BRETTEVILLE-EN-SAIRE
  CC 16.01 DE LA SAIRE
   
  BRETTEVILLE SOUS LA REVOLUTION
         
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Cahier de doléances.

Plaintes et remontrances de l’Ordre du Tiers-Etat de la paroisse de Bretteville dressées en l’Assemblée dudit Ordre

 

Aujourd’huy huitième jour de mars au lieu des Assemblées de ladicte Paroisse issue de la messe Paroissial au son de la principale cloche pour satisfaire à la lettre du Roy du 24 janvier dernier et au règlement y annexé et à l’ordre de Monsieur le Lieutenant général auBailliage de Valognes en date du 17 Février dernier concernant les Etats généraux du Royaume pour être portée par les Députés qui vont cy après être nommés à l’Assemblée du Général du Tiers-Etat du bailliage de Valognes fixé par l’arrêt énoncé cy dessus au 9 de ce moys devant Monsieur le Lieutenant Général en présence de Monsieur le Procureur du Roy.

 

Les habitants de cette paroisse désirent et demandent :

 

I° Que des Etats Généraux soient périodiques et de cinq ans en cinq ans.

II° Que les Etats provinciaux soient rétablis et assemblés tous les ans à Lisieux et qu’à ces Assemblées le Thiers Etat ait un nombre égal de voix à ces deux autres ordres et que les délibérations s’y prennent par tête et non par ordre .

III° Que les reconstructions et réparations des Presbytaires soient à la charge des gros décimateurs et qu’il n’y ait plus de Ports ( ?)

IV° Que toutes les exemptions soient supprimées et que tous les propriétaires soient imposés sans distinction de rang ou d’ordre.

V° Que les impôts soient simplifiés de manière à faciliter la perception.

VI° Que les Trésoriers généraux et receveurs des Tailles soient supprimés .

VII° Que l’on supprime les Salines à petit sel à cause de la rareté des bois qui en font une dépense considérable, le gros sel étant plus que suffisant

pour la dépense du Royaume.

VIII° Que l’impôt ne puisse être augmenté sans le consentement des Etats généraux et qu’il n’y ait aucuns emprunts sans les consulter IX° Que les loix sivil et criminel soient refondue et que chaque loix soit conçue en terme cler et présie .

X° Que les contrôleurs soient donnés à juridiction du Juge ordinaireXI° Que les citoyents soient désormais à l’abri des vexations des commis de toute espèces qui chaque jour les tourmente. Que l’on ne voye point une garnison militaire chez un pauvre cultivateur qui par ce moyen est acrasé de fraix.

XII° Qu’il soit dans chaque Quanton établi des opiteaux avec des revenus de couvent aujourd’huy sans moynes, lesquels seront dirigés par les Etats de la Province.

XIII° Que les gros désimateurs soient asservis à distribuer publiquement ou faire distribuer par leurs fermiers une homone déterminée et fixe dans les Paroisses où se persoivent leurs dîmes

XIV° Que l’on supprime de même les bureaux des finances des chambres souveraines pour connaître de la contrebande à main armée les greniers à sel.

XV° Que le mauvais état des chemins et surtout celuy de communication du Val de Cères à Cherbourg occasionne le dévastement de nos prays herbages et terre labourable dans lesquels chaque voyageur passe et particulièrement des travailleurs qui vont au Becquet si on ne rétablit pas les chemins et qu’ils ne soient pas tenus en bon état nous sommes dans l’impossibilité de pouvoir payer les impôts et que les sommes destinés à la confection ou réparation des grandes routes soient employées dans le canton où elles sont levées pour les chemins.

XVI° Que la marche de la Procédure soit simplifiée .

XVII° De prendre les moyens pour que les travaux de Cherbourg fassent moins de torts à l’agriculture de pauvres fermiers qui ontloué des terres à un très haut taux et ne trouvent des domestiques qu’à un prix exorbitant et font continuellement leur volonté et menacent de s’en aller aux travaux publics. La classe des laboureurs qui est la plus utile de l’Etat sera bientôt la plus malheureuse. Nous supplions donc Sa Majesté d’ordonner que les domestiques qui se sont engagés pour un an soient obligés à rester l’année entière chez leurs Maîtres à moins que ce nesoit pour des raisons indispensables.

XVIII° D’ordonner que dans les répartitions générales on aura égard aux paroisses bordant la mer lesquelles dans les tempêtes etles grandes mers sont exposées à des dégradations qui causent aux habitants des dommages considérables. Quant au varec qui vient à la côte par le mauvais temps il peut être recueilli par tout le monde mais celui qui croît sur les rochers qui représente nos terres enlevées par la mer il appartient au seigneur et aux habitants de la Paroisse qui le peuvent prendre dans le temps fixé et déterminé pour le recueillir.

 

Fait et arrêté double en pleine Assemblée les présents faisant fort pour les apsents ce 8e de mars 1789 Jean Baptiste LYOT, Jacques LE BRETTEVILLOIS, Jean ROUXEL, Jean PINABEL, Etienne GIBERT, Thomas LE BRETTEVILLOIS, Jean HERVIEU, Robert GERMAIN, Bon LIOT, Jean LIOT, Jean LIOT, Germain HARDEL, Jean LEHERISSIER, Bon François ROUXEL, Antoine LETARD, Joseph ROGERJean ROGER, Jacques LYOT, Jean LE CANU

 

Texte original tiré des NOTES sur BRETTEVILLE de Monsieur Louis LE BLOND et avec l’aimable autorisation de Monsieur l’Abbé JeanCANU

 

A côté de ces revendications d’ordre général, figurent des demandes spécifiques à la population de Bretteville :

 

• Chapitre VII, la suppression des salines à petit sel : cette réclamation concerne la méthode employée pour récolter le sel marin qui consistait à faire bouillir jour et nuit l’eau de mer. Ce système consommait beaucoup de bois . Au XVIème siècle, la forêt royale de Brix s’étendait jusqu’au hameau de Brettefey. Si les potiers de Sauxemesnil consommaient beaucoup de bois, les salines faisaient de même. Or, au XVIIIème siècle, le défrichage intensif de la forêt réduisait les possibilités de récupération de bois pour les besoins domestiques.

• Chapitre XV, le mauvais état des chemins : les ouvriers qui se rendaient au Becquet pour leur travail préféraient marcher à travers champsplutôt que de se risquer dans des chemins pleins de fondrières au grand dam des paysans qui se plaignaient des déprédations ainsi occasionnées et estimaient à juste titre que les impôts qu’ils payaient pour leur entretien devraient bien être réservés en priorité à leurs chemins !

• Chapitre XVII, les travaux de la digue à Cherbourg : réalisés avec des pierres de la Montagne du Roule et des carrières du Becquet, ils exigeaient une très abondante main d’œuvre dont le recrutement se faisait aux dépens de l’agriculture.

• Chapitre XVIII, la récolte du varech : les paroissiens de Bretteville et des communes avoisinantes avaient le droit de recueillir le varech qui se trouve arraché naturellement par la mer mais celui qui tient aux rochers et qu’il fallait couper était réservé aux habitants de la paroisse en compensation des dégradations causées à leurs terres par l’érosion marine. Il y avait probablement de nombreux abus de la part des paroissiens voisins et leurs charrois intensifs contribuaient au mauvais état des chemins.

Pour mémoire, 1139 députés furent élus en 1789 dont 270 pour la Noblesse, 291 pour le Clergé et enfin 578 pour le Tiers-Etat. Le vote « par tête » permettait au Tiers-Etat de se faire entendre alors que le vote « par ordre » à 2 contre 1 les laissait à la merci des privilégiés Chapitre III – plus de « ports » : sans doute allusion au déport (problème posé par l’absence de curé dans la paroisse en raison de son décès le plus souvent)