LES CARTES DE VOEUX

DU NOUVEL AN

 

D'après

Fêtes et coutumes populaires,

paru en 1911

 
         
 

Si l'usage des étrennes nous vient des Romains (les premiers qui aient sacrifié à la déesse Strenna), celui des cartes de voeux agrémentées de quelques mots de politesse ou vierges de toute mention, et envoyées aux personnes avec qui l'on a eu commerce d'amitié ou d'affaires pendant l'année, vient de l'Extrême-Orient. Les Célestiaux se servaient bien avant nous de ces cartes autrefois dénommées cartes de visite ; seulement, chez eux, les cartes étaient de grandes feuilles de papier de riz, dont la dimension augmentait ou baissait suivant l'importance du destinataire et au milieu desquelles, avec des encres de plusieurs nuances, on écrivait les nom, prénoms et qualités de l'envoyeur. Il paraît que, quand la carte était à l'adresse d'un mandarin de 1ère classe, elle avait la dimension d'un de nos devants de cheminée !

 

 
 

La distribution des cartes de voeux à Stuttgart, dans le Wurtemberg, était autrefois le prétexte d'une scène piquante : pendant l'après-midi du premier de l'An, sur une place publique, se tient une sorte de foire ou de bourse aux cartes de visite.

 

Tous les domestiques de bonne maison et tous les commissionnaires de la ville s'y donnent rendez-vous, et là, grimpé sur un banc ou sur une table, un héraut improvisé fait la criée des adresses. A chaque nom proclamé, une nuée de cartes tombe dans un panier disposé à cet effet, et le représentant de la personne à laquelle ces cartes sont destinées peut en quelques minutes emporter son plein contingent.

 

Chacun agit de même, et, au bout de peu d'instants, des centaines, des milliers de cartes sont parvenues à leur destination, sans que personne se soit fatigué les jambes.

 
 
         
 

L'usage des cartes de visite du Nouvel An est apparu assez tard chez nous. Jusqu'au XVIIe siècle, les visites se rendaient toujours en personne. On peut noter cependant, comme un acheminement vers les cartes, l'usage dont nous parle Lemierre dans son poème des Fastes et qui était courant vers le milieu du grand siècle. A cette époque, des industriels avaient monté diverses agences, qui, contre la modique somme de deux sols, mettaient à votre disposition un gentilhomme en sévère tenue noire, lequel, l'épée au côté, se chargeait d'aller présenter vos compliments à domicile ou d'inscrire votre nom à la porte du destinataire.

 
         
 

Mais un temps vint où le gentilhomme lui-même fut remplacé par la carte de visite. Cela se passa sous Louis XIV, dans les dernières années de son règne, comme l'atteste ce sonnet-logogriphe du bon La Monnoye : 

 

Souvent, quoique léger,

je lasse qui me porte ;
Un mot de ma façon

vaut un ample discours ;
J'ai sous Louis-le-Grand

commencé d'avoir cours,
Mince, long, plat,

étroit, d'une étoffe peu forte.

Les doigts les moins savants

me traitent de la sorte ;

Sous mille noms divers,

je parais tous les jours ;

Aux valets étonnés

je suis d'un grand secours ;

Le Louvre ne voit pas

ma figure à sa porte.

Une grossière main

vient la plupart du temps 

Me prendre de la main

 des plus honnêtes gens.
Civil, officieux,

je suis né pour la ville.

Dans le plus dur hiver,

j'ai le dos toujours nu,
Et, quoique fort commode,

à peine m'a-t-on vu
Qu'aussitôt négligé

je deviens inutile.


Est-ce l'abus qu'on faisait des cartes de visite qui décida les conventionnels à supprimer le premier de l'An ? Ou fut-ce la vanité des voeux qu'on y déposait ? Toujours est-il qu'abolie en décembre 1791, la coutume du Jour de l'An ne fut rétablie que six ans après, en 1797. Nos pères conscrits, qui ne barguignaient pas avec les délinquants, avaient décrété la peine de mort contre quiconque ferait des visites, même de simples souhaits de jour de l'An.

 
 
       
   
 
 

 

 
 
 

Le cabinet noir fonctionnait, ce jour-là, pour toutes les correspondances sans distinction. On ouvrait les lettres à la poste pour voir si elles ne contenaient pas des compliments

 

Et pourquoi cette levée de boucliers contre la plus innocente des coutumes ? Le Moniteur va nous le dire. Il y avait séance à la Convention. Un député, nommé La Bletterie, escalada tout à coup la tribune.

 « Citoyens, s'écria-t-il,assez d'hypocrisie !

Tout le monde saitque le Jour de l'Anest un jour de fausses démonstrations,

de frivoles cliquetis de joues,de fatigantes et avilissantes courbettes...

 

Il continua longtemps sur ce ton. Le lendemain, renchérissant sur ces déclarations ampoulées, le sapeur Audoin, rédacteur du Journal Universel, répondit cette phrase mémorable :

 

« Le Jour de l'An est supprimé : c'est fort bien.

Qu'aucun citoyen, ce jour-là, ne s'avise de baiser la main d'une femme,

parce qu'en se courbant,

il perdrait l'attitude mâle et fière que doit avoir tout bon patriote ! »

 

Le sapeur Audoin prêchait d'exemple. Cet homme, disent ses contemporains, était une vraie barre de fer. Il voulait que tous les bons patriotes fussent comme lui ; il ne les imaginait que verticaux et rectilignes. Mais enfin le sapeur Audoin et son compère La Bletterie n'obtinrent sur la tradition qu'une victoire éphémère.

 

Ni le calendrier républicain ni les fêtes instituées par la Convention pour symboliser l'ère nouvelle ne réussirent à prévaloir contre des habitudes plusieurs fois séculaires. Les institutions révolutionnaires tombèrent avec les temps héroïques qui les avaient enfantées. Le premier de l'An fut rétabli. Il dure encore. Les pouvoirs officiels lui ont donné leur consécration. Le Président de la République reçoit, ce jour-là, dans les salons de l'Élysée, l'hommage respectueux du corps diplomatique, des ministres et des grands corps de l'État.

 

 

 
 
 
         
 
         

 

         
 
 
     
 

 

 

   

LE NOUVEL AN




Au Nouvel An,

tout recommence:

 

l'année

le cycle des saisons.


 
         
 

Au Nouvel An, tout recommence : l'année et le cycle des saisons. Le mot année ou an vient du latin annus qui signifie cercle. L'usage de souligner la fin d'une année et le commencement d'une autre est propre à toutes les cultures, peu importe leur calendrier. L'ouverture de l'année, civile ou religieuse, s'accompagne de festivités dont la symbolique est liée au temps et à la chance.

 

Plusieurs coutumes et croyances mettent en valeur ces aspects. Le Nouvel An est l'occasion de s'arrêter pour faire le point, de prendre de bonnes résolutions pour l'année qui vient, de réfléchir sur le passé et de faire des projets d'avenir. Il s'agit aussi d'un moment privilégié pour renouer les amitiés ou les relations familiales. Jusqu'aux années 1950-1960 au Québec, les festivités sont plus concentrées à partir du jour de l'An. Si les visites se poursuivent pendant tout le mois de janvier, les retrouvailles se font plus intenses jusqu'aux Rois.Mis à part le traditionnel réveillon après la messe de minuit, Noël ne fait l'objet d'aucune réjouissance particulière puisque la fête religieuse souligne la Nativité. Le 25 décembre était considéré autrefois comme le début de l'année ecclésiastique alors que le premier janvier était une sorte de doublet profane qui marquait l'ouverture de l'année civile. Il y eût même plusieurs tentatives de christianiser le premier janvier en instaurant la fête de la Circoncision.

 

De nos jours, certaines traditions du jour de l'An se sont déplacées à Noël, comme les échanges de cadeaux, tandis que d'autres sont en perte de vitesse, comme la bénédiction paternelle. Plusieurs causes influencent ces changements dont la redéfinition de la place de la religion dans nos vies, l'éclatement des familles, le rythme de la vie contemporaine ou l'ère de la consommation excessive que nous connaissons. Si nostalgiques qu'on puisse être des jours de l'An d'autrefois avec ses nombreuses visites et ses repas à trois ou quatre tablées, l'idée de rassemblement et de retrouvailles demeure encore aujourd'hui. Le premier janvier s'inscrit maintenant dans le cycle du temps des fêtes comme une date pour les rencontres familiales et amicales qui s'ajoutent à celle de Noël. Dans l'ensemble, les traditions de ces deux fêtes se ressemblent et se confondent parfois.

 

 


 
 
 
         
 
         
 

LA REVUE ILLUSTREE

DU CALVADOS  1911-1914 

         
 

Petite chronique féminine de

CAVELLIER, Gabrielle

paru dans la revue du Calvados de 1911à 1914
  

 
 

 

 

 

 

1914

 

Bébé-Tyran

Celles qu'on a gâtées

La paille et les allumettes

Le Chapitre des Belles-Mères

Celles qu'on truque

Le Salon

Visites et Cartes de Nouvel An

 
     
     
   
  LA REVUE ILLUSTREE DU CALVADOS    1911-1914 
   

Visites et Cartes de Nouvel An -Janvier 1914
         
 

On a en ce moment une très fâcheuse propension à s'affranchir de la sujétion des visites et des cartes de nouvel an. Les car­tes prennent, axa yeux de beaucoup de personnes, un temps qu'elles jugent pou­voir être mieux employé à d'autres beso­gnes.

 

Et puis, elles nécessitent une mise à jour annuelle passablement laborieuse, si l'on se pique qu'elles touchent sans omis­sion le cercle des connaissances.

 

Enfin, elles risquent de se heurter au silence réservé d'amis adversaires du bristol : petit affront douloureux pour qui tient état exact de ses envois.

Quant aux visites, c'est bien une autre histoire. Nul ou presque, qui ne les déclare assommantes, excédantes, ne pouvant faire plaisir à qui les accomplit ni à qui les re­çoit.

Voyons, voyons... Je sais parfaitement que des souhaits écrits ou parlés entre personnes ne cultivant pas de relations, autant en emnorte le vent. Mais c'est que, justement, il dépend de chacun de les do­ter d'un sens en les revêtant d'une ma­nière.

 

SAGERS 1910 Paris la nuit

 
     
 

Ce qu'il faut considérer, c'est que le carte et la visite de la nouvelle année sont les moyens les plus civils et les moins encombrants que l'on ait trouvés d'entre­tenir des amitiés lointaines dont aucune raison ne vous fait désirer de resserrer les liens.

 

La famille est étroite, le monde des familiers difficile à recruter intelligemment.

 

Ils forment à eux deux une sorte d'armée active que, dans maintes occasions, on éprouve un soulagement à voir doubler d'une nombreuse armée territoriale, - vous savez, cette armée qui vous bombarde de félicitations quand vous êtes décoré, qui vient vous serrer la main à la sacristie le jour de vos noces, et qui suit votre cor­billard en parlant trop haut lorsque vos héritiers vous conduisent à la concession perpétuelle.

Eh bien, à moins que d'être un misan­thrope au coeur noué de rubans verts, il faut cultiver cette armée-là. La carte coû­te peu. Usez-en largement. La visite ennuie davantage. « Cordialisez »-la, si je peux employer ce néologisme. Faites-là sans façon, gentille, exempte de pose et surtout de rancune, si tant est que vous cultiviez cette ciguë dans votre jardin. Une visite bien faite est une sympathie conquise. Et ne di­tes pas que vous vous moquez des sympa­thies. Elles constituent un chaud vêtement à l'âme pour les heures à venir où l'on souf­fre et où l'on a froid.