VIVRE NORMAND
   
  ASSEMBLEES & LOUEE VERS 1850
         
 

LA NORMANDIE ANCESTRALE

Ethnologie, vie, coutumes, meubles, ustensiles, costumes, patois

Stéphen Chauvet.

Membre de la Commission des Monuments historiques

Edition Boivin, Paris.1920

 
         
   
     
 

Les Assemblées.

 

Chaque commune a son assembiâée, le dimanche où se fête le saint qui patronne cette commune. L'assemblée a lieu le dimanche de la Saint-Lô à Courcy, le dimanche de Saint-Cornille à Nicorps, etc.. Hommes et femmes assistent à la grand'messe. Au sortir de l'office, ils achètent un garrot (sorte de gâteau très sec, assez grossier), et des amandes et des noisettes sèches, destinés à être mangés en buvant du bon bère (bon cidre de pur jus). Dans certaines communes, assez importantes, il existe, ce jour-là, des jeux, des chevaux de bois, des baraques de jouets pour les enfants. La grande assemblée de l'arrondissement est celle de Coutances qui a lieu le jour de la Saint-Michi (Saint-Michel, le 28 septembre). La ville présente, à cette occasion, l'aspect et les distractions de toutes les petites villes, le jour de la fête annuelle.

 

Autrefois, les fêtes, les assemblées, les louées, se terminaient par des parties de jeu de la Soûle ou la Choule , l'ancêtre sauvage du Foot-ball. Ce jeu remontait au moyen âge. La Souie était une grosse balle de cuir, pleine de son, pesant 5 à 7 kilos et ayant 1 à 2 pieds de diamètre. Deux clans formés par les jeunes gens, les célibataires, voire même les hommes mariés de deux communes voisines et plus ou moins rivales, se disputaient cette balle qu'on lançait sur la place publique, le jour de l'assemblée. Les souleurs se précipitaient dessus et, pour l'obtenir, se battaient avec une brutalité inouïe. La bataille se poursuivait à travers champs, rivières, forêts et bois, car il fallait, à tout prix, conquérir la soûle et la conduire dans l'un des deux villages ou l'une des deux paroisses antagonistes. La victoire était alors copieusement arrosée. Ce sport, extrêmement violent, servait, souvent, hélas ! de prétexte pour assouvir les vengeances personnelles. Aussi ces parties se terminaient-elles par de très nombreux accidents : dents cassées; yeux crevés; membres fracturés. Ce jeu brutal, qui était en grand honneur en Normandie, fut interdit par Charles V. Malgré cela il continua à être en vogue et il fallut intervention des préfets et de nombreuses condamnations pour le faire disparaître, il y a quelques années, du Cotentin, région où il a duré le plus longtemps. En plus des assemblées il y avait, autrefois, de charmantes fêtes rurales lors de l'engrangeage des dernières gerbes de céréales ou après la batterie des derniers picots de sarrazin, ou enfin à la Chandeleur. Actuellement encore on fête à l'église, le 15 août, à la fois la Sainte Vierge, si vénéree en Normandie, et « la fête des épis ».

 
     
   
     
 

La Louée.

 

C'était autrefois, le marché aux domestiques ; il avait lieu, dans les campagnes, au mois de juillet. Les valets de ferme, les garçons de ferme, les servantes, sans place, étaient réunis clans une prairie, parés de leurs plus beaux atours et tenant parfois, en main, l'instrument de leur profession : charretier : fouet sur l'épaule; berger : chien en laisse; batteur : fléau sur l'épaule; /lieuse : une quenouille à la main. Les servantes avaient simplement un « bouquet » sur

le corsage.

 

Les fermiers et fermières allaient de groupe en groupe, examinaient les domestiques et entamaient des pourparlers avec ceux qui leur convenaient. Le domestique s'engageait pour une année, moyennant un certain nombre de pistoles (une pistole = 10 f.) et souvent le don d'une blouse et d'une ou deux paires de sabots de bois. Les conditions arrêtées, fermier et domestique se frappaient dans la main. La louée terminait par des libations dans les auberges, ou sous des tentes dressées (en plein vent, pour la circonstance) et parfois, par des danses. Il y a quelques années encore, les domestiques se louaient auprès de la halle aux grains de Coutances, soit à la Saint-Jean (24 juin), soit à la Sainte-Claire (17 juillet). Ceux qui étaient loués à la Saint-Jean entraient en fonctions à la Sainte-Claire. Ils apportaient, dans leur nouvelle place, leurs hardes dans un coffre ou une petite armoire. Ceux qui étaient loués à la Sainte-Claire commençaient leur service quelques jours plus tard.