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Abbaye de Cerisy-la-Forêt, collection CPA LPM 1960 |
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C’est Robert le Magnifique, père de Guillaume le Conquérant qui l’a fondée, vers 1032. Elle est un témoin de l’architecture qui fut importée en Angleterre avec la Conquête et qui a laissé dans l’île de si beaux monuments. Mais elle fut délaissée, au cours des temps : des logis conventuels du XIIIe siècle, il reste la salle de justice et sa prison dessous, mais surtout la chapelle privée des abbés, construite à l’imitation de la Sainte-Chapelle de Paris et qui doit son origine à un don de Saint Louis, qui s’arrêta à Cerisy, en route vers le Mont-Saint-Michel. Tout le reste a disparu, vendu comme bien national, et les pierres utilisées pour paver les chemins. L’ensemble était en très mauvais état.
Fondation XIeme
Les plus anciennes traces de l'histoire de l'abbaye de Cerisy-la-Forêt remontent au VIe siècle, alors que la Gaule continue à se christianiser. Saint Vigor, un des premiers évangélisateur du Bessin, reçoit du riche seigneur Volusien la terre de Cerisy (Cerisiacum) avec vingt-cinq villages à l'entour, pour le remercier d'avoir débarrassé la région d'un « serpent horrible qui mettait à mort les hommes et les animaux » (probablement une image pour signifier les idoles gauloises). Vers 510, il construit, vraisemblablement à la place d'une table druidique, un monastère ou ermitage dédié aux saints Pierre et Paul. Parallèlement, d'autres monastères rattachés aux évêchés de Bayeux : (Reviers, Mont-Chrismat, Deux-Jumeaux, Évrecy, Livry) et de Coutances (Le Ham, Saint-Fromond, Saint-Marcouf) voient le jour, témoignant de la rapide conversion des « païens » à la religion chrétienne.
Au IXe siècle, la Neustrie est envahie par les Vikings, qui donneront leur nom à la région (Normandie vient de "Normands" qui signifie "hommes du Nord"). En 891, ils pillent Bayeux, défendue par le comte Bérenger II de Neustrie. Les incursions en terre de Cerisy datent probablement de la même année, avec destruction complète du monastère érigé par Vigor. En deux siècles, les Vikings se convertissent et deviennent le fer de lance d'une chrétienté agressive et expansionniste. Rollon, leur chef, obtient du roi Charles III le Simple les pays de Basse-Seine par le traité de Saint-Clair-sur-Epte en 911, et le Bessin en 924. |
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Le 12 novembre 1032, le duc Robert, en présence d'Hugues d'Ivry, évêque de Bayeux, édicte la charte de fondation d'un nouveau monastère, l'abbaye d'hommes de Cerisy, dédié à Vigor. Mais les archives diocésaines nous font part d'un abbé en fonction dès 1030. Il y avait donc déjà un monastère en ce temps (à tout le moins une église). La fondation de Robert dut se faire avec, ou à partir d'un ensemble déjà existant. Robert donne différents biens et forêts, dote de privilèges en 1032 et y fait déposer en 1034 des reliques léguées par le patriarche de Jérusalem.
Entre 1040 et 1070, les moines bénédictins défrichent autour du site la forêt de Cerisy qui fournit le bois et la charpente nécessaires à la construction voulue par le fils de Robert, Guillaume de Normandie, d'une grande abbatiale à l'image de l'église Saint-Étienne de Caen, bâtie sur un plan bénédictin traditionnel de la Normandie ducale, dans une architecture romane en pierre de Caen. Les travaux auraient débuté selon Philippe Gavet par l'édification de l'abside à trois niveaux d'arcatures entre 1068 et 1072, formant le chevet. Devenu roi d'Angleterre, Guillaume exportera cet art roman normand d'architecture, que certains qualifient d'anglo-normand. Des convois de pierre de Caen y seront acheminés. |
Saint Vigor |
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En 1048, Guillaume fait don à l'abbaye d'un os du bras droit de saint Vigor. Mais ce n'était probablement pas l'abbaye telle que nous la connaissons. On suppose que les travaux d'édification des sept travées de la nef furent entrepris durant les deux dernières décennies du XIe siècle ; quant à l'abside, le tracé de ses fondations daterait de 1089. Guillaume fera de nombreux autres dons à l'abbaye, et la reliera à la juridiction de Rome. La construction de l'église romane telle qu'elle subsiste aujourd'hui ne fut donc pas entreprise au temps de Robert le Magnifique, mais en celui de Guillaume, et terminée après sa mort. Elle est donc en partie contemporaine de l'abbaye aux Hommes fondée par ce dernier à Caen.
XIIeme XVIIIeme
Au XIIe siècle, Cerisy étend ses pouvoirs sur les anciennes abbayes mérovingiennes de Deux-Jumeaux et Saint-Fromond et fonde des prieurés à Saint-Marcouf, Barnavast et Vauville. À cette époque, une dévotion commune à la cause de l'Église romaine soude les Normands d'Angleterre, de France, d'Italie méridionale et de Grèce. Partout, leur efficacité militaire s'affirme, ainsi que leur talent pour la construction. L'architecture religieuse connaît alors sa période la plus brillante. En 1178, le pape Alexandre III confirme par une bulle particulière, les privilèges de l'abbaye de Cerisy qui atteint l'apogée de sa gloire au cours de la fin du XIIe siècle.
Cerisy est un bourg important à cette époque. L'abbaye comportera jusqu'à quarante-huit paroisses et huit prieurés dont deux en Angleterre (Sherborne et Peterborough). Tout en dépendant du Saint-Siège, Cerisy entretient d'étroites relations avec les monastères du Mont-Saint-Michel, de Saint-Ouen, de Jumièges, du Bec-Hellouin, de Fécamp et bien entendu de Caen.
En 1337, les rivalités dynastiques entre les Valois et les rois d’Angleterre vont précipiter le pays dans la guerre de Cent Ans qui va plonger le pays dans la misère, encore aggravées par des épidémies de peste. L’abbaye est fortifiée et une garnison s’y installe. En 1418, Richard de Silly, chevalier et capitaine de l’abbaye, se voit contraint de céder l’abbaye au roi d’Angleterre. Après la victoire du connétable de Richemont sur les Anglais à Formigny en 1450, la Normandie revient définitivement au royaume de France.
Suite au concordat de Bologne de 1516, l'abbaye est mise en commende. Comme toutes les abbayes du royaume, cela signifie que l'abbé n'est plus nommé par la communauté des moines, qu'il peut être un laïc, et obtient les bénéfices des revenus de l'abbaye tandis que le pouvoir spirituel est confié à un prieur. Son administration est parfois confiée à une personne nommée à l'extérieur de la communauté. C'est la fin de son indépendance. L'abbaye décline jusqu'à la mort de l'ultime abbé commendataire, Paul d'Albert de Luynes, archevêque de Sens, en 1788. |
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Abbaye de Cerisy-la-Forêt, collection CPA LPM 1900 |
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Époque contemporaine
L'abbaye, qui demeure la plus riche du Cotentin, tombe alors en régale avant que les six derniers moines et leur prieur la quittent, chassés comme ailleurs par la Révolution. L'église et les bâtiments conventuels deviennent biens nationaux. Quatre ans plus tard, la plupart des bâtiments monastiques sont vendus à un artificier qui les démolit puis vend les pierres pour la construction de routes et de maisons. Les terres sont également vendues. Par la suite, ce qui reste des bâtiments conventuels (dont la chapelle Saint-Gerbold) va être vendu à la ferme de l'abbaye, ce qui permettra leur sauvegarde.
En 1811, jugeant sans doute l'église trop grande et surtout trop lourde d'entretien (le tonnerre venait de tomber sur la tour causant d'importants dégâts), et malgré l'opposition formelle du curé, le conseil de fabrique (groupe de clercs ou de laïcs chargé de l'administration financière d'une église), décide d'abattre les quatre premières travées romanes et la |
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travée gothique ajoutée au XIIIe siècle, qui avaient déjà été ébranlées par un tremblement de terre en 1775, ainsi que le porche gothique. Les matériaux sont vendus pour payer les réparations nécessaires à la partie restante.
Située dans le diocèse de Bayeux depuis sa fondation, l'abbaye est rattachée au diocèse de Coutances avec la création du département de la Manche, et l'église devient paroissiale. Depuis le XVIIIe siècle, l'abbatiale est divisée par une cloison permettant aux paroissiens et aux moines de célébrer la messe sans se croiser. En 1811, les cinq premières travées, anciennement réservées aux paroissiens sont détruites comme la façade gothique à trois portails datant du XIIIe siècle, laissant comme nouvelle façade, la cloison aveugle. L'église est classée parmi la première liste des monuments historiques français en 1840, et des restaurations sont entreprises à partir de 1880. Le reste de l'abbaye est classé le 17 octobre 1938. En 1964, de nouveaux travaux de restauration sont entrepris. |
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Eglise Saint-Vigor
L'édifice est majoritairement de style roman mais quelques parties remaniées présentent un style gothique. L'ensemble des bâtiments se réduit aujourd'hui à l'église abbatiale, à la chapelle Saint-Gerbold et à quelques bâtiments agricoles. C'est un ensemble hétérogène de style roman de la fin du second quart ou du début du troisième quart du XIe siècle et de style gothique du XIIIe siècle qui témoigne de la façon de construire des Normands. |
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L'abside
Elle comporte trois étages de fenêtres, cette disposition est unique au monde dans l'art roman. L'abside a été renforcée au XIVe siècle par de larges contreforts suite à l'effondrement de sa voûte. De chaque côté du toit de l'abside un pignon et des clochetons du XIVe siècle. La ligne de faîtage sortant curieusement d'une baie bouchée sur le pignon haut du chœur indique probablement qu'il y a eu des aménagements. Les parties hautes conservent leur baies d'origine ainsi qu'une série de gargouilles et modillons romans. Le chœur
Sans déambulatoire, il comporte deux travées droites terminées par une abside profonde. Le vaisseau central communique par des portes avec les deux collatéraux voûtés d'arêtes qui se terminent par de courtes absidioles formant un chevet plat à l'extérieur.
Au XIVe siècle une voûte d'ogive en pierre était présente mais, elle fut retirée dans les années 1960 pour restituer l'aspect roman d'origine. Elle fut remplacée par un plafond plat charpenté plus traditionnel. Le chœur possède quarante stalles gothiques réalisées en 1400, elles sont les plus anciennes de Normandie.
La nef
Sept travées en plein cintre furent construite entre 1035 et 1087 mais, les cinq premières travées furent démolies au XVIIIe siècle. L'élévation de la nef est à trois niveaux : le premier niveau comporte de grandes arcades retombant sur des piles cruciformes, le deuxième niveau possède des tribunes ouvrant sur la nef par des baies géminées et le troisième niveau des fenêtres hautes avec une galerie de circulation dans l'épaisseur du mur.
Le clocher
Jusqu'au XVIIIe siècle une tour-lanterne était plus haute de 10 ou 20 mètres. Le troisième étage a été refait au XVIIIe siècle et la flèche au XIXe siècle. Les deux niveaux inférieurs sont romans. Le second niveau comprend sept arcades aveugles par côté, dont les deux attenantes à la fine arcade centrale étaient autrefois ouvertes.
Le cloître
Autrefois, un cloître de trente-cinq mètres sur trente, comprenant deux cents colonnes, était enserré sur la largeur de l'abbatiale, entre les troistravées restantes et le réfectoire (disparu) et, sur sa longueur, entre le transept sud et les bâtiments des moines (ces derniers également disparus). Aujourd'hui encore, on peut apercevoir quelques fondations de certaines colonnes. |
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Plan
On voit sur cette gravure l'ancienne voûte d'ogive du chœur.
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L'Abbaye photo 2009 |
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