LA HAYE PESNEL
  CC 33.06 GRANVILLE TERRE ET MER
   
  LES TROIS CHATEAUX
 
 
 

Château du Logis , collection CPA LPM 1900

 
         
 

Avranchin monumental et historique

Par Edouard Le Héricher 1847

     
         
 

La Haye offre une particularité très-remarquable: trois châteaux, appartenant à trois périodes différentes, couvrent son sol, l'un de ses cendres, l'autre de ses débris, le dernier de ses constructions, et forment dans l'histoire locale et dans les souvenirs généraux trois grands jalons, comme ils forment trois points importants sur une ligne d'une demi-lieue, sur laquelle ils sont dispersés à des distances presque égales. Ces châteaux sont le Châtel, le Château-Ganne, le Logis.

 

Sur le flanc du coteau du Thar, en face de la croupe arrondie qui porte le bois de la Luzerne, avec la rivière à ses pieds, se dessine une motte découpée par la nature et par la main de l'homme, position forte qui s'appelle le ChâteL Un nom et une poussière de décombres sont tout ce qui reste de ce qui dut être un établissement militaire considérable. On y a trouvé des débris peu caractérisés, fragments de ciment, poteries, cendres, ossements, qui ouvrent le champ à une double hypothèse, celle d'une origine celtique ou celle d'une origine romaine. L'absence de coins ou javelots celtiques, de monnaies gauloises, de débris vitrifiésa, de tous ces restes des populations gailiques, ne permet guère de s'arrêter à la première supposition. Pour appuyer la seconde hypothèse, il y a quelque chose de plus significatif, un nom. Là fut un castellum, un châtel, et ce nom est jusqu'ici le souvenir le plus caractérisé du séjour des Romains. Toutefois les Gaulois les y avaient peut-être précédés, les peuples superposant généralement leurs établissements les uns sur les autres, et ce lieu étant signalé par la force de son assiette. Le Châtel était un poste fortifié au bord de la voie de Coriallum à Renale, entre Cosedia et Legedia.

 

Le Château-Ganne était hors du bourg : il n'en reste qu'un bloc énorme de maçonnerie et un retranchement, deux parties d'un grand intérêt historique et archéologique. L'une rappelle l'illustre famille des Paisnel; l'autre offre un specimen des premiers châteaux normands.

 

Dans ce campement semi-circulaire, qui s'appuie aux restes du Château-Ganne, comme un arc s'attache à sa corde, nous trouvons un très-rare exemple d'une de ces Haya ou Haga, que les premiers Normands et même ceux du xr siècle firent en Normandie et en Angleterre, et dont le souvenir est conservé dans tant de noms locaux2. Ce camp, très-bien conservé , avec son rempart, double en quelques parties, et couvert d'arbres, est l'image frappante de la Haya3, et aussi de la Barbacane de palissade enfermant une vaste cour, le Bayle ou Ballium, demeure des premiers seigneurs normands r forme intermédiaire entre le camp et le château. Cette Haya fut l'habitation des premiers Paynel. Le château dut s'élever dans ce xr siècle ', qui en vit tant naître, et qui fut l'époque héroïque des Normands. Ce puissant pan de muraille, que les hommes de nos jours n'ont pu encore parvenir à démolir, qui semble prendre un élan vigoureux d'ascension , en s'élevant du bord du ruisseau qui le baigne, fait surgir dans notre imagination l'image de la forteresse normande dans sa rudesse hardie, massive et farouche comme les soldats de la Conquête; ce fragment fait regretter l'ensemble, et le bloc ébréché fait craindre une destruction prochaine: nous continuerons sans doute à exploiter cette carrière pour bâtir nos maisonnettes. Alors il ne restera plus trace du passé sur ce sol historique; et la tradition elle-même désapprendra ses récits et ses réalités poétisées; personne ne montrera plus la Haya où est enfouie une tonne d'or, le Champ-des-Batailles où l'on retrouve les fers des chevaux ferrés à rebours de Foulque Paiuel, les ruines du Château-Ganne ou du Félon , la rue Iscariot, et tous les vestiges de l'histoire des Painaulx.

 
         
 

Château du Logis , collection CPA LPM 1900

 
     
 

Château du Logis , collection CPA LPM 1900