LES COLONIES FRANCAISES
      N°22 Mayotte



 

 

 
     
 

COLLECTIVITE TERRITORIALE

 
     
 

 

 

LES COMORES

 

Mayotte

La Grande Comore

Mohéli

Anjouan



 

 

 
     
 
 
     
  LES COMORES  
     
 

Rappel historique entre 1890 et 1970.

 

Cet archipel de l’océan Indien est composé de quatre îles : la Grande Comore, Mohéli, Anjouan et Mayotte. Les Français y sont présents depuis 1843.

 

Un accord intervient entre grandes puissances en 1890 rattachant ces îles à la France. En 1908, elles sont rattachées juridiquement à Madagascar. Le lien culturel de l’ensemble est l’Islam sunnite.

 

En 1946, ces îles sont détachées de Madagascar et représentées au parlement français. Une assemblée territoriale existe depuis 1952. Un régime d’autonomie interne est institué en 1961, élargi en 1968.

 

L’indépendance est proclamée en 1975. Mayotte l’ayant refusée, reste dans la République française, avec le statut particulier de collectivité territoriale.

 

La mainmise coloniale

 

1886-1891.Le sultan d'Anjouan Abdallah Ier se rend, en 1816, sur l’île Bourbon pour solliciter la protection de Louis XVIII. Les divisions internes et la menace malgache permettent aux puissances coloniales (France, Portugal, Angleterre, l'Allemagne qui rivalisent pour imposer leur hégémonie dans cette zone stratégique contrôlant le commerce vers l'Orient) d'intervenir dans les affaires politiques des souverains locaux. Le 25 avril 1841, suite à la signature d'un traité, Mayotte devient protectorat français et le sultan Adrian Tsouli, qui avait conquis l'île 9 ans plut tôt, reçoit, alors qu'il était en train de perdre le pouvoir réel, en compensation une somme d'argent et les paiements des frais de scolarité de ses enfants à la Réunion. La France, trouve avec cet accord, qui constitue une véritable vente forcée pourtant présentée comme un accord commercial, un port stratégiquement important. Le roi Louis-Philippe entérine cette acquisition en 1843. L’esclavage y est aboli dès 1846.

 
     
 

Carte de Jacques-Nicolas Bellin, (1747)

 
     
 

En 1866, la France établit un protectorat sur Anjouan, et utilise même la marine pour s'imposer face au sultan Saidi Abdallah bin Salim réticent. Le 24 juin 1886, le Sultan de Grande Comore qui a réussi à unifier l'île, grâce aux Français, accepte, sous la pression, de passer sous protectorat français. Il est ensuite exilé pour ne plus revenir. Mohéli est également placée sous protectorat cette même année. Même si les îles gardent une certaineindépendance du fait de la rivalité des grandes puissances, elles sont bien soumises et les sultans locaux n'ont pas les moyens de s'y opposer. À partir de 1892, le pouvoir sur les îles des Comores est exercé par les Résidents subordonnés aux gouverneurs de Mayotte, qui peu à peu ont pris le pouvoir. Les exploitations coloniales constituent près de la moitié de la Grande Comore, 40% d'Anjouan, 20% de Mohéli. Les îles deviennent alors colonie de «Mayotte et dépendances». Alors que la main-d'œuvre devient de plus en plus chère à la Réunion, les Comores, oubliées par l'administration centrale, offrent aux colons et aux sociétés coloniales (comme la Bambao) des perspectives et une main-d'œuvre peu chère dans les plantations de plantes à parfums et de vanille. Durant cette période, les colons dépossèdent entièrement les paysans comoriens de leurs terres, et emploient ceux-ci dans les plantations coloniales à titre d'«engagés». La langue officielle devenu le français, l'enseignement passe de l'arabe au français. L'usage du swahili se poursuit cependant dans le milieu du commerce.

 

En 1904 le rattachement juridique officiel se fait entre les îles. Il est suivi, le 9 avril 1908, d’un second décret rattachant officieusement Mayotte et ses dépendances à Madagascar.

 

Le rattachement à Madagascar

 

Après plusieurs exactions et abus, mais désirant néanmoins poursuivre la colonisation, la France se résout à faire surveiller les résidents par les Administrateurs de Mayotte. Pour ce faire la colonie de «Mayotte et dépendances» est rattachée par la loi du 25 juillet 1912 à la colonie de Madagascar. Peu à peu, les terres sont rétrocédées aux Comoriens. Une révolte importante a lieu en 1915 en Grande Comore. La France envoie des gardes malgaches, puis un détachement de tirailleurs sénégalais, et dans le même temps demande à son administration de s'appuyer sur les notables locaux pour ramener la paix. Peu à peu, le mouvement s'effrite, et l'administration exile certains meneurs. En 1940 à Anjouan, éclate une grève lorsque l'administration fait savoir qu'elle va réquisitionner la main d'œuvre pour les exploitations coloniales. Des violences éclatent lorsque la grève échoue, les notables finissent par appeler au calme. Du 6 juin 1940 à 1942, l'administration coloniale est exercée par le régime de Vichy. Après 1942 celui-ci échoit, comme celui de Madagascar, au Royaume Uni jusqu'au 13 octobre 1946.

 

De 1946 à l'indépendance


 
 

Les Comores obtiennent en 1946 une autonomie administrative vis-à-vis de Madagascar et Dzaoudzi est choisie comme capitale du nouveau territoire. À partir de 1946, les Comores sont représentés directement au Parlement français pour la première fois en tant que tel et acquièrent une certaine autonomie administrative grâce notamment à l'action du député Said Mohamed Cheikh. Les Comores obtiennent également un Conseiller de la République (Jacques Grimaldi), et un Conseiller à l'Union française (Georges Boussenot, député de Madagascar en 1945-1946). Un Conseil général, assemblée locale, est mis en place dans l'archipel pour représenter la population et discuter des problèmes locaux, mais le véritable pouvoir est toujours détenu par l'administrateur supérieure de la République Française. Le 15 juin 1953, plusieurs politiques comoriens osent sans y croire faire une déclaration commune demandant l’indépendance. En 1958, l’Assemblée territoriale des Comores choisit le statut de Territoires d'outre-mer, et en application de la loi-cadre, on crée le Conseil de gouvernement, organe exécutif toujours présidé par l'administrateur supérieur, entouré par des ministres désignés par le Conseil régional.

 

 

«Femme des Comores »

Carte postale de 1908, collection LPM 1900


     

Le poste de vice-président du Conseil de gouvernement, confié à Mohamed Ahmed est symbolique. Certains politiciens reprochent à la France de ne pas traiter les Comores comme les autres TOM.


En 1961, les îles obtiennent une autonomie interne très importante. Saïd Mohammed Cheikh devient Président du Conseil de Gouvernement, premier personnage du Territoire, avant le haut-commissaire de la République. C'est un autochtone, premier élu sur une liste présentée à l'assemblée. L'éducation est très largement négligée depuis le début de la colonisation, on ouvre cependant le premier lycée en 1963 à Moroni ; un second suit à Mutsamudu en 1970. Saïd Mohammed Cheikh s'efforce de faire élargir les compétences territoriales, surtout à partir de 1968. Cette période d'autonomie est marquée par un certain développement économique et social. Le réseau routier commence à être bitumé et les politiciens les plus autonomistes, après les événements de 1968 réclament l'indépendance ce qui aboutit aux "Accords de juin 1973". En 1966, Saïd Mohamed Cheick fait transférer la capitale des Comores de Dzaoudzi à Moroni, ce qui provoque la méfiance des élus de Mayotte envers les indépendantistes.

 

 

La déclaration d'indépendance

 

Après les indépendances prises par les pays africains des années 1960, un certain nombre d'intellectuels, Grands Comoriens, pour la plupart, largement influencés par les idées zanzibarites, commencent à réclamer l'indépendance. D'un commun accord, dans un objectif d'indépendance concerté, la France propose un référendum en 1973. En décembre 1974, Mayotte ne s'exprime pas comme les trois autres îles (65 % pour le maintien, 35 % contre le maintien). Plusieurs explications sont données pour expliquer ce choix :

 

La craintes des Mahorais de se sentir marginalisés dans un système politique dominé par la Grande Comore,

 

La crainte de voir le droit matriarcal diminué, épisode des mamies chatouilleuses

 

Une partie de la population est d'origine malgache, utilisant le malgache comme langue première, et est relativement moins islamisée (pratique animiste sakalave).

 

Un certain nombre d'élus locaux d'origine comorienne (Anjouan, Mayotte) et les descendants des familles créoles, peu nombreux, mais marqués par une éducation républicaine, militent en faveur du statu quo.

 

La France quant à elle, estime stratégiquement important de garder pied sur une de ces îles pour contrôler le canal du Mozambique. Une unité de la légion étrangère continue à y être stationnée.

 

Devant la volonté de la France de traiter Mayotte d'une façon particulière, l'indépendance est déclarée unilatéralement par la République Fédérale Islamique des Comores, le 6 juillet 1975, par la voix de l'Anjouanais Ahmed Abdallah. En 1976 un autre référendum confirme le vote de Mayotte.


MAYOTTE

Mayotte (appelée aussi Maore en shimaoré ) est un département d’outre-mer (DOM) français de l'océan Indien situé dans l'archipel des Comores, lui-même localisé dans le canal du Mozambique, et dont le chef-lieu est Mamoudzou, la plus grande ville du territoire. Mayotte est constituée de deux îles principales, Grande-Terre et Petite-Terre, et de plusieurs autres petites îles, dont Mtsamboro, Mbouzi et Bandrélé. Son code départemental officiel est le « 976 ». Ses habitants sont appelés les Mahorais.

 

L'île est vendue à la France par le sultan Andriantsoly le 25 avril 1841. En 1886, le reste de l'archipel composé de la Grande Comore, Mohéli et Anjouan forme un protectorat sous la direction du gouverneur de Mayotte. En 1958, l'administration quitte Dzaoudzi pour Moroni ce qui provoque le mécontentement des Mahorais. Georges Nahouda fonde alors le Congrès des Notables qui réclame la départementalisation. Zéna M’Déré rentre à Mayotte en 1966 et prend la tête du mouvement des chatouilleuses. Le 22 décembre 1974, la France organise aux Comores un référendum pour plébisciter l'indépendance de l'archipel mais les Mahorais votent pour le maintien de leur île au sein de la République française. Un second référendum est organisé le 8 février 1976 , qui confirme ce choix par 99,4 % (82,3 % des inscrits). Néanmoins l'Union des Comores revendique toujours Mayotte .

 

À la suite de la consultation référendaire de la population du 29 mars 2009 (95,2 % de votes favorables), qui concernait la population locale, Mayotte est devenu un département d'outre-mer à assemblée délibérante unique de la République française le 31 mars 2011 

 

Période coloniale

 

De 1846 à 1886, Mayotte dépeuplée est une piètre et éphémère colonie sucrière. Le roseau sucré est cultivé sur la Grande Terre. En 1856, un travail forcé est établi pour remédier à l'absence de main d'œuvre, il provoque la « Révolte de Bakari Koussou ». Les travailleurs des plantations en nombre insuffisant sont en particulier soumis à des conditions de travail inhumaines. Très vite, les planteurs français qui ne veulent pas perdre le bénéfice des bons sols mahorais modernisent les installations de traitement de la canne à sucre. Alors que la population de simples travailleurs de plantations s'accroît après 1860, des usines à sucres modernes naissent à Debeney (Dembeni), Kaweni et Dzoumogné. La production annuelle de sucre atteint 1 500 tonnes et pourrait être étendue au besoin sur 8000 ha de terres cultivables, soit le quart de la superficie de l'île. Mais les années 1880 confirment le déclin de l'activité sucrière, soumise à une concurrence internationale.

 

Mais les domaines ont déjà diversifié leurs productions : ils cultivent de la cannelle, du poivre, du girofle et du café qui poussent bien sur les sols rouges. Ils vendent aussi des fibres cellulosiques : coton et sisal, tout en gérant de façon spéculative leurs réserves de bambous géants, lianes et "bois noirs". Ils importent de l'île de la Réunion des lianes de vanilles. Les bois de construction sont rares car, attestant des défrichements multiséculaires, il y a peu de grandes forêts avec des reliquats de takamaku blanc, de bois d'ébène et de bois de natte. Il ne reste que le bois de cocotier commun.

 

Confrontés à une baisse de leurs revenus, les domaines prennent en partie modèle

sur les pratiques culturales des populations mahoraises les plus modestes qui marquent les zones habitées, par des champs de manioc environnés de bananiers et de cocotiers. La distillation traditionnelle par alambic de plantes à parfum les incite à étendre les cultures traditionnelles de basilic, de citronnelle, de palmarosa ou initier la culture d'ylang-ylang.

 

 

« Femmes malgaches élégantes de Mayotte »

phot. Léon Humblot, fin du XIXe siècle


     

Pour cette culture, Denis de Bellemare importe dans son domaine de Kangani en 1905 des plants de Cananga Odoranta, dont il adapte la pratique culturale sous forme de sarments développés par contrainte en branches tordues à hauteur d'homme


 

Obéissant au dernier vœu du sultan, les Français installent une première école publique à Dzaoudzi en 1864. Le gouvernement de Mayotte qui y siège, appuyé par la flotte française, administre plus de 24300 habitants d'îles, réparties sur trois secteurs assez éloignés : Helleville ou Nossi Bé, Sainte-Marie et Mayotte qui comptent respectivement 15000, 5900 et 3400 habitants recensés.

 

La période coloniale, installant une caste financière, raciste et élitiste au pouvoir, instaure un pillage marchand des matières premières et une exploitation éhontée des ressources humaines. Elle ne commence véritablement qu'après 1873. Cette idéologie fait autant de victimes en proportion parmi les premiers colons, hommes d'initiative et de labeur que parmi les populations attachées aux modes de vie traditionnels. Ses effets sont d'autant plus dévastateurs que les militaires français ont imposé la paix et qu'un possible regain de prospérité était à la portée de tous. Profitant d'un discours caricatural ou dogmatique, mais toujours mensonger, du Progrès qui envahit les esprits, quelques opportunistes ou spéculateurs s'enrichissent au niveau local en dépit de la chute et du malheur du plus grand nombre : parmi eux, des maîtres de domaines aux mains propres s'occupant mieux d'affaires, de propagande ou de lobbying, ou bien de politique et de corruption, mais aussi indispensables à la justification de ces abus immoraux, quelques petits et grands fonctionnaires laxistes et corrompus ou encore de très nombreux compradores habiles à s'imposer dans le rôle d'intermédiaires.

 

En 1886, Humblot, un amateur français d'orchidées devenu aventurier politique, convainc le sultan d'Anjouan de placer son pays, c'est-à-dire les îles de Grande-Comore, Anjouan et Mohéli sous protectorat français. L'hégémonie française sur les Comores porte au paroxysme la rivalité franco-anglaise. Puis la tension guerrière retombe en 1890 alors que les contentieux disparaissent subitement par un accord diplomatique entre les deux nations coloniales : les Anglais obtiennent la zone de Zanzibar et la sécurité de leurs places dans l'océan Indien, les Français sont désormais sans rival aux Comores et à Madagascar.

 

Le 30 mars 1896, le protectorat s'étend sur l'ensemble de l'archipel, Mamoudzou en devient la capitale. Le 9 avril 1908, Mayotte, au statut de colonie, et les trois îles comoriennes, au statut de protectorat, sont rattachés au gouvernement général de Madagascar. Le 25 juillet 1912, la France confirme par une loi la précédente annexion de l'ensemble de l'archipel. Celui-ci est désormais placé sous la dépendance administrative régionale de Madagascar. Désormais Mayotte n'est qu'une des quatre îles des Comores sous la vaste égide malgache. Noyé au sein de l'immense gouvernement français de Madagascar, les Comores souvent méconnues sont oubliées pendant la ridicule apogée coloniale française des années trente, vantant des valeurs surannées alors que la réalité du pouvoir passe par les intérêts des comptoirs des puissantes sociétés commerciales, telle la société coloniale homonyme du lieu de sa fondation Bambao sur l'ile d'Anjouan.

 

Un état de déréliction s'installe durablement, de nombreux Comoriens quittent leur contrée natale pour gagner parfois succès les côtes de l'Afrique ou Madagascar. 

 

 

Said ALI ex Sultan, CPA collection LPM 1900


Pourtant beaucoup reviennent avec en tête l'utopie nationaliste. Ils se sentent frustrés de toutes les commodités d'un progrès inenvisageable dans leur pays figé dans des structures qui ont résisté tant bien que mal aux dernières offensives colonialistes des années trente. Cet état de déréliction de l'économie, le désintérêt de l'État français qui n'a plus de facto qu'un pouvoir nominal, l'abandon des populations fidèles à la France qui rend justice des droits et des devoirs ne sera dénoncé que dans les années soixante par quelques Français intéressés par le monde maritime