LA REVUE ILLUSTREE DU CALVADOS    1911-1914 
   

Le meilleur mari -Décembre 1911
         
 

Le titre de ce chapitre doit être pris dans un sens restreint. Contrairement à l'homme, qui peut étendre ses recherches à loisir, la femme est, en effet, bien obligée de limiter sou option entre les quelques soupirants (Souvent très peu nombreux) qui demanderont successivement sa main. Aussi arrive-t-il, lorsqu'elle est décidée à se marier coûte que coûte, qu'elle saisisse l'« occasion » dès que celle-ci se présente, faute de savoir si elle trouvera un meilleur parti.

 

Certes, je n'ai pas le don de dire d'avance, comme certains augures d'almanach : Epousez un homme brun qui ait le nez droit ; ou : Méfiez-vous de l'homme né sons le régime de Saturne ! Mais un tantinet d'études et d'habitudes des caractères me permet de classifier les prétendus d'après les professions.

 

En tête des bons maris, je cite l'officier, le fonctionnaire, le commis d'administration. Si, avec eux, on ne roule pas toujours sur l'or, on est assuré du lendemain. Cette sécurité influe généralement sur leur caractère. En dehors des petites récriminations dues aux injustices professionnelles dont ils croiront toujours avoir à se plaindre, ils apporteront au foyer un esprit tranquille, exempt de préoccupations.

 

Fabiono Les CPA LPM n°45

 
         
 

Souvent ils sont un peu maniaques, surtout lorsqu'ils se marient tard, comme le cas est fréquent. Mais ils adorent les câlineries, et, quand ils les adorent, ils les rendent. En combattant gentiment la pipe et le café, on en fera des maris modèles.

 

Je place ensuite l'ingénieur, le chef d'administration, l'avocat, l'avoué.

 

Chez ceux-ci, il faudra déjà se résigner à des distractions à l'amour. Des responsabilités hantent les deux premiers, des occupations matérielles les deux derniers. L'avocat, l'avoué, sont fréquemment en outre par voies et par chemins. J'en dirais autant l'huissier, si j'osais me permettre...

 

En troisième lieu viennent l'industriel, le commerçant, le notaire.

 

Cette sorte de maris est peu encline à la baliverne. De gros soucis les assiègent et souvent aussi un travail intellectuel ou matériel exténuant. Nuls plus qu'eux ne tiennent à trouver dans leurs femmes, tantôt des collaboratrices effectives, tantôt, et à tout le moins, des confidentes à qui ils puissent parler affaires, la jour-née finie. La nécessité de s'initier à ce langage parait indispensable à leurs jeunes femmes. Par contre, c'est parmi eux qu'on rencontre les maris ayant l'esprit le plus large dans la gestion domestique, par la raison qu'ils alimentent abondamment le ménage et qu'ils ne s'en occupent jamais.

 

Au-dessous, je place le savant, le médecin, l'homme de lettres, l'artiste.

 

Voilà, en général, des maris déplorables. Le savant ne quitte pas sa science de la pensée. Le médecin n'a pas une minute à lui, même durant son sommeil

 

L'homme de lettres est souvent le type du vaniteux absorbé dans la préoccupation de soi-même. L'artiste est souvent suspect du côté de la fidélité. Pour les trois premiers, au moins, l'épouse compte forcément à peine. Je ne les conseille pas aux très jeunes filles, surtout aux natures aimantes et susceptibles.