Photo; christophe50

Rédigé par l’abbé Cardet Curé d’appeville de 1905 à1942 

Publiés dans la revue :Notices, Mémoires et documents publiés par la Société d’Agriculture, d’archéologie et d’histoire naturelle du Département de la Manch

Les origines de l’Église d’Appeville

L’église d’Appeville, telle qu’elle se présente, est un édifice que les archéologues ne visitent point sans exprimer leur admiration. En 1858, lorsqu’il rendait compte dans l’Annuaire de la Manche de la visite qu’il avait faite à cette église, Mr Renault, conseiller à la cour de Caen, déclarait ceci : « J’ai visité avec un vrai plaisir cette belle église qui, sans contredit, est une des plus curieuses que j’ai eue à signaler ».

Nous souscrivons très volontiers à cette appréciation, mais si élogieuse qu’elle soit, elle ne nous apprend rien sur les origines mêmes de cette église. Essayons avec nos peu de moyens de jeter un peu de lumière sur cette question assez obscure : d’abord, faisons la part de la légende.

On raconte encore dans la paroisse que lorsqu’on voulut bâtir cette église, on résolut de la placer sur une hauteur avoisinante. Là, pensait-on, elle aurait été bien en vue et son clocher aurait été aperçu de loin. Mais, chose surprenante, les ouvriers ne purent jamais achever leur travail: ce qui était fait pendant le jour se trouvait démoli la nuit.

Photo; Enguehard Xfigpower

Alors le maître maçon, pris de dépit, saisit son marteau et le lança en l’air de toutes ses forces en disant : « Là où il tombera, l’église sera construite ». Et le marteau vint tomber là où s’élève l’église actuelle.

A la vérité, cette légende est commune à d’autres églises et chapelles du diocèse. Nous avons lu quelque chose de semblable, par exemple, au sujet de l’église paroissiale de Gouvets et, de même, au sujet d’une ancienne chapelle dédiée à Saint Jouvin, en la paroisse de Bricqueville –la-Blouette. Il ne faut donc attacher à cette légende, appliquée à l’église d’Appeville qu’une importance toute relative.

Ce qui est beaucoup plus conforme à l’histoire, c’est que la paroisse d’Appeville possède une église depuis fort longtemps, approximativement depuis 900 ans. Les communes proprement dites, avec leurs territoires déterminés et leurs magistrats particuliers, n’étaient pas encore constitués dans la région, que déjà les agglomérations de familles qui formaient alors la paroisse d’Appeville, pouvaient se réunir en une seule église pour l’exercice du culte.

Vers le milieu du XIème siècle, cette église appartenait au comte de Mortain et au Baron de La-Haye-du-Puits, qui avaient pourvu d’un commun accord à sa construction et à sa dotation, le premier agissant dans l’intérêt religieux de son comté et le second dans celui de sa baronnie. A cette époque reculée, le territoire d’Appeville relevait en effet du Comté de Mortain et de la baronnie de La-Haye-du-Puits.

Selon l’usage du temps, les fondateurs d’une église se réservaient une part sur ses revenus; car si la fondation d’une église était tout d’abord une oeuvre de haute piété, elle était aussi une affaire de rapport. Le comte de Mortain avait donc une part sur les revenus de l’église d’Appeville et le baron de La-Haye-du-Puits une autre part. Mais, en 1056, le baron Richard,Turstin Haldup, de son nom scandinave, disposa de sa part en faveur de l’abbaye de Lessay qu’il venait de fonder, et, en 1082, le comte Robert, frère utérin de Guillaume-le-Conquérant, disposa de la sienne en faveur de la collégiale de Mortain, qu’il venait de fonder à son tour.

Cette double attribution, consignée dans deux chartes mémorables, suffit pour ôter toute incertitude au sujet de l’existence même de l’église paroissiale d’Appeville, au milieu du XIème siècle; et comme la charte de fondation de l’abbaye de Lessay est à notre connaissance, le premier document qui en fasse mention, nous pouvons regarder cette charte comme déclaration de naissance de l’église d’Appeville