HEMEVEZ
  CC 19.09 DE LA REGION DE MONTEBOURG
   
  DU MOYEN-AGE A LA REVOLUTION 1/4
         
 

CPA collection LPM 1900

 
     
 

HEMEVEZ, DU MOYEN-AGE A LA REVOLUTION

Nicolas ABRAHAM 2014

 

On  aurait  beaucoup  à  dire  sur  l’histoire  d’Hémévez.  Les  sources  concernant  la commune sont si riches que l’on pourrait presque retracer l’histoire de chacune de ses familles sur une longue période mais il s’agira avant tout ici de dresser un aperçu historique de ce que fut Hémévez au cours de l’histoire et sur la manière dont ses habitants traversèrent les siècles.

 

La première mention connue d’Hémevez, tout d’abord, remonte au milieu du XIIe siècle. C’est là qu’apparaît pour la première fois le nom de ce lieu dans une charte destinée à l’abbaye  de  Saint-Sauveur-le-Vicomte où le du  de Normandie, Henr  II, accorde aux religieux la tierce partie des dîme  su  l  paroiss  d’Anslevilla, c’est-à-dire Anneville Hemevez car jusque vers la fin du Moyen Age, deux noms, parfois joints l’un à l’autre, servaient à définir cette localité : Anneville et Hémévez. Et si le premier nom semble le plus ancien, c’est finalement le second qui l’a emporté, celui d’Hémévez. L’étymologie de ce nom, viendrait selon René Lepelley du latin et désignerait «  le gué du Ham », autrement dit, le village où se situent les gués menant au village du Ham

 

Sur le plan administratif, Hémévez était rattaché à la sergenterie de Pont-l’Abbé et à la vicomté, puis élection, de Valognes. Concernant le nombre de ces habitants, nous n’avons conservés que peu de documents qui nous permettent une rapide évaluation.

 

1278

 

81 feux (324 hab. environ)

1421

 

22 feux (88 hab. environ)

1443

 

14 feux (56 hab. environ)

1652

 

70 feux (280 hab. environ)

1696

 

100 feux (400 hab. environ)

1765

 

317 hab.

1793

 

325 hab.

1800

 

331 hab.

1806

 

375 hab.

2011

 

174 hab.

 

De l’époque gallo-romaine, on ne sait pratiquement rien si ce n’est que la voie antique allant

de Valognes à Coutances passait à Hémévez.

 
 


 
   
  HEMEVEZ
  CC 19.09 DE LA REGION DE MONTEBOURG
   
  LE MOYEN-AGE 2/4
         
 

I – HEMEVEZ AU MOYEN-AGE

 

Au  XIIe siècle, la paroisse d’Hémevez était en grande partie sous l’autorité des Templiers. Ces derniers possédaient une commanderie à Valcanville et si leurs terres dans le Val de Saire étaient peu étendues, ils possédaient en revanche à Hémévez plus de 1300 vergées répartis en quatre tenures, c’est à dire plus de 300 hectares de terres dans cette commune et sur ces marges, soit les 3/4 du territoire la commune si on la prend dans ses limites  actuelles

 

En comparaison, ils ne tenaient que 46 vergées soit environ 11 ha à Valcanville. Autant dire que si la commanderie était installée à Valcanville, c’est finalement à Hémevez, et dans quelques autres lieux du Cotentin, que les Templiers tiraient la plus grande partie de leurs ressources. La donation aurait été faite par Helena de Chiffrevast en 1190, sous le règne de Richard Coeur de lion

 

Aucun document ne semble malheureusement avoir été conservé sur l’histoire de ces templiers et sur leur vie à Hémévez.

 
 
         
 

Après leur procès et leur condamnation en 1312, leurs possessions passèrent dans  l’ordre des Hospitaliers. Ces derniers, dans une sorte d’état des lieux, dressé en 1313, nous apprennent que le manoir d’Hémévez était grandement endommagé, à cause notamment de l’état de la couverture.

 

Pour poursuivre un peu sur l’histoire religieuse, notons que la justice de l’abbaye de Montebourg  s’étendait jusqu’à Hémévez et que l’abbaye de Saint-Sauveur-le-Vicomte y possédait également quelques terres. Le pouillé du diocèse de Coutances, qui dresse un état de toutes les paroisses au début du XIII eme siècle, nous apprend que l’abbé de Montebourg était patron de l’église d’Hémévez et y percevait les deux tiers de la dîme

 

Le curé ne recevait lui que le dernier tiers de la dîme et une acre de terre à cultiver ce qui créera quelques problèmes par la suite.

 

Pour la levée de la décime (impôt levé par lapapauté) nous permet quant à lui d’entrevoir le niveau de richesse de la paroisse d’Hémevez au début de la guerre de Cent ans, alors que la Peste noire vient tout juste de frapper l’Occident.

 

Nous voyons à travers ces chiffres qu’Hémevez semble plus pauvre que les paroisses qui l’entourent. Malheureusement, sa situation ne s’améliorera pas de sitôt, la guerre de Cent ans n’en étant qu’à ses débuts. A la Révolution, le portrait qui est dressé d’Hémevez est encore celui d’une commune pauvre au territoire exigu.

 

Si une partie des terres de la paroisse étaient aux mains d’ecclésiastiques, de nobles laïcs résidaient également à Hémévez et portaient le titre de «  seigneur d’Hémevez ». Au XIVe siècle, et jusqu’au début du XVIe siècle, il s’agissait de la famille de Sainte-Mère-Eglise membre de la petite noblesse du Cotentin

 
 

 

Pendant toute la fin du Moyen Age, l’histoire d’Hémévez fut liée à une longue série de conflits de succession pour le titre de seigneur du lieu entre les membres de la branche aînée et de la branche cadette de cette famille.

 

L’histoire commence en 1279. Guillaume de Sainte-Mère-Eglise, aîné de la famille se voit accordé à la mort de son oncle une rente annuelle de 40 livres à prendre sur le fief de Goudanges. Son frère cadet,  Erquembourg, reçoit quant à lu  la seigneurie d’Anneville Hémévez.

 

A l’époque cela ne semble avoir  posé aucun problèm  mais à la génération suivante, Colin, fils de Guillaume, s’insurge de ce partage défavorable à son père selon lui. Selon le droit normand, il est vrai que c’est son père qui aurait dû hériter de la seigneurie. Un procès s’ensuit aux assises de Valognes puis devant l’Echiquier de Normandie qui se révélera favorable à Erquembourg. Colin conservait lui le titre de seigneur de Goudanges mais cela n’empêcha pas ses successeurs de revendiquer le titre de seigneur d’Hémevez.

 
 
 
     
 

Ce conflit s’acheva finalement en 1436 par le mariage de Jean de Sainte Mère-Eglise, héritier de la branche aînée, et d  Marguerite (ou Guillemine) de Sainte-Mère-Eglise, héritière de la branche cadette qui réunirent les deux seigneuries de Goudanges et de Hémevez. L’affaire semblait donc réglée. Néanmoins, un nouveau conflit de succession survint dans la seigneurie d’Hémévez lorsque Jean de Sainte-Mère-Eglise, vers le milieu du XV eme siècle, décida de vendre une partie des rentes de sa terre d’Hémévez. Utilisant le droit normand, son neveu, Nicolas de Mantes, demanda à retirer ces terres à son profit au nom du droit du sang.

 

Profitant de son office de procureur du roi, il tente de s’arroger certains droits : il prit tout d’abord le titre de sieur de Goudanges et se prit de querelle dans l’église du lieu avec le successeur de son oncle pour des questions de préséance. Le conflit ne s’acheva qu’à la mort dudit de Mantes.

 

Nul ne sait si pendant ces différents conflits, la population d’Hémévez eut à pâtir de ces querelles seigneuriales car hormis pour ses seigneurs, on ne sait que très peu de choses sur les habitants d’Hémévez durant la période médiévale. Ils apparaissent parfois au détour de quelques actes sans qu’il ne soit possible d’en dégager quelques informations. A n’en pas douté, leur histoire fut durant ces siècles, semblable à celle des autres paysans du Cotentin. Après avoir connu une paix relative sous la Normandie ducale et au XIII eme siècle, perturbé seulement par quelques conflits mineurs et par une météo qui put certaines années perturber les récoltes, Hémévez connue au XIVeme et XV eme siècles les trois fléaux qui frappèrent tout le pays : la guerre, la famine et les épidémies. En 1346, elle subit comme une bonne partie du Cotentin, la chevauchée de l’armée anglaise d’Edouard III qui pilla et incendia les villages placés sur sa route. Deux ans seulement après cet épisode, c’est la peste noire qui frappa, emportant une partie de la population.

 
 

 

Parmi tous les belligérants qui s’opposaient à l’époque, le seigneur d’Hémévez, Pierre de Sainte-Mère-Eglise, choisit de prendre le parti de Charles de Navarre qui tenait alors la majeure partie de la Normandie s’opposant de ce fait au roi de France.Il fut nommé connétable de Carentan et capitaine de Pont-l’Abbé. Coupable de trahison, le seigneur d’Hémévez obtint tout de même le pardon du roi de  France en 1360

 

La population continuait quant à elle à subir les attaques des soldats anglais et des brigands, la paix ne revenant que dans la deuxième moitié du XVeme siècle mais encore fallait-il tout reconstruire. Pour cela, les habitants d’Hémévez bénéficiaient de droits dans l’immense forêt de Brix qui s’étendaient alors sur une bonne partie du Nord Cotentin. Ils avaient le droit d’y prendre du bois pour se chauffer et pour leurs constructions. Ils pouvaient également y amener paître leurs bêtes, bovins et porcs. En contrepartie, ils devaient payer le panage, un impôt sur les porcs admis en forêt, et donner une poule par an au roi. Tel était le genre d’impôt qui pouvait peser sur les paysans au Moyen-Age. 

 
 
         
 

Les paroissiens et habitans de la paroisse d’Anneville Haimmeves ont en la forest de Bris en la verderie de Valloignez le vert bois en gesant et le sec en estant tous les moys de l’an, excepté le moys de may. Item, boys pour ardre et amesnager pour amender. Item, herbage pour toutes leurs bestes, hors chievres et brebis. Item, pasnage quitte par paiant pour chacun porc II d. au pasnage, et de VIII pors ung, se tant en ont. Et en sont tenus fere iceux habitants chacun par soy une gueline au mestier de Siffrvast, lesquellez vont au roy notre seigneur, et XXI d. pour cariere quant ilz vont au bois au moys de quaray au dit mestier de Siffrevast, excepté les hommes de l’hospital de Jherusalem, et les hommes des religieux, abbé et couvent de Cherebourg qui sont frans quittes des choses dessus dictes, et ont franc pasnage pour leurs pors.extrait du Coutumier d’Hector de Chartres

 

 
   
  HEMEVEZ
  CC 19.09 DE LA REGION DE MONTEBOURG
   
  L'ANCIEN REGIME 3/4
         
 

Le château d'Hemevez CPA collection LPM 1900

 
         
 

II – HEMEVEZ SOUS l’ANCIEN REGIME

 

La seigneurie d’Hémévez, possession de la famille de Sainte-Mère-Eglise,passa au XVI eme siècle dans la famille Hamon, dans la famille Cadot au début du XVII eme siècle, puis à la famille Gaurault du Mont et enfin à la famille de la Motte-Angot au XVIII eme. Par chance, et même s’il a été endommagé au fil du temps et si des pièces en ont aujourd’hui disparu, le chartrier que ces familles ont pu constituer au fil des générations a été en partie conservé, nous livrant ainsi un grand nombre de documents sur l’histoire d’Hémévez

.

Le XVI eme siècle n’a laissé lui que peu de traces mais on y apprend que le manoir seigneurial nécessita des travaux de réparations en 1561 et qu’un nouveau conflit, pour le fief de Goudanges cette fois-ci, éclata à la fin du XVIe siècle. Au début du XVIIe siècle, le seigneur d’Hémévez se prénommait Vercingétorix Cadot.

 

Un prénom peut-être prédestiné puisqu’il prit part en 1637 au siège de Damvilliers, près de Verdun, dans l’armée qu’avaient constituée Louis XIII et Richelieu pour s’emparer des places fortes espagnoles situées à l’est du Royaume. Le seigneur d’Hémévez périt lors de ce siège tandis que ses paysans subirent eux aussi les affres de la guerre quelques années plus tard.

 

En mars 1642, une compagnie de 50 à 60 cavaliers de la garnison de Valognes  voulut camper à Hémévez sans en avoir reçu l’autorisation. Les habitants résistent et les troupes indisciplinées  commirent  de  nombreuses  exactions  dans  le  village  avant  de  repartir  le lendemain. Une plainte fut par la suite déposée à Valognes devant un représentant du roi avec le témoignage de plusieurs villageois: Jacques Lecoueffey et Jean Blanche durent donner leur avoine au soldat, Robert Gamas s’était caché dans le grenier de sa maison quand deux soldats vinrent forcer sa porte, deux soldats couchèrent chez Nicolas Leroux. Chez Richard Laisné, ils fondirent 3 livres de beurre simplement pour laver les pattes de leurs chevaux, Alexandre Soinard, 17 ans, fut frappé par trois soldats parce qu’il refusait de leur donner du froment. etc.

 

Parmi les autres événements notables à Hémévez, on peut noter à la fin de l’année 1694 une visite archidiaconale que le curé relata dans le registre paroissial.

 

« Extrait de la visite faite par Mr Jannée, docteur en droit canon et doyen du Val de Sève, suivant la commission qui luy a esté donnée par le sr archidiacre du cotentin dans l’église de Hemevez, l’onzièmz octobre, en présence du sr curé et des paroissiens de lad. église de Hemevez, avons trouvé le cymettier en fort bonne réparation, avons ordonné qu’il y sera bien entrtenu ; avons remarqué le cœur de l’église couvert à neuf, et le mesme cœur fort propre par dedans. Avons trouvé la porte qui entre dans le cœur en mauvais estat que le sr curé nous a dit devoir estre changée de place et pour lors sera réparée à (blanc). Avons remarqué dans la nef la couverture avoir besoin d’estre réparée ; noua avons ordonné estre incessamment réparée de peur qu’il n’arrive grand désordre, ainsi que quelque eff.. (  ?) au dessous des bessoins de lad. couverture à l’égard des comptes sur ce qui nous a esté asseuré que comme l’on a commencé à les faire rendre, avons ordonné qu’il continuera incessament à faire vider les deniers  ! A esté nommé pour trésorier Julien Gamas auquel sera donné une charge en forme pour le sr curé, et après avoir fait tout entier donné règlemens, avons signé et conclus. »

 

Prenons maintenant prétexte de cette visite un représentant de l’évêque dans la paroisse pour nous intéresser à ce à quoi ressemblait Hémévez à cette même époque.

 

On note parmi les bâtiments importants, la présence bien évidemment de l’église qui ne possédait alors pas sa sacristie, construite seulement au XVIII eme siècle. Le château tel que nous le connaissons aujourd’hui n’existait lui pas encore, il s’agissait d’un simple manoir seigneurial situé sans aucun doute au même emplacement. Deux moulins à eau, nommés tout simplement « le grand » et « le petit » moulin sont également mentionnés à cette époque. Le paysage quant à lui n’était peut-être pas très  différent d’aujourd’hui : les parcelles étaient petites, séparés par des fossés plantés de haies. Les champs étaient en majorité labourés pour y  cultiver froment, orge, avoine et sarrasin. Les paysans  our faire pâturer leurs bêtes bénéficiaient, outre 74 vergées de prairies, du marais et d’une commune, c’est-à-dire d’une « prairie communale » et où ils pouvaient faire pâturer en commun leurs bêtes.

 
         
 

Les maisons étaient, à cette époque, le plus souvent en terre, couvertes de chaume, et possédaient pour la plupart un potager et sans doute un verger puisque les mentions de pommiers  sont nombreuses dans les archives.

 

Au XVIII eme, le seigneur n’est plus résident dans la paroisse mais continue d’y exercer sa justice lors de réunions que l’on nomme plaids. Ces assemblées qui se réunissent plusieurs fois par an, rassemblent l’ensemble des chefs de feux de la seigneurie. Le chartrier du château a conservé plusieurs rapports de ces plaids, nous permettant ainsi d’en savoir un peu plus sur les relations entre le seigneur et les villageois d’Hémévez. L’annonce de la réunion se faisait généralement une quinzaine de jour avant, à la sortie de la messe dominicale, afin d’être sûr que tous seraient avertis. Le jour de la réunion des plaids, tous se réunissaient en extérieur, près de la demeure seigneurial. Les paysans y font la déclaration des terres tenus du seigneur, élisent le prévôt  chargé de leurs relations avec le seigneur, règlent des conflits de voisinage et adressent au seigneur leur doléances. Mais ce dernier, surtout à la fin du XVIII eme siècle était souvent absent et c’est donc son procureur qui présidait aux plaids.

 
 
         
   
  HEMEVEZ
  CC 19.09 DE LA REGION DE MONTEBOURG
   
  LA  REVOLUTION 4/4
         
 

Le château d'Hemevez CPA collection LPM 1900

 
         
 

III – LA REVOLUTION A HEMEVEZ

 

Le 1er mars 1789, c’est une toute autre assemblée qui se réunie à Hémévez. Alors que la réunion des Etats généraux est prévue pour le 5 mai, chaque village du royaume est chargé d’adresser au roi ses plaintes, doléances et remontrances. Nous pouvons ainsi, à la lecture de ce cahier, entrevoir la situation à Hémévez à cette époque et l’état d’esprit de ces habitants peu avant que la Révolution n’éclate. Leurs doléances étaient les suivantes : Les habitants d’Hémévez demandent : -une réunion régulière des Etats généraux, un retour des Etats de Normandie, et un règlement plus rapide des procès.

 

-l’arrêt des milices qui retirent les hommes à la terre,

-une baisse de l’impôt, en particulier celui concernant les routes qui ne cesse d’augmenter alors que la route royale est terminée.

- demandent abolition de la gabelle qui oblige les plus pauvres, ne pouvant la payer, à aller chercher de l’eau à la mer pour avoir du sel

- dénoncent le détournement de l’argent des impôts et demandent que les dîmes soient au bénéfice du curé pour qu’il puisse entreprendre la rénovation de l’église et de son presbytère.

-demande enfin la destruction des colombiers et garennes, pigeons et lapins détruisant et mangeant les blés cultivés.

   

A l’issue de la réunion, Joseph Blondel et Gilles Maurouard furent nommés comme représentants de la paroisse d’Hémévez à l’assemblée du baillage.

 

La suite des événements survenus au cours de la Révolution française à Hémevez, nous est ensuite connue grâce à deux registres des délibérations municipales de la commune, rédigés tout au long de la période révolutionnaire

 

Ecrits quasiment au jour le jour, ces documents exceptionnels, nous font revivre tous les évènements survenus ici pendant ces temps troublés et nous permettent également de dresser le portrait d’un bon nombre de ces habitants.

 

On retrouve dans le premier registre, la liste des chefs de feux en 1790 avec la profession de chacun. On sait ainsi qu’en 1790, on trouvait à Hémévez 18 laboureurs, des tisserands, des cordonniers, un boucher, un maçon, un maréchal ferrant, un giboyeur chargé de vendre le gibier, un meunier.... Pour cette même année, le détail de la dîme accordée au curé nous permet de connaître les cultures pratiquées à Hémévez  : il devait recevoir  3522 gerbes de froment, 2567 d’orge, 1015 d’avoine, 100 boisseaux de sarrasin, 1000 poignées de lin, 30 bottes de chanvre, 15 pioches de panés et 4 tonneaux de cidre . Mais la météo de cette année 1790 fut désastreuse et la récolte très mauvaise. Les paysans se plaignent d’un manque de terre, du « mauvais fond » de leurs champs et de l’impossibilité de faire venir de l’engrais, les chemins étant impraticables. On apprend que cette année-là le curé n’a pas ramassé assez de pommes pour se faire un tonneau de cidre. L’année suivante, la commune se plaint de ne pouvoir payer un impôt trop lourd, qui réduirait la majeure partie de la population à la mendicité. A cette époque, le plus riche propriétaire de la commune ne possède pas plus de 40 ou 45 vergées. On voit à travers ces extraits que les conditions de vie de l’époque étaient compliquées et que la Révolution n’avait pas totalement amélioré le quotidien des paysans.

 

Cette situation difficile pour Hémévez n’empêche pourtant pas les habitants de célébrer la Révolution. Le 14 juillet 1790, jour de la fête de la Fédération, une grande messe est organisée dans l’église. A la fin de la célébration, tous se lèvent et crient en cœur «  Vive la Nation, la Loi et le Roi » avant de jurer de maintenir de tout leur pouvoir la constitution.

 

Quelques jours plus tard, le curé du lieu, soumis à la constitution civile du clergé prête ce même serment à la Nation alors que tant d’autres curés des environs refusent et préfèrent partir en exil. Il fit donc partie de ces prêtres qui accueillirent positivement les idées nouvelles et même si une petite querelle l’opposa au conseil municipal en 1792 à cause d’un inventaire des biens de l’église, il resta fidèle à la Nation et à la République.

 

Cette République toute nouvelle eut à se défendre contre les royaumes européens qui, sous l’impulsion des Princes, menèrent la guerre contre le nouveau régime de la France. C’est pourquoi on commença par faire un  inventaire de toutes les armes que chacun pouvait posséder chez lui. Ainsi, à Hémévez, sur les 78 hommes en âge de se battre, 28 possédaient en 1792 un fusil ou un pistolet. Mais lorsqu’en février 1793, la mobilisation fut lancée pour aller  combattre les ennemis de la République, les jeunes hommes d’Hémévez refusèrent de partir déclarant qu’ils préféraient rester à défendre leurs foyers. Deux volontaires furent finalement désignés le 17 mars mais la Révolution que tous avaient accueillie avec joie, commençait à connaître une opposition dans les campagnes. Ainsi le 22 pluviôse an IV (11 février 1796), on raconte que les chouans ont brûlé des papiers municipaux.

 

Une quinzaine de jours plus tard, sont  jugés à Coutances, Guillaume Le Gouey, cultivateur, Jacques  Néhou dit l’Epine, domestique et Etienne Dubreuil, cabaretier, domiciliés à Hémevez, tous trois accusés « d’exactions chouaniques » et de vol d’armes et de chevaux. Ces faits semblent cependant exceptionnels et la paix revient petit à petit dans la commune. Il n’est guère que les conditions météorologiques qui venaient de temps à autre perturber le quotidien. Le 18 brumaire an IX (9 novembre 1800), un violent orage s’abat sur Hémévez mettant à terre 430 pommiers sur la commune et détruisant en partie le moulin qui nécessita 1000 francs de réparations.

 

Qu’était devenu pendant ce temps l’ancien seigneur d’Hémevez ?

 

Et bien LouisCharles de la Motte-Angot, qui était officier de l’armée royale en 1789 se rallia à la Révolution et combattit pour la Nation. Maréchal de camp de Dumouriez, il devint en 1793, commandant en chef de l’armée des Pyrénées orientales et partit combattre en Catalogne. Sa seigneurie d’Hémévez devait être alors bien loin de ses préoccupations. Emportant plusieurs victoires en Espagne, il peine à faire régner la discipline dans ses troupes et est destitué par la Convention le 6 août 1793. Alors que la Terreur fait rage, il est arrêté et emprisonné. Victime de la 3eme conspiration des prisons, il fut guillotiné le 22 juillet 1794 mais son nom restera inscrit à jamais sur l’Arc de Triomphe comme celui d’un des généraux français ayant porté la Révolution et défendu la Nation

.

Il n’en reste pas moins qu’il était considéré au moment de son exécution comme ennemi de la nation. L’an 7 de la République, ses héritiers sont expropriés du château d’Hémévez et se réfugient avec leur mère à Valognes où ils possédaient une autre demeure.

 
         
 

Tout le domaine d’Hémevez se trouve alors mis aux enchères. L’acte d’expropriation , en faisant l’inventaire des biens, nous permet également de savoir à quoi ressemblait le château à cette époque. Le château se composait alors de deux longueurs de bâtiments couverts semblet-il en chaume. On y retrouve les bâtiments agricoles classiques (écurie, étable), un potager et de nombreux champs entourant le domaine.

 

La veuve de l’ancien seigneur parvint à racheter une partie des biens mis en vente et les membres de la famille de la Motte-Angot continuèrent à vivre et à être enterré à Hémévez bien des années après la Révolution. Les villageois d’Hémévez eux, connurent après la Révolution encore bien des guerres, encore bien des alamités et encore des mauvaises récoltes. Mais la vie continua de s’écouler dans ce petit village aujourd’hui paisible. Voici ce que l’on pouvait dire de l’histoire de cette jolie commune d’Hémevez, depuis le Moyen Âge jusqu’à la Révolution.

 

Nicolas ABRAHAM

Hémévez, 20 septembre 2014