HEBDOMADAIRE Parution le JEUDI                      N° 245 du 26-02-2015


     
 
 

Luigi Bompard était un peintre et illustrateur italien.

Fils d'homme d'affaires et photographe français Jules Bompard Cesira Oppi, Louis ne reçoit aucune formation artistique formelle.

 

L'évolution de sa technique a des bases illustratifs complètement autodidacte, qui sont le corps et substance à partir de 1902 dans les influences bohème des artistes appartenant au groupe des "Saw Giambardi", qui a rencontré dans le Palazzo Bentivoglio.

 

Le temps environnement bolognaise, grâce à la grande quantité de magazines qui ont été publiés, était particulièrement adaptée à l'activité de l'illustrateur, dont Bompard se est consacré et dans lequel il fit fructifier son tableau des qualités.

Parmi les collaborations les plus importantes, inclus ceux liés à Noël de la Lira et l'Italie Tour où il est entré en contact avec des artistes venant d'horizons divers et de l'expérience, comme Alfredo Baruffi, Franz Laskoff, Ugo Valeri, Augusto Majani. Également des activités importantes dans le cartellonistico sur le terrain, où il se consacra jumelé avec Marcello Dudovich.

 

À côté de son artiste et illustrateur, ce qui lui a permis de répondre à leurs besoins économiques, Bompard avait une présence considérable dans la peinture de paysage de l'époque, comme en témoignent les nombreux investissements dans le Prix France, à la Biennale de Venise.

 

Il se installe à Rome en 1904, a participé à l'Exposition de Rejeté, et à celle de la Société des Amateurs et connaisseurs des Beaux-Arts.

 

Dans les années après 1906 vivant d'abord à Paris, puis à Milan, où il se installe en 1911. Là, il a travaillé la Figure italienne et de la lecture.

 

Après 1918, il revint à Rome et travaille comme illustrateur pour des magazines comme Les idées Verser, nous et le monde, Le journal du dimanche, La Tribune, La Voix de l'Italie, Il Corriere petite, Marc-Aurèle, Le Guerin Mean

 
     
     
     
 
 
     
     
     
 
 
     
     
     
 
 
     
     
     
 
 
     
 
 
     
 
 
     
     
     
 
 
     
     
     
 
 
     
     
     
 
 
     
     
     
 
 
     
     
     
 
 
     
 

 

 

 
     
     

 

 

 

   
   

 

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

 

   

 

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   
   

 

 

   

 

 

 

   

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

MONTFARVILLE

 

 

 

 

 

 

 

 

MONTEBOURG

 

 

 

 

 

 

 

 

HUBERVILLE

 

 

 

 

 

 

 

 

COIFFE DU COTENTIN

 

 

 

 

 

 

 

 

CŒUR D’ISIGNY

 

 

 

 

 

 

 

 

CARENTAN

 

 

 

 

 

 

 

 

COUTANCES

 

 

 

 

 

 

 

 

GALETTE DE TOURVILLE

 

 

 

 

 
 

 

SAINT PIERRE EGLISE

 

 

 

 

 
 

 

SAINT LÔ

 

 

 

 

 

 

 

 

COSQUEVILLE

 

 
     
 

 

 

 
 

 

 

 

 

 

 

 

 
 


LES COIFFES

NORMANDES


 

 

 

 

 

 
  EDITION MANCHOT LA REVUE DES CHAPEAUX           N° 65 BIMENSUEL 15-11-2011  

 

 

 

 

 

 
   LA COIFFE NORNANDE
 
 

 

La coiffe normande - Eléonor Daubrée

 

Légère et souple ainsi que l’aile des ramiers,
Toi qui portais au front des filles de la Manche
Parmi les fins réseaux de ta dentelle blanche
L’écume de la mer, la neige des pommiers ;

 

Toi qui flottais ainsi qu’une claire corolle,
Si riche de dessins, si sobre de couleurs,
Si suave qu’en toi chantait l’âme des fleurs
Et que l’aube enviait ta limpide auréole ;

 

Chef-d’œuvre que des doigts habiles entre tous
Allait cueillir au cœur des plus fraîches dentelles
Pour couronner de tes floraisons immortelles
Les gracieux bandeaux des femmes de chez nous ;

 

Tant de charme filtraient en tes contours célestes,
Tant de grâce angélique et d’exquise beauté
Exaltaient la splendeur de ta simplicité
Que tu faisais l’éclat des aïeules modestes.

 

Et maintenant hélas ! ô coiffe d’autrefois !
Doux trésor que léguaient les mères à leurs filles
Et légitime orgueil des plus humbles familles.
Tu dors dans le secret des armoires de bois.

 

Mortes sont avec toi les anciennes coutumes,
Car ne fallait-il pas les lis de ton printemps
Aux fêtes, aux chansons, aux bals du bon vieux temps,
Ta grâce frêle à tous nos antiques costumes.

 

Je voudrais te revoir, coiffe de mon pays,
Relique précieuse, inoubliable et grande,
Rayonner sur le front de la jeune Normande,
Et simple, détrôner les modes de Paris.

 

Et revoir avec toi vos formes séculaires,
O grand châles-tapis si riches de décor,
Tabliers de satin, cœurs, broches et croix d’or
Qui fûtes l’ornement des fêtes populaires.

 

Car ce serait pour nous, ô coiffe ! Ce serait
Le retour d’une très harmonieuse époque
Qui sommeille en tes plis, que ton nom seul évoque
Et qui sur notre sol par toi refleurirait.

 

Alors nos gars hardis, par le val ou la lande,
A Flers comme à Cherbourg, à Rouen ou Bayeux,
Regarderaient passer nos filles aux beaux yeux
Sous l’exquise blancheur de la coiffe normande.

 

 

 

 

 LES COIFFES NORMANDES

 
 

 

Les Coiffes normandes

par Georges Dubosc 1924

 

Après avoir consacré une chronique à décrire l’ancien bonnet de coton, coiffure ordinaire des Normands, comment ne pas chanter le los des anciennes coiffes normandes, si élégantes, si originales, si variées, suivant les terroirs et les pays, comme les coiffes bretonnes, mais d’une autre somptuosité décorative ? Elles n’apparaissent plus dans toute leur grâce frèle et légère, mais cependant, dans quelques grandes fêtes, comme celles de Deauville, dans quelques bals normands, ou quelques réunions enfantines, on les revoit avec plaisir, sans trop connaître toutefois leurs origines, leur histoire, et surtout leur diversité et leur fantaisie élégante

 

Le véritable point caractéristique de la toilette normande, c’était cependant le Bonnet cauchois, la grande coiffe de mousseline qu’on rencontre, du reste, partout. Du Pays de Caux à l’Avranchin, du Roumois au Cotentin, c’était toujours la même disposition en hauteur, qui ajoutait encore à la stature de la femme normande, qui a toujours été de belle taille, tant qu’elle a vécu aux champs.

 

Michelet, qui a souvent parcouru la Normandie, n’a eu garde d’oublier cette belle allure des Normandes, grandies encore par leur bonnet.

 

Le bonnet triomphal des femmes de Caux, a-t-il dit, qui annonce si dignement les filles du Conquérant de l’Angleterre, s’évase vers Caen, s’aplatit à Villedieu. A Saint-Malo, il se divise et figure au vent, tantôt les ailes d’un moulin, tantôt les voiles d’un vaisseau.

 

Qu’était-ce au fond que cette coiffure de toile, majestueuse, riche et variée ? Qu’était-ce, sinon un souvenir du hennin du moyen âge, qui, lui-même, d’après Maillot dans ses Recherches sur le costume, s’était inspiré des hauts bonnets coniques des femmes de la Syrie et de la Phénicie antique ? Et, ainsi à travers les âges, le Bonnet du pays de Caux va rejoindre la tiare de Salammbô !... Moins fastueux que les hennins d’Isabeau de Bavière, moins hauts et arrogants que les Cornes merveilleuses que les fougueux prédicateurs du Moyen Age, entre autres Pierre de Clémangis, maudissaient comme les « cornes du diable », les bonnets normands, avaient gardé les grandes lignes des hennins d’autrefois, tempérées et modérées toutefois par la sagesse du terroir et parés d’une grâce plus légère.

 

Le véritable type de cette coiffe normande, c’était surtout le Bonnet du pays de Caux. Mme Amable Testu, qui fut une des agréables poétesses du romantisme, le décrivait ainsi:

 

 « Les cheveux relevés avec soin, sont couverts d’une petite toque en drap d’or ou d’argent,sur laquelle s’attachait un grand voile de mousseline, dont les barbes descendaient jusqu’à la ceinture, bordées de dentelles de Valenciennes ou d’Angleterre. »

 

Le fait est vrai, car il y avait certaines coiffures de noces ou de fêtes des riches fermières, valant jusqu’à 1.000 ou 1.500 francs, selon les dentelles qui les ornaient. Et dans le pays de Caux, tels de ces bonnets splendides, arboraient jusqu’à neuf aunes de dentelles !

 

Les dentelles qui paraient les sabots de drap d’or des Bonnets cauchois étaient, contrairement à ce que dit Mme Amélie Bosquet, de merveilleuses dentelles normandes d’Alençon, au point de France, ou des pièces d’Argentan, que les Normandes se transmettaient de mères en filles. Les ateliers de dentellières créés en Basse-Normandie vers 1655 par Colbert, furent, en effet, très vraisemblablement l’origine des coiffes normandes.

 

On a souvent dit qu’elles dataient du commencement du XIXe siècle. A notre avis, la Coiffe normande a été adoptée en pays normand, bien antérieurement, et il y avait à l’Exposition du Millénaire normand, en 1911, un tableau de Lemonnier, appartenant, croyons-nous, au comte de Bagneux, qui représentait vers la fin du XVIIIe siècle, une Nourrice normande tenant un petit enfant dans ses bras, qui portait un superbe Bonnet cauchois d’apparat, dont on pouvait examiner les moindres détails, reproduits avec un très grand soin.

 

Les cornets de drap d’or, les carcasses des coiffes cauchoises, brodées parfois au point de couchure, agrémentées parfois aussi de cabochons, de paillettes brillantes, ont souvent été conservées. On en trouve dans l’intéressant musée Voisin, de Fauville, dans les musées de Caudebec-en-Caux ou de Fécamp, dans les petites vitrines de certaines collectionneuses

 

Mais il est plus difficile de rencontrer des Bonnets Cauchois complètement montés. Comment retrouver l’agencement presque traditionnel et spécial, suivant les terroirs et les paroisses, de ces fouillis de dentelles et de barbes retombantes ? C’était chose très difficile… et il nous souvient que lors d’une Exposition de coiffes normandes authentiques, à Rouen, on fut très heureux de retrouver – il y a une vingtaine d’années – une vieille brave femme qui de ses pauvres doigts gris que fait trembler le temps voulut bien retrouver les plis, les plissés, les complications d’un bonnet bas-normand.

 

Il est à remarquer que pendant la Révolution, les Normandes ne modifièrent pas la forme de leurs coiffes et, dit le Dr Stephen Chauvet, dans sa Normandie ancestrale, n’adoptèrent pas les coiffures révolutionnaires. Le bon sens et le traditionalisme de nos compatriotes triomphèrent de la mode.

 

Comment un tel édifice de dentelles, de toile et parfois de rubans pouvait-il tenir sur la tête des belles Normandes ? On peut s’en rendre compte par un dessin Les préparatifs de la fête villageoise Sous le bonnet, on plaçait, en effet, une sorte de serre-tête, une bande de toile étroite, parfois ruchée sur le devant, fixée fortement par derrière C’est sur ce frontal qu’on assujettissait la cornette de drap d’or et la haute coiffure aux barbes flottantes, par de grandes épingles d’or, comme les épingles de chapeau, traversant la chevelure de part en part.

 

Très souvent encore, le bonnet était aussi retenu par des brides de velours noir, fort seyantes, passant sous le menton, des gorgières, des mentonnières, et parfois sur le front, par des ferronnières. Les simples coiffes normandes qui n’étaient pas fixées sur les cornettes de drap d’or ou d’argent, dit le docteur Stéphen Chauvet, étaient montées sur des fonds de carton, recouvert généralement d’un papier bleu glacé, qui emboitaient la tête. Sur le bord antérieur de ces fonds de coiffe, étaient placés de petits ornements de cuivre, des feuilles, des fleurs, des abeilles. Sur ce carton étaient attachés des fils de cuivre, toute une armature qui soutenait intérieurement la coiffe et lui permettaient d’avoir sa forme particulière. A l’arrière de la coiffe – et Lanté en a donné plusieurs exemples – se trouvait un noeud de ruban de soie dont les deux bouts pendaient sur la nuque

 

Si diverses, si originales, si variées furent les coiffes normandes de jadis, si fantaisistes parfois qu’il a toujours été difficile de les classer et même parfois de les décrire. En les examinant cependant de plus près, on s’aperçoit qu’elles ne sont que les transformations d’un type très simple, modifié souvent par le caprice et parfois les écarts d’un goût qui tombe dans l’exagération. Quelques auteurs et dessinateurs s’en sont seulement occupés. C’est le dessinateur Lalaisse, dans ses belles lithographies coloriées de la Normandie illustrée. Ce sont les dessinateurs des Français peints par eux-mêmes - notamment Hippolyte Bellangé et Pauquet, dans la monographie du Normand, par Emile de la Bedollière. C’est Edouard Vasse, dans une très belle série de dix grandes lithographies coloriées, dans un album paru chez Aubert.

 

C’est Hyacinthe Langlois qui a donné quelques costumes de Pont-de-l’Arche. C’est Théodore Liebart dans son livre paru en 1906, sur le Costume normand. C’est Masson de Saint-Amand, qui orne son amusant volume sur l’Estuaire de dessins coloriés représentant certains costumes. C’est encore le lyrique poète Charles-Théophile Féret, qui, en vers improvisés, a chanté tous les glorieux bonnets d’antan.

 

En Caux, la corned’abondance
 Arbore son outrecuidance

 Superbe

 Un rite grec de Canéphore
 Sur le faîte blanc lie encore La gerbe.
  
 Dieppe, dont le chignon simule
  Un talon d’un soulier de tulle

  Se pare


 Saint-Valery porte une mître ;
  Au Bois d’Enbourg prévaut ce titre

  La tiare

 

 

 

C’est encore de nos jours Les Usages et coutumes de Dieudonné Dergny, toute une suite de coiffes dessinées naïvement par Winkler : coiffes de Granville, Bretteville-l’Orgueilleuse, Cherbourg, Neuville, Formerie, Montfort-sur-Risle, Isigny, Etrépagny, Preuseville, Foucarmont, Conches, Bayeux, Les Andelys, Saint-Valery, Alvimare, Pont-l’Evêque, Menneval, Ivry, Le Tréport et bien d’autres encore.

 

Mais le seul recueil documentaire, précis, qui nous renseigne d’une façon charmante sur la variété des coiffures normandes, c’est le recueil bien connu de Lanté.

 

Lanté était un paysagiste, devenu un dessinateur de modes fort habile, qui poursuivant un travail commencé par Pêcheux, eut l’idée, en 1826, de parcourir la campagne normande et de dessiner d’après nature, toute une série de bonnets normands.

 

Déjà la Coiffe normande, qui régnait encore dans les campagnes, n’apparaissait pas dans les villes et il raconte qu’ayant trouvé chez un marchand d’estampes du Havre, un type du Bonnet cauchois de Rolleville, il fut obligé d’en coiffer une jeune fille, parente de son hôte, pour le dessiner. Son ouvrage, gravé très finement par Gastine..

 

Costumes de femmes du Pays de Caux et de plusieurs parties de l’ancienne province de Normandie paraissait chez l’éditeur Crapelet, en 1827, avec ce sous-titre : Cent cinq costumes des départements de la Seine-Inférieure, du Calvados, de la Manche et de l’Orne. A Paris, Durand aîné,

 

Nombreux y sont les types du véritable Bonnet Cauchois. Ici, sur la tête d’une jeune femme, prieure d’une confrérie de Limpiville, offrant le pain bénit. Là, coiffant une jeune fille de Saint-Clair, près d’Yvetot. Là encore, avec une cornette de velours noir, coiffure de deuil de la femme d’un trésorier de l’église d’Yvetot, qui avait perdu sa mère. D’autres variétés du Bonnet Cauchois, dans toute sa pureté, apparaissent encore à Bolbec et à Saint-Valery, mais dans cette dernière ville, les pêcheuses portaient d’ordinaire, un petit bonnet en étoffe colorée, pointu comme une tiare, dont Lanté a dessiné plusieurs types, par devant et par derrière

 

Autrefois le bonnet des ouvrières de Rouen et des villages des environs, surtout de celles de Val-de-la-Haye et de Dieppedalle, aujourd’hui complètement disparu, était le Bavolet. C’était une pièce de mousseline, posée sur le milieu du front, dont la passe et le fond étaient complètement recouverts par les barbes. Celles-ci se composaient d’une longue pièce, également en mousseline, doublée dans le sens de sa largeur. On le posait par le milieu sur le front, puis on en relevait les extrémités pour les entre-croiser, l’une sur l’autre, après avoir formé un très large pli tombant jusqu’au-dessous de l’oreille. Cette coiffure, par entre-croisement, avait beaucoup de

grâce et d’ampleur.

 

Parmi les coiffes normandes assez simples et exclusivement composées de lingerie, voici le Bonnet de Lisieux, au fond petit et haut, placé tout au sommet du bonnet, avec la passe un peu flottante à laquelle se rattachent les barbes, cousues à l’entour, qui étaient très tuyautées et placées dans la partie tournant, sur les côtés. Sur ces hautes passes, on attachait aussi de riches épingles et l’on posait des noeuds de ruban et de très légères guirlandes de fleurs.

 

A Dieppe, la coiffure dont la passe formait comme un sabot relevé, les barbes plissées et tuyautées, se rabattaient sur les oreilles, en encadrant le visage de la femme d’une façon originale. Le bonnet de Lisieux était le modèle coquet et hardi, des coiffes de Pont-l’Evêque et d’Argentan.

Que citer encore ? Les grandes coiffes de la Manche, dont les fonds se développaient, s’élargissaient avec toute l’exagération et l’extravagance féminine et dont les barbes ressemblaient à de grandes ailes d’oiseaux de mer

 

On en voyait autrefois plusieurs types très différents sur la route de Bayeux à Coutances et de Coutances à Granville, se repliant sur eux-mêmes, comme un cimier d’une ampleur demesurée. A Coutances même, Lanté en a dessiné trois types très variés. Ils se partageaient parfois en deux parties et formaient ainsi, au-dessus des barbes, une seconde paire de larges ailes blanches dont le contour, ainsi que nous l’avons dit, était maintenu par un fil de laiton sur la tête des Coutançaises qui la portaient. C’était un gigantesque papillon au vol déployé

 

Ne vous étonnez pas, après cela, que les paysannes de la Manche fussent toujours affublées du grand parapluie normand, en étoffe rouge, à baleines et anneau de cuivre, à bec de corne, qui, en ces climats humides, abritaient ces immenses coiffures. Jamais, pourtant, dit Lanté, les Normandes, ne perdaient… leurs bonnets. Ils résistaient solidement à toutes les bourrasques, parce qu’ils étaient solidement bridés et haubannés, comme leurs barques. N’oublions pas non plus les bonnets ruchés ou piqués des écailllères et des « midinettes » du Havre ; les bonnets des servantes de Varengeville, ou la simple coiffe, ouverte et tombante, en grands plis symétriques, des Polletaises, non plus que les Cornettes de Cherbourg, aux ailes relevées, assez courtes de façon à ne pas être froissées par la lanière de cuir passant sur le front et qui servait aux laitières du Cotentin à retenir leurs cannes sur l’épaule, ces belles cannes de cuivre, qu’on fabriquait à Villedieu-les-Poëles.

 

Restent encore mille coiffes qui sont des fantaisies plus ou moins originales sur le principal thème : la Coiffe de Caen, à la passe très haute, chiffonnée avec deux longues barbes, tombant de chaque côté jusque sur les épaules ; la Coiffe d’Isigny, très originale, avec sa passe ample, en forme de coeur, et les barbes étroites attachées sur le devant, descendant jusque sur le col ; la Coiffe d’Alençon, toute en lingerie, à passe haute, dont les barbes se rejoignent très plissées en arrière ; la Coiffe de Honfleur, que Lanté trouve « étroite et mal posée » et qui est charmante, avec sa passe renversée d’où se détachent deux étages de mousseline, en plissés « Soleil ».

 

Reste encore la Coiffe bayeusaine, la bonnette encore si répandue dans tout le Bessin, coiffure basse qui rappelait jadis les coiffes boulonnaises, aujourd’hui rapetissées et réduites que le peintre Levavasseur, qui exposait dernièrement à Rouen, reproduit si souvent dans ses toiles de foires ou d’assemblées normandes. Lanté ne l’a point représentée, mais Lalaisse l’a dessinée d’après un modèle ancien où elle apparaît, sur la tête d’une Caennaise, beaucoup plus haute qu’aujourd’hui.

 

N’oublions pas, à l’autre bout de la Normandie, les coiffes si originales des Granvillaises, qui ont la réputation d’être les plus jolies femmes du pays normand. Toute l’originalité du Bonnet granvillais consistait dans l’arrangement des barbes. Sur le bonnet collant à la tête, on couchait les deux barbes l’une sur l’autre, dit Mme Amélie Bosquet, puis on les ramenait du côté opposé où elles restaient flottantes. Alors, on chiffonnait l’ensemble sur le front et des droits légers dressaient là deux petites cornes séduisantes

 

Quand une Granvillaise, ainsi coiffée, apparaissait dans sa grande mante de drap blanc ou encore mieux sous son capot dont le capuchon l’emboîtait, l’effet de cette frêle et jolie coiffure était vraiment charmant et gracieux. Le capot était une espèce de manteau de drap noir – drap de Saint-Cyr, dit Lanté – doublé de flanelle ou de satin blanc, surmonté d’un collet, d’où se rabattait le capuchon ou capot maintenu autour de la tête par la raideur de la doublure. Le capot suppléait au parapluie, dont on ne pouvait user dans cette ville battue par tous les vents de l’Océan. Toujours est-il qu’il avait donné aux Granvillaises qui le portaient, l’habitude de sedraper avec un art très féminin.

 

Bien entendu, toutes ces hautes coiffures étaient conservées dans les bonnetières si recherchées aujourd’hui dans le monde de la curiosité, petites armoires sculptées, qui n’existèrent cependant, que dans la Haute-Normandie. Le peintre Léon Le Clerc et le docteur Stephen Chauvet sont à peu près d’accord, pour dire que la bonnetière n’a point existé en Basse-Normandie. Toutes ces hautes coiffures normandes, qui faisaient l’ébahissement des Parisiens, quand ils rencontraient à Paris quelque riche fermière normande, étaient des coiffures de fête, de grande parure et d’apparat. Dans la vie ordinaire, on se contentait de coiffure plus modeste, la simple cornette, la calipette du Roumois, ou le pierrot. On remisait aussi le chignon des grands jours, le faux chignon, que les Cauchoises étaient fières d’arborer sur la nuque, dans l’échancrure de leurs hauts bonnets, car ils témoignaient par là, de leurs fortunes. Jusqu’en 1827, les jeunes paysannes dans les foires, vendaient leurs cheveux à des charlatans, qui coupaient leur chevelure en plein marché et la troquaient, suivant ce qu’en rapporte Lanté, contre quelques colifichets.

 

En temps de deuil, on voilait tous ces hauts bonnets, parfois d’un grand voile de crêpe de soie, ou si le bonnet était une coiffure basse, on couvrait sa passe d’une pièce d’étoffe noire, repliée comme un mouchoir, et qu’on appelait une thérèse. Aujourd’hui, toutes les jolies coiffes que nous venons de décrire, se sont envolées. Aussi, les fête-t-on, quand elles apparaissent encore, pour quelques heures, sur les cheveux blonds ou bruns des Normandes d’aujourd’hui

 
 

 

 
 
 
 

 

 
 
 
     
 
 
     
 
 
     
   La légende de la bavolette  
 


Paroles de Victor Chesnais

 

Refrain

Si vous voulez rester charmantes

Gardez longtemps, gardez toujours

Vos bavolettes et vos mantes,

En l'éclat de vos frais atours.

 

Un beau jour voulant à la terre

Faire un présent digne de lui

Le bon Dieu créa, doux mystère,

La Granvillaise d'aujourd' hui

Devant tant de beauté, le diable

Fut envieux du genre humain

Et dans sa malice effroyable

Il fit celle du lendemain.

(au Refrain)

 

La première était si jolie,

Dans ses brillants et frais atours

Que certes, elle eut pu faire envie

À Vévus, mère des amours ;

Sur son front blanc comme l'ivoire

Voltigeait sa coiffe de lin,

Et l'ombre de sa cape noire

Semblait cacher un doux lutin.

(au Refrain)

 

Autour de sa coquette hanche,

Comme un serpent qui l'enlaçait,

S'enroulait une écharpe blanche

Que le doux zéphyr caressait ;

Dans ce temps telle fut sa grâce,

Qu'on la renommait en tous lieux ;

Et, rien que pour suivre sa trace,

Les saints eussent quitté les cieux.

(au Refrain)

 

 

 

 

Mais cela n'était pas l'affaire

Du diable, qui rôdait autour ;

Il prétendit, dans sa colère,

Lui faire un présent à son tour.

Il vint à Paris faire emplette

D'un bonnet qu'on trouve partout ;

Et le lui mettant sur la tête

Y fit germer le mauvais goût.

(au Refrain)

 

Alors, adieu l'écharpe blanche !

Adieu la grâce ! Adieu l'orgueil !

Le capot qui cambrait sa hanche

Ne servit plus qu'aux jours de deuil.

Vous jugerez s'il fut à son aise

Le diable, en remportant le prix :

Il faisait de la Granvillaise

une grisette de Paris.

(au Refrain)

 

Remportera-t-il la victoire,

Chères mignonnes de seize ans ?

Laisserez-vous la mante noire,

Si noble dans ses plis pesants ?

Jetterez-vous la bavolette

Qui couronne vos noirs cheveux ?

Et mépriserez-vous, coquettes.

Ce qu'ont tant aimé nos aïeux ?

Non ! n'est-ce pas, ô mes charmantes,

Vous garderez longtemps, toujours,

Vos bavolettes et vos mantes...

Vous le devez bien aux amours

 

 
 
 
     
 
 
     
 

 

 


 
 

 


 
 

 

 
         
     
         
 

VIVRE EN NORMANDIE

 
         
 

Les Coiffes normandes

 Par

Georges Dubosc

Chroniques du Journal de Rouen Octobre 1924

 

Après avoir consacré une chronique à décrire l’ancien bonnet de coton, coiffure ordinaire des Normands, comment ne pas chanter le los des anciennes coiffes normandes, si élégantes, si originales, si variées, suivant les terroirs et les pays, comme les coiffes bretonnes, mais d’une autre somptuosité décorative ? Elles n’apparaissent plus dans toute leur grâce frèle et légère, mais cependant, dans quelques grandes fêtes, comme celles de Deauville, dans quelques bals normands, ou quelques réunions enfantines, on les revoit avec plaisir, sans trop connaître toutefois leurs origines, leur histoire, et surtout leur diversité et leur fantaisie élégante

 
 
         
 

Le véritable point caractéristique de la toilette normande, c’était cependant le Bonnet cauchois, la grande coiffe de mousseline qu’on rencontre, du reste, partout. Du Pays de Caux à l’Avranchin, du Roumois au Cotentin, c’était toujours la même disposition en hauteur, qui ajoutait encore à la stature de la femme normande, qui a toujours été de belle taille, tant qu’elle a vécu aux champs.

 

Michelet, qui a souvent parcouru la Normandie, n’a eu garde d’oublier cette belle allure des Normandes, grandies encore par leur bonnet.

 

Le bonnet triomphal des femmes de Caux, a-t-il dit, qui annonce si dignement les filles du Conquérant de l’Angleterre, s’évase vers Caen, s’aplatit à Villedieu. A Saint-Malo, il se divise et figure au vent, tantôt les ailes d’un moulin, tantôt les voiles d’un vaisseau.

 

Qu’était-ce au fond que cette coiffure de toile, majestueuse, riche et variée ? Qu’était-ce, sinon un souvenir du hennin du moyen âge, qui, lui-même, d’après Maillot dans ses Recherches sur le costume, s’était inspiré des hauts bonnets coniques des femmes de la Syrie et de la Phénicie antique ? Et, ainsi à travers les âges, le Bonnet du pays de Caux va rejoindre la tiare de Salammbô !... Moins fastueux que les hennins d’Isabeau de Bavière, moins hauts et arrogants que les Cornes merveilleuses que les fougueux prédicateurs du Moyen Age, entre autres Pierre de Clémangis, maudissaient comme les « cornes du diable », les bonnets normands, avaient gardé les grandes lignes des hennins d’autrefois, tempérées et modérées toutefois par la sagesse du terroir et parés d’une grâce plus légère.

 

Le véritable type de cette coiffe normande, c’était surtout le Bonnet du pays de Caux. Mme Amable Testu, qui fut une des agréables poétesses du romantisme, le décrivait ainsi:

 
     
 

« Les cheveux relevés avec soin, sont couverts d’une petite toque en drap d’or ou d’argent,sur laquelle s’attachait un grand voile de mousseline, dont les barbes descendaient jusqu’à la ceinture, bordées de dentelles de Valenciennes ou d’Angleterre. »

 

Le fait est vrai, car il y avait certaines coiffures de noces ou de fêtes des riches fermières, valant jusqu’à 1.000 ou 1.500 francs, selon les dentelles qui les ornaient. Et dans le pays de Caux, tels de ces bonnets splendides, arboraient jusqu’à neuf aunes de dentelles !

 

Les dentelles qui paraient les sabots de drap d’or des Bonnets cauchois étaient, contrairement à ce que dit Mme Amélie Bosquet, de merveilleuses dentelles normandes d’Alençon, au point de France, ou des pièces d’Argentan, que les Normandes se transmettaient de mères en filles. Les ateliers de dentellières créés en Basse-Normandie vers 1655 par Colbert, furent, en effet, très vraisemblablement l’origine des coiffes normandes.

   
     
 

On a souvent dit qu’elles dataient du commencement du XIXe siècle. A notre avis, la Coiffe normande a été adoptée en pays normand, bien antérieurement, et il y avait à l’Exposition du Millénaire normand, en 1911, un tableau de Lemonnier, appartenant, croyons-nous, au comte de Bagneux, qui représentait vers la fin du XVIIIe siècle, une Nourrice normande tenant un petit enfant dans ses bras, qui portait un superbe Bonnet cauchois d’apparat, dont on pouvait examiner les moindres détails, reproduits avec un très grand soin.

 

Les cornets de drap d’or, les carcasses des coiffes cauchoises, brodées parfois au point de couchure, agrémentées parfois aussi de cabochons, de paillettes brillantes, ont souvent été conservées. On en trouve dans l’intéressant musée Voisin, de Fauville, dans les musées de Caudebec-en-Caux ou de Fécamp, dans les petites vitrines de certaines collectionneuses

 

Mais il est plus difficile de rencontrer des Bonnets Cauchois complètement montés. Comment retrouver l’agencement presque traditionnel et spécial, suivant les terroirs et les paroisses, de ces fouillis de dentelles et de barbes retombantes ? C’était chose très difficile… et il nous souvient que lors d’une Exposition de coiffes normandes authentiques, à Rouen, on fut très heureux de retrouver – il y a une vingtaine d’années – une vieille brave femme qui de ses pauvres doigts gris que fait trembler le temps voulut bien retrouver les plis, les plissés, les complications d’un bonnet bas-normand.

 

Il est à remarquer que pendant la Révolution, les Normandes ne modifièrent pas la forme de leurs coiffes et, dit le Dr Stephen Chauvet, dans sa Normandie ancestrale, n’adoptèrent pas les coiffures révolutionnaires. Le bon sens et le traditionalisme de nos compatriotes triomphèrent de la mode.

 

Comment un tel édifice de dentelles, de toile et parfois de rubans pouvait-il tenir sur la tête des belles Normandes ? On peut s’en rendre compte par un dessin Les préparatifs de la fête villageoise Sous le bonnet, on plaçait, en effet, une sorte de serre-tête, une bande de toile étroite, parfois ruchée sur le devant, fixée fortement par derrière C’est sur ce frontal qu’on assujettissait la cornette de drap d’or et la haute coiffure aux barbes flottantes, par de grandes épingles d’or, comme les épingles de chapeau, traversant la chevelure de part en part.

 
 
 

Très souvent encore, le bonnet était aussi retenu par des brides de velours noir, fort seyantes, passant sous le menton, des gorgières, des mentonnières, et parfois sur le front, par des ferronnières. Les simples coiffes normandes qui n’étaient pas fixées sur les cornettes de drap d’or ou d’argent, dit le docteur Stéphen Chauvet, étaient montées sur des fonds de carton, recouvert généralement d’un papier bleu glacé, qui emboitaient la tête. Sur le bord antérieur de ces fonds de coiffe, étaient placés de petits ornements de cuivre, des feuilles, des fleurs, des abeilles. Sur ce carton étaient attachés des fils de cuivre, toute une armature qui soutenait intérieurement la coiffe et lui permettaient d’avoir sa forme particulière. A l’arrière de la coiffe – et Lanté en a donné plusieurs exemples – se trouvait un noeud de ruban de soie dont les deux bouts pendaient sur la nuque

 

Si diverses, si originales, si variées furent les coiffes normandes de jadis, si fantaisistes parfois qu’il a toujours été difficile de les classer et même parfois de les décrire.

 
 
         
 

En les examinant cependant de plus près, on s’aperçoit qu’elles ne sont que les transformations d’un type très simple, modifié souvent par le caprice et parfois les écarts d’un goût qui tombe dans l’exagération. Quelques auteurs et dessinateurs s’en sont seulement occupés. C’est le dessinateur Lalaisse, dans ses belles lithographies coloriées de la Normandie illustrée. Ce sont les dessinateurs des Français peints par eux-mêmes - notamment Hippolyte Bellangé et Pauquet, dans la monographie du Normand, par Emile de la Bedollière. C’est Edouard Vasse, dans une très belle série de dix grandes lithographies coloriées, dans un album paru chez Aubert.

 

C’est Hyacinthe Langlois qui a donné quelques costumes de Pont-de-l’Arche. C’est Théodore Liebart dans son livre paru en 1906, sur le Costume normand. C’est Masson de Saint-Amand, qui orne son amusant volume sur l’Estuaire de dessins coloriés représentant certains costumes. C’est encore le lyrique poète Charles-Théophile Féret, qui, en vers improvisés, a chanté tous les glorieux bonnets d’antan.

 
         
 

En Caux, la corned’abondance
 Arbore son outrecuidance

 Superbe

 Un rite grec de Canéphore
 Sur le faîte blanc lie encore La gerbe.
  
 Dieppe, dont le chignon simule
  Un talon d’un soulier de tulle

  Se pare


 Saint-Valery porte une mître ;
  Au Bois d’Enbourg prévaut ce titre

  La tiare

 

C’est encore de nos jours Les Usages et coutumes de Dieudonné Dergny, toute une suite de coiffes dessinées naïvement par Winkler : coiffes de Granville, Bretteville-l’Orgueilleuse, Cherbourg, Neuville, Formerie, Montfort-sur-Risle, Isigny, Etrépagny, Preuseville, Foucarmont, Conches, Bayeux, Les Andelys, Saint-Valery, Alvimare, Pont-l’Evêque, Menneval, Ivry, Le Tréport et bien d’autres encore.

 

Mais le seul recueil documentaire, précis, qui nous renseigne d’une façon charmante sur la variété des coiffures normandes, c’est le recueil bien connu de Lanté.

 

Lanté était un paysagiste, devenu un dessinateur de modes fort habile, qui poursuivant un travail commencé par Pêcheux, eut l’idée, en 1826, de parcourir la campagne normande et de dessiner d’après nature, toute une série de bonnets normands.

 

Déjà la Coiffe normande, qui régnait encore dans les campagnes, n’apparaissait pas dans les villes et il raconte qu’ayant trouvé chez un marchand d’estampes du Havre, un type du Bonnet cauchois de Rolleville, il fut obligé d’en coiffer une jeune fille, parente de son hôte, pour le dessiner. Son ouvrage, gravé très finement par Gastine..

 

Costumes de femmes du Pays de Caux et de plusieurs parties de l’ancienne province de Normandie paraissait chez l’éditeur Crapelet, en 1827, avec ce sous-titre : Cent cinq costumes des départements de la Seine-Inférieure, du Calvados, de la Manche et de l’Orne. A Paris, Durand aîné

 
 
       
   
 
         
 

Nombreux y sont les types du véritable Bonnet Cauchois. Ici, sur la tête d’une jeune femme, prieure d’une confrérie de Limpiville, offrant le pain bénit. Là, coiffant une jeune fille de Saint-Clair, près d’Yvetot. Là encore, avec une cornette de velours noir, coiffure de deuil de la femme d’un trésorier de l’église d’Yvetot, qui avait perdu sa mère. D’autres variétés du Bonnet Cauchois, dans toute sa pureté, apparaissent encore à Bolbec et à Saint-Valery, mais dans cette dernière ville, les pêcheuses portaient d’ordinaire, un petit bonnet en étoffe colorée, pointu comme une tiare, dont Lanté a dessiné plusieurs types, par devant et par derrière

 

Autrefois le bonnet des ouvrières de Rouen et des villages des environs, surtout de celles de Val-de-la-Haye et de Dieppedalle, aujourd’hui complètement disparu, était le Bavolet. C’était une pièce de mousseline, posée sur le milieu du front, dont la passe et le fond étaient complètement recouverts par les barbes. Celles-ci se composaient d’une longue pièce, également en mousseline, doublée dans le sens de sa largeur. On le posait par le milieu sur le front, puis on en relevait les extrémités pour les entre-croiser, l’une sur l’autre, après avoir formé un très large pli tombant jusqu’au-dessous de l’oreille. Cette coiffure, par entre-croisement, avait beaucoup de

grâce et d’ampleur.

 

Parmi les coiffes normandes assez simples et exclusivement composées de lingerie, voici le Bonnet de Lisieux, au fond petit et haut, placé tout au sommet du bonnet, avec la passe un peu flottante à laquelle se rattachent les barbes, cousues à l’entour, qui étaient très tuyautées et placées dans la partie tournant, sur les côtés. Sur ces hautes passes, on attachait aussi de riches épingles et l’on posait des noeuds de ruban et de très légères guirlandes de fleurs.

 

A Dieppe, la coiffure dont la passe formait comme un sabot relevé, les barbes plissées et tuyautées, se rabattaient sur les oreilles, en encadrant le visage de la femme d’une façon originale. Le bonnet de Lisieux était le modèle coquet et hardi, des coiffes de Pont-l’Evêque et d’Argentan.

Que citer encore ? Les grandes coiffes de la Manche, dont les fonds se développaient, s’élargissaient avec toute l’exagération et l’extravagance féminine et dont les barbes ressemblaient à de grandes ailes d’oiseaux de mer

 
     
 

On en voyait autrefois plusieurs types très différents sur la route de Bayeux à Coutances et de Coutances à Granville, se repliant sur eux-mêmes, comme un cimier d’une ampleur demesurée. A Coutances même, Lanté en a dessiné trois types très variés. Ils se partageaient parfois en deux parties et formaient ainsi, au-dessus des barbes, une seconde paire de larges ailes blanches dont le contour, ainsi que nous l’avons dit, était maintenu par un fil de laiton sur la tête des Coutançaises qui la portaient. C’était un gigantesque papillon au vol déployé

 

Ne vous étonnez pas, après cela, que les paysannes de la Manche fussent toujours affublées du grand parapluie normand, en étoffe rouge, à baleines et anneau de cuivre, à bec de corne, qui, en ces climats humides, abritaient ces immenses coiffures. Jamais, pourtant, dit Lanté, les Normandes, ne perdaient… leurs bonnets. Ils résistaient solidement à toutes les bourrasques, parce qu’ils étaient solidement bridés et haubannés, comme leurs barques.

 
 
         
 

N’oublions pas non plus les bonnets ruchés ou piqués des écailllères et des « midinettes » du Havre ; les bonnets des servantes de Varengeville, ou la simple coiffe, ouverte et tombante, en grands plis symétriques, des Polletaises, non plus que les Cornettes de Cherbourg, aux ailes relevées, assez courtes de façon à ne pas être froissées par la lanière de cuir passant sur le front et qui servait aux laitières du Cotentin à retenir leurs cannes sur l’épaule, ces belles cannes de cuivre, qu’on fabriquait à Villedieu-les-Poëles.

 

Restent encore mille coiffes qui sont des fantaisies plus ou moins originales sur le principal thème : la Coiffe de Caen, à la passe très haute, chiffonnée avec deux longues barbes, tombant de chaque côté jusque sur les épaules ; la Coiffe d’Isigny, très originale, avec sa passe ample, en forme de coeur, et les barbes étroites attachées sur le devant, descendant jusque sur le col ; la Coiffe d’Alençon, toute en lingerie, à passe haute, dont les barbes se rejoignent très plissées en arrière ; la Coiffe de Honfleur, que Lanté trouve « étroite et mal posée » et qui est charmante, avec sa passe renversée d’où se détachent deux étages de mousseline, en plissés « Soleil ».

 
     
 

Reste encore la Coiffe bayeusaine, la bonnette encore si répandue dans tout le Bessin, coiffure basse qui rappelait jadis les coiffes boulonnaises, aujourd’hui rapetissées et réduites que le peintre Levavasseur, qui exposait dernièrement à Rouen, reproduit si souvent dans ses toiles de foires ou d’assemblées normandes. Lanté ne l’a point représentée, mais Lalaisse l’a dessinée d’après un modèle ancien où elle apparaît, sur la tête d’une Caennaise, beaucoup plus haute qu’aujourd’hui.

 

N’oublions pas, à l’autre bout de la Normandie, les coiffes si originales des Granvillaises, qui ont la réputation d’être les plus jolies femmes du pays normand. Toute l’originalité du Bonnet granvillais consistait dans l’arrangement des barbes. Sur le bonnet collant à la tête, on couchait les deux barbes l’une sur l’autre, dit Mme Amélie Bosquet, puis on les ramenait du côté opposé où elles restaient flottantes. Alors, on chiffonnait l’ensemble sur le front et des droits légers dressaient là deux petites cornes séduisantes

 
 
         
 

 Quand une Granvillaise, ainsi coiffée, apparaissait dans sa grande mante de drap blanc ou encore mieux sous son capot dont le capuchon l’emboîtait, l’effet de cette frêle et jolie coiffure était vraiment charmant et gracieux. Le capot était une espèce de manteau de drap noir – drap de Saint-Cyr, dit Lanté – doublé de flanelle ou de satin blanc, surmonté d’un collet, d’où se rabattait le capuchon ou capot maintenu autour de la tête par la raideur de la doublure. Le capot suppléait au parapluie, dont on ne pouvait user dans cette ville battue par tous les vents de l’Océan. Toujours est-il qu’il avait donné aux Granvillaises qui le portaient, l’habitude de sedraper avec un art très féminin.

 

Bien entendu, toutes ces hautes coiffures étaient conservées dans les bonnetières si recherchées aujourd’hui dans le monde de la curiosité, petites armoires sculptées, qui n’existèrent cependant, que dans la Haute-Normandie. Le peintre Léon Le Clerc et le docteur Stephen Chauvet sont à peu près d’accord, pour dire que la bonnetière n’a point existé en Basse-Normandie.

 
 
 

 

     
 

Toutes ces hautes coiffures normandes, qui faisaient l’ébahissement des Parisiens, quand ils rencontraient à Paris quelque riche fermière normande, étaient des coiffures de fête, de grande parure et d’apparat. Dans la vie ordinaire, on se contentait de coiffure plus modeste, la simple cornette, la calipette du Roumois, ou le pierrot. On remisait aussi le chignon des grands jours, le faux chignon, que les Cauchoises étaient fières d’arborer sur la nuque, dans l’échancrure de leurs hauts bonnets, car ils témoignaient par là, de leurs fortunes. Jusqu’en 1827, les jeunes paysannes dans les foires, vendaient leurs cheveux à des charlatans, qui coupaient leur chevelure en plein marché et la troquaient, suivant ce qu’en rapporte Lanté, contre quelques colifichets.

 

En temps de deuil, on voilait tous ces hauts bonnets, parfois d’un grand voile de crêpe de soie, ou si le bonnet était une coiffure basse, on couvrait sa passe d’une pièce d’étoffe noire, repliée comme un mouchoir, et qu’on appelait une thérèse. Aujourd’hui, toutes les jolies coiffes que nous venons de décrire, se sont envolées. Aussi, les fête-t-on, quand elles apparaissent encore, pour quelques heures, sur les cheveux blonds ou bruns des Normandes d’aujourd’hui

 
 

 

     
 
 
 

 

     
  VIVRE NORMAND
   
  LES COIFFES
         
 

LA NORMANDIE ANCESTRALE

Ethnologie, vie, coutumes, meubles,

ustensiles, costumes, patois

Stéphen Chauvet.

Membre de la Commission

des Monuments historiques

Edition Boivin, Paris.1920

 

Les coiffes normandes, toutes plus gracieuses les unes que les autres, qu'elles soient du pays de Caux, d'Honfleur, de Lisieux, de Caen, de Vire, de Falaise, d'Argentan, d'Alençon, de Cherbourg, d'Avranches, de Coutances, dérivent du hennin médiéval, rendu plus seyant et moins encombrant par le bon goût et le sens pratique de nos aïeules. Elles furent créées au début du xix e siècle.

 

Auparavant, vers 1570, les dames de Caen et de Coutances avaient adopté pendant quelque temps, une coiffure ressemblant à celle d'Elisabeth d'Autriche.

 

Plus tard, les premières coiffures consistèrent, pour les femmes de condition inférieure, en un serre-tête agrémenté de broderies, de dentelles ou de rubans.

   
         
 

Puis vinrent les bonnets piqués qui paraissent avoir précédé un peu les grands bonnets ronds. Mais, même lorsque la mode eut généralisé les bonnets ronds, pour les fermières aisées, on les vit porter, sous semaine, le bonnet piqué hérité de leurs mères, qui était plus pratique et moins onéreux; car le bonnet rond coûtait fort cher [achat et entretien]. Il fallait en effet le donner à laver, à repasser et à remonter après chaque sortie ou presque. 11 était si fragile et craignait tellement l'ondée ou le « crachin » de notre pays que les Normandes ne sortaient guère sans un vaste parapluie dont les baleines étaient soit en vraie baleine, soit en bois ; ces vieux parapluies avaient presque toujours un petit bec en corne.

 

Les bonnets piqués étaient coniques et faits en grosse toile blanche; ils étaient parcourus de piqûres diagonales faites à la main et ornés de dessins I «rodés en laine bleue représentant des fleurs.

 

Plus tard, vinrent les grandes coiffes, dont la forme variait non seulement selon les localités, mais encore pour une même région. C'est ainsi qu'à Cou tance s, il en existait plusieurs modèles qui se portaient encore pendant la première moitié du XIXeme siècle.

 

Comme il a déjà été dit, ces coiffes coûtaient souvent fort cher. Les servantes économisaient pendant des années pour en avoir une belle. Les fermières riches les payaient jusqu'à 1.000 et 1.500 francs, selon les dentelles qui les ornaient. Certaines coiffes, comme celles du pays de Caux, contenaient jusqu'à neuf aunes de dentelles!

 

Les plus anciennes coiffes étaient ornées de ces merveilleuses dentelles d'Alençon au point de France, que les Normandes se transmettaient de mères en filles. C'est Colbert qui, en 1665, avait créé, à Alençon, des ateliers de dentellières pour lutter contre l'importation des dentelles étrangères et qui, pour les lancer, en avait imposé la mode à la cour de France.

 

Plus tard, en 1820, la dentelle d'Alençon commença à être délaissée pour la dentelle de Malines et la Valenciennes, qui coûtaient moins cher.

 

Il est à remarquer que, pendant la Révolution, les Normandes ne modifièrent pas la forme de leurs coiffes et n'adoptèrent pas les coiffures révolutionnaires et que, plus tard, elles négligèrent les excentricités, imitées de l'antique, du premier Empire. Le bon sens et le traditionalisme de nos compatriotes triomphèrent de la mode.

 

Les coiffes étaient montées sur des fonds de carton, recouverts de papier glacé, généralement bleu, qui emboîtaient la tête. Sur le bord antérieur de ces fonds de coiffes, étaient placés des petits ornements de cuivre représentant des feuilles, des fleurs, ou des abeilles. Sur ce carton, étaient attachés des fils de cuivre qui soutenaient intérieurement la coiffe et lui permettaient d'avoir sa forme particulière.

 
 

 

A la partie postérieure de la coiffe, se trouvait un nœud de ru ban en soie, dont, les deux bouts pendaient sur la nuque. Sur le devant de la coiffe, se plaçaient des épingles à boules d'or ou de doublé qui fixaient la coiffe sur le fond de carton et la garantissaient des caprices du vent. Certaines coiffes étaient, en outre, retenues par une gorgère de velours.

 

Il y a une cinquantaine d'années, les belles coiffes tombèrent en désuétude. Elles furent remplacées par de petits bonnets, munis d'une sorte de visière en toile amidonnée. Les très vieilles Normandes en portent encore. Ces bonnets furent détrônés, à leur tour, par de simples bonnets ronds, ornés de rubans. Enfin, malheureusement, depuis quelques années, les jeunes paysannes ont abandonné les bonnets qui, sans avoir le cachet luxueux des vieilles coiffes, leur seyaient assez bien, pour adopter des chapeaux, imitant plus ou moins la mode des villes et qui leur vont fort mal. Il est navrant de constater que les pouvoirs publics n'ont rien fait pour lutter, soit par des conférences, soit par des articles de journaux, contre cet état de choses.