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Le convoi impérial fonce sur Cherbourg et est accueilli vers trois heures de l’après-midi à l’entrée de la promenade du Roule par la municipalité, la Garde nationale et sa musique, un piquet de la Garde d’honneur, les autorités militaires et les habitants. Près d’un arc formé avec des rameaux de palmiers et des feuillages de glaïeuls, le maire, Pierre-Joseph Delaville (1762-1819), présente les clés sur un plateau d’argent, prononçant ces paroles mémorables « Sire, nous avons l’honneur de présenter à Votre Majesté, les clefs de la Ville de Cherbourg. Nous vous recevons mal, mais nous vous aimons bien et nous savons vous le dire.» Celui qui avait écrit en août 1800 au Premier Consul « La sorte de nullité à laquelle vous réduisez en ce moment le port de Cherbourg, si elle ne cache pas quelques vues politiques, semble annoncer qu’on vous en a déguisé l’importance » n’avait pas perdu son franc parler.
Les souverains furent accompagnés jusqu’à l’hôtel du chef maritime (future préfecture maritime), rue des bastions. La demeure que l’on aménagea grâce à des meubles empruntés aux bourgeois fit office de palais impérial, mais l’empereur s’en échappa sur le champ. Il consacra le reste de l’après-midi à découvrir la rade et le futur port militaire. Avec l’impératrice, il se rendit ensuite au fort impérial, visita la digue et débarqua au fort de Querqueville. Marie-Louise laissa là son mari qui inspecta le futur arsenal, en particulier les deux cales de granit à peine achevées sur lesquelles on construisait déjà deux vaisseaux de ligne. Le lendemain, Napoléon 1er, parcourait l’enceinte du port militaire et s’inquiétait de sa défense. Il désigna sur les hauteurs l’emplacement des futures redoutes tandis qu’une escadre anglaise était en vue, il descendit par le Roule jusqu’à la redoute de Tourlaville, visita le vieil arsenal et le port de commerce. L’après-midi du 27, il reçut le préfet, les officiers, les autorités civiles et judiciaires, l’évêque de Coutances et le clergé. Les discours emphatiques de l’évêque de Coutances, du président du tribunal de première instance de Valognes, du président du tribunal de commerce de Cherbourg furent retranscris dans le Journal du département de la Manche du 1er juin 1811, pour édifier un large public. A la suite de ces solennités, l’empereur et son épouse visitèrent l’escadre dans la rade, montant à bord de plusieurs vaisseaux.
Le 28, l’empereur tint un conseil avec plusieurs officiers du génie et des ponts-et-chaussées et observa le modèle en relief des projets du port militaire présenté par l’ingénieur Cachin. Après une visite plus détaillée de l’arsenal de la marine où l’activité des chantiers navals est ralentie par de graves problèmes de personnel et des difficultés de ravitaillement en matériau de construction et d’armement du fait de la vigilance des Anglais, il prit la mer pour atteindre le futur port militaire. Il descendit au fond de l’avant-port dont une partie était déjà creusée à la profondeur de seize mètres au-dessous de la haute mer, et qui sera inauguré deux ans plus tard en août 1813 par l’impératrice, régente de l’Empire, Napoléon 1er étant alors en campagne en Saxe. Pendant que son époux foulait le fond du futur bassin, Marie- Louise recevait l’hommage des corps constitués puis celui de quinze demoiselles et six ouvrières qui lui présentèrent des dentelles, « un des premiers essais de l’industrie naissante d’un établissement de bienfaisance » précisa Melle Paméla Chantereyne. Celle-ci reçut avec deux autres jeunes filles un présent de l’impératrice.
Le 29 mai, 4ème journée dans le Cotentin, l’empereur parcouru dès cinq heures du matin le port et les collines enserrant Cherbourg. Puis il reçut une députation du collège électoral pour s’informer sur la situation et le devenir des arrondissements du département. Cet après-midi, l’impératrice dissuadée par la houle de prendre la mer, alla se promener jusqu’à Martinvast où elle bu du lait avec ses dames de compagnie. La soirée fut consacrée à des festivités offertes au couple impérial. Un feu d’artifice fut d’abord tiré, suivi d’un bal que les souverains n’honorèrent pas de leur présence mais qui dura jusqu’à quatre heures du matin dans des salles de planches et de toile construites auprès de la mairie, sur la place d’Armes. Le 30 mai, Napoléon entraîna vers cinq heures du matin les officiers de la marine et du génie au port militaire où il s’embarqua pour passer en revue la flotte et les équipages. Exploitant le vent qui s’était levé, le tout frais contre-amiral Troude (il avait été élevé à ce grade le 27 mai par l’empereur à bord du vaisseau commandant, le Courageux) mit sous voile l’escadre et offrit ses manoeuvres en spectacle à l’empereur, rejoint par l’impératrice. Les époux atterrirent sur la digue pour continuer à admirer les évolutions des vaisseaux qui par deux fois en firent le tour. L’empereur passa en revue la garnison de la digue qui partagea sa soupe avec l’empereur et son servile entourage. | ||||||
Napoléon inspectant l'escadre de Cherbourg en mai 1811, Rougeron et Vignerot | ||||||