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Ver - Rapport maire 1934 "La dépopulation de la Manche de 1831 à 1931" Auguste DAVODET, 1934, pages 42 à 44
Un rapport a été demandé par le Préfet à Auguste Davodet sur la dépopulation de la Manche entre 1831 et 1931. Celui-ci a interrogé plusieurs maires dont le maire de Ver, F. ROUSSIN.
Encore une belle et riche commune, fortement éprouvée par le fléau de la dépopulation. Dans un long rapport, très étudié, précis et substantiel, M. le Maire expose les causes de cette situation vraiment alarmante. Nous en citerons les passages essentiels, les plus caractéristiques :
« La dénatalité et la désertion des campagnes sont les deux causes de cette diminution. La dénatalité a sévi à Ver pendant environ 70 ans, depuis 1830 à 1919. Depuis cette date, la natalité a remonté, et elle est aussi forte proportionnellement à l’heure actuelle qu’il y a cent ans.
D’où provient cette augmentation de la natalité ? Elle provient, pour une grande part, de la famille française remise à l’honneur ; car si quelques uns puisent dans leur foi et leur courage la volonté d’avoir une nombreuse famille, malgré le soin, le travail, l’inquiétude, les charges et le tracas que donne une nombreuse famille, beaucoup à notre époque de matérialisme, préfèrent la limiter, ou s’en dispenser pour un grand nombre ; afin de jouir de la vie, il vaut mieux ne pas s’embarrasser d’enfants ».
M. le Maire constate que les lois votées en faveur des familles nombreuses « ont fait du bien », mais il estime que ce n’est pas suffisant, en raison de lourds impôts (impôts indirects) que supportent ces familles, sans compter l’impôt du sang. En ce qui concerne l’exode des campagnes vers les villes, M. le Maire s’exprime ainsi :
« Si dans cette commune, il n’y a pas crise de natalité et que la population diminue quand même, c’est l’abandon des campagnes qui en est cause ».
A ce sujet, le rapport que nous analysons cite des faits pris sur le vif.
« La mise en herbage (des terres labourées) a été la conséquence du manque de main d’œuvre. Dans les fermes où autrefois il y avait cinq domestiques, à l’heure actuelle on a beaucoup de mal à en trouver deux, malgré les prix élevés.
Il y a deux ans, à la Chambre d’agriculture, je faisais un rapport sur la main d’œuvre agricole et je disais : « A l’heure actuelle où la main d’œuvre agricole devient de plus en plus rare, où les jeunes gens et les jeunes filles de nos campagnes ne rêvent plus que de places et d’emplois à la ville, n’est-il pas temps de s’intéresser à cette question de l’abandon de la terre, je dirais même de ce fléau de la désertion des campagnes par l’ouvrier agricole ».
Pourquoi l’ouvrier agricole abandonne-t-il la terre ?
Ici, M. le Maire brosse un tableau, sévère, mais juste, de la fausse direction que par suite d’un orgueil mal placé, d’un faux point d’honneur, l’on voit donner à l’enfance et à la jeunesse dans certains milieux ruraux.
« Autrefois à l’age de douze ou treize ans, lorsque l’enfant venait à quitter l’école, les parents l’occupaient chez eux ou le mettaient en service dans les fermes voisines, ou lui faisaient apprendre un métier. A l’heure actuelle, il n’en est pas de même, car nous avons – (je ne voudrais pas cependant en dire du mal, mais il faut voir les choses comme elles sont) – nous avons le certificat d’études, et plus des deux tiers des enfants qui l’ont obtenu ne restent pas à la terre ; ils sont trop savants pour rester travailler la terre disent les parents, qui rêvent d’en faire des messieurs et des demoiselles : ou l’enfant continuera ses études, ou on lui trouvera une place en ville, mais il ne faut pas qu’il reste à la campagne, car l’abaisser à traire les vaches et aux différents travaux de la terre, ce serait presque un déshonneur. Telle est la mentalité de nos villages. Et c’est sans doute cet exode vers les villes qui est la cause de ce que j’appellerai « la grande tristesse de nos campagnes». C’est de voir un peu partout, sur le bord des routes et des chemins, à l’entrée des villages, des maisons abandonnées ou en ruines, ou complètement disparues, seules des touffes de buissons marquent l’emplacement de ces maisons, parfois même hélas… d’un village ! Dans la commune de Ver, depuis moins de cent ans, 88 maisons ont disparu dont 6 hameaux.
Quant à la natalité infantile, elle existe à l’état normal. En moyenne, par an, un décès d’enfant en dessous de trois ans ; elle pourrait être réduite ainsi que la tuberculose, qui ne devrait pas exister dans nos campagnes, où l’air est sain et vivifiant, et qui provient souvent d’une sous-alimentation. Combien d’enfants de familles nombreuses et pauvres n’ont pas la moitié de la nourriture suffisante, comme quantité et qualité ! Ils sont chétifs et malingres, et de ce fait prédisposés à la tuberculose. S’il est bon de guérir, il serait encore mieux de prévenir.
En terminant cette enquête sur la dépopulation de la commune de Ver, dont les causes sont, je le répète, la dénatalité, et surtout en ce moment, « l’abandon des campagnes, l’exode vers les villes », beaucoup de communes du département sont sans doute dans lemême cas) je me permets d’espérer que, sous la pression d’une certaine élite et de l’opinion publique, un revirement se produira bientôt, pour le plus grand bien du pays, en faveur des familles nombreuses, du maintien et du retour à la terre.
On commence enfin à se rendre compte qu’il est d’une nécessité nationale de faire renaître la vie locale et de maintenir dans nos campagnes une nombreuse population, gage d’équilibre économique et social. » | ||||||||||||
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