JULLOUVILLE
  CC 05.04 GRANVILLE TERRE ET MER
 
  HISTOIRE DE BOUILLON  -1/2
         
 

Jullouville La mare de Bouillon, collection CPA LPM 1900

 
 
 
 

Avranchin monumental et historique, Volume 2

Par Edouard Le Hericher 1845

 

Kiehotaut de Verdun miles patronatum me

dlctatis ccclesle S. J. Baptiste de Ballon concessit

(Charte du su* siècle.)

 

Liitera Normanni Langlois de Mara de Boulto.

(xiv« siècle.)

 

UN carré long, dirigé de l'est à l'ouest, avec une longue bande tracée sur la grève par le Thar, figure assez bien le plan de Bouillon. Quant au relief, c'est la moitié de la vallée du Thar, depuis la ligne de l'eau jusqu'au rebord du coteau, double ligne qui forme les limites du nord et du sud; la mer baigne la commune à l'ouest ; le ruisseau du Pont de Leseaux à l'est. Dans l'angle sud de ce côté est la forêt de Bouillon. Cette situation péninsulaire et aquatique se révèle dans les appellations topographiques, le village de Leseaux ou Lez-Eaux, le village sur Thar, celui de la Rivière, la Mare de Bouillon, la Hougue ou hauteur au bord de l'eau.

 

Robert Cenalis traduit Bouillon par Ager Boarius sive BoviUus: c'est une de ses étymologies primesautières qui n'ont d'autre mérite que de peindre l'homme et son temps. Nous croyons que ce mot est un nom propre d'homme, et  probablement celui du chef normand qui reçut cette parcelle du territoire de la Neustrie. Ce nom est celui de liolie ou de liolto, qu'on retrouve plusieurs fois dans le Domesday, et même dans les chartes du xr et du XIeme siècle relatives à cette paroisse. Ainsi une charte du xr nous donne le nom de Roger de Bâillon, et la charte de donation de l'église a l'évêque d'Avranches au xir offre l'expression même du Domesday: « Carta W. epùcopi de ecclesia de Ballon.... patronattu medietatis ecclesie S. B. de Ballon. » Nous avons déjà trouvé ce nom propre comme un des élémens dn mot la Boulouze. D'ailleurs ce radical se retrouve dans les nombreuses localités de Bouillon , Bouilly, Bouille, et Bouillat. Il est plus transparent encore dans Bolbec et Bolleville.

 

Entre la pointe de Carolles ou Pignon-Butor et le rocher du Tbar ou le Caillou-Sainte-Anne s'étend une vallée semi-circulaire, petite plaine de sable aux dunes légèrement ondulées, où serpente un petit lac, épanouissement de la rivière du Thar: c'est la Mare de Bouillon , dont le bassin est bordé d'une frange de scirpes et de roseaux , et qui, se resserrant pour traverser ces miellés dans un lit plein de potarnots et de callitriche, va se décharger dans la mer, près d'un pont rustique appelé le Pont-Hoguerie. Ces sables arides n'alimentent qu'une chétive végétation, celle qu'offre d'ailleurs une grande partie du littoral voisin ; c'est le Roseau des sables, le Convolvutus soldanelle, la Sabline, VEuphorbe littorale, le Glaux mariiimc, les Panicauts, les Chausses-Trapes, etc.

 
 

 

 
 

Jullouville Bouillon, collection CPA LPM 1900

 
         
 

Sous le Pignon ou cap Butor se trouve Anthyltis vulnéraire, et dans les haies de la commune la rosé qui porte le nom de Rosé d'Avranches. Ce site est admirable en lui-même et par sa variété : c'est un petit abrégé de la nature, on la réunion de ses différentes formes, la mer, le désert sablonneux, le lac immobile, la rivière capricieuse , la montagne âpre et nue, la prairie verte , le champ cultivé. La Mare de Bouillon est l'étalement de la rivière qui limitait les diocèses de Coutances et d'Avranches, et qu'on peut appeler la rivière sacrée du pays. Ses deux rameaux supérieurs ont leur origine sous deux églises, l'un dans la fontaine du Fougeray, sous l'église de Noirpalu , et l'autre auprès du cimetière de la Mouche: dans son bassin sont semés un grand nombre d'édifices religieux , les deux églises de sa source, celle de la Haye-Pesnel, le prieuré d'Hocquigny, la chapelle Saint-Jacques, l'abbaye de la Luzerne, l'église de Saint-Ursin, celle de Saint-Léger, et à son embouchure celles de Quéron et de Bouillon. Avant la Révolution, cette Mare avait une lieue d'étendue ; mais, par suite du curage opéré par les habitans de Bouillon et de Saint-Pair, le lit de la rivière s'est rétréci, la Mare a diminué, et même un rocher, jusqu'alors ignoré, a montré sa tête dans les basses eaux de l'été. Sur cette plage, il y avait un petit port dont les pêcheurs devaient à l'église un plat de poisson le dimanche des brandons. Il y avait encore, avant 1500 , plusieurs parcs en pierre appelés pescheries.

 

La Mare de Bouillon n'a peut-être pas toujours existé. La tradition la considère comme une espèce de Mer-Morte qui aurait englouti des villages : aux basses eaux, raconte-t-on, on y aperçoit encore des habitations, à telles enseignes qu'un pêcheur embarrassa un jour sa rame dans l'orifice d'une cheminée ; mais les rocs sous les eaux ont peut-être été transformés en maisons par l'imagination populaire. Cependant M. de Gerville fait passer la voie romaine à travers le terrain submergé , et assure qu'on y retrouve des restes d'anciennes habitations. Ce lac est désigné dans les chartes du Mont Saint-Michel sous le nom de Mara de Boullo. La nomenclature des chartes renfermées dans l'armoire du Trésor' renferme un titre de Littera Normanni Langlois de Mara de Boullo. Ce monastère avait la dîtne des pêches de ces parages et de cet étang, tandis que l'évêque de Coutances avait ia dîme des soles3 plus au nord, depuis le Caredel jusqu'au Thar. Nous lisons dans le Livre Terrier du Mont un article intitulé : « Marre de Bouillon... Jean Louvel, sieur de Leiseaux, doit par chacun an, terme de S. Michel, deux plats de poisson de la Marre de Bouillon, et au défaut du poisson 16 sous. Il doit prester deux fois l'an ses batteaux et fillets pour pescher à ladite Marre II paraît certain qu'au Moyen-Age les cétacés étaient communs sur les côtes de Normandie , et on trouve dans beaucoup de chartes normandes mention des dîmes de baleines. Ainsi le Conquérant donna à la Trinité de Caen la dîme des baleines prises à Dives. Des titres du Mont Saint-Michel confirment cette observation : l'un est intitulé : « Recognitio carthe de pùcibus ad Tardum vîd. balena, pospeis, grospellis. » Un autre du carlulaire est intitulé: « Littera pro balena. » On lit encore dans le même recueil : « Quodjus baleneadnos pertinet" II se pourrait toutefois que cette expression désignât en général les grands poissons, baleines, cachalots, phoques, etc.

 
         
 

Jullouville Bouillon, collection CPA LPM 1900

 
 

 

 
 

Celte plage de la Mare de Bouillon se divise en trois espaces, Vestran ou la partie du rivage découverte a la basse mer, la mielle ou les sables mobiles, et l'arène terrée, partie plus ferme, intermédiaire entre le sable et la terre franche. L'estran est à la mer, l'arène terrée est au pâturage, la mielle est aux vents. Pourquoi ne serait-elle pas à l'homme? Après les beaux travaux qui ont couvert de bois de pins les 120,000 hectares des dunes du golfe de Gascogne, et fixé le sol des Landes, on pourrait bien fertiliser de vastes espaces sablonneux comme ceux des bords de la baie du Mont Saint-Michel et de la côte de l'arrondissement de Coutances. A voir l'élévation du prix des terres, le mouvement des défrichements, l'élan qui emporte les villes dans les campagnes, on peut bien légitimement rêver l'époque où des bois verdoieront sur ces arènes légères, et mireront leurs têtes dans les flots bleus de notre océan , ou marieront leur voix à celle de la mer irritée. Mais comment fixer ces sables si brùlans l'été, si mobiles sous le pied du voyageur, qui tourbillonnent au souffle du vent? Comment fixer les dunes et les mielles ? La nature a donné elle-même à ces sables la plante qui doit les fixer. Le roseau des sables (Arundo arenaria), appelé Gourbet dans les Landes, et Milgreu dans le nord du département de la Manche , ou une graminée appelée Oyat, qu'on sème dans les dunes du Pas-de-Calais, sont les premiers végétaux , le premier tissu qui doit enchaîner ces sables. A l'abri de ces plantes et de quelques autres qu'y disperse la nature, les bugranes, les lotiers, on sème des ajoncs et des genêts, et parmi eux des pins dont ils protégent la jeunesse. « La perméabilité du sol, l'humidité constante qu'y entretient la capillarité, favorisent la rapide extension des racines, et la forêt d'arbres verts s'élève. L'une des plus belles de France est celle dont sont aujourd'hui couvertes les dunes qui blanchissaient, il y a soixante ans, l'horizon a l'ouest de la Teste de Buck : c'est là que Bremontier a fait ses premiers essais ; ces arbres ont été semés par lui, et leurs troncs robustes, leurs cimes verdoyantes... »

 

Aux flancs de ce bassin sont suspendus des villages, des corps-de-garde, dont un offre de robustes ruines, des huttes de douaniers et des églises, celle de Quéron et celle de Bouillon. Celle-ci, dédiée à saint Jean-Baptiste, s'élève à micôte , et son clocher blanc se détache sur le fond sombre du coteau, du sein d'un village, aux maisons sales et décrépites. Elle remonte à une époque reculée. Des traces de la construction originelle se voient dans la maçonnerie de la base, dans la côtière du midi, et dans les deux fenestrelles de la tour. Ces vestiges, d'ailleurs peu caractérisés, peuvent remonter au xir siècle. Les arcs doubleaux qui se croisent sous la tour avec flexibilité et élégance, leurs colonnettes et celles du chœur appartiennent à la rondeur et à la pureté du xnr siècle. Les grands arcs ouverts sous la croisée, qui sont d'une ogive aiguë, à archivoltes plates, et la partie supérieure de la tour, peuvent être attribués à une époque assez récente, au xvir siècle. Le porche latéral pourrait être contemporain. Le reste a été bâti par nos pères. Les fonts sont remarquables par leur étrangeté: c'est une boite de bois assez semblable à un bahut 3. Cette église, petite et sombre, n'a pas de transepts. Ce chœur, qui rappelle la chapelle de l'Hôpital d'Avranches, fut fait à peu près dans le même temps par les évêques d'Avranches, qui avaient reçu une partie de l'église par un legs de la fin du xir siècle , et qui avaient affecté cent sous du revenu à cette Maison-Dieu : « Domus Dei Abr. ad sustentationem pauperum'. » Une seule statue a quelque mérite d'antiquité : c'est un saint Jean-Baptiste de bois, écussonné sur le socle. Il n'y a pas de dalles mortuaires; mais le cimetière en renferme trois: c'est assez dire qu'elles ne sont pas anciennes. Elles portent les noms de Pierre Le Boucher, ancien professeur, curé du lieu pro majori, 1780, de messire Martin , ecuier, chevalier, seigneur et patron de Bouillon, le père des pauvres et l'ami de tous, de M. Lepron-Vaumoisson, 1835.

 
         
 

Jullouville Bouillon, collection CPA LPM 1900

 
 
 
   
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  HISTOIRE DE BOUILLON  -2/2
         
 

Jullouville Bouillon, collection CPA LPM 1900

 
     
 

L'épitaphe du curé nous rappelle qu'il y avait deux cures à Bouillon ; elles avaient pour présentateurs le Chantre de Cléri, pro tninori, et l'évêque d'Avranches, pro majori. Voici la notule du Pouillé pour 1648 : « pro majori l'évêque 200 liv. pro minoriClery 200 liv.3 »; et celle de la Statistique de 1698: « les deux cures valent chacune 200 liv., 730 liv. de taille, 122 taillables'. » Cette moitié de patronage fut donnée à l'évêché d'Avranches à la fin du xir siècle par Nicolas de Verdun , d'après la charte suivante : « Noverit universitas vestra quod cum Nicholaus de Verdum miles patronatum medietatis ecclesie S. J. Bapt. de Botlon qui ad ipsumjure hereditario pertinebat canonice et secundum Deum in puram liberam et perpetuam elemosinam eciam nobis misericorditer concessisset, nos volentes ut quod collatum est tam devoto animo in pios usus cedat et expendatur.... ut redditus veniens ex medietate ecclesie salva vicaria competenti cujus presentationem nobis retinuimus et donationem hoc modo in perpetuum dividatur annuatim et persolvatur.... Capellanus qui ministrabit in capella ecclesie Abr. habebit centum solidos usualis monete et Domus Dei Abr. ad sustentationem pauperum centum solidos. »

 

Au sud de l'église de Bouillon, sur le versant qui regarde la Mare de Bouillon, Granville et la mer, s'élève la Pierre levée, Menhir de Bouillon, et populairement la Pierre-au- Diable. On raconte que Satan, chargé de ce bloc, qu'il était allé prendre à Chausey sans se mouiller les pieds, le portait pour la construction du Pont-au-Bault : il gravissait déjà ce Pignon-Bute-d'Or ou Butor qui recèle ses trésors, lorsqu'il aperçut un prêtre avec son étole. A la vue de cet adversaire, il laissa choir son fardeau : ses cinq griffes sont restées empreintes dans le granit, et à l'endroit de la rencontre s'est élevée une croix, image de la foi en face de l'œuvre du démon. Ce menhir est une pierre conoidale de granit brun, profondément enterrée, et surgissant au-dessus du sol d'environ trois mètres avec six de circonférence. Le sommet est plat, et l'homme qui est debout sur ce piédestal promène sa vue au loin sur Granville, la mer, et la vallée variée du Thar. La croix voisine est un tronc couvert de nœuds, posé sur un monolithe rayé de tores et de doucines. Cette pierre est dans la direction de la voie romaine d'Alaunium à Condate par Fanum Martis, qui est jalonnée dans l'arrondissement d'Avranches par le menhir de Longueville, à son entrée, par Saint - Pair ou Fanum Martis, le Menhir de Bouillon, les Châtelliers de Carolles, et par un grand nombre de noms lopographiques. Ainsi, en ce lieu, trois civilisations sont évoquées par un triple monument, par la pierre druidique, la voie romaine, la croix chrétienne, et l'œil du souvenir entrevoit en même temps le Druide, le Légionnaire, et le Prêtre. La double nature du menhir, qui était à la fois le jalon de la voie et l'obélisque de la sépulture , est peinte dans ces vers qu'Homère consacre à la borne de la carrière:

 

Des fouilles au pied de ce Menhir auraient l'avantage d'en déterminer les dimensions , et pourraient amener la découverte d'objets antiques.

 
         
 

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C'est sur cette côte de Bouillon , après le récit de ces croyances légendaires , qu'il conviendrait peut-être le mieux de placer une légende antique , relative aux habitans des côtes de la Gaule vers l'Angleterre , racontée par Procope s: c'est le passage des âmes , tradition celtique qui existe encore eu Bretagne.

 

« Beaucoup de villages bordent le rivage de la. Gaule qui répond à la Bretagne dans lesquels habitent des pêcheurs , des laboureurs , et d'autres personnes qui naviguent pour cette île pour cause de commerce , soumis aux rois des Francs, mais exemptés jadis de tributs, à cause d'une fonction dont je vais parler. Les indigènes racontent qu'ils ont, chacun à son tour, la charge de passer les âmes. C'est pourquoi ceux qui doivent se tenir prêts à la remplir la nuit qui suit le jour où leur tour a été marqué, se rendent chez eux aux premières ténèbres, se livrent au sommeil et attendent le chef de l'expédition. Au milieu d'une nuit sombre, leur porte est heurtée, et ils s'entendent appeler à l'ouvrage par une voix sourde1. Sans retard ils se lèvent, et vont vers le rivage ignorant quelle force les pousse. Cependant entraînés là, ils voient des barques préparées, vides d'hommes, non pas leurs propres barques, mais d'autres. Quand ils sont à bord, ils prennent les rames, et sentent que les navires sont chargés de tant de passagers que plongés jusqu'au pontet au bordage, ils s'élèvent à peine d'un doigt au-dessus de l'eau. Ils ne voient personne, et après avoir ramé moins d'une heure, ils abordent en Bretagne, quoique, quand ils se servent de leurs propres navires, non à la voile, mais à la rame, ils font le passage à peine en un jour et une nuit. Arrivés à l'île, ils comprennent que le débarquement est opéré, il s'éloignent, après avoir déchargé soudainement leur navire, et tellement allégé qu'il ne plonge plus que la quille. Ils ne voient personne, personne naviguer avec eux, personne débarquer, seulement ils affirment qu'ils entendent du navire une voix, qui semble livrer à des êtres qui les reçoivent les noms de chacun des passagers, mentionner leurs dignités d'autrefois, et les appeler en ajoutant le nom paternel. Si quelques femmes passent ensemble, elles appellent nominalement les hommes avec lesquels elles ont vécu dans les liens du mariage. Voilà ce que disent les indigènes. »

 

Il n'y avait pas de château à Bouillon, mais une très-ancienne maison, flanquée d'une tourelle à escalier. La ferme dite du Logis en rappelle le souvenir, avec celui de ses seigneurs. Le chef normand qui donna son nom à cette com mune n'a laissé d'autre souvenir que ce nom : ses successeurs immédiats n'ont pas même laissé ce souvenir. Un Baudoin de Bouillon est cité par Masseville comme ayant été à la Conquête ' : le Domesday renferme, comme Tenants en chef et comme Sous-Tenants dans le comté de Dorset, Bollo et Botlo presbyter. Une charte du Mont Saint-Michel, du xr siècle, mentionne Roger de Boillon ; une de la Luzerne, vers 1200, cite Rad. de Boillun. Aux XIeme et XIIeme siècle, nous trouvons les de Verdun : Nicolas de Verdun donna l'église à l'évêque d'Avranches. En 1316 ou 1315, Normand Langlois, donna sa seigneurie de Bouillon aux religieux du Mont Saint-Michel, et se fit moine dans leur monastère3, ce qu'un annaliste du Mont a exprimé sous cette forme : « Don et démission de la fieuferme de Bouillon au Mont 1315 » Cette abbaye resta suzeraine de Bouillon pendant plus d'un siècle. Dans le XIVeme, Bouillon avait pour seigneurs les Herault, illustre famille qui a laissé son nom à un village voisin, le Hamel-IIerault, et le donna à la sergenterie dont Bouillon faisait partie. Au commencement du xv siècle, elle offrit un spectacle assez commun alors sur la terre désolée de Normandie  F. Herault se renferma dans le Mont Saint-Michel, et son écusson, trois merlettes ou pies de sable au champ d'argent, fut peint sur les murs de la basilique; Olivier Herault reçut ses biens de Henri v, roi d'Angleterre et de France. Cette famille tomba en quenouille dans ce siècle, et Louise Herault, dame et patronne honorairea de Bouillon , donna sa main à un sieur Martin , seigneur de Chantepie et des Chambres. Les armes des Martin sont trois pies de sable deux et un sur champ d'argent, et sont de Herault. Un seigneur anglais porte les mêmes armes. Cette famille est ancienne , car, en 1200, André Jehan Martin, écuyer, fit un échange du fief de la Meilleraie, situé en Saint-Aubin-desPréaux, avec le Mont Saint-Michel. Les Martin ont possédé cette seigneurie jusqu'en 1789, et le dernier seigneur du Logis a été Louis Martin. Aujourd'hui, il n'y a plus que la Ferme du Logis, et le seul monument d'aspect féodal que renferme Bouillon est le beau colombier de la maison de Rainfray A la fin du XVeme siècle, Jean du Pray fut déclaré non noble à Bouillon.

 
     
 
 
 

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Bouillon est rattaché à Saint-Pair par le Pont de Leseaux, jeté sur le Thar, à peu de distance du village Sur-Thar, et du village proprement dit de Leseaux , qui est en Saint-Pair. Les noms de ces deux villages ont une semblable origine; l'un signifie village sur le Thar , et l'autre village près ou lèz les eaux, ou lèz eaux. Ce dernier offre un intérêt historique : les seigneurs qui en recevaient leur nom sont sans cesse cités dans les chartes du Mont Saint-Michel. Les fréquentes souscriptions des Leseaux auraient de quoi étonner si l'on ne savait qu'ils étaient héréditairement camériers de l'abbé, ce que constate la charte suivante:

 

« Lorsqu'entre moi G. de Leiseans, chevalier, et l'abbé du Mont Saint-Michel était faite une convention sur le service de camérier.... j'ai reconnu que j'étais le camérier inféodé de l'abbé et mes héritiers après moi, ainsi que quand moi ou mes héritiers nous ferons notre service au Mont, nous recevrons chaque jour par nous ou notre représentant deux pains monastiques — monachales — et trois mesures de la boisson du monastère et deux deniers tournois et six pièces de chandelle mince de cire — sex pecias candele minute de cera — et une somme raisonnable pour deux chevaux sans fer — duos caballos sine ferro;—mais si à cause de nos affaires, avec la permission de l'abbé ou de son représentant, nous nous éloignons du Mont, pendant notre absence — quandiii nos absentaverimus — nous recevrons seulement un pain et la boisson , selon la forme précitée, jusqu'au terme assigné à noire retour; mais si nous tardons au-delà , nous ne percevrons rien des choses susdites jusqu'à ce que nous soyons revenus à notre service. Mais si, sans la permission de l'abbé ou de son représentant , nous nous éloignons du Mont, alors nous serons complètement privés tant du pain que de la boisson , jusqu'à ce que nous soyons revenus à notre service. En outre si l'abbé nous emmène à ses affaires, nous chevaucherons avec lui à ses frais , et notre procureur recevra dans l'abbaye seulement les reçus — liberationes — du pain et de la boisson.... Fait aux Assises d'Avranches l'an 1218 »

 
     
 

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Si la mention du Pont-de-Leseaux nous engage à mettre en Bouillon une notice sur le fief de ce nom, qui appartient à Saint-Pair', nous mettrons encore en cette commune ce que nous avons à dire sur le fief de Chasney, parce que, dans les chartes, il est associé à la seigneurie de Bouillon. Ces deux fiefs formaient un fief de haubert : « An. 1218. m Assista episcopi Abr.... recognovit quod debebat reddere de feodo lorice de Chasneiet de Boillon. » Dans les Assises de 1225 furent établis les devoirs du fief de Chaney: « In Assista Abr. ann. D. 1225 fuit inquisitum de feodo de Chanei cum pertinenciis suis in hune modum : Nicholaus de Verdum miles placita sua faciebat de feodo de Chanei cum pertinenciis suis... respondebat de auxilio exercitus cum eveniebat... Hugo de Granvill, Rogerus de Ruppella, G. de S. Petro... audierunt prefatum Nicholaum cognoscentem se tenere feodum de Chanei et de Champeissons et de Lolif.... » Dans la liste des chevaliers et écuyers qui devaient garder le Mont en temps de guerre est D. Normandus de Chaunay en compagnie des seigneurs voisins, Th. Consel de feodo de Gastignie, Rad. de Granvilla, G. de Leseaux.

 

L'abbaye de Saint-Sever possédait , d'après une bulle d'Adrien IV de 1158: « Apud Bullum terrant unius carucee et unam piscariam in mari super fluvium Thar »; celle de la Luzerne : « Terram quam W. de Verduno tenet de nobis ad Boillon. 1162. » « Unam piscariam in mare juxla Boillun»

 

C'est ainsi que Bouillon ne manque pas plus des illustrations de l'histoire que des beautés naturelles.

 
     
 

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