles dans les fondations d'un mur situé non loin, à une vingtaine de mètres au sud du site présumé du donjon.Ces indices pourraient indiquer la construction d'un castrum, à cet endroit, accompagnant le repli de la population sur l'oppidum plus facile à défendre. Cependant rien ne permet de dire à quelle époque ces aménagements furent faits.

 

À ce jour on n'a trouvé aucune preuve de l'existence d'une muraille ou palissade pour la défense de l'oppidum, ni la certitude que les réemplois soient contemporains des invasions germaniques.

 

Des réemplois gallo-romains

 
         
 

À l'époque franque, le chef du pagus possède probablement une résidence à Avranches. Edouard Le Héricher, au XIXe siècle, évoque la construction d'"une espèce de château" à Avranches en 460, par le monarque franc Chilpéric. L'auteur avoue qu'il tient cette information de M. Cousin, ce dernier n'ayant pas cité ses sources. Pour cette époque les sources écrites et l'archéologie ne livrent aucun élément sérieux sur l'existence et encore moins sur la localisation d'un tel édifice.

 

Lorsque l'on évoque le donjon d'Avranches aujourd'hui, l'immense majorité des Avranchais croit qu'il s'agit de cette tour aux créneaux garnis d'armoiries où flottent, aux beaux jours, de nombreux drapeaux. En fait, ce "pseudo donjon" est une courtine, qui, comme nous le verrons plus loin, a sans doute été bâtie au XIIIe siècle. La confusion est née peut-être de l'effondrement du véritable donjon, en 1883, et de la proximité de ce dernier, dont l'angle nord-est venait se raccrocher à cette courtine. Jean Mesqui lui-même a commis une erreur en rangeant ce simple mur de courtine dans la catégorie des tours maîtresses de forme rectangulaire et aux angles arrondis

 
         
 

Cependant cette méprise fut évitée par la plupart des historiens. Le vide laissé par la disparition du véritable donjon, en 1883, au pied de la courtine, fut toujours considéré comme son emplacement. Cet espace désert fait de la forteresse normande un édifice aux dimensions réduites. M. Levalet indique à ce sujet qu'il n'a jamais dû avoir de fonction résidentielle. Il est vrai que le socle supposé ne permet pas d'envisager un édifice de plus de 100 m2 au sol.

 

Dans ses notes, le chanoine Pigeon précise que la terrasse sommitale du donjon forme un carré d'environ neuf mètres de côté, puis il se contredit en annonçant, dans son ouvrage sur le diocèse d'Avranches, que l'édifice mesurait neuf mètres de large sur seize de longueur. C'est à y perdre son latin !

 

Quant à sa date de construction, ces auteurs sont la plupart du temps très évasifs, même s'ils s'accordent à le faire remonter à l'époque ducale. Il est vrai que le contexte historique, évoqué précédemment, est propice à une installation du donjon entre le XIe et le XIIe siècle. Cependant, ses modestes dimensions, évoquées par Monique Levalet et relevées par le chanoine Pigeon, semblent atypiques pour un donjon anglo-normand de cette époque.

 

Le Donjon CPA Collection LPM 1900

 
         
 

D'autre part nous sommes en droit de nous interroger sur l'efficacité militaire et la fonction résidentielle d'une si petite construction, compte tenu de l'importance des puissants vicomtes d'Avranches.

 

En 1204, le rattachement de la Normandie à la France voit sans doute la destruction d'une partie du château par Guy de Thouars. Le donjon est-il touché à cette époque? Nul ne le sait. Fait-il l'objet de restaurations, en 1236, lorsque saint Louis rachète la vicomté et fait reconstruire les murs de la ville? M. Levalet pense que la courtine, notre fameux pseudo-donjon aujourd'hui crénelé, fut édifiée à cette époque. Pour l'archéologue, cette construction aurait pu dissimuler un passage entre la premiè re enceinte du château et la seconde. Nous pourrions alors parler de "courtine à gaine".

 

Avec l'apparition de l'artillerie, les troupes assiégeantes s'installent systématiquement sur les coteaux d'Olbiche, au sud de la ville. Le donjon n'a plus sa vocation stratégique première. En revanche, le manoir épiscopal et la cathédrale sont en première ligne.

 
         
 

Au XVe siècle, suite à la guerre de Cent Ans, les fortifications sont à nouveau refaites. Un second mur d'enceinte est construit autour de la ville, des fossés sont creusés au pied de cette nouvelle ceinture. En 1476, sur la place Baudange, en avant de la porte du même nom, un boulevard d'artillerie est bâti. À cette époque, malgré des sources plus nombreuses, le donjon n'est jamais évoqué dans le cadre des renforcements militaires. Est-ce parce qu'il n'a pas eu à souffrir de destructions?

 

Ou tout simplement parce qu'il perd alors toute utilité défensive et résidentielle pour ne plus être qu'une simple tour ?

 

Plan d’Avranches au XVIIIeme siecle

 
         
 

L'ensemble du château d'Avranches est déclassé au XVIIIe siècle. Les remparts, comme nous l'avons vu, sont vendus en parcelles. À la Révolution, le donjon n'est plus entretenu du tout. Un plan très précieux, conservé au fonds ancien de la bibliothèque d'Avranches et qui représente la ville au milieu du XVIIIe siècle, mentionne clairement le "château ruiné". M. Levalet prétend qu'à cette époque l'édifice possède encore une toiture. Rien n'est moins sûr !

 

Le télégraphe Chappe prend place, en 1810, sur le donjon; une "cabane" est installée à son sommet: elle sert à abriter les préposés au télégraphe et supporte le mécanisme articulé.

 

La terrasse est totalement inaccessible de l'intérieur. Le personnel doit emprunter l'escalier, toujours existant aujourd'hui, du mur de courtine voisin pour accéder au sommet de l'édifice ; aujourd'hui cet escalier est, d'une certaine manière, le seul élément qui subsiste du dispositif du télégraphe.

 
     
 

Le télégraphe CPA Collection LPM 1900

 
         
 

Le haut de la courtine constitue une plate-forme au même niveau que la terrasse. Un schéma, réalisé par le chanoine Pigeon, montre de quelle manière donjon et courtine étaient reliés. Ceci est également vérifiable dans un document conservé aux Archives du Calvados.

 

Un autre détail est à noter: il est impossible d'accéder à la terrasse depuis l'intérieur du bâtiment. Des passages ont probablement été obstrués après un premier affaissement du niveau supérieur de l'édifice, à une époque indéterminée.

 

 

Schéma, réalisé par le chanoine Pigeon,

montre de quelle manière donjon

et courtine étaient reliés.

 
         
   
 LE DONJON D'AVRANCHES
     
 CONCLUSION
     

Avranches, CPA collection LPM 1900

 

Le donjon d'Avranches

Un mystère historique...

David NICOLAS-MÉRY 2002


9. Conclusion

 

Ivry-la-Bataille, la Tour de Londres, le donjon de Loches, voilà des éléments de comparaison prestigieux pour le donjon d'Avranches! On pourra me reprocher d'avoir occulté beaucoup d'autres édifices majeurs: Domfront, Falaise, Chambois ou encore Caen auraient bien pu, eux aussi, illustrer ma présentation. Cette mise à l'écart de ma part s'explique par le manque de similitudes flagrantes avec ces derniers édifices. En outre, je suis convaincu, au regard des particularités architecturales et techniques, de la grande précocité du donjon d'Avranches.

 

Les dimensions du donjon d'Avranches, reconsidérées et accrues grâce à la découverte de nouveaux éléments, en font enfin un lieu de résidence digne des puissants vicomtes d'Avranches; un palais à la mesure du faste décrit par Orderic Vital et du rôle important joué par ces puissants barons, aussi bien avant qu'après la conquête.

 

La redécouverte de ce "monstre" nous renvoie également à ce que Jean-Victor Tesnière de Brémesnil écrivait dans son manuscrit, au sujet du bâtiment qu'il pouvait encore observer en 1810: "Dans l'intérieur et au sud de le ville était construit le château qui servait en même temps de résidence aux gouverneurs: l'artillerie était placée sur ses remparts, il renfermait une salle immense voûtée dont on aperçoit encore les restes et qui servait, soit de garnison, soit de caserne à la garnison, soit de dépôt pour les prisonniers, ou de magasin d'armes et de machines de guerre".

 

Cette "salle immense voûtée" vue par de Brémesnil pourrait bien correspondre à l'un de ces espaces internes que je viens d'envisager.

 
 

Nicolas Méry 2002 Reconstitution

du Donjon d’Avranches XIeme siecle

     

Les liens avec l'Angleterre...

 

Dominique Pitte voit en la tour d'Ivry un chaînon de l'évolution entre Doué-la-Fontaine et la Tour de Londres.

 

Il faut maintenant compter avec le donjon d'Avranches qui semble participer, lui aussi, à cette évolution.

 

Nous avons retrouvé au coeur de la ville, un exemple de donjon quadrangulaire du début du XIe siècle.

Ses dimensions impressionnantes, son système d'espaces internes complexe et ses galeries murales font de lui un prototype spectaculaire de donjon anglo-normand.

 

Les comtes d'Avranches...

 

La fondation précoce de cette forteresse se justifierait par la prise en main militaire des parties occidentales de la Neustrie, au début du XIe siècle. Cassandra Potts a démontré de façon fort convaincante comment les premiers comtes d'Avranches et de Mortain se succédèrent.

 

Le premier d'entre eux fut installé à Avranches par le duc de Normandie, Richard Ier (+996), peu avant l'an mil.

 

Avranches CPA collection LPM 1900

 

Des chartes originales du XIe siècle révèlent la présence d'un comte Robert à Avranches, fils illégitime du duc. Par la suite il semble que le fils de ce Robert, nommé Richard, lui succède pour une durée assez courte. Ce dernier est banni pour avoir usurpé des terres de l'abbaye de Fleury et ensuite participé à la conspiration contre son oncle le duc Richard II (+1026).

 

À cette époque, c'est-à-dire avant 1026, Guillaume Werlenc se voit attribuer l'Avranchin et le Mortainais. Guillaume Werlenc est lui aussi un membre de la famille ducale; comme son cousin Richard, le félon, il est un des neveux du duc Richard II.

 

Mais Guillaume Werlenc sera contraint, lui aussi, de quitter Avranches, chassé par le duc Guillaume pour trahison... Werlenc s'enfuit visiblememt, avec beaucoup d'autres barons rebellés, en Italie du sud.

A cette époque, le comté d'Avranches est coupé en deux ensembles : le comté de Mortain et la vicomté d'Avranches. Notre cité perd son titre comtal et dépend désormais de Mortain dirigée par Robert, demi-frère du duc.

 

Un autre personnage entre alors en scène : Richard Goz, vicomte d'Avranches, prend possession du donjon vers 1055.

 

Son fils Hugues, dit le Loup, sera propulsé aprè la Conquète au sommet de la hiérarchie aristocratique normande...

     

Les ducs de Normandie...

 

Il apparaît clairement que les ducs, siégeant alors à Rouen, se sentent éloignés de cette partie du duché. Ils choisissent de confier à de proches parents cette région hautement stratégique. L'Avranchin, situé aux confins occidentaux de leur territoire, est exposé à des rivalités politiques incessantes face à la Bretagne et au Maine. Il est aisé de comprendre la démarche de Richard Ier et de Richard II: ils souhaitent s'appuyer sur des membres de leur famille, en théorie fidèles, plutôt que de faire confiance à de quelconques barons faisant passer leur fortune personnelle avant les intérêts ducaux! Dans ce contexte très précis, Avranches devient une capitale militaire primordiale pour la stabilité du jeune duché. Cette importance politique est renforcée par la présence, au sein des murs de la cité, de l'un des sept sièges épiscopaux normands.

 

Au vu des données historiques exposées par C. Potts, je suis convaincu que Robert d'Avranches, puis son neveu Guillaume Werlenc, sont les véritables instigateurs du donjon d'Avranches.


 

Richard Ier

     

La construction de cette forteresse se conçoit parfaitement dans le contexte frontalier du pays mais aussi du fait des liens privilégiés qui unissent alors Avranches au pouvoir ducal. Edward Impey avance à ce sujet qu'une telle construction, au côté de celles de Rouen et d'Ivry-la-Bataille, devait posséder un statut particulier: ces "tours maîtresses" construites au commencement de la période ducale étaient sans doute étroitement associées, ainsi que les comtés eux-mêmes, au pouvoir des ducs. D'autre part, E. Impey signale très justement l'importante valeur symbolique de cet édifice au c¦ur d'une nouvelle capitale comtale au début du XIe siècle.

 

Une interrogation reste soulevée quant à la longévité de l'édifice dans sa fonction résidentielle première. À quelle époque remonte son véritable démantèlement, puisque l'effondrement de 1883 n'est que la conclusion fâcheuse de toute une série de destructions préliminaires? Cette question pourrait peut-être trouver des éléments de réponse si nous considérons un vaste édifice, également situé dans la vieille ville fortifiée, non loin du pôle épiscopal. Il s'agit du Grand Doyenné.

     

Grand Doyenné.


Ce bâtiment énigmatique, dont plusieurs parties portent la marque des XIIe et XIIIe siècles, mériterait une étude approfondie. Cette vaste construction, mesurant plus de 20 mètres de longueur sur près de 10 mètres de largeur, est un grand hall sur cellier voûté d'arêtes dans un état de conservation spectaculaire. Un chamber bloc devait être attenant, à l'est dans l'axe. Devant une telle "résidence", le scénario d'un déplacement de l'habitat seigneurial, au sein de la vieille ville, se dessine.

 

Suite aux destructions de 1204, je pense que le donjon perd son rôle de résidence; il s'agit alors de tirer un trait sur ce symbole du pouvoir normand. Les fortifications sont réparées par le pouvoir royal, mais il est fort probable que l'édifice ne conserve qu'une fonction défensive. Ceci expliquerait notamment l'adjonction, à cette époque, de la courtine à gaine.

 

C'est peut-être pour remplacer le donjon dans sa fonction résidentielle que l'on construisit alors l'immense logis, dit du doyenné, afin d'y recevoir les hôtes de marque.

 

Grand Doyenné.

     
 
  AVRANCHES
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  LA VELICIPEDIE
         
  ...  
         
 

ANNALES DE NORMANDIE

Em. Vivier.

La vélocipédie à Avranches

en 1869-1870

 

II y a exactement un siècle qu'un serrurier parisien créa le « vélocipède » en adaptant à la roue avant de l'ancienne « draisienne » ou « vélo- ci fère » un axe coudé, muni de pédales, qui permettait de faire mouvoir ce moyen de locomotion à deux roues sans èire obligé de lui donner l'impulsion avec les pieds reposant sur le sol.

 

L'invention ne fut connue que tardivement dans les petites villes de province car les journaux de Paris n'en parlèrent sérieusement qu'en 1869 lorsque le jeune prince impérial se mit à faire du vélocipède dans le jardin des Tuileries ou dans ie parc de Compiègne et lorsque furent organisées les premières courses.

 

A Avranches, la première Mention qui en fut faite dans le journal local date du 21 février 1861. In certain M. de... avait fait le pari de réaliser le trajet (.aller et retour) d'Avranches à Pontaubault, soit 11 kilomètres en moin:; d'une heure. Le départ avait été fixé à 2 heures de l'après-midi sur la place d'.i Palet, près de l'église Xotre-I)anie-des-Champs, et le coureur devait emprunter la route nationale qui se dirige vers la Bretagne. Après deux kilomètres de plat, il lui fallait descendre la forte côte de I'M, puis gagner le pont de Ponhuibault en suivant une route droite mais très vallonée. In groupe imposant de parieurs l'accompagnèrent, à cheval ou en voiture. M. de... revint à son point de départ à 2 h, 56 minutes 3/4, gagnant son pari, et prouvant que si l'épreuve s'était dérouler1 en plaine, il uirait pu réaliser une vitesse de 26 km. à l'heure, c'est-à-dire égale à celle d'un grand trotteur. Le journaliste précisait que le coureur avait utilisé une bicyclette à deux roues et non un tricycle.

 

Malgré cette démonstration !a plupart des Avranchinais restèrent convaincus que le nouveau mode de locomotion n'était pas viable car le même journal local écrivait dans son numéro du i) septembre : « La vélocipédie touche à sa (in. A Paris, le vélocipède, proscrit presque partout, n'a bientôt plus droit de cité. En province la petite machine vit encore mais elle est bien malade. Nos paysans, si fiers sous leur air narquois, ont baptisé cette mécanique de son vrai nom ; ils l'appellent une Remoulette. Déjà en 1804 le vélocipède, identiquement pareil au nôtre, chercha à s'introduire dans la locomotion. Pendant quelques mois ce fut un engoûment à tout casser, mais la fureur se passa vite. I1 en sera de même cette fois. Pleurez, petits enfants, le vélocipède est mort! ».

 

Alerté par ce pronostic pessimiste, un Avranchinais chercha aussitôt à se débarrasser, à moitié prix (150 fr. au lieu de 300 fr.), de son vélocipède « presque neuf, à 3 roues, dit vélocipède-pannier, système Jacquier, breveté et perfectionné ».

 

Cependant une autre démonstration de l'utilisation de la pédale devait être fournie aux Avranchinais, au mois de juin 1870, avec l'expérience d'un « velocipede marin ».

 

Cet appareil consistait en deux périssoires, de 5 m. de long, 0 m. 30 de large, et 0 m. 20 de haut, unies par deux tringles de fer mais laissant entre elles un espace de 0 m. 40 à 0 m. 45 où était placé le propulseur. Celui-ci était une roue à palettes, maintenues par des boulons à l'extrémité des rayons, les aubes plongeant de quelques centimètres seulement. La roue était recouverte d'un tambour en arrière duquel était placé le siège du vélocipédiste. A l'arrière des bateaux, deux gouvernails, unis par une barre de fer, communiquaient par un système de cordes avec une poignée placée en face du siège. Un second siège, posé en avant du tambour, était réservé au passager. Ce vélocipède marin appartenait à M. O..., second maître-mécanicien du Prince-Jérôme, qui l'avait déjà expérimenté dans un voyage aller et retour de Boulogne à Calais.

 

Le journal local ne révèle pas les noms des deux jeunes gens qui, au début de juin, tentèrent de se rendre au moyen de ce vélocipède marin, d'Avranches au Mont-Saint-Michel.

 

Profitant de ce que la mer remplissait l'estuaire de la Sée, les deux jeunes gens s'embarquèrent, au iieu-dit: hx Roche, au pied de la colline. Au bout d'une demi-heure ils arrivaient à la pointe du Grouin de Saint-Léonard ; ils allaient s'engager dans la baie, lorsqu'un vent violent les obligea à ne pas poursuivre leur tentative. Ils revinrent donc vers le rivage, mais comme la marée s'était retirée, ie vélocipède s'échoua sur la grève, à quelques centaines de mètres de la cote. 11 leur fallut attendre la marée du soir pour remettre l'appareil à flot, mais, par prudence, ils rentrèrent dans l'estuaire de la Sélune, vers le gué de l'Epine. La traversée des « ardents », que le flux détermine dans les rivières, avait sans doute effrayé le premier passager, car c'est avec un autre compagnon que le vélocipédiste ramena son appareil au point de départ de la Roche.

 

La déclaration de guerre, et le changement de régime préoccupèrent plus les Avranchinais que ces expériences de nouveaux moyens de locomotion. 11 n'en fut plus parlé dans le journal local.

 
         
   
 
 
 

 

 

 
 

 

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  AVRANCHES
  CC 03.01 AVRANCHES - MONT-SAINT-MICHEL
   
  ABBAYE SAINTE-ANNE DE MOUTON
         
   
         
 

L'abbaye Sainte-Anne de Moutons d'Avranches est un ancien établissement religieux de la Manche.

Le prieuré de femmes de Moutons est fondé vers 1120 à Saint-Clément.

 

L'établissement accueillant des bénédictines déménage en 1693 à Avranches en fusionnant sous l'impulsion de l'évêque Pierre-Daniel Huet, avec l'abbaye Sainte-Anne d’Avranches, fondée en 1638.

 

Les deux galeries du cloître et le puits transféré au jardin des plantes d'Avranches font l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques depuis le 24 octobre 1935

 

L’abbaye des bénédictines de Sainte Anne d’Avranches est fondée en 1653, dans des bâtiments acquis en 1632 (actuelle aile sud du bâtiment).

 

En 1693, les moniales bénédictines du prieuré de Moutons (région de Mortain) demandent leur transfert vers Avranches. Dès 1694, l’abbaye prend le nom de Sainte Anne de Moutons.

 

L’abbaye prospère jusqu’à sa fermeture le 5 septembre 1792, pendant la Révolution.

 

Le bâtiment connait des aménagements divers : la révolution et l’empire y installent une caserne, puis on y aménage une école maternelle et un asile.

 

En 1840, une première salle de spectacle est créée dans le bâtiment principal, où se trouve la salle actuelle. Cette salle a même accueilli en 1846 la célèbre tragédienne Mademoiselle George, dans « Marie Tudor » de V. Hugo, rôle dont elle avait été la créatrice.

 

Jusqu’à la seconde guerre mondiale la plus grande partie des bâtiments est affectée à l’enseignement (école primaire, logement de l’instituteur, préau, cour de récréation).

 

Les bombardements du 7 juin 1944 ont détruit plus d’un tiers de l’ensemble bâtiment : la chapelle au nord, le Logis en prolongement du bâtiment sud. Puis le percement du boulevard de la Corniche Saint-Michel (actuel boulevard Jozeau Marigné) a réduit la partie est de la cour.

 

Après la guerre, on y aménage quelques appartements des locaux associatifs et la salle de théâtre devient un cinéma. Mais tout cela est abandonné et l’ensemble de l’abbaye menaceruine, jusqu’à ce que la ville d’Avranches décide à la fin des années 1970 de restaurer ce bâtiment.

 

En juin 1977, ouverture de la nouvelle salle de spectacle, puis c'est l’aménagement de l’école de musique dans l’aile sud, enfin l’école municipale d’arts plastiques est aménagée dans les combles.

Depuis, ce lieu accueille spectacles, congrès, conférences, mais également des enseignements artistiques, des activités associatives tant culturelles que de divertissement.

 
         
   
 

Ancienne abbaye de Moutons, devenu centre culturelXfigpowerTravail personnel

 
         
   

 LES BLASONS DE LA MANCHE

 

 

 

Aumeville-Lestre

 

Écartelé : au premier et au quatrième de sable à l'aigle d'argent semée de croissants du champ, portant sur l'estomac une croisette haussée du même, au deuxième et au troisième d'or au laurier arraché de sinople, au chef de gueules.

 

 

 

 

 

 

 

 

     

 

Avranches

 

(sous-préfecture, ancien évêché)

 

D'azur à deux tours rondes jointes

par un entremur, une porte au milieu d'argent, surmonté d'un dauphin contourné

et couché du même,

accosté de deux croissants d'or

 

(dessin inspiré de l'ancienne cathédrale)

 

 

 

 

     

 

Barfleur

 

De gueules à un bar d'argent posé en pal,

surmonté d'une fleur de lys d'or

 

 

 


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  AVRANCHES
  CC 03.01 AVRANCHES - MONT-SAINT-MICHEL
   
  Daniel Huet, le « savant évêque d’Avranches »
         
   

Article de David NICOLAS-MÉRY

 

Né à Caen, le 8 février 1630, d’un père caennais et d’une mère rouennaise, Pierre-Daniel Huet quitta sa ville natale après des études chez les Jésuites. À vingt ans, il arriva à Paris où il fit la rencontre déterminante de grands scientifiques de l’époque. À la cour de Louis XIV, le jeune homme acquit rapidement une grande renommée grâce à de nombreuses publications dans des domaines aussi variés que les sciences physiques, l’astronomie, l’anatomie, la géographie et la navigation, la théologie ou bien encore la philosophie. Huet accéda à l’Académie des belles-lettres de Caen et fonda dans cette ville l’Académie de physique en 1662, avant d’être élu à l’Académie française en 1674. Il exerça, de 1670 à 1680, les fonctions de sous-précepteur du dauphin Louis de France, sous l’autorité de Bossuet.

 
 
         
 

Ensuite, Huet s’éloigna peu à peu de la cour et se tourna vers la vie ecclésiastique : en 1676 il accéda à la prêtrise et en 1678, Louis XIV le nomma abbé de l’abbaye cistercienne d’Aunaysur-Odon, au sud de Caen. Sept ans plus tard, le roi lui permit d’accéder au siège épiscopal de Soissons.

 

En 1689, l’évêque d’Avranches, Monseigneur Brulart de Sillery, souhaitant se rapprocher de sa région d’origine, proposa à Huet un échange d’évêché ; ce dernier accepta l’idée et Louis XIV accéda à leur requête. C’est ainsi qu’en septembre 1690 l’illustre savant normand vint à Avranches.

 

Mais son sacre n’eut lieu qu’en août 1692, à Paris, étant donné que Louis XIV était alors en conflit avec le pape qui refusait de reconnaître les évêques nommés par le roi de France. Le 17 octobre 1692, une foule enthousiaste accueillit le nouvel évêque lors de son entrée solennelle dans la cathédrale.

 

Huet adopta rapidement, pour des raisons de santé, un rythme particulier : l’hiver, il quittait Avranches pour Paris où il poursuivait ses travaux littéraires tout en gardant un oeil attentif sur les affaires de son diocèse ; de retour en Normandie, il cessait d’être le savant que Bossuet avait classé parmi les plus doctes de son temps pour se consacrer entièrement à ses fidèles.

 

Parmi les premières mesures prises par Huet, il y eut, en 1693, la fusion du prieuré de Moutons, fondé en 1120 dans le Mortainais, avec l’abbaye bénédictine Sainte-Anne d’Avranches, créée en 1635 : les deux institutions furent regroupées sous le nom de « Sainte-Anne de Moutons ».

 

Pendant la durée de son épiscopat, Huet veilla à l’ordre moral de son clergé et de la population des campagnes. Il publia des statuts synodaux afin de rétablir la discipline du clergé du diocèse.

 

En 1699, Daniel Huet mit un terme à son mandat épiscopal, en raison d’une santé devenue fragile. Cependant, l’évêque « survécut » vingt-deux ans à son départ d’Avranches et s’éteignit le 26 janvier 1721 à Paris.

 
         
   
 BARONS DE L'HISTOIRE NORMANDE
 
 Hugues d'Avranches, comte de Chester († 1101)

 

Le château d'Avranches

 

On affubla ce baron normand, devenu comte de Chester en 1070, du surnom Lupus (c’est-à-dire "le gros"). Dans les années 1080, il pénétra dans le nord du Pays de Galles avec son cousin Robert de Rhuddlan et y fit bâtir les châteaux de Bangor et Caernarfon. Il prit le parti de Guillaume le Roux contre Odon et Robert Courteheuse, le frère du roi, en 1087. A la mort de son cousin Robert en 1093, Hugues acquit le fief de Gwynedd dans le nord du Pays de Galles où il écrasa un soulèvement gallois vers 1094/98.


Source WIKIPEDIA

 

Il est le fils de Richard Goz († après 1082), vicomte d'Avranches et seigneur de Saint-Sever, et d'une mère inconnue historiquement identifiée comme Emma, une demi-sœur de Guillaume le Conquérant, mais sur des éléments non probants.

 

Le chroniqueur normand du XIIe siècle, Orderic Vital, dresse un portrait négatif d'Hugues d'Avranches. « Il n'était pas libéral mais prodigue [...]. Il ne gardait aucune mesure ni pour donner, ni pour recevoir ; journellement il dévastait ses biens et


Plaque à Avranches


favorisait beaucoup plus les oiseleurs et les chasseurs que les cultivateurs et les prêtres [...]. Il se livrait sans retenue à tous les plaisirs charnels ». Vital lui reproche en particulier de multiplier les concubines et d'être un goinfre. À tel point qu'à la fin de sa vie, Hugues est devenu si gros qu'il peut à peine marcher. Il est alors surnommé Hugues le Gros. Toujours selon le chroniqueur normand, le vicomte d'Avranches a coutume de s'entourer d'une domesticité excessivement nombreuse. Autant de traits de caractères et d'attitudes qui scandalisaient le moine Vital.

 

Carrière en Angleterre

 

En 1066, Hugues est encore jeune, et son père toujours vivant. Il n'est donc pas le vicomte Hugues qui contribue, lors de la conquête de l'Angleterre, pour 60 navires, et ne participe probablement pas à la bataille de Hastings (1066) qui débute la conquête normande de l'Angleterre.

 

Il passe en Angleterre peu après et se met au service du nouveau roi d'Angleterre Guillaume le Conquérant. Il est d'abord mis aux commandes du château de Tutbury dans le Staffordshire à la frontière du Derbyshire (Midlands de l'Est), alors que la région n'est pas encore pacifiée. Plus tard, vers 1070-1071, il reçoit le comté de Chester et le titre de comte de Chester, avec des pouvoirs palatins, mais doit pour cela rendre les terres qu'il possède autour de Tutbury. Celles-ci sont alors confiées à Henri de Ferrières.

 

Dans le Cheshire, il acquiert toutes les terres sauf celles appartenant aux évêques de Chester. Chester devient le centre de son honneur qu'il se constitue tout au long des vingt ans de sa carrière en Angleterre. Il reçoit du Conquérant un nombre très importants de domaines, comme une grande partie des terres du nord du royaume qui appartenaient à Harold Godwinson avant qu'il ne monte sur le trône. Il reçoit aussi des domaines éparpillés dans tout le royaume ayant appartenu à des nobles ou à des thegns anglo-saxons. À la rédaction du Domesday Book en 1086, il est parmi les dix plus riches barons du royaume, avec des terres valant 794 livres sterling annuellement. Toutefois, il en a inféodé la plupart puisque son revenu est estimé à 160 livres par an.

 

Il n'a pas le contrôle du patrimoine familial avant la mort de son père en 1082. Il hérite de non seulement la vicomté d'Avranches, mais aussi d'autres terres disséminées à travers l'est de la Normandie.

 

En 1082, certains pensent qu'il peut tremper dans le complot fomenté par l'évêque Odon de Bayeux contre Guillaume le Conquérant. Orderic Vital nous explique que Hugues commandait une troupe de chevaliers qui se préparait à quitter l'île de Wight. Ces hommes partaient-ils pour Rome afin de soutenir Odon dans son projet de devenir pape ou se préparaient-ils à renverser Guillaume le Conquérant ? Vital reste flou sur les motivations de cette expédition et sur le rôle d'Hugues. Toujours est-il que si Odon est emprisonné, Hugues n'est en rien inquiété, ce qui fait douter de son implication.

 

Lors de la rébellion de 1088, Hugues d'Avranches est l'un des rares grands barons anglo-normands à ne pas soutenir les révoltés contre le roi. En 1087-88, le nouveau duc de Normandie Robert Courteheuse engage le Cotentin et l'Avranchin auprès de son frère cadet Henri Beauclerc. Hugues en tant que vicomte d'Avranches devient un vassal de ce dernier. Henri fait fortifier ses places principales, se préparant à la guerre. Hugues et d'autres barons l'abandonnent, livrant les places qu'ils tiennent au roi Guillaume le Roux lorsque, quelques mois plus tard, Robert Courteheuse et le roi d'Angleterre Guillaume le Roux règlent leurs désaccords par le traité de Caen (1091). Les deux aînés se coalisent contre leur cadet, et plus tard, l'assiègent au Mont-Saint-Michel.

 

Hugues est souvent aux côtés de Guillaume le Roux. Il fait campagne avec lui contre les Écossais en 1091 et dans le Vexin contre les Français en 1097. En 1100, Henri Ier Beauclerc succède à Guillaume le Roux sur le trône d'Angleterre. Hugues d'Avranches se rallie au nouveau souverain.

 

Face aux Gallois

 

Hugues, comte de Chester depuis 1071, a les pouvoirs étendus sur son nouveau territoire. Il a ainsi toute la latitude nécessaire pour protéger le Royaume d'Angleterre des incursions galloises, et établir un contrôle sur tout le nord de la frontière avec le Pays de Galles. Il profite de cette opportunité pour étendre ses possessions vers l'ouest. Il pénètre le territoire adverse le long de la côte, et étend son territoire jusqu'à Bangor, où il établit un évêché en 1092, et à l'île d'Anglesey. La difficulté de la tâche fait qu'il passe la majeure partie de sa vie à combattre contre ses voisins gallois.

 

Aidé de son cousin Robert de Rhuddlan, il soumet une grande partie du nord du Pays de Galles, grâce à des mottes castrales, des garnisons et des raids incessants. Initialement, Robert tient le nord-est du territoire comme vassal d'Hugues. Toutefois, en 1081, Gruffydd ap Cynan, roi de Gwynedd, est capturé par traîtrise lors d'une rencontre près de Corwen. Gruffydd est emprisonné par Hugues dans son château à Chester, mais c'est Robert qui s'empare de son royaume, et le tient directement du roi d'Angleterre.

 

Quand Robert est tué lors d'un raid gallois en 1088, Hugues reprend ses terres, contrôlant ainsi sur la majeure partie du nord du Pays de Galles. Mais il perd Anglesey, et la plupart des autres territoires du Royaume de Gwynedd dans la révolte galloise de 1094, menée par Gruffydd ap Cynan, qui s'était échappé de captivité.

 

L'été 1098, Hugues se joint à Hugues de Montgommery, le 2e comte de Shrewsbury, dans une tentative de reconquête des terres de Gwynedd perdues. Gruffydd ap Cynan fait retraite vers Anglesey, puis est forcé de fuir en Irlande, quand une flotte de mercenaires qu'il avait engagée auprès des colonies danoises d'Irlande change de camp.

 

La situation bascule avec l'arrivée d'une flotte norvégienne sous le commandement du roi Magnus III dit Magnus Nu-Pieds, qui attaque les forces normandes près de la fin orientale de la Menai. Le comte de Shrewsbury est tué d'une flèche qu'on raconte avoir été tirée par Magnus lui-même. Les Normands sont contraints d'évacuer Anglesey, et l'année suivante, Gruffydd revient d'Irlande pour reprendre possession de ses terres, après être parvenu à un accord avec Hugues.

 

Dans cette guerre, Orderic Vital reconnaît que le comte de Chester fut brave mais aussi très cruel. En 1098, lors de la lutte sur l'île d'Anglesey, il fit ôter les yeux, couper les mains et les pieds de plusieurs captifs. Les Gallois l'appelaient Hugh Flaidd, c'est-à-dire Hugues le Loup.

 

Fin de carrière

 

Il meurt en 1101 dans le monastère bénédictin Sainte-Werburgh qu'il avait fondé à Chester et dans lequel il s'était retiré quelques jours auparavant, sentant la mort venir.

 

Pour C. Tyerman, il avait acquis une réputation d'homme vicieux, violent et débauché. Mais il avait un autre côté, celui de patron de monastères, d'ami d'Anselme de Cantorbéry. D'après Eadmer, il persuada ce dernier de venir en Angleterre pour prendre en charge l'installation d'une communauté de moines dans le monastère dédié à sainte Werburgh de Chester.

 

Famille et descendance

 

Il épouse, en 1093, Ermentrude de Clermont, fille de Hugues, comte de Clermont-en-Beauvaisis († 1081), par qui il eut un fils :

 

Richard d'Avranches (1093-1120), 2e comte de Chester. Il épouse Mathilde de Blois, la fille du futur roi d'Angleterre Étienne de Blois. Richard et Mathilde meurent lors du naufrage de la Blanche-Nef en 1120.

Il eut aussi deux enfants illégitimes connus.

 

Robert, est confié oblat à l'abbaye d'Ouche. Henri Ier lui confie l'abbaye Saint-Edmond de Bury St Edmunds (Suffolk) à son accession au trône d'Angleterre, mais il est déposé en 1102 par Anselme de Cantorbéry.

 

Othoël, Othöen ou Otven, confié au collège d'Avranches. Il est nommé précepteur du jeune fils du roi Henri Ier d'Angleterre et périt avec lui dans le naufrage de la Blanche-Nef. Il avait épousé la fille et héritière du seigneur de Subligny, dont il eut deux fils : Hasculphe de Subligny, fondateur de l'abbaye de La Lucerne, et Richard de Subligny, évêque d'Avranches.

 

Costumes militaires du XIeme siecle,

d'après Montfaucon et Willemin

 

Seigneur et dame noble du Xieme siecle,

d'après Herbé et Viel-Caste