LES CHANSONS DE BERANGER
  LE ROI D'YVETOT
         
 

Air :Quand un tendron vient en ces lieux

 

MAI 1813

 

Il était un roi d’Yvetot

Peu connu dans l’histoire,

Se levant tard, se couchant tôt,

Dormant fort bien sans gloire,

Et couronné par Jeanneton

D’un simple bonnet de coton,

Dit-on.

Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !

Quel bon petit roi c’était là !

La, la.

 

Il faisait ses quatre repas

Dans son palais de chaume,

Et sur un âne, pas à pas,

Parcourait son royaume.

Joyeux, simple et croyant le bien,

Pour toute garde il n’avait rien

Qu’un chien.

Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !

Quel bon petit roi c’était là !

La, la.

 

Il n’avait de gout onéreux

Qu’une soif un peu vive ;

Mais, en rendant son peuple heureux,

Il faut bien qu’un roi vive.

Lui-même, à table et sans suppôt,

Sur chaque muid levait un pot

D’impôt.

Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !

Quel bon petit roi c’était là !

La, la.

 

Aux filles de bonnes maisons

Comme il avait su plaire,

Ses sujets avaient cent raisons

De le nommer leur père :

D’ailleurs il ne levait de ban

Que pour tirer, quatre fois l’an,

Au blanc.

 

Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !

Quel bon petit roi c’était là !

La, la.

 

Il n’agrandit point ses états,

Fut un voisin commode

 
 
 
   

 Illustration de Marcel Bloch,

collection CPA LPM 1900

 

 
   

Et, modèle des potentats,

Prit le plaisir pour code.

Ce n’est que lorsqu’il expira

Que le peuple, qui l’enterra,

Pleura.

Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !

Quel bon petit roi c’était là !

La, la.

 

On conserve encor le portrait

De ce digne et bon prince ;

C’est l’enseigne d’un cabaret

Fameux dans la province.

Les jours de fête, bien souvent,

La foule s’écrie en buvant

Devant :

Oh ! oh ! oh ! oh ! ah ! ah ! ah ! ah !

Quel bon petit roi c’était là !

La, la.