| Les seigneurs de Cerisy On trouve au fil des siècles certaines familles connues dans la Manche, ayant possédé tout ou une partie des deux fiefs constituant la seigneurie de Cerisy: PIROU, GRIMOUVILLE, GUERROTS, RICHIER, CAILLEBOT. Le nom de "La Salle", provenant de la région de Dreux, titre de ces der-niers, donna aussi son nom au château de Montpinchon. Il permet de différencier le bourg des deux autres Cerisy bas-normands. Les Richier La famille qui illustre Cerisy est celle des Richier, dont on trouve trace au début du XVème siècle, l'un deux ayant été anobli par Louis XI. Leur blason était "de sinople à la bande d'argent accostée de deux cotices et sommée d'un léopard d'or". | | Blason de la famille Richier de Cerisy (éteinte), aujourd'hui armoirie de Cerisy la Salle | |
| Afin de pouvoir continuer le culte chez lui, Jean Richier (1582-1669) réunit les deux fiefs de Cerisy. Il fit construire le château actuel et représenta sa région à divers synodes. Il obtint, en 1640, un brevet royal l'autorisant à établir un marché à Cerisy chaque samedi (la pratique se poursuit de nos jours) et deux foires à chaque Saint-Martin. Il développa la culture et le tissage du lin (jusqu'à 500 métiers !) et fit venir des tisserands coreligionnaires, le commerce des toiles finissant par ruiner celui de Coutances. Sous le règne de Louis XIV, les restrictions à l'usage du culte réformé s'accentuèrent malgré les autorisations royales de 1679 et l'église fut supprimée en 1684. En 1685, dès le lendemain de la publication de la Révocation de l'Edit de Nantes, "s'abattirent 80 dragons dont l'un deux voulut faire violence à la douairière, femme d'âge et de vertu". La plupart des Richier et de leurs épouses (telles Renée Samson, Elisabeth Le Loup, Louise Puchot, dont on voit l'aigle à deux têtes du blason sur la porte d'entrée) restèrent fidèles à leur religion et s'exilèrent ou se cachèrent. Un des Richier ayant abjuré hérita de la seigneurie. L'un de ses fils, Jacques (1708-1771), docteur en théologie, devint évêque et son cœur est conservé dans l'église du bourg. Le dernier des Richier, officier de cavalerie, émigra en 1791 pour rejoindre l'armée des princes et mourut sans descendance à Londres. | |
| La période moderne Décrété bien national, le château fut vendu en l'An II à un marchand de Coutances. Après annulation de l'achat, il fut acquis en 1804, par François Duherissier de Gerville qui le revendit, le 2 octobre 1819, pour la somme de 40.000 écus, à Joseph Savary, capitaine d'infanterie en retraite. Depuis cette date, le château est resté dans la même famille. Joseph Savary (1774-1854) Etait issu d'une lignée de cultivateurs de Notre-Dame-de-Cenilly. Son grand-père aurait été fermier au château. Engagé volontaire en 1791, il fit presque toutes les campagnes de la République et de l'Empire, devint chevalier de la légion d'honneur. Maire de Cerisy, il obtint l'installation d'une brigade de gendarmerie. Son fils, Théodore (1815-1870), magistrat, conseiller général, épousa la fille d'un haut magistrat, homme politique ayant parmi ses ascendants les Lucas, fondateurs des Glaceries de Saint Gobain près de Cherbourg. Charles Savary Leur fils Charles (1845-1889) commença une brillante carrière politique: jeune avocat, il fonda avec des amis la Conférence Tocqueville qu'il présida, fut député à 25 ans, président du Conseil Général, sous-secrétaire d'Etat, publia divers ouvrages. Sa carrière fut interrompue par la faillite financière de ses entreprises industrielles et bancaires. Il dut s'exiler au Canada où il mourut. Il avait auparavant cédé le château à sa femme, Marguerite Mahou, cousine éloignée, traductrice de nombreuses œuvres anglaises. | |
| Gaston Paris Celle-ci se remaria en 1891 avec Gaston Paris (1839-1903), administrateur du Collège de France, membre de l'Académie Française, philologue et spécialiste de littérature médiévale. Le cimetière de Cerisy conserve sa tombe et le château, outre une partie de sa bibliothèque, garde le souvenir, par des photos, des amis souvent illustres qui fréquentèrent la maison en lui faisant connaître, dès cette époque, une intense activité culturelle. Paul Desjardins La fille de Charles Savary, Marie Amélie (1875-1948), épousa en 1896 Paul Desjardins, fils d'Ernest Desjardins, professeur au Collège de France, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Paul Desjardins (1859-1940) fonda en 1892 l'"Union pour l'Action Morale" devenue, apès sa prise de position en faveur de Dreyfus et au lendemain de la crise moderniste, l'"Union pour la Vérité" (1905-1940). Professeur, notamment à l'Ecole Normale de Sèvres, poète, écrivain, essayiste, il acheta en 1906, à la suite de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat, l'ancienne abbaye cistercienne de Pontigny, près d'Auxerre, en Bourgogne, depuis longtemps abandonnée par ses moines et menaçant de tomber en ruine. Anne Heurgon-Desjardins Paul Desjardins meurt en mars 1940, son dernier fils en juin. Sa veuve et leur fille Anne, seule survivante des quatre enfants, après bien des hésitations, décident de conserver la propriété familiale de Cerisy. La part majoritaire qu'elles détenaient dans la Société des Amis de Pontigny revient à l'Eglise, une partie de la bibliothèque est vendue à Royaumont. Cela permet de commencer la remise en état du château de Cerisy, longtemps inhabité et ayant beaucoup souffert de l'occupation de l'armée allemande et de la bataille des bocages en juillet 1944. Dès 1946, l'ensemble du château et des dépendances est protégé comme monument "inscrit". Poussée et soutenue par les amis qu'elle avait connus à l'Abbaye, et qui souhaitaient voir revivre "l'esprit" de Pontigny, Anne Heurgon-Desjardins organise d'abord quelques décades à Royaumont puis, les premiers aménagements terminés, parvient à ouvrir le Centre Culturel en 1952, en donnant au château la même vocation que son père avait su donner à Pontigny. Catherine Peyrou et Edith Heurgon Anne Heurgon-Desjardins disparaît en 1977. Ses deux filles, Catherine Peyrou et Edith Heurgon, assurent conjointement, pendant près de trente ans, la direction du Centre Culturel, poursuivant ainsi, de Pontigny à Cerisy, le même projet familial de favoriser la culture et la pensée. Alors que sa mère avait porté surtout son effort sur la remise en état et l’agrandissement des lieux pour développer les capacités d’accueil du Centre, Catherine Peyrou, avec un goût très sûr et une grande énergie, s’est efforcée de les entretenir, de les embellir et d’accroître leur confort pour les adapter aux exigences, parfois peu compatibles avec celles du monument, de la vie actuelle. C’est ainsi que le château de Cerisy, classé parmi les Monuments Historiques en 1995 avec l’ancienne Ferme, est devenu, progressivement, l’objet principal de son œuvre, à laquelle elle se vouait corps et âme, celle d’un "architecte d’intérieur", non professionnel certes, mais non sans talent. Elle le faisait visiter inlassablement, dès l’arrivée, afin que chaque participant se rende compte du lieu où il allait séjourner, qu’il en saisisse l’esprit, qu’il partage les choix de vie qui s’y trouvent en vigueur. Avec sa disponibilité généreuse, son sens chaleureux et égalitaire de l'hospitalité, Catherine Peyrou accueillait les hôtes de Cerisy d’une manière telle qu’ils pouvaient, à juste titre, se sentir reçus comme des membres de la famille. Depuis son décès à la fin de 2006, sa sœur Edith Heurgon assume la direction du Centre avec le soutien de Jacques Peyrou, son mari, accompagné de ses enfants. | |