LES CHANSONS DE BERANGER
  LE MARQUIS DE CARABAS
 
         
 

NOVEMBRE 1816

Air du roi Dagobert

 

Voyez ce vieux marquis

Nous traiter en peuple conquis ;

Son coursier décharné

De loin chez nous l’a ramené.

Vers son vieux castel

Ce noble mortel

Marche en brandissant

Un sabre innocent.

Chapeau bas ! Chapeau bas !

Gloire au marquis de Carabas !

 

Aumôniers, châtelains,

Vassaux, vavassaux et vilains,

C’est moi, dit-il, c’est moi

Qui seul ai rétabli mon roi.

Mais s’il ne me rend

Les droits de mon rang,

Avec moi, corbleu !

Il verra beau jeu.

Chapeau bas ! Chapeau bas !

Gloire au marquis de Carabas !

 

Pour me calomnier,

Bien qu’on ait parlé d’un meunier,

Ma famille eut pour chef

Un des fils de Pépin-le-Bref.

D’après mon blason

Je crois ma maison

Plus noble, ma foi,

Que celle du roi.

Chapeau bas ! Chapeau bas !

Gloire au marquis de Carabas !

 

Qui me résisterait ?

La marquise a le tabouret.

Pour être évêque un jour

Mon dernier fils suivra la cour.

Mon fils le baron,

Quoique un peu poltron,

Veut avoir des croix ;

Il en aura trois.

Chapeau bas ! Chapeau bas !

Gloire au marquis de Carabas !

 

Vivons donc en repos.

Mais l’on m’ose parler d’impôts !

À l’état, pour son bien,

Un gentilhomme ne doit rien.

Grâce à mes créneaux,

À mes arsenaux,

 Je puis au préfet

Dire un peu son fait.

 

 

Illustration de Marcel Bloch,

collection CPA LPM 1900

 

 Chapeau bas ! Chapeau bas !

Gloire au marquis de Carabas !


Prêtres que nous vengeons,

Levez la dîme, et partageons ;

Et toi, peuple animal,

Porte encor le bât féodal.

Seuls nous chasserons,

Et tous vos tendrons

Subiront l’honneur

Du droit du seigneur.

Chapeau bas ! Chapeau bas !

Gloire au marquis de Carabas !

 

Curé, fais ton devoir ;

Remplis pour moi ton encensoir.

Vous, pages et varlets,

Guerre aux vilains, et rossez-les !

Que de mes aïeux

Ces droits glorieux

Passent tout entiers

À mes héritiers.

Chapeau bas ! Chapeau bas !

Gloire au marquis de Carabas !