LES MERVEILLEUSES AVENTURES LES BELLES LEGENDES DU MONT SAINT MICHEL Texte de R. Dubard-1948 Illustrations de R. Dionnet
Puis, l'évêque commanda de nettoyer et de niveler la place. Il restait au sommet une roche, qui était sans doute un ancien menhir, que tous les efforts ne purent arriver à renverser. Saint Aubert en était fort tourmenté, et il priait Dieu et saint Michel de venir à son secours. Or, un fermier des environs, nommé Bain, père de douze fils, avait été visité la nuit précédente, pendant son sommeil, par un ange, qui lui avait ordonné de se lever et de venir avec tous ses enfants au Mont pour enlever la pierre qui arrêtait les travaux. Bien qu'il ne comprit point ce dont il s'agissait, ce fermier, le lendemain matin dès la première heure se leva, et appelant ses fils, se rendit où Dieu lui avait commandé. A son arrivée au Mont, il vit l'évêque au milieu d'une nombreuse compagnie, et il fit à saint Aubert le récit de sa vision. Ils se mirent tous à l'ouvrage, lui et ses fils, poussant, creusant, s'arqueboutant tous ensemble, mais malgré tous leurs efforts, ils ne parvinrent à ébranler la pierre. Saint Aubert assistait avec une grande perplexité à ce travail, et il était évident que toutes les forces réunies étaient impuissantes à renverser ce menhir. Et comme il priait Dieu, il fut saisi d'une inspiration. Il demanda à Bain - N'as-tu pas d'autre enfant que les onze qui travaillent ici ? - Oui, un tout petit, mais il est encore au berceau. Et le Saint tout joyeux lui dit : - Va vite le chercher, et amène-le ici, car tout le monde attend. Quand Bain revint avec son nouveau né, l'évêque, après avoir prié, le prit dans ses bras, et l'appuya contre la pierre. Le père avec ses onze fils la poussait en même temps, et, ô miracle ! la pierre s'ébranla, puis roula jusqu'au bas du Mont, où elle se trouve encore. Ainsi fut ce miracle. Dieu avec un nouveau-né ébranla ce que tout un peuple ne pouvait remuer, montrant ainsi que la sainte faiblesse peut triompher de la force matérielle. Les villageois ayant fini de préparer l'emplacement de la chapelle, prirent congé et rentrèrent chez eux. Quant à Bain et ses enfants, ils rendirent grâce à Dieu pour lemiracle accompli, et de ce que le bon évêque les avait affranchi de l'impôt du feu, ce qui doit aujourd'hui se dénommer "cote mobilière", car si les noms ont changé, les impôts sont restés. Par la suite une chapelle, dédiée à saint Aubert, fut édifiée sur le rocher terrassé par Bain et ses douze enfants. |